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Identité (appartenance)

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Toi aussi, homme sans qualité des villes sans exotisme, fille de rien et de tout, tu as quoi qu'ils en disent, un puits où boire une eau magique.

Tu écoutes les musiques venues de si loin, avec leur rythme si particulier, et tu rêverais de mélodies qui couleraient dans tes veines depuis des siècles.

Tu regardes ces photographies d'un ailleurs dont certains se vantent, et tu regrettes de ne pas avoir un pays natal à aimer par dessus tout, dont tu pourrais parler, quand le soir tombe, avec la mélancolie au fond des yeux.

Tu assistes aux combats, aux joutes, aux discours qui mêlent la politique et la géographie et l'histoire, et tu jalouses ces gens qui luttent pour un bout de terre collective, qui mâtinent ta langue des mots de leur langue inconnue, et tu pleures de ne pas être quelqu'un issu de quelque part, avec un passé à crier dans les micros et une culture populaire qui irriguerait tes veines. Et pourtant toi aussi, fille d'ici et de nulle-part, homme sans qualité des villes sans exotisme, tu n'as qu'à remonter le fleuve qui mène à toi-même. Tu trouveras sous le béton qui t'environnes, la terre ; au-delà des radios commerciales, des chants auxquelles il ne manque qu'une strophe – la tienne – qu'un bémol – celui de ta voix.

N'écoute plus ceux qui se vantent de leur au-delà auquel tu n'as pas accès. Tous les ailleurs, même dissimulés derrière des voiles de mystère, ressemblent à cet ici que tu n'arrives pas à aimer. Les secrets de tes ancêtres se lisent dans les vieux livres oubliés et au fond de ton âme. Si tu ne sais pas leur nom, tu sais qu'ils ont aimé et pleuré pas loin d'ici. Ne pense plus avec ce mental trop perturbé par l'école et par les médias. Entre en toi-même et descends les escaliers de ton cœur. Tout en bas, mon frère, ma sœur, se trouve la source qui nous a donné vie, qui nous a faits peuple.

Lorsque l'enfant avide cesse de chercher au-dehors ce qu'il voudrait être, lorsqu'il accepte de jouer de ses propres cordes, ses yeux se parent d'une douceur inextinguible, sa bouche trahit une puissance enivrante. Il devient une âme, il devient un reflet de l'Âme de son peuple. Et souviens-toi que tous les peuples forment l'Âme du monde. Personne n'est orphelin, mais le mensonge fait croire à la hiérarchie et au vide afin d'asservir. Délivre-toi. Tout bas. Tu n'as pas besoin de témoin. Tu es celui qui témoigne, sans palabres. Des milliers d'années forment le lit de ton fleuve intérieur, tu es celui qui est, ici et maintenant, à sa juste place, et ton histoire scintille de beauté.

 

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lundi, 03 mars 2014 | Lien permanent

”Par des matins brisés”

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La plage des Sables, 2 mars 2018 vers 17h30

 

Où sont les gens qui vivent et qui bougent aujourd'hui ?

Pas à la télévision, ni dans les médias. Ni dans les institutions. Ni dans l'art « diffus par les canaux  économiques ». Ni dans l'art « soutenu » par l’État. Ni dans les syndicats, ni dans les mouvements politiques. Sur Internet ? Dans des ZAD d'extrême gauche mouvantes ou des sphères d'extrême droite non constituées ?

Ne te trompe pas d'ennemi, ma fille. C'est pire que de se tromper d'ami, car tu mets toutes tes forces de combat contre des pantins. Alors qu'un amour qui se trompe reste un grand amour, une haine qui touche une mauvaise cible rendrait ta guerre impure et méprisable.

Aujourd'hui, ce n'est pas la liberté sexuelle ou amoureuse qui nécessite du courage et de la vérité : la liberté d'aimer est utile au capitalisme. Ce n'est pas la liberté de penser non plus, car elle est soluble, comme du sucre, dans la profusion d'idées qui circule dans le Capital. Ce n'est pas non plus l'intégrisme religieux : celui de l'islam sert à créer des nervis qui ne savent pas à quoi ils servent, celui du catholicisme sert à préserver des zones patrimoniales qui n'ont pas de force pour créer du neuf et de l'à-venir. La Petite Entreprise et le Refus de consommer sont deux bastions (qui croient dissembler, ce qui les fragilise). Mais une petite entreprise qui réussit devient Capital et une petite entreprise qui ne devient pas Capital risque sans cesse la mort par asphyxie ou l'assassinat par la loi. Quant au refus de consommer, il est trop marginal pour constituer un poids et ne fragilise que l'individu qui le pratique.

La double-vie est sans doute une solution à la fois de survie et de combat politique : s'adapter en apparence et se réserver des zones hors-champs, zones de culture, d'agriculture, de distillerie, de médecine, de religion, qui divergent radicalement de tout ce qui est officiel ou médiatique et qui n'est jamais appréhendé ni par l'administration, ni par l'argent, ni par les médias. Zones non vues, zones absentes des radars.

Il est difficile d'être solidaire aujourd'hui car tout ce qui est visible est récupéré par le capital ou par l'administration. Le capital et l'administration, malgré le désamour qui les unit, roulent ensemble vers le même but : la totalité du contrôle.

La solidarité commence en se levant le matin : ouvrir les yeux et ne pas croire au monde tel qu'il nous est montré, savoir que l'être est traqué par le capital et l'administration au moyen de la culture, de l'information et de la communication. Pas de nostalgie d'un passé mort, pas de fatalité devant un présent qui n'en est pas un. Vivre malgré le mépris profond dont on entoure ceux qui respirent encore d'une manière personnelle.

