vendredi, 06 septembre 2019
Adieu, Julien Gauthier, compositeur, et bonjour éternel à ta musique
Malheureusement, je n'assisterai pas demain à l'hommage rendu au compositeur Julien Gauthier, qui était aussi l'homme qui aimait et était aimé d'une chère amie. L y sera pour nous deux.
C'est pourquoi, ce soir, j'écoute sa symphonie australe. Il l'avait composée après avoir passé de longues semaines en résidence aux îles Kerguelen, à enregistrer les sons des animaux et des éléments.
C'est au cours d'un autre voyage du Nord, un périple au Canada, où il enregistrait encore les sons de l'environnement, que Julien Gauthier est mort, d'une mort stupéfiante. Au petit matin, un grizzly est entré dans sa tente et l'a emporté.
Thou, nature, art my goddess; to thy law
My services are bound.
Ô nature, tu es ma déesse ; c'est à ta loi que sont voués mes services. Ainsi parle Edmund dans le Roi Lear, de Shakespeare. La nature prend alternativement les noms de Désir et de Cruauté.
Julien, un beau regard, une pensée solide, profonde, que nous pensions revoir et confronter encore.
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore.
Ils dorment au fond des tombeaux
Les siens, d'yeux, étaient clairs, comme sa musique qui mariait élégamment la tradition sonore et l'exploration contemporaine.
L'écouteriez-vous ? Elle est par ici, sur une page de la grande toile des vivants et des morts, tous éternels.
Le premier mouvement attire avec séduction et douceur, et, à la fin du grand voyage symphonique austral, le cinquième mouvement ressemble à une injonction à vivre debout.
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samedi, 09 mars 2019
Silences d'une âme
Je recherche l'épanouissement. Malgré ma souffrance, mon amertume, mon désespoir, ma jalousie, mon incompréhension, je suis contente. J'ai l'impression d'une injustice, quand la haine reçoit le bien et que l'amour est puni ; la dureté de coeur est récompensée par la tendresse, et l'abnégation par la solitude. L'égoisme est rétribué en argent, le partage en mépris.
Mais ce n'est peut-être qu'une apparence.
كاين اللي يبكي على زهره
كاين اللي هيبكي فوق قبره
كاين اللي شاخ في صغره
كرهنا م هاد الحيات
كاين اللي يبكي على زهره
كاين اللي هيبكي فوق قبره
كاين اللي شاخ في صغره
تلفونا الوقات
Souad Massi dans la cuisine, le soir... Après minuit. Une nouvelle information en tête, un sourire triste, des larmes qui ne jaillissent pas, un soulagement, une joie et un approfondissement du désespoir. C'est cette chanson, cette voix qui m'accompagne. L'homme qui succombe dans un asile et dont je reprends l'oeuvre, encore un enfant à naître, cette femme que j'aime et que je fais souffrir quand j'ai mal. Le cadeau de l'inconnu me soulage, signe du bienfait profond d'une ville où la violence s'efface dans la musique et le vin.
Malgré toutes les ambivalences, la gratitude l'emporte. Sans doute parce que j'ai beaucoup prié. Je remercie sainte Thérèse de Lisieux, tout particulièrement, mais aussi Marie, son Fils, Dieu... et je sais que sainte Anne travaille.
J'aime cet appartement perché, tout à l'Est de la ville. Les plantes à l'intérieur, les tours par la fenêtre, le ciel qui change l'atmosphère de mon coeur, comme un marionnettiste. Mettre un enfant au monde, c'est lui promettre tant de souffrances ! Mais une fois qu'il est là, son regard unique enrichit le monde. Car je crois à l'âme de chacun.
Chaque homme est une personne, chaque bête aussi. L'homme et la bête se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Et dans la nuit de ce vingtième arrondissement, je ne peux pas dormir. La nausée est passée, il demeure l'attente. attendre quoi ?
Attendre pour le plaisir d'attendre, ce léger enivrement, cette quiétude trouble. Qu'il existe ou qu'il n'existe pas, Dieu m'a sauvée. Lui seule pouvait le faire.
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samedi, 05 avril 2014
Un samedi soir dans un port en avril
Oh mes amis, j'ai passé une journée schizophrène, entre une obsession de plomberie autour du pauvre évier et la lecture de Psyché, de Pierre Louÿs, cet écrivain étrange. Tu sais quoi ? Même la promenade à la Chaume, dans ses ruelles (rue de l'Amour, rue des Soupirs, pour finir coincée dans l'impasse des Garçonnes) n'a pas réussi à vider ma tête de la lessive de soude à insérer dans la tuyauterie dévissée sous l'évier ni des hésitations langoureuses et terrifiantes de Psyché Vanetty.
J'ai vissé, dévissé, débouché, et contribué à des forums en ligne sur l'efficience ou la maléfficience du marc de café dans les canalisations. J'ai lu et relu les atermoiements épouvantables et fascinants de Psyché ("Il n'y a pas de honte à craindre Satan. Un homme se défend contre un homme, il ne se bat pas contre un fléau. Ce n'est pas de montrer une âme faible que de s'enfuir devant l'orage, ma fille, ou devant l'amour, car nos bras humains ne sont pas assez forts pour lutter contre le feu du ciel, ni contre celui de l'abîme").
Alors, comprenez que le soir, j'ai mis un billet de 20 euros dans ma poche, une veste Zara sur mon jean Zadig, et je suis sortie pour marcher dans la ville, jusqu'au port, dans cette brume troublante qui engourdissait les maisons. Je suis arrivée aux abords de la Roulotte. Elle est belle, elle est bleue, une agréable odeur de friture bio s'en dégage. Je me suis approchée timidement, les mains dans les poches, tentant d'avoir l'air intelligent et détaché. Je commandai la seule chose qu'il s'y sert : un fish & chips, que j'agrémentais d'une bière Chiens de Perrins de l'Île d'Yeu, car les frites aiment être arrosées. La moutarde semblait bonne, j'en tartinai mes frites d'une couche épaisse et je m'assis au bord du port, rêveuse et solitaire.
