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Avant de s’aventurer lui-même dans l’espace, l’homme a envoyé des sous-hommes : des animaux.
Laïka n’est pas le seul animal à avoir été envoyé dans l’espace. Mais elle, on l’avait baptisée et on connaissait son nom.
Le 3 novembre 1957, elle est partie dans sa fusée soviétique Spoutnik 2. Elle est sans doute morte quelques heures après, de panique et de chaleur. Mais l’expérience prouva qu’on pouvait survivre en apesanteur.
Elle portait une combinaison dans une très étroite cabine ; des chaînes l’empêchaient de faire trop de mouvements. Aucun dispositif n’avait été prévu pour son retour : elle était donc vouée à la mort. Ses réactions physiques étaient surveillées de loin. On peut encore écouter son cœur battre au Memorial Museum of Cosmautics et sur des sites Internet.
La question de l’utilisation de l’animal par la science est si simple qu’elle pourrait être drôle.
Ils nous ressemblent assez pour servir de modèles, de brouillons, de cobayes ; ils nous ressemblent assez pour être sacrifiés à notre place. Mais ils nous dissemblent trop pour que nous nous en inquiétions.
Quelle honnêteté intellectuelle y a-t-il à, d’un côté, invoquer la ressemblance entre l’animal et l’homme pour justifier scientifiquement une expérience, et, de l’autre côté, évoquer la dissemblance pour justifier éthiquement la douleur et la maltraitance qu’impliquent ces expériences ?
Le scientifique Oleg Gazenco, qui a participé à l’envoi de Laïka dans l’espace, a dit : "Plus le temps passe, plus je suis désolé à son sujet. Nous n'aurions pas dû le faire... Nous n'avons pas appris suffisamment de cette mission pour justifier la mort de la chienne."
La phrase du scientifique oscille. Faire souffrir utilement un animal est acceptable ; faire souffrir inutilement un animal ne l’est pas. Le plus curieux est sans doute que l’utilité (et donc la moralité) pouvant être calculée après la mission scientifique, en fonction des résultats. C'est-à-dire que, quelque soit son action sur l’animal, un scientifique saura au moment des conclusions de l’expérience s’il a été quelqu’un de bien ou un salaud.
Mais l’éthique, n’est-ce pas justement faire passer le respect de l’autre avant l’utilité qu’on peut en tirer ?
Il parait qu’ « ils ne ressentent pas l’affection, ils ne souffrent pas comme nous ».
Haleter, se déshydrater, hurler au secours, se convulser dans la solitude d’une cabine, révèle pourtant une certaine indigence sentimentale des êtres humains.