 

La parole (orale/écrite) est noyée dans le flot. Le geste noble est dénigré, tourné en dérision. L'action est vouée à nourrir le néant, avant même de naître elle est neutralisée.

L'essor du suicide s'explique parce que c'est la seule action qu'un individu non pervers peut commettre en étant sûr d'obtenir un résultat notable, réel, qui induit un changement (fut-il cessation). S'il restait un espace où la parole/le texte de l'être avait un résultat, les chiffres du suicide diminueraient. Face à des êtres humains rendus à leur puissance, même modeste, la banque et l'administration verraient leur territoire d'emprise se restreindre.

Tous les mots ont été adoubés par le capital avant même d'être prononcés. Ainsi a été torpillée la splendeur du poème. Censure suprême que la censure inutile des mots dégoupillés.

Bar-le-Duc : comment une bourgade chaleureuse et vibrante est devenue ville-zombie ? La télévision a remplacé le feu de cheminée autour duquel on s’assoit. Les parkings et les centres commerciaux aux abords de la ville ont rendu caduc le centre de la cité. Les élus administrent un système qui ne tourne plus que pour eux-mêmes, à l'échelle municipale, comme à l'échelle nationale, le pouvoir d'action s'est éclipsé sans faire de bruit. Nous faisons semblant de suivre des rites démocratiques mais le fleuve démocratique n'est plus qu'un amas de boue ; les gestes et les cris des matelots ne font illusion qu'à ceux qui sont trop petits pour apercevoir, par la passerelle, que l'eau du fleuve a été détournée. Semblant de régime, déprime insondable des citoyens qui sentent, sans mots, que la République s'est enfuie sans les prévenir.

Nous sommes pieds et poings liés par l'ignorance et par l'illusion. La vérité serait un désespoir libérateur. Quand tu comprends que tu es là, étendu sur ton lit, débile, incapable, non pas à cause d'une faiblesse de ta volonté, mais parce qu'on t'a empoisonné à ton insu et à dessein, alors, avant même la rage de la révolte, monte la délivrance du Savoir.

Conscience, tu demeures. Tu veilles. Une poussière immobile te recouvre. Un souffle intérieur pourrait reconnaître soudain ton existence.

 

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samedi, 03 mars 2018 | Lien permanent

Combattre et vivre libre

 

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Cap Canaveral, début du XXIème siècle


2082. Il est tard, ce siècle. Le froid tombe. Stella Mar interroge la diva Venexiana Atlantica :

 

Stella Mar : Venexiana Atlantica, tu as parcouru tant de routes et cueilli tant de fleurs qu’aujourd’hui, la jeunesse ouvre les yeux et se dit : « cette femme, est-ce une déesse » ?

VA : je n’ai pas cueilli de fleurs. J’ai semé des graines.

SM : et ces graines ont donné des fruits ?

VA : et ces graines ont donné des fruits. Et si le grain n’a pas lâché la vie il n’a pu se poursuivre. Tout est évangélique.

SM : Tes chansons parlent d’amour et de profondeur, d’espoir et de combats. Pourquoi ?

VA : mes chansons ne parlent pas d’espoir, mais d’espérance.

SM : tu as eu de nombreux amours et de nombreux amis. Que sont ces êtres devenus ?

VA : tous les amours sont des amis. Il n’y a ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni amant, ni amante s’il n’y a pas d’amitié. Ces êtres ont muté et nos chemins se sont éloignés, nos liens se sont brisés ou distendus. Il reste Stacyo, mon père adoptif, un chien husky, et un homme dont je ne veux pas parler.

SM : Il ne reste plus de femme ?

VA : non, depuis que la femme qui m’était chère est devenue l’homme dont je ne veux pas parler.

SM : avez-vous souffert de cet épisode ?

VA : Quand elle a changé de sexe, j’ai cru devenir folle. Puis nous réécoutâmes Bartok et tout redevint clair.

SM : Bartok ?

VA : Bartok.

SM : Bela Bartok, le pianiste ?

VA : Bela Bartok. Le pianiste.

SM : ta musique lancine dans toutes les oreilles du monde. Mais toi, quelle musique écoutes-tu ?

VA : celle du silence, quand elle se fait entendre. Et celle de Miles Yufitran, le trompettiste. J’aime réécouter ses disques. Alors je repense à celui qui me fut proche, un temps.

SM : Miles aussi s’est éloigné de toi ?

VA : nos déprimes se repoussaient mutuellement. Nos joies se faisaient mal. Nous nous aimions à l’envers. Mais j’ai pleuré le 7 ventôse de l’an 2078, quand j’ai appris sa mort, à l’aube. J’ai songé à sa sœur qu’il avait tant aimé et dont il s’était éloigné. J’ai prié pour eux.

SM : nous allons parler maintenant de cette période de ta vie qui suit l’ère éphémère, où tu dansais et chantais à New York II, et qui précède ta rencontre, dans le pôle Nord de la terre, avec le chien Stacyo, qui t’adopta.

VA : nous ne parlerons pas de cette période.

SM : que pourrais-tu nous dire, belle Venexiana ?

VA : j'ai toujours accepté de combattre, dans la solitude et dans l'échec, dans le rêve et la douleur, dans la joie et la réussite. J'ai toujours choisi de combattre et vivre libre. Il s'agissait de sauver ma tête, sauver mon coeur, sauver mon corps, sauver mon âme. J'ai fui le salariat au risque de devenir la lèpre de la société. Car, comme le servage et l'esclavage, le salariat n'est point digne de l'homme. J'ai repoussé avec violence les médias qui prostituaient leurs espaces à la publicité ; je me suis tenue éloignée de tout supermarché, de toute multinationale, de toute usure. J'ai chômé le dimanche, et parfois j'ai prié. J'ai combattu. Je ne dirai plus rien. J'ai tout dit.