Car j'étais solitaire. L'évier et Pierre Louÿs diparurent, laissant la place à deux goélands patibulaires qui matèrent ma gueule sans sympathie et dévisagèrent mon fish & chips avec un intérêt certain. Tu vois, j'ai mangé sans leur accorder le moindre regard, car j'ai vu Birds, le film d'Hitchcock, et je sais à quoi m'en tenir. Au lieu de cela j'ai laissé mon esprit divaguer dans les eaux du port des Sables, puis sur les bâtiments de tôle de la coopérative maritime Cavac. Et la bière pétillait au fond de mon âme, brune, comme un sortilège levuré. Et le temps s'effaça.Quand tout fut fini, je lançai les restes aux goélands, qui crièrent de joie en se précipitant vers les miettes, et repris le chemin de mon antre, par l'océan.
Une bruine tombait au bord de la plage. La marée montait, la température baissait. Je tendais mon visage au ciel pour quémander des gouttes de bruine. J'aimais vivre. Ce n'est qu'en approchant du cours Blossac que je sentis la nuit tomber. Dans un bar, des jeunes hurlaient, pour célébrer, sans doute, un match de foot ou un anniversaire. En quelques minutes, l'air frais et bleu ciel se transforma en pénombre lourde. La pluie se fit plus drue. Moi qui, quelques instants auparavant, levai mon visage pour ne pas manquer une précieuse goutte, je le rentrai désormais dans mon cou pour me protéger, inconstance de la météo et de l'esprit humain. Et puis, la pénombre devint ténèbre. Je songeai à cette phrase que Jérôme Delvaux avait écrit, sur son blog depuis défunt, Sublimation : « il m’invite à honorer avec lui notre maîtresse favorite, la seule qui continue de nous surprendre après des milliers d’étreintes passionnées : la nuit ». La nuit est une amante trop lilithienne pour mes bras chétifs, pour mon âme faible, pour mon corps apeuré. Je préfère le soir, plus amène, plus ambigu, moins fou. Le soir est tout aussi beau que la nuit.
Et puis je rentre dans l'immeuble dont chaque centimètre carré exhale l'atmosphère des années 1950, je tourne la clef dans une porte destinée à être condamnée, je pénètre dans le lieu où l'évier est guéri, ou Pierre Louys se rendort pour toujours, et j'écoute la musique de Mondkopf.
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mardi, 20 août 2013
20 août, billet anniversaire
Es-tu né dans un port, Jean de La Ville de Mirmonts ?
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lundi, 22 avril 2013
Dialogue entre celui qui peint et celui qui compose
- Comment fait-on des choses belles ?
- En se dégageant de soi et en exigeant de viser le plus haut.
- Oui, c'est vrai. Mais il doit y avoir autre chose...
- Oui, le rythme, la musique peut-être.
- Et la couleur.
- Oui.
- Mais il faut encore autre chose, pour atteindre une certaine puissance.
- Le côté tranchant comme un mouvement de sabre dans un combat, droit au but, avec souplesse : le bon geste.
- Ou bien la profondeur intangible du chatoiement, comme chez le peintre Turner.
Merci à Sara pour l'aide à la traduction.
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mercredi, 06 février 2013
Carte d'identité musicale
Je ne fume plus ; je ne veux pas travailler. Que faire ? Je succombe à la tentation d'élaborer, de façon forcément aléatoire, ma carte d'identité musicale, à la suite de Music Lodge.
Musicien que vous admirez le plus :
Richard Wagner
Groupes / artistes qui ont le plus compté dans votre adolescence
Tracy Chapman, Barbara, the Doors, Leonard Cohen, Daniel Balavoine, Patricia Kaas
Styles musicaux favoris :
Rock, classique, musique de films, grégorien
Un album
Tracy Chapman (l'album éponyme, comme on dit)
Une chanson
The Stranger Song, de L.C
Une oeuvre classique
Le miserere d'Allegri
Groupes / artistes qui vous ont le plus marqué (par ordre d’apparition dans votre vie, et 15 max.)
Ennio Morricone, The Doors, Barbara, Preisner, Ligeti, Schubert, Arvo Pärt, Terje Rypdal
L'artiste qui vous a le plus fasciné en live :
Aucun, je ne vais jamais au concert.
Si, en fait : le quatuor Ludwig, interprétant les 7 dernières paroles du Christ en Croix, de Haydn. C'était en 2011
Plaisir coupable (3 max)
Starmania ; Era ; le Grand Bleu
Jouez-vous (ou avez-vous joué) d’un instrument, si oui, le(s)quel(s) :
Guitare, chant, piano
Ce que vous préférez en musique :
Planer dans des zones où je ne me reconnais plus moi-même, ou je m'oublie, ou j'oublie le monde, ou, au contraire, être traversée d'admiration pour ce qui a lieu,la maestria avec laquelle l'oeuvre a été composée.
Par quel biais découvrez-vous de nouveaux artistes et albums :
blogs, ouïe-dire
Lisez-vous toujours la presse musicale (si oui, quels magazines) :
non
Combien de temps passez-vous à écouter de la musique :
Deux heures par jour, en ce moment, grâce à Grooveshark. Ça n'a pas toujours été le cas. Parfois, dans ma vie, durant de longs mois je n'écoute pas de musique, tout simplement parce que je n'ai pas l'instrument adéquat.
Hors de votre univers musical :
Groupe / artiste “respecté” que vous n’avez jamais supporté :
Noir Désir, trop moraliste (les FN y sont méchants et les gauchos y sont gentils et l'argent c'est pas bien et le peuple c'est bien oh yeah)
Styles musicaux que vous détestez le plus (3 max.)
