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samedi, 12 juin 2010

En attendant la Jérusalem céleste

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« Jérusalem, Jérusalem, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes !»

 

Et la phrase entière :

Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants
comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu !»

 

J-C

vendredi, 11 juin 2010

La raison d'État

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"Dimanche 6 mai 1962 Le clan des officiers de marine de Kébir, qui passe pour être toujours le plus lucide dans la confusion générale, fait aujourd'hui le point de la situation :

"le Gouvernement écrase sa victime et la tient étroitement ficelée pendant que le F.L.N. l'égorge".

Journal d'un prêtre en Algérie, Oran 1961 - 1962. Editions Harriet/ Jean Curutchet, 1996 (première édition 1964)

trouvé et acheté le 7 juin 2010 chez Joseph Gibert (ou gibert jeune?)
Un prêtre est envoyé à Oran en 1961. Il raconte dans son journal les événements au jour le jour...
(Attention violent : à ne mettre que dans des mains averties)

 

Par Chiquita

jeudi, 10 juin 2010

ne jamais abandonner la théorie sexuelle

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phot Marie-Christine Frager
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"J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant :

"Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable".

Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un père disant :"Promets-moi une chose mon cher fils : va tous les dimanches à l'église !" Quelque peu étonné, je lui demandai : "Un bastion - contre quoi ?" Il me répondit :"Contre le flot de vase noire de ..." Ici il hésita un moment pour ajouter :"... de l'occultisme !"

Ce qui m'alarma d'abord, c'était le "bastion" et le "dogme" ; un dogme c'est à dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que là où l'on veut une fois pour toutes écraser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relève uniquement d'une volonté personnelle de puissance."

 

extrait de :

C.J. Jung "Ma vie, Souvenirs, rêves et pensées"

mercredi, 09 juin 2010

François

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photo de Sara

Nous nous arrêtions au restaurant, en face d'une gare, et je mangeais des oeufs en me sentant coupable vis à vis des poules, des poussins mâles et des poulets. Il était neuf heures du matin sous la pluie, ou onze heures dans le vent, ou trois heures de l'après-midi sous le soleil, ou le soir, dans la faîcheur revigorante du déclin du jour. Et nous parlions de ce qui ne nous intéressait pas, et nous taisions ce qui nous intriguait. Aujourd'hui je peux dire que je t'ai rencontré. Je ne peux pas dire que je te connais.

Toi, tu écoutais cette chanson d'Abba : "the winner takes it all" et tu disais que ta vocation de prêtre était née de cette chanson. Tu entamais de longs monologues sur la beauté inentamée, inégalée du chant grégorien et tu disais que Duruflé et Messiean l'avaient senti. Tu chantais avec les oiseaux et tu citais les deux Saint François, celui de Salles et celui d'Assise, le traité de l'amour de Dieu et le cantique de Frère Soleil. Tu marchais devant moi et ta robe noire flottait. Les gens se retournaient à notre passage et m'interrogeaient des yeux. J'ignorais leur quémanderie et m'occupais de te suivre, toujours plus loin, parce que tu ressemblais à Arnaud, le cousin perdu. Tu n'avais ni ses yeux, ni sa voix, mais ta peau était transparente comme la sienne, si inhumaine que je n'imaginais pas que tu aies pu être un adolescent un jour ou que deux doigts d'une main ait pu toucher ton visage. Tu disais que nous devions repartir en croisade, pour accueillir l'ère du Verseau. Et tu fuyais, ce que je mis du temps à deviner. Tout ce que tu fuyais nous rattrapait au détour d'une journée et il fallait repartir plus vite, plus loin. Nous nous arrêtions au restaurant