SM : Comme tu le veux, Venexiana Atlantica. Tu es notre idole ; notre rêve ; notre double ; et nous t’adorons ad vitam aeternam.

VA : ne cessez jamais de m’adorer, mes frères. Adieu.

SM : Adieu, déesse.

 

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mercredi, 02 juin 2010 | Lien permanent

Militants radicaux des deux extrémités du centre

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AlmaSoror avait déjà présenté quelques Affiches des deux bouts de la politique, fasciné(e) par la percutance des graphismes au service de mouvements radicalement militants. Le graphisme de la rébellion, en quelque sorte, la puissance visuelle du côté gauche comme du côté droit des dits "extrêmes".

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Voici maintenant deux textes, émanant de deux groupes.

L'un, le "groupe de Tarnac", comme les médias l'ont appelé, anarchistes d'extrême-gauche inspirés du situationnisme. Accusés par un gouvernement de droite d'avoir décroché des caténaires de la SNCF et ralenti le trafic de nombreux trains durant de longues heures, ses membres ont été arrêtés par les meilleurs services de police français, gardés à vue le temps imparti aux dangereux terroristes, incarcérés pour certains. Nous présentons l'entrevue que Julien Coupat a donné aux journalistes du Monde, alors qu'il était en détention. (Les prisonniers ont été libérés et le dossier semble abandonné).

L'autre groupe, Génération identitaire, s'est illustré par deux actions pacifiques, ressemblant aux actions des Sans-papiers ou des Femen : ils sont montés sur la mosquée de Poitiers en protestation contre l'islamisation de la France et l'immigration de masse ; ils sont montés sur le toit du quartier général du parti socialiste aujourd'hui au gouvernement. Les membres ont été poursuivis par la justice et sévèrement punis par comparaison avec d'autres d'actions du même type, commises au service d'autres causes. Ce groupe "Génération identitaire" vient de publier, sur son site, un texte intitulé "Déclaration de guerre".

Nous reproduisons ces deux textes, l'entrevue avec Julien Coupat et la Déclaration de Génération identitaire, avec l'idée que, d'une part, bien souvent, on n'écoute ces gens que par le biais des médias, qui nous expliquent en même temps ce qu'il faut en penser ; d'autre part, on les oppose de façon catégorique puisqu'ils sont issus des extrêmes opposés, les uns internationalistes de gauche, les autres identitaires, alors que bien des aspects les rassemblent, notamment : une certaine clarté du langage, une absence de peur vis-à-vis de l'opprobre sociale, un conflit ouvert contre tous les pouvoirs et contre-pouvoirs en place, et la certitude tranquille qu'en dépit de leur petit nombre, ils finiront par gagner le pays à leur cause. Et, peut-être, cette petite chose à laquelle le Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand ne voulait pour rien au monde renoncer :

- Oui, vous m'arrachez tout, le laurier et la rose !
Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose
Que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu,
Mon salut balaiera largement le seuil bleu,
Quelque chose que sans un pli, sans une tache,
J'emporte malgré vous,
Et c'est...
- C'est ?...
- Mon panache.

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 Le Monde : (25 mai 2009)

"Voici les réponses aux questions que nous avons posées par écrit à Julien Coupat. Mis en examen le 15 novembre 2008 pour "terrorisme" avec huit autres personnes interpellées à Tarnac (Corrèze) et Paris, il est soupçonné d'avoir saboté des caténaires SNCF. Il est le dernier à être toujours incarcéré. (Il a demandé que certains mots soient en italique.)"

Comment vivez-vous votre détention ?

Très bien merci. Tractions, course à pied, lecture.

Pouvez-nous nous rappeler les circonstances de votre arrestation ?

Une bande de jeunes cagoulés et armés jusqu'aux dents s'est introduite chez nous par effraction. Ils nous ont menacés, menottés, et emmenés non sans avoir préalablement tout fracassé. Ils nous ont enlevés à bord de puissants bolides roulant à plus de 170 km/h en moyenne sur les autoroutes. Dans leurs conversations, revenait souvent un certain M. Marion [ancien patron de la police antiterroriste] dont les exploits virils les amusaient beaucoup comme celui consistant à gifler dans la bonne humeur un de ses collègues au beau milieu d'un pot de départ. Ils nous ont séquestrés pendant quatre jours dans une de leurs "prisons du peuple" en nous assommant de questions où l'absurde le disputait à l'obscène.

Celui qui semblait être le cerveau de l'opération s'excusait vaguement de tout ce cirque expliquant que c'était de la faute des "services", là-haut, où s'agitaient toutes sortes de gens qui nous en voulaient beaucoup. A ce jour, mes ravisseurs courent toujours. Certains faits divers récents attesteraient même qu'ils continuent de sévir en toute impunité.

Les sabotages sur les caténaires SNCF en France ont été revendiqués en Allemagne. Qu'en dites-vous?

Au moment de notre arrestation, la police française est déjà en possession du communiqué qui revendique, outre les sabotages qu'elle voudrait nous attribuer, d'autres attaques survenues simultanément en Allemagne. Ce tract présente de nombreux inconvénients : il est posté depuis Hanovre, rédigé en allemand et envoyé à des journaux d'outre-Rhin exclusivement, mais surtout il ne cadre pas avec la fable médiatique sur notre compte, celle du petit noyau de fanatiques portant l'attaque au cœur de l'Etat en accrochant trois bouts de fer sur des caténaires. On aura, dès lors, bien soin de ne pas trop mentionner ce communiqué, ni dans la procédure, ni dans le mensonge public.