Musique de supermarché, quelle qu'elle soit ; rap victimaire de débiles qui se croient malins de haïr la France qu'ils squattent.
Genre musical qui ne vous a jamais touché, mais que vous ne méprisez pas pour autant :
Le ska, l'opéra
Ce qui vous rebute le plus en musique :
Le bruit
Chanteurs que vous détestez viscéralement (5 max) :
Si c'est un rejet viscéral, je ne les connais même pas car je m'enfuis avant la fin...
Trois tubes que vous haïssez plus que tout (vous avez beau être pacifique, le simple fait de les entendre vous donne des envies de meurtre)
Femme libérée ; Allo maman bobo ; un homme O comme ils disent...
Pour finir sur une note positive, vos dernières grandes claques musicales cette année (3 max.) :
Jan Gabarek, Angelo Badalamenti, Frank Martin, mais sont-ce des claques ?
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lundi, 30 juillet 2012
Le monde, cet hôpital...
"Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté".
Un extrait de Jean-Christophe, de Romain Rolland
Christophe et Olivier se lancent à corps perdus dans les luttes sociales, après qu'une famille ouvrière de leurs voisinage - les parents et cinq enfants - s'est suicidée de misère.
Nous sommes à peu près en 1910. Le roman a été publié en 1912.
[La souffrance] "remplissait le monde. Le monde, cet hôpital... Ô douleurs, agonies ! Tortures de chair blessée, pantelante, qui pourrit vivante ! Supplices silencieux des coeurs que le chagrin consume ! Enfants privés de tendresse, filles privées d'espoir, femmes séduites et trahies, hommes déçus dans leurs amitiés, leurs amours et leur foi, lamentable cortège des malheureux que la vie a meurtris ! Le plus atroce n'est pas la misère et la maladie ; c'est la cruauté des hommes les uns envers les autres. Àpeine Olivier eut-il levé la trappe qui fermait l'enfer humain que monta vers lui la clameur de tous les opprimés : prolétaires exploités, peuples persécutés, l'Arménie massacrée, la Finlande étouffée, la Pologne écartelée, la Russie martyrisée, l'Afrique livrée en curée aux loups européens, les misérables de tout le genre humain. Il en fut suffoqué ; il l'entendait partout, il ne pouvait plus concevoir qu'on pensât à autre chose. Il en parlait sans cesse à Christophe. Christophe, troublé, disait :
- Tais-toi ! Laisse-moi travailler.
Et comme il avait peine à reprendre son équilibre, il s'irritait, jurait :
- Au diable ! Ma journée est perdue ! Te voilà bien avancé.
Olivier s'excusait.
- Mon petit, disait Christophe, il ne faut pas toujours regarder dans le gouffre. On ne peut plus vivre.
- Il faut tendre la main à ceux qui sont dans le gouffre.
- Sans doute. Mais comment ? En nous y jetant aussi ? Car c'est cela que tu veux. Tu as une propension à ne plus voir dans la vie que ce qu'elle a de triste. Que le bon Dieu te bénisse ! Ce pessimisme est charitable, assurément ; mais il est déprimant. Veux-tu faire du bonheur ? D'abord, sois heureux !
- Heureux ! Comment peut-on avoir le coeur de l'être, quand on voit tant de souffrances ? Il ne peut y avoir de bonheur qu'à tâcher de les diminuer.
- Fort bien. Mais ce n'est pas en allant me battre à tort et à travers que j'aiderai les malheureux. Un mauvais soldat de pus, ce n'est guère. Mais je puis consoler par mon art, répandre la force et la joie. Sais-tu combien de misérables ont été soutenus dans leurs peines par la beauté d'une chanson ailée ? À chacun son métier ! Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté. - Mon premier devoir, c'est de faire ce que je fais, et de vous fabriquer une musique saine, qui vous redonne du sang et mette en vous le soleil.
Pour répandre le soleil sur les autres, il faut l'avoir en soi. Olivier en manquait. Comme les meilleurs d'aujourd'hui, il n'était pas assez fort pour rayonner la force à lui tout seul. Il ne l'aurait pu qu'en s'unissant avec d'autres. Mais avec qui s'unir ? Libre d'esprit et religieux de coeur, il était rejeté de tous les partis politiques et religieux".
Romain Rolland, in Jean-CHristophe
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jeudi, 29 mars 2012
Musiques de notre monde
Billet dédié à Sara
Les passions sont létales et les armes fatales. La musique sert souvent d'appât. Pourtant, si elle sait faire chuter, elle peut aussi sauver : elle peut sauver l'individu, l'amour, le monde...
Je ne veux pas classer les musiques en fonction de leur mode de financement et de diffusion, ce qui donnerait : musique contemporaine, musique de film, pop rock & folk, musique du monde, variété...
Mais parler des musiciens que j'ai découverts, qui me sont à peu près contemporains, que j'écoute et que j'aime. Dire deux ou trois choses que je sais d'eux et vous proposer d'écouter...
Simple exposition de quelques musiciens que j'aime écouter, ce tout petit parcours n'est ni exhaustif, ni structuré. En outre, j'ignore dans ce billet la chanson, je me cantonne aux musiques qui ne servent pas de texte (un texte peut éventuellement les servir...)
Olivier Greif
« Un jour viendra – je ne serai plus de ce monde – où ma musique vous submergera de son évidence ».
Un pays ? La France. Une religion ? La judaïté, en quelque sorte, et la philosophie indienne. Madame la mort l'a abattu en 2000.
Trio pour piano :
Terje Rypdal
Un pays ? La Norvège. Un métier ? Electro-guitariste et compositeur.
Une religion ? La Nature.
Se laisser envelopper par un vaisseau de son et partir en voyage loin, loin dans les profondeurs du monde imaginal.
Double concerto, second mouvement :
Planer dans les volutes de l'orgue minéral, se laisser caresser par la guitare qui tente des approches douces et moins douces. Sentir les percussions qui montent des entrailles.
Arvo Pärt
Un pays ? L'Estonie. Une religion ? Le christianisme orthodoxe. Une révélation dans sa vie ? Le plain-chant grégorien.
Da pacem :
Anouar Brahem
"C'est la nature de la musique et l'exigence de la composition qui déterminent
le rôle de l'instrument."
Un pays : la Tunisie. Un amour : le oud (luth). Une inspiration : deux ! Le jazz et la musique traditionnelle de oud.
Astrakhan Café
Biosphere
L'homme qui se cache derrière Biosphere s'appelle Geir Jensson.
Un pays ? La Norvège. Une religion ? Deux ! La nature et la technique.
Son site officiel...
Laïka s'inspire sans nul doute de la pauvre petite chienne qu'AlmaSoror avait évoquée ici. J'imagine que Biosphere a voulu relater l'expérience intérieure de Laïka en musique. Pardonne-nous, Laïka. Qu'Anubis ait ton âme.
Ennio Morricone
Le maestro italien de la musique de films, et pas peu des westerns spaghetti. Un pays ? L'Italie. Une religion ? L'Italie (et le catholicisme, il a dédié un oratorio au pape Jean-Paul II).
Le vent, le cri
Henryk Gorecki
Un pays ? La souffrante, la bien-aimée Pologne. Une religion ? Le souffrant, le bien-aimé catholicisme.
Il s'est rendu à la Faucheuse en 2010.
Amen
Frank Martin
Suisse, fils de pasteur, musicien discret et profond comme le mystère. Caché derrière son élégance et sa beauté physique, le sens de son art se révèle au fur et à mesure des écoutes. Frank Martin est mort en 1974.
Petite symphonie concertante :
Zbignew Preisner
Un pays ? La Pologne. Un ami ? Le cinéaste Krzysztof Kieślowski. Une originalité ? Il n'a aucune formation musicale académique.
Tu viendras, morceau issu de la bande originale du film La double vie de Véronique, de Kieslowski.
Vangélis
Un pays, la Grèce.Une collaboration : le cinéaste Ridley Scott (sur deux films, Blade Runner et 1492 : Christophe Colomb).
Voici un extrait de la bande originale du film 1492, intitulé Conquest of paradise.
C'était un voyage à travers cette musique que j'aime et écoute si souvent. Je vous remercie de l'avoir partagé.
Merci aux internautes ayant mis en ligne ces vidéos que j'expose ici.
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mercredi, 09 novembre 2011
Jean-Christophe - 8 novembre 2011
"La cruauté envers les animaux et même déjà l’indifférence envers leur souffrance est à mon avis l’un des péchés les plus lourds de l’humanité. Il est la base de la perversité humaine. Si l’homme crée tant de souffrance, quel droit a-t-il de se plaindre de ses propres souffrances ?"
Romain Rolland
Frère et Soeur Rolland
Romain Rolland a inventé l'expression « roman-fleuve » ; il a inventé l'expression « sentiment océanique », qu'on trouve dans sa correspondance avec Sigmund Freud. Il a milité pour l'Europe fraternelle ; il a été l'ami de Tolstoï et de son disciple Gandhi ; il a, comme eux, défendu les animaux. Il a été un pionnier de la musicologie.
Son roman Jean-Christophe, qui lui a fait obtenir le prix Nobel, a rendu ardents et fébriles d'enthousiasme des jeunes gens du monde entier pendant toute la première partie du XXème siècle. Dans le monde communiste il est demeuré un héros. Aujourd'hui, il est plus lu et étudié à l'étranger qu'en France.
Mais son Jean-Christophe a été conçu, et les premiers jets ont été écrits au 162 boulevard du Montparnasse, dans l'obscurité.
C'est pourquoi, aujourd'hui, dans l'obscurité, un petit groupe de têtes fêlées se rassemble au 13 boulevard du Montparnasse le mardi soir, pour lire à voix haute le premier roman-fleuve, l'histoire de Jean-Christophe Krafft.
Phot Sara
La première « lecture du mardi » a eu lieu hier. Elle était accompagnée d'un Monbazillac blanc moelleux et d'une fourme du Puy de Dôme.
A mardi prochain, frères lecteurs, pour un autre chapitre, un autre fromage, un autre vin. A mardi prochain, pour la messe de Jean-Christophe.
Les officiants d'hier : Laure ; Alexandre ; Francis ; Vincent ; Dominique ; Jean-Pierre ; Stéphanie ; Emmanuel ; Edith
Conseils de lecture :
Ce passage sur la musique, de Jean-Christophe
La nouvelle "Le prophète", de Thomas Mann
Ciel Mental, par Mavra
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samedi, 20 août 2011
Tu es la mer intérieure. Tu es l'âme profonde.
Ils sont si peu nombreux, de nos jours, ceux qui ont lu Jean-Christophe, le roman-fleuve et fleuve musical de Romain Rolland, publié au début du XXème siècle.
« Le corps et l’âme s’écoulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde. Dans tes prunelles claires, le visage morose de la vie ne se mire. Au loin de toi s’enfuient, comme le troupeau de nuées, le cortège des jours brûlants, glacés, fiévreux, que l’inquiétude chasse et qui jamais ne durent.
Toi seule tu ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, à toi seule. Tu as ton soleil, tes lois, ton flux et ton reflux. Tu as la paix des étoiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, - charrues d’argent que mène la main sûre de l'invisible bouvier.
Musique, amie sereine, que ta lumière lunaire est douce aux yeux fatigués par le brutal éclat du soleil d’ici-bas !...L’âme qui se détourne de l’abreuvoir commun, où les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce à tes mamelles le ruisseau de lait du rêve. Musique, vierge mère, qui portes en ton corps immaculé toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-pâle qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, - tu es par delà le mal, tu es par delà le bien ; qui chez toi fait son nid vit en dehors des siècles ; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour ; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.