Il est vrai que le sabotage des lignes de train y perd beaucoup de son aura de mystère : il s'agissait simplement de protester contre le transport vers l'Allemagne par voie ferroviaire de déchets nucléaires ultraradioactifs et de dénoncer au passage la grande arnaque de "la crise". Le communiqué se conclut par un très SNCF "nous remercions les voyageurs des trains concernés de leur compréhension". Quel tact, tout de même, chez ces "terroristes"!

Vous reconnaissez-vous dans les qualifications de "mouvance anarcho-autonome" et d'"ultragauche"?

Laissez-moi reprendre d'un peu haut. Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.

Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.

Dans la sphère de la représentation politique, le pouvoir en place n'a donc rien à craindre, de personne. Et ce ne sont certainement pas les bureaucraties syndicales, plus vendues que jamais, qui vont l'importuner, elles qui depuis deux ans dansent avec le gouvernement un ballet si obscène. Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d'entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.

Cette analyse sommaire du théâtre des opérations a dû s'imposer assez tôt puisque les renseignements généraux faisaient paraître dès juin 2007, sous la plume de journalistes aux ordres (et notamment dans Le Monde) les premiers articles dévoilant le terrible péril que feraient peser sur toute vie sociale les "anarcho-autonomes". On leur prêtait, pour commencer, l'organisation des émeutes spontanées, qui ont, dans tant de villes, salué le "triomphe électoral" du nouveau président.

Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée, d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur" où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.

Il importe peu, finalement, qu'il ne se trouve personne en France pour se reconnaître "anarcho-autonome" ni que l'ultra-gauche soit un courant politique qui eut son heure de gloire dans les années 1920 et qui n'a, par la suite, jamais produit autre chose que d'inoffensifs volumes de marxologie. Au reste, la récente fortune du terme "ultragauche" qui a permis à certains journalistes pressés de cataloguer sans coup férir les émeutiers grecs de décembre dernier doit beaucoup au fait que nul ne sache ce que fut l'ultragauche, ni même qu'elle ait jamais existé.

A ce point, et en prévision des débordements qui ne peuvent que se systématiser face aux provocations d'une oligarchie mondiale et française aux abois, l'utilité policière de ces catégories ne devrait bientôt plus souffrir de débats. On ne saurait prédire, cependant, lequel d'"anarcho-autonome" ou d'"ultragauche" emportera finalement les faveurs du Spectacle, afin de reléguer dans l'inexplicable une révolte que tout justifie.

La police vous considère comme le chef d'un groupe sur le point de basculer dans le terrorisme. Qu'en pensez-vous?

Une si pathétique allégation ne peut être le fait que d'un régime sur le point de basculer dans le néant.

Que signifie pour vous le mot terrorisme?

Rien ne permet d'expliquer que le département du renseignement et de la sécurité algérien suspecté d'avoir orchestré, au su de la DST, la vague d'attentats de 1995 ne soit pas classé parmi les organisations terroristes internationales. Rien ne permet d'expliquer non plus la soudaine transmutation du "terroriste" en héros à la Libération, en partenaire fréquentable pour les accords d'Evian, en policier irakien ou en "taliban modéré" de nos jours, au gré des derniers revirements de la doctrine stratégique américaine.

Rien, sinon la souveraineté. Est souverain, en ce monde, qui désigne le terroriste. Qui refuse d'avoir part à cette souveraineté se gardera bien de répondre à votre question. Qui en convoitera quelques miettes s'exécutera avec promptitude. Qui n'étouffe pas de mauvaise foi trouvera un peu instructif le cas de ces deux ex – "terroristes" devenus l'un premier ministre d'Israël, l'autre président de l'Autorité palestinienne, et ayant tous deux reçus, pour comble, le Prix Nobel de la paix.

Le flou qui entoure la qualification de "terrorisme", l'impossibilité manifeste de le définir ne tiennent pas à quelque provisoire lacune de la législation française : ils sont au principe de cette chose que l'on peut, elle, très bien définir : l'antiterrorisme dont ils forment plutôt la condition de fonctionnement. L'antiterrorisme est une technique de gouvernement qui plonge ses racines dans le vieil art de la contre-insurrection, de la guerre dite "psychologique", pour rester poli.

L'antiterrorisme, contrairement à ce que voudrait insinuer le terme, n'est pas un moyen de lutter contre le terrorisme, c'est la méthode par quoi l'on produit, positivement, l'ennemi politique en tant que terroriste. Il s'agit, par tout un luxe de provocations, d'infiltrations, de surveillance, d'intimidation et de propagande, par toute une science de la manipulation médiatique, de l'"action psychologique", de la fabrication de preuves et de crimes, par la fusion aussi du policier et du judiciaire, d'anéantir la "menace subversive" en associant, au sein de la population, l'ennemi intérieur, l'ennemi politique à l'affect de la terreur.

L'essentiel, dans la guerre moderne, est cette "bataille des cœurs et des esprits" où tous les coups sont permis. Le procédé élémentaire, ici, est invariable : individuer l'ennemi afin de le couper du peuple et de la raison commune, l'exposer sous les atours du monstre, le diffamer, l'humilier publiquement, inciter les plus vils à l'accabler de leurs crachats, les encourager à la haine. "La loi doit être utilisée comme simplement une autre arme dans l'arsenal du gouvernement et dans ce cas ne représente rien de plus qu'une couverture de propagande pour se débarrasser de membres indésirables du public. Pour la meilleure efficacité, il conviendra que les activités des services judiciaires soient liées à l'effort de guerre de la façon la plus discrète possible", conseillait déjà, en 1971, le brigadier Frank Kitson [ancien général de l'armée britannique, théoricien de la guerre contre-insurrectionelle], qui en savait quelque chose.