Musique qui berças mon âme endolorie, musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, - mon amour et mon bien, - je baise ta bouche pure, je cache mon visage dans tes cheveux de miel, j’appuie mes paupières qui brûlent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumière ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette ; et blotti sur ton coeur, j’écoute le battement de la vie éternelle ».
Romain Rolland - Jean-Christophe
Jean Christophe sur Une bibliothèque au 13
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mercredi, 09 mars 2011
Concierto de Aranjuez
« Pour moi, un instrument est un rêve vivant qui croît et évolue selon les nécessités de la musique ».
Continuons, continuons, continuons ce long, lent et étrange travail de recopiage des pochettes de disques vinyles, ces pochettes dont on relisait sans cesse les textes bien pensés et bien écrits. Voici deux textes issus de la pochette du disque Concierto de Aranjuez, publié par Deutsche Grammophon nous ne savons quand, puisque comme souvent sur les pochettes de microsillons, celle-ci n’indique pas de titre.
Les deux textes sont de l’interprète, le guitariste Narciso Yepes. L’un concerne les œuvres qu’il interprète dans ce disque ; l’autre est une note explicative à propos de sa particularité de jouer sur un guitare à dix cordes.
Deutsche Grammophon
Joaquin Rodrigo
Concierto de Aranjuez
Fantasia para un gentilhombre
Narciso Yepes, guitare
Orchestre symphonique de la R.T.V. espagnole
Direction Odon Alonso
139 440 Gravure universelle
Pas de date !
Le Concerto d’Aranjuez a été écrit pour Regino Sainz de la Maza. La Fantaisie pour un Gentilhomme a été dédiée à Andrés Segovia. Je les ai faits miens parce que, pendant de longues années, j’ai appris à les comprendre et à les aimer. Les deux concertos ont des traits communs : la verve de Rodrigo et sa tendresse à exprimer des mélodies pures. Ils divergent par leur esprit.
Le Concerto d’Aranjuez est le premier concerto pour guitare et orchestre écrit par un compositeur contemporain. Rodrigo lui a donné le nom de la ville d’Aranjuez, parce que la petite ville verdoyante au bord du Tage, avec ses Palais et ses jardins tracés à la française, est caractéristique du XVIIIème siècle espagnol. Pour moi, le Concerto d’Aranjuez est un jeu de lumières et de sentiments.
Le premier mouvement est la pointe du jour en Castille. La terre est recouverte de lumière en quelques instants. Tout est frais, tout est jeune, avec cette pointe de piquant qui fait le cachet de la musique de Rodrigo. C’est pourquoi je joue le premier mouvement avec une intention de joie et de jeunesse.
Le deuxième mouvement est l’après-midi sans hâte, qui se prête aux confidences. La lumière est plus douce, le temps ne compte pas : ce sont des moments de paix qui tiennent de l’éternel. Les contrebasses et les cordes marquent, avec persistance, le rythme d’un cœur géant. Je laisse chanter la guitare en toute liberté, mais toujours à l’intérieur de ce battement du cœur, égal à lui-même. Ma version est différente de celle qui se trouve dans la partition : Rodrigo et moi avons fait des modifications alors que la partition était déjà publiée. J’enchaîne aussitôt le troisième mouvement pour ne pas briser la tension créée au second. Rodrigo le pensait ainsi puisqu’il a commencé le troisième mouvement dans la tonalité du second. La jonction se fait sans coupure, puisque dans le « tutti » de l’orchestre, il revient au ré majeur, tronc tonal du concerto.
Le troisième mouvement est le soleil de midi, quand la lumière est cinglante et que les ombres n’existent pas. Rodrigo fait une pirouette pour ne pas s’attacher au dramatisme du second mouvement. C’est pourquoi j’essaie de lui donner un ton enjoué et dynamique.
La Fantaisie pour un Gentilhomme évoque le XVIIème siècle espagnol. C’est le Siècle d’Or, l’Espagne prestigieuse. Très souvent on m’a posé la question : « Quel est le Gentilhomme pour qui est écrite la « Fantaisie » ? » Le Gentilhomme est Gaspar Sanz, guitariste, organiste, compositeur, musicologue et licencié en théologie. Rodrigo emprunte à ce parfait gentilhomme du XVIIème siècle espagnol, les thèmes qui constituent la Fantaisie.
Villano est une danse d’origine villageoise. Ricercare est le nom italien du « Tiento » espagnol, ou improvisation à plusieurs voix.
Españoletas est une danse majestueuse toujours en mode mineur.
Fanfare de la Caballeria de Nàpoles est une danse guerrière d’une armée en marche.
Danza de las Hachas est une danse très ancienne, la danse espagnole des flambeaux.
Canarios est écrit sur les rythmes caractéristiques de la musique espagnole : le ¾ alternant avec le 6/8, que l’on trouve déjà dans les Cantigas d’Alphonse le Sage. Rodrigo a dit à propos de sa Fantaisie pour un Gentilhomme : « J’aimerais que Gaspar Sanz, s’il pouvait l’entendre, dise : ce n’est pas moi, mais je m’y reconnais ». J’ajouterais volontiers que j’aimerais qu’à travers Gaspar Sanz, à travers Rodrigo et aussi à travers moi-même, on reconnaisse le sceau de la musique espagnole et qu’on l’aime.
Narciso Yepes
La guitare à dix cordes
J’ai beaucoup réfléchi avant d’ajouter quatre cordes à ma guitare. Depuis bientôt dix ans que je donne des concerts dans le monde entier avec mon instrument ainsi transformé, je me félicite sans cesse d’avantage de ma décision.
En premier lieu, les quatre cordes supplémentaires lui confèrent un équilibre sonore que la guitare à six cordes est loin de posséder. En effet, au moment où l’on joue une note sur une corde, une autre se met à vibrer par résonance sympathique. Sur une guitare à six cordes, ce phénomène se produit seulement sur quatre notes tandis que, sur la mienne, les douze notes de la gamme ont chacune leur résonance par sympathie. Ainsi la sonorité boiteuse de la guitare à six cordes se transforme-t-elle en une sonorité plus ample et égale sur une guitare à dix cordes.
En second lieu, je ne me contente pas de laisser vibrer passivement par sympathie les cordes ajoutées, je les utilise, je les joue selon les exigences de la musique à interpréter. Je peux régler le volume des résonances, je peux aussi les supprimer. Je peux en éteindre une si celle-ci me gêne dans un passage donné mais, si je puis le faire, c’est précisément parce que je dispose des résonances. Cela me permet de modifier à mon gré non seulement le volume, mais aussi les couleurs sonores.
En troisième lieu, la guitare à dix cordes m’ouvre des possibilités très vastes dans le domaine de la musique ancienne, surtout celle écrite originellement pour le luth. J’accorde les quatre cordes supplémentaires de différentes manières : je dispose de basses dont la guitare à six cordes est dépourvue et il m’est ainsi possible de jouer sans transcription grand nombre de manuscrits. La quatrième qualité est l’intérêt que la guitare à dix cordes a suscité parmi les compositeurs contemporains. Elle offre des ressources nouvelles et la musique écrite pour ma guitare à dix cordes en est le vivant témoignage.
Quelques personnes m’ont accusé de dénaturer la guitare traditionnelle. Je ne l’ai ni changée, ni appauvrie ; je l’ai agrandie. Pour moi, un instrument est un rêve vivant qui croît et évolue selon les nécessités de la musique. Tous les instruments suivent une évolution. La guitare, elle aussi, a connu à travers les siècles des formes diverses et un nombre de cordes différent. Je possède des manuscrits fort intéressants de Antonio Jimenez Manjon, compositeur et guitariste espagnol du XIXème siècle, qui a écrit pour une guitare à onze cordes !
A ceux qui m’objectent la difficulté du jeu, je répondrai ceci : la guitare a dix cordes m’a posé des problèmes et me les pose encore. Elle m’a forcé à une recherche plus profonde, plus créatrice. Jamais je n’ai reculé devant l’effort quand cet effort a un sens. J’ajouterai encore que le domaine de l’art ne s’ouvre qu’à ceux qui ne reculent pas devant un travail honnête de concentration et d’approfondissement.
N. Yepes
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jeudi, 05 août 2010
Les Basaltiques
Les Basaltiques
Opus en trois chants
Production AlmaSoror
Label Vol libre musica
Composé et réalisé en 2048, par deux musiciens-chanteurs qu’on croyait finis, les Basaltiques est une œuvre musicale d’une durée d’une heure et sept secondes. Les voix erratiques de John Peshran-Boor et Venexiana Atlantica, escaladant leurs instruments sulfureux, nous hissent aux sommets de la musique Beith.
L’année précédente, l’alliance entre John Peshran-Boor et Bob Mushran donna un alliage musical dissonant, avec le disque Lactose sidérale.
Les deux dieux de la musique Beith se sont fâchés. C’est donc vers la diva Venexiana Atlantica, native de Saint Jean en Ville -la ville blanche, encore nommée ville aux salamandres - que John Peshran-Boor s’est tourné pour continuer sa démarche de cocréation.
L’opus qui résulte de cette collaboration déçoit par son conformisme, et souffre de la comparaison avec Lactose sidérale. Il étonne, cependant, par son son épuré. Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :
Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore
Nous donnerons au-dessous de cet article l’architecture complète des Basaltiques, œuvre à cheval entre le roman musical et la symphonie pour instruments et voix.
Parmi les grands moments des Basaltiques, il faut citer le long duo - qu’on pourrait appeler duel - entre la batterie et la flûte à bec, qui précède le chant citadelle, dans la partie III Fort Bastiani.
L’ouverture du chant II Latitudes constitue également un moment d’anthologie, dans la version enregistrée par Venexiana Atlantica elle-même. Elle émaille en effet son chant de notes harmoniques, qui ressemblent à des chants d’oiseaux. Ceci nous rappelle qu’au-delà des scandales que cette chanteuse a pu soulever, par exemple en exigeant que l’administration et la communauté humaines reconnaissent son adoption par le chien husky Stacyo, faisant d’elle l’enfant légitime d’un chien, ou encore en payant des tueurs à gages pour assassiner son ex-amante Sofia Sombreur-Noir, afin de se venger d’une infidélité, au-delà donc des scandales dont elle a gratifié les masses humaines ahuries par ses frasques il ne faut jamais oublier l’artiste, c’est-à-dire la compositrice de Beith et la chanteuse à la voix éblouissante qui n’a cessé de repousser les limites de la voix et du souffle, nous offrant le vibrato le plus long et tremblant du monde.
Dans le chant I Marées, le morceau Autel apparaît irréel, miracle de simplicité où piano acoustique et voix se cherchent et se trouvent en une comptine si naïve qu’on oublie le temps d’une chanson que John Peshran-Boor et la diva Venexiana sont les auteurs de l’œuvre. Les interludes sont tous très intéressants compositalement - et c’est le Finale de l’aurore qui atteint les sommets avec ses contrastes entre les envolées de flûtes à bec, flûtes traversières, chants harmoniques et violons tandis qu’en bas planent au-dessus des enfers les lourdeurs sauvages des contre-harpes, du basson et des basses électriques agrémentés de batterie et de volutes de fumée électro-pianistiques.
Venexiana Atlantica s’est retirée de la scène au mois de Ventôse, après le premier concert des Basaltiques, qui eut lieu à Buenos Aires. Personne ne peut expliquer la raison exacte de cet adieu à la gloire. On sait que, la nuit qui suivit le concert, elle ne dormit pas. Sur la terrasse de sa chambre de grand luxe, elle parcourut le quatuor de Los Angeles, c’est-à-dire ces quatre romans de James Ellroy : Le Dalhia noir, le Grand Nulle Part, L.A. Confidential et White Jazz.