Une fois n'est pas coutume, dans notre cas, l'antiterrorisme a fait un four. On n'est pas prêt, en France, à se laisser terroriser par

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mardi, 13 août 2013 | Lien permanent | Commentaires (3)

Massa

Le jardin de l'hôtel de Massa est si beau que je reste encore longtemps après la fin du Comité, dans cet après-midi frais et doux, à contempler l'immobilité des arbres et la magnificence de l'automne.

Un certain silence calme mon cœur. Au premier plan sonore, mon acouphène et les cris épars des oiseaux. Au second plan, le ronronnement inégal des voitures.

La pierre de l'hôtel dort sagement, elle représente un statu quo éternel ; il est donc difficile de concevoir cette vérité que le bâtiment, auparavant situé sur les Champs Élysées, a été démonté pour être ensuite entièrement rebâti ici.

Les formes baroques des branches des arbres émaillent mon repos de fantaisie. Je sais que de l'autre côté du mur, dans les jardins de l'Observatoire, vivent de nombreux chats, nourris par les savants fous qui hantent ces lieux si proches, toujours inconnus. 

En une ou deux semaines, à mes (très nombreuses) heures perdues, j'ai lu l'intégralité des articles du blog de Didier Lestrade et j'en garde deux interrogations : qu'écrire, et comment écrire, quand on ne s'est pas identifié à une communauté ciblée, pourvue d'une culture spécifique, et vouée à une cause ? (Par exemple, les gays, la musique House, le sida, mais cela pourrait être, les basques, la langue et la pelote basques, l'indépendance du pays, ou encore les catholiques traditionnels, la messe selon saint Pie V, la lutte contre le droit à l'avortement). La deuxième interrogation, c'est de me demander quel serait l'intérêt et la profondeur de ce blog lestradien si on l'amputait des merveilleux articles sur l'entretien du jardin, qui forment un contrepoint mélodique majestueux et intemporel à la ligne éditoriale militante et communautaire ?

Hélas, quand je me reconnais dans une communauté, elle me dégoûte aussitôt au point de me rendre malade, et quand je m'investis dans une cause, ses défenseurs et leurs stratégies m’apparaissent aussitôt extrêmement discutables, critiquables, presque détestables. Même la cause animale, la plus criante, la plus muette, celle qui contient toutes les autres puisqu'il s'agit du respect intégral de l'être vivant, capable d'éprouver des sensations et des émotions.

De toutes manières, si nous étions vraiment concernés par la moindre injustice, il ne serait pas possible de rentrer chez soi le soir en longeant des corps dormant à même le macadam. Il nous serait impossible d'accepter un seul jour que les citoyens qui "travaillent" soient liés par un lien de subordination à d'autres citoyens, il nous serait impossible de valider l'existence de trois états hiérarchiques (catégories A, B et C dans la fonction publique, cadre-employé-ouvrier dans l'entreprise privée).

Nous ne pourrions pas non plus supporter que des gens soient enfermés dans des prisons quand ils n'ont pas usé de violence envers leurs semblables, ou que les enfants de l'assistance publique, c'est-à-dire dont la seule famille est la société toute entière, soient en grande partie voués à la rue, à la prostitution, à la prison, après avoir subi, en plus de l'atone organisation des services publics, de nombreux sévices commis par les agents sociaux.

Aussi, plutôt que d'embrasser une cause, un mode de vie cohérent avec nos pensées paraît une solution plus discrète, certes, mais beaucoup plus difficile à tenir : refuser de participer à ce que l'on réprouve, restreindre ses achats à un mode de production que l'on contrôle et valide, se détourner des médias subventionnés ou appartenant à des groupes côtés en bourse, et s'engager localement, à échelle d'une vie personnelle, sur tous les sujets : l'architecture autour de ma maison, les transports, le lieu et le mode de travail, l'état de santé physique et économique des personnes de mon quartier, la bien-traitance des animaux du coin, la vie des végétaux des alentours, l'état du ciel au-dessus de ma tête et du patrimoine qui m'entoure.

Nous devons venir à la gestion commune et égalitaire des zones où nous sommes. Aucun expert, aucun fonctionnaire, aucun patron, aucune entreprise spécialisée ne devrait nous priver de cette voix, de cette présence quotidienne sur tous les fronts de la vie.

Évidemment, l'après-midi a passé, voilà que le soir surgit comme une ombre immense, qui surgit de nulle-part et se couche partout, affaiblissant la lumière. Entre chien et loup, je prends une inspiration plus grande que les autres, et laisse mon souffle se vider complètement.

Les feuilles mortes jonchent les graviers et la pelouse, quel bonheur qu'on ne les ait pas aspirées. Qui a peur des feuilles mortes ? Presque tout le monde, en tout cas le monde décisionnaire et propriétaire : jardins des institutions et des particuliers, rues, places, squares, sont aspirés comme si la beauté fantastique de la mort automnale était trop symbolique pour nos vies assurées chez Axa.

Ici, à Massa, les feuilles mortes crânent, elles impulsent leur rousseur immanente, juste le temps de rappeler que tout est éphémère, et que demain peut-être est ton dernier hiver.

Mais "des yeux sans nombre ont vu l'aurore et le soleil se lève encore". Voici le soir et la paix du cœur. Voici l'automne et la mort des arbres, lente et pleine d'une douceur qui tiédit, qui froidit, en attendant le premier jour de gel.

Assise sur un banc, j'ai 37 ans, je vois des formes passer derrière les arbres et je vis intensément ce bel instant. Je n'ai pas peur. Demain n'existe pas.

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vendredi, 06 novembre 2015 | Lien permanent | Commentaires (2)

(Re)naître à la vie légale

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J'ai relu cette nuit ce très beau livre écrit par Laurent Gbagbo, en 1983, alors qu'il était exilé à Paris pour éviter de retourner encore en prison, après la grande purge des enseignants de 1982.

En voici un extrait :

 

« La démocratie suppose la reconnaissance du droit à la différence. En effet, par leurs origines sociales, par leurs éducations, par leurs formations, par les positions qu'ils occupent dans l'appareil de production, par leurs intérêts individuels et collectifs, etc, les citoyens jettent forcément des regards différents sur la société dans laquelle ils vivent et conçoivent ainsi des projets différents pour l'avenir de leur pays. Et ce sont la rencontre, le croisement, le choc, le jeu de ces différences qui font la grandeur, la puissance d'un pays, la richesse créatrice d'un peuple. Vouloir gommer artificiellement ces différences en mettant en œuvre des méthodes de coercition morales et physiques, c'est choisir la voie de la dictature. Face à la dictature, je dis non.

 

La démocratie, c'est aussi un acte d'humilité. C'est la prise en compte de la relativité des intelligences individuelles et des doctrines. C'est le respect accordé à ses concitoyens. Être démocrate, c'est reconnaître qu'on a ni le monopole de la vérité, ni le monopole de la sagesse, ni le monopole de l'amour de son pays. De ce point de vue, alors que le choix de la dictature est toujours un acte de facilité et une marque de manque de confiance en soi-même et dans le peuple, un acte de peur et de fuite en avant, la démocratie est au contraire un acte de grandeur, de confiance et de clarté. Le choix démocratique est la pleine conscience du fait que la politique que l'on mène peut être erronée, ou peut être jugée comme telle.

 

La démocratie, c'est aussi l'éducation politique du peuple. Bien sûr, cette éducation politique a toujours des limites et les quelques pays que nous avons visités nous ont instruit à cet égard. Mais on ne peut pas demander à quelqu'un de jeter un bulletin de vote dans une urne alors qu'il ne sait même pas ce à quoi il s'engage. L'éducation politique d'un peuple se fait par le développement public des idées contradictoires, par l'exposé de plusieurs voies possibles pour résoudre les problèmes nationaux. Ce sont les informations contradictoires, et par là même complémentaires, qui peuvent permettre à notre peuple de se former politiquement et de choisir une politique conforme à ses intérêts. La démocratie responsabilise alors que la dictature assujettit. De ce points de vue, le débat démocratique fait apparaître des hommes politiques alors que la dictature engendre des courtisans. Sans débat politique, un vote est un viol.

 

La démocratie c'est la suppression de la peur au quotidien, la fin de la délation permanente, la fin de la toute-puissance des secrétaires généraux du P.D.C.I. qui écrivent à tort et à travers des rapports sur leurs concitoyens ; c'est la réhabilitation de la justice républicaine. La démocratie, c'est la fin des arrestations arbitraires. C'est la fin de l'auto-censure, la suppression des tabous en matière politique. C'est donc le plein épanouissement moral des individus et de la collectivité.

 

La démocratie c'est la naissance à une vie légale. J'ai déjà indiqué l'implication heureuse qu'une vie légale peut avoir sur l'existence des citoyens qui n'auront plus à craindre d'être incarcérés arbitrairement, au gré de l'humeur d'un homme. La Cote-d'Ivoire a une Constitution. Elle n'est pas très bonne. Mais elle a au moins l'avantage d'exister. Or cette Constitution qui a été écrite et adoptée par le P.D.C.I. N'est même pas respectée par lui. En son article 7 la Constitution de Côte-d'Ivoire reconnaît l'existence de « partis et groupements politiques » ; j'ai montré plus haut le sort qui a été réservé à tous ceux qui ont voulu créer des partis. En son article 6 la Constitution met hors la loi ceux qui font une « propagande particulariste de caractère raciale ou ethnique » ; j'ai montré comment lors de l'affaire Sanwi, de l'affaire Gnagbé et du « complot de février 1982 », Houphouët et le P.D.C.I. Ont mobilisé tous les médias du pays pour lancer l'anathème et jeter le discrédit sur telle ou telle ethnie. En son article 3, la Constitution proclame que la « souveraineté appartient au peuple » et précise qu' »aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice » ; or depuis l'Indépendance Houphouët s'attribue cette souveraineté du moment que, dans sa tête, le P.D.C.I. c'est le peuple et que lui, Houphouët est le « Père de la Nation ». Non, il faut que la Côte-d'Ivoire » naisse à la vie légale.

 

La Côte-d'Ivoire est un pays sous-développé. Il nous faut donc nous battre contre cette situation que nous ne considérons ni comme une malédiction, ni comme une fatalité. Or l'histoire nous enseigne qu'aucun peuple asservi ne peut faire face efficacement aux défis de l’humanité sans avoir au préalable brisé ses chaînes. Le sous-développement dans la servitude accentue le sous-développement. Nous savons bien que la démocratie n'est pas un remède miracle qui va résoudre par enchantement tous nos problèmes. Mais elle constitue un préalable indispensable. Nous avons une agriculture à repenser pour sortir des pièges que nous a légués l'ère coloniale ; nous avons une politique énergétique à mettre en place et à mener avec constance et raison de façon à créer les conditions d'une industrialisation véritable sur l'ensemble du territoire national ; nous avons à redéfinir le rôle de l'école et l'orientation de la médecine ; en sommes nous avons à combattre la faim, la maladie, l'ignorance, la rigueur du marché international et l'appétit vorace des impérialismes ; bref, nous avons un pays à bâtir. Et cette tâche n'est pas au-dessus de nos forces. L'exécution d'une œuvre aussi gigantesque que la construction nationale exige que chacun se sente concerné ; il faut pour cela que les Ivoiriens soient impliqués dans un débat politique national, qu'ils aient une prise quelconque sur les choix fondamentaux de leur pays ; qu'ils sachent qu'ils ne sont pas des robots à qui l'on demande de produire, rien que produire, sans savoir à quoi (ou à qui) cela sert de produire. Il faut responsabiliser nos concitoyens depuis les paysans jusqu'aux plus hauts responsables de l'administration en passant par les ouvriers et les cadres du secteur privé. Une telle mobilisation implique que les Ivoiriens fassent consciemment et librement le choix d'une politique. À ce niveau, la liberté n'est plus simplement un concept moral ni une donnée politique ; la liberté est le levier le plus puissant du développement économique ».

 

Laurent Gbagbo, IN Côte-d'Ivoire, Pour une alternative démocratique

 

(Zones africaines d'AlmaSoror :

Ouverture de l'Histoire de l'Afrique noire

Un voyage féodal

Où vont les âmes ?

Le trafic à la muette

Un billet sur Mongo Béti ?

Le pouvoir de la kora

Charte du Mandé et autre faux historiques

Lettre d'un Suisse à une Allemande

L'homme des villes, sortie du livre

France-Maroc-Mali, XVIIème siècle

Fragment d'un printemps arabe

La philosophie de la révolution, extrait

Abd-el-Kader : préface de la lettre aux Français

...de commencements en commencements...

Nos papas les états-uniens

Instant banal à Ouaga)

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dimanche, 07 octobre 2018 | Lien permanent

On devrait écrire davantage de livres

"On devrait écrire davantage d’ouvrages sur l’humiliation comme moteur de l’Histoire." 

(... à prendre avec les pincettes qu'on doit prendre quand on lit un article partisan qui tente de ne pas avoir l'air partisan).

ADDENDUM fin d'après-midi

Puisque, non sans folie arbitraire, l'Union européenne en désaccord avec ses principes mêmes a arbitrairement ordonné la fermeture des médias russes RT France et Spoutnik dans toute l'Union européenne, je profite de leurs dernières heures en ligne pour recopier cet article dont je mettais le lien, avant qu'il ne disparaisse du web français. 

Auteur : Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, chercheur sur le Moyen-Orient et les relations euro-arabes, le terrorisme et la radicalisation. Il est également enseignant en relations internationales.

Titre : Face à l'humiliation historique subie par la Russie, Poutine à déjà gagné la guerre des maux

DATE 20 février 2022

Texte :

Alors que Moscou est confrontée depuis 30 ans au mépris de l'Occident et à un refus pavlovien de dialogue, Vladimir Poutine a décidé de durcir le ton face à l'expansion de l'OTAN aux frontières de la Russie. Dans ce concours mondial à l’humiliation des uns et des autres qu’est la crise en Ukraine, nous sommes pétris de maux de toutes parts depuis que les tensions régionales se sont accrues de façon exponentielle ces dernières semaines. Chaque partie en présence les exprime à sa manière au cœur d’une marmite géopolitique portée à ébullition. Pour les Etats-Unis, le retrait américain traumatique d’Afghanistan et l’humiliation vécue par Joe Biden, ne le pousse pas pour autant à la prudence du côté du front de l’Est. Il a des informations en lesquelles personne ne veut croire : il y aura guerre (volontaire ou par engrenage), et il faut s’y préparer. Et les Etats-Unis ne laisseront pas faire. Car l’idée même que Moscou envahisse un des pays de sa zone d’influence, cet étranger proche, ce pivot de son glacis géostratégique que représente l’Ukraine est inconcevable et inacceptable. Pas tant uniquement par peur de perdre un de ces pays de l’Est, traditionnellement acquis depuis l’effondrement de l’URSS à la cause occidentale et atlantiste, comme le sont désormais notamment la Pologne et les Etats baltes. Mais aussi parce qu’au nom du droit divin dont Washington a hérité à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, tel le sparadrap du capitaine Haddock, l’Europe semble toujours incapable de se débarrasser de cette tutelle politique américaine. Ce qui arrange bien la Maison Blanche et lui permet de placer ses pions et de maintenir sa présence psychologique et physique au cœur du Vieux continent. 

Pour l’Europe, la crise ukrainienne est la démonstration du fait clair et net qu’elle reste un nain politique sans autonomie sécuritaire, mais qu’en plus elle dépend toujours bien trop, avec 40% de ses importations énergétiques, du gaz de l’ogre russe. Pourtant, Emmanuel Macron comme Olaf Scholz essaient de résoudre la crise sans peser en réalité face au Kremlin, qui s’est clairement exprimé sur le sujet : ils ne sont pas des interlocuteurs privilégiés pour le président russe. Une claque diplomatique malgré l’emballement médiatique qu’avait suscité la visite du président français à Moscou.   Du côté ukrainien, on est toujours tiraillé entre l’influence russe et cette velléité d’émancipation vers le monde dit «libre», depuis l’humiliation vécue par Kiev après la perte du Donbass et le rattachement de la Crimée à la Russie en 2014. Le président Zelensky a, puisque son pays est indépendant, le choix de ses alliances y compris d’intégrer l’OTAN. Mais pour les Russes, une promesse est une promesse : les Américains ont toujours garanti à Moscou que Kiev n’y entrerait pas. La réalité est probablement plutôt qu’ils n’en veulent pas, plus qu’ils ne le veulent ou peuvent point ! 

Le dernier acteur majeur de cette histoire connaît l’humiliation depuis trente ans. C’est le lot des perdants de la grande Histoire, qui reviennent souvent par la petite porte pour se venger violemment comme la tristement démontré l’Allemagne en 1939, ou comme la Hongrie d’Orban, obsédée par l’humiliation vécue lors du traité du Trianon en 1920 qui l’avait dépossédée des trois quarts de son territoire initial. On devrait écrire davantage d’ouvrages sur l’humiliation comme moteur de l’Histoire.   Vladimir Poutine a donc régurgité ce sentiment dévorant après la chute du Mur et la fin de la guerre froide pendant près de trente ans, et a savamment mis en place depuis plusieurs années, un habile plan de bataille idéologique, politique et diplomatique pour revenir sur le devant de la scène régionale et mondiale. Il y en avait des raisons et la politique a ses raisons que la raison souvent ignore. L’Occident a nourri de mépris la Russie depuis 1991. L’avancée de l’OTAN en Europe, malgré les promesses de s’arrêter bien avant d’approcher les frontières russes, n’avait pourtant pas effarouché Boris Eltsine qui avait même proposé à l’époque l’intégration de la CEI (Communauté des Etats indépendants) à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Par la suite, Vladimir Poutine, lui-même, collaborera au tout début avec l’OTAN, en laissant notamment à Washington la possibilité de jouir de ses bases militaires au Kirghizistan après les attentats du 11 septembre 2001. Poutine par la suite offrira même à l’Union européenne une zone de libre échange commune avec l’Union douanière de l’Union eurasiatique. 

Puis ce fut la fin des concessions. Face à ce front du refus pavlovien des Occidentaux de discuter avec Moscou, le président russe finit par tourner casaque. A force de voir son pays traité comme un pays du tiers-monde, Poutine finira par dire niet dans un discours resté célèbre lors de la conférence de sécurité de Munich du 10 février 2007. Il y a en effet quinze ans déjà, ce dernier avait développé sa vision du monde et dénonçait déjà dans les mots l’unilatéralisme américain. En ces termes, il expliquait selon lui les limites et les dangers à venir d’un tel monde sans qu’à l’époque on ne prenne cela vraiment en considération comme toujours lorsqu’il s’agit de la voix russe : «J’estime que dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible mais également impossible.» Puis de poursuivre à l’époque et nous ramenant désormais à l’actualité maintenant qu’il allie la parole aux actes : «Il me semble évident que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé.»

Et c’est depuis lors que la Russie a fini par se convaincre que l’agenda américain aurait toujours un agenda agressif sur la planète (et à son égard), et que l’Union européenne se maintiendrait dans un statut de vassalité absolue à l’égard de Washington. Vassalité reconfirmée aujourd’hui avec, dans le cadre de la crise ukrainienne, la vente massive de gaz de schiste américain hyper-polluant à l’UE, au détriment même de son engagement évangélique récent en faveur du climat et de l’environnement. Reconfirmée également maintenant que Poutine s’est mis en posture d’affaiblir l’Europe par le simple fait du prince «Gazpromier» et de jouer enfin totalement le hard power et la carte de la Chine. C’est une stratégie dynamique qui affiche déjà son succès, celui de faire paniquer la Terre entière. Mais là est peut-être la limite de son succès à s’être joué de tous nos maux avec le joker chinois sur ce dossier : la position en effet délicate de la Chine sur l’Ukraine. Pékin a en effet des intérêts énormes à Kiev qui ont sûrement ajouté dans la stratégie de Poutine un point supplémentaire dans la balance pour exclure une invasion pure et simple du pays. Pourquoi ? Car le régime ukrainien, qui reste un grand centre militaro-technologique hérité du temps de l’URSS, exporte énormément d’armes à destination de Pékin. L'Ukraine couvre, en terme de sécurité alimentaire aussi, une large partie de ses besoins en maïs. Même s’il y aura toujours une méfiance réciproque sino-russe (et peut être même un jour conflit), il y a pour le moment une profonde coopération anti-occidentale des deux pays en faveur d’une ère nouvelle. C’est aussi cela l’affaissement de l’Occident dans cette histoire par la révolte, la résistance et la collusion des parias du monde d’aujourd’hui. Et la déclaration conjointe publiée il y a deux semaines par la Russie et la Chine à la suite du sommet entre Xi Jinping et Vladimir Poutine lors de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver est en cela historique. Il est clair que ce texte consacre la rupture culturelle de la Russie avec la philosophie politique traditionnellement européenne et l’adaptation de son idéologie au modèle chinois. Tout cela est de la realpolitik pure et il n’y a plus de place pour les sentiments. Car dans ce dossier ukrainien, comme dans d’autres dossiers à venir, Vladimir Poutine s’est clairement joué de nos maux et perce enfin la baudruche de l’humiliation qu'il traînait comme une croix depuis trente ans.

ADDENDUM 20h50

ça y est. Impossible d'accéder aux sites subitement interdits par l'UE. J'ai donc eu raison de recopier cet article et je regrette tous ceux, intéressants, qu'on ne pourra plus lire. C'est amusant comme l'état de droit et les libertés individuelles et publiques sont foulés au pied par des gens qui s'en réclament en permanence. Le monde du droit semble avoir été relégué dans le passé, pour être remplacé par le moralisme. 

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lundi, 28 février 2022 | Lien permanent

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