Elle annonça au petit-déjeuner son intention de se cloîtrer au couvent de Santa Catalina, dans la ville d’Arequipa, au Pérou. Depuis l’édification des murailles hautes de Saint Jean en Ville, elle ne vivait qu’avec des billets d’avion toujours prêts pour se rendre en urgence à Arequipa ou à Alger-Centre, deux villes blanches qui lui rappelaient sa ville natale, et, seules, calmaient ses angoisses d’étouffement.
John Peshran-Boor s’est donc trouvé, en la personne de Lilas L.S. Snuk, une interprète pour les Basaltiques. Lilas Snuk donne un ton nouveau aux Basaltiques, avec sa voix mitigée, marmoréenne, un peu rauque. Du duo original il nous reste un enregistrement. C’est vers lui qu’il faudra se tourner pour puiser à la source inspiratrice initiale de l’œuvre, même si Lilas L.S. Snuk a su l’enrichir en l’interprétant.
Edith de Cornulier-Lucinière
Les basaltiques est une composition musicale en trois chants, dont voici l’architecture :
Intro Minérale
Chant I Marées
Chant II Latitudes
Chant III Fort Bastiani
Final de l’aurore
Chacun de ces chants contient trois chants, ainsi :
Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel
Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent
Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi
L’opus compte également une intro, un final et deux interludes. Voici donc le plan complet de l’œuvre :
Intro minérale
Chant I Marées
Séjour lunaire
Funboard
Autel
Interlude 23 KFL-8000 Cimetière marin
Chant II Latitudes
Le van
Venise
Les étoiles parachèvent
Interlude 20 KFL-9000 (évangile)
Chant III Fort Bastiani
Citadelle
L’ange du mal
L’ennemi
Finale de l’aurore
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lundi, 15 mars 2010
Trois des cinq Russes
Lire le soir avant de dormir : j'ai une maman qui le fait inlassablement. Le soir, elle lit. Ensuite elle dort. Puis, à Insomniapolis, elle lit encore. La nuit, quand une petite lumière brille au fond de la maison, on sait qu'elle lit. Elle lit Thucydide et Jules César. Elle lit Zosime et Sidoine Apollinaire. Elle lit la traduction du Tao de Marc Haven et la traduction de la Bible de Lemaistre de Sacy. Elle lit Stendhal et elle lit
Et elle relit chaque année, les trois tomes des Mémoires d'Outre Tombe de Chateaubriand.
Alors j'essaie de lire aussi le soir, mais j'y arrive moins. Parce que le rêve est trop tentant. Le rêve - ou la rêverie - correspond mieux que ma lecture à mon état intérieur quand le soir a passé et que la nuit commence.
Pourtant, il y a quelques années, j'ai dévoré des livres, soir après soir.
Très bien écrite, Une histoire de la musique, de Rebatet, publiée aux éditions Bouquins-Laffont, fut une de mes lectures au long cours. Je l'ai lu, chapitre après chapitre, soir après soir, et cela m'a pris au moins un an.
Cette histoire présente tendrement le groupe des cinq Russes... Voici un court extrait sur Moussorgski, Balakirev et Borodine.
« A lire les biographies d’au moins trois d’entre eux, on plonge dans le monde de Dostoïevski. Balakirev, qui avait du sang tartare, « avec une tête de Kalmouk, et les yeux aigus, rusés de Lénine » d’après Stravinsky, exerçait son rôle de chef de groupe à la fois en apôtre et en despote. Il régentait non seulement les goûts mais la vie privée de ses disciples. Il aurait voulu qu’ils observassent le célibat et même la chasteté. Pour chacune de ses entreprises, il consultait une sorcière qui lisait son avenir dans un miroir. Athée durant sa jeunesse, mais croyant au diable, il tourna plus tard à une bigoterie burlesque. Il se signait chaque fois qu’il bâillait. Après des périodes de folle activité, consacrées surtout à son enseignement, il tombait dans de noires dépressions où il laissait à vau-l’eau les projets qui l’avaient le plus enflammé. Son travail musical était non moins déséquilibré. Alors qu’il improvisait au piano avec une étincelante facilité, il mit près de vingt ans, après des ratures et des hésitations infinies, pour terminer son Islamey, quinze minutes de musique.
Moussorgski, noble de la meilleure maison, à dix-neuf ans galant lieutenant du régiment le plus chic de la Garde, le Preobajinski, serait un quarante ans un Marmeladov loqueteux, cruellement frappé sans doute par l’échec de ses œuvres, mais ayant consterné ses meilleurs amis par ses inconséquences et son ivrognerie, pour mourir d’alcoolisme et d’épilepsie sur le lit d’un hôpital où l’on tentait de le désintoxiquer. Selon le peintre Répine, l’auteur de son dernier et navrant portrait, il fut foudroyé par une bouteille entière de cognac que lui avait glissé un infirmier trop compatissant.
Borodine, fils naturel d’un prince géorgien, homme charmant, paisible, cultivé, spirituel, ancien médecin et professeur de chimie, sacrifia sa carrière scientifique et sa musique à un altruisme d’une douce extravagance. Son appartement était sans cesse rempli de parents pauvres, de vagues camarades dans la dèche, qui campaient dans tous les coins, y tombaient malades, y devenaient même fous. Le plus souvent, il était impossible de jouer du piano, parce qu’un hôte ronflait à côté et que Borodine ne voulait pas le réveiller. Il passait ses nuits au chevet de sa femme asthmatique. »
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jeudi, 04 mars 2010
Viento del Este, la pochette du disque
Ma mère les avait rencontrés dans le métro. Ils jouaient à Bastille. Elle leur a acheté un disque. Elle est revenue et a écouté le disque toute la soirée, toute la semaine. Elle est retournée les voir pour leur demander de faire la musique de son court métrage. Quand il l’ont vue, ils l’ont reconnue et se sont dit qu’elle venait leur rendre le disque, furieuse de ce qu’elle avait entendue. Ils n’en sont pas revenus de sa proposition.
Deux argentins désargentés, l’un à la contrebasse, l’autre à l’accordéon. César et Maurizio Amarante, diablotins en vadrouille. Leur groupe s'appelle : "Radikal Satan".
Et je recopie l’étrange texte qu’ils ont écrit dans la pochette du disque Viento del Este… Un texte écrit dans un pidgin en train de naître.
Le premier opus du disque, En el Quai, est la musique que Radikal Satan a composé pour le film à Quai, de Sara, visible ici. La version du disque diffère de celle du film.
« Au début de l’année ZeroCuarto, después de una vuelta por Buenos Aires, nos encontramos con Christophe en el Palais de la Machine à laver y Voyage-Gira avec les Anacharsis, et après ça, Adrian moviliza el Studioo Mòvil hasta Bordeos et ça enregistra en la Cruz Blanc adurante cuatro o cinco dias con los Glen y fuìmos a buscar un Piano al Hotel de Malika et un Caballo-Farfisa improvisado por Geoffrey y una semana despuès empezamos a grabar en la casa de Eric Martinez, rue du Loup Haché, où il nous a présenté son maître Henri Chopin, et en suite on file à Paris, dans le XIème arr, rue Jules Vallès, a lo de los viejos de Adrian para empezar a mezclar y no terminar, ir a Squatar a la cave de Alternation y no dormir jamais hasta que en un domingo cafard se graba Avant midi en la màquina del Dr Acula con Bastien Rojo à côté, de vuelta à Bordeaux pa’ tocar encore a laCabane en Béton de la Garonne et enregistrar sur une cassette Periférico con Chris et Melo el 11 de Setiembre y algunos dias después, mientras la familia Saboya mangent des sanwiches, con el minidisco de Médhi hicimos Xpress Bontempi en la rue Judaïque para seguir durante des mois et des mois et des mois chez Eric Martinez tratando de ensamblar la saloperie y revenir en arrière y meter intros y sonidos y apareciò Colette Magny et la Fenêtre de Zurich, Thomazin graba en su casa AQuai, on cherche des trucs dans les cassettes de Lanùs del Ano 99, mientras en la escalera de lo de Ana pusimos el cuatro pistes y Marielle se fumò un pétard d’Austin, trois verres d’Absinthe, quelques mates y saliò Excitée, le robamos un pedazo al Tata Cedron y al Gaucho surrealista de Lanùs sus grabaciones andinas intituladas Accidente de Mechon de pelo-Villazòn et on a tracé chez Céline y arrancamos a hacer la pochette/tapa con los souvenirs que trajo David desde la Espanya y una frase de Leopoldo Marechal en el Adàn Buenos-Ayres de Tato Eli jusqu’à samedi soir chez Eric Martinez et lundi on envoie en Tchéquie".
Cesar y Momo Amarante, Contrabajo, accordeon, voces y demàs.
Produit par les potagers nature.
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mercredi, 09 décembre 2009
Quelle musique écouter dans sa salle de bains ?
...Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !...
Charles Baudelaire
Par H.L
Si elle est bleue, pleine de lumière et si quelque chose de l’absence intérieure flotte dans l’espace vide qui entoure les murs, il faut écouter Alone in the bathtub, de Nils Petter Molvaer. Le bain fait des bulles, la musique aussi. Bientôt, une vision émerge : des poissons de toutes les couleurs dansent une chorégraphie dans l’air tiède.
A la musique et au film des poissons, se mêlent des souvenirs d’une enfance qui revient en bribes nouvelles : sans queue ni tête, sans mots ni sens, des émotions et des sensations ressenties au cours des après-midi languissantes d’enfance reviennent émaner leur senteur. Le bain se prolonge bien après les huit minutes trente trois secondes de musique. Une complicité s’est créée entre tous mes êtres : l’enfant, le grand, le méchant et le gentil sont si contents d’avoir contemplé ensemble la danse des poissons !
Vous savez, l’esthétique de nos vies marque nos corps, nos mouvements, nos sentiments même si nous n’en parlons jamais. Persiennes anciennes ou volets coulissants dans un métal moderne, rues vieillottes ou allées magistrales bordées de hautes tours, arbres sauvages de la nature encor vierge ou hêtres bien rangées comme des écoliers sages, marrons et allumettes pour faire des vaches au fond d’un fouillis de jardin ou cannettes de bière dans le terrain vague mangé par le périphérique, vieilles dames maquillées susurrant autour de leurs tasses de thé ou vieux gars du comptoir aux bons rires et aux bonnes torgnoles, brasseries beaufardes qui se veulent chic ou troquet pouraves des bouts des villes, plages qui s’étendent à l’infini au bord du grand bleu et aires aménagées par les conseillers municipaux, construisent nos cerveaux de symboles et d’images qui nous façonnent et que la nouveauté égare.
L’esthétique de nos vies marque nos corps, nos mouvements, nos sentiments même si nous n’en parlons jamais. Quelques lectures, cependant, ouvrent des portes. Nous pouvons ainsi fuir le monde qui nous est à la fois offert et imposé. Nous pouvons partir sur le grand bateau de la littérature et faire le tour du monde. Les aéroports sont pour les faux voyageurs, ceux qui paient, ceux qui montrent leurs papiers aux surveilleurs des comptoirs de contrôle. Les vrais voyageurs ne paient pas. Ils refusent tout contrôle. Ils s’embarquent, quelque fois sans le dire à personne. Et les marques du voyage sont invisibles sur leur peau. Elles n’émergent qu’au milieu des caresses profondent. Là, elles trahissent un naufrage passé, une île secrète, une attente des sirènes du lendemain.
H.L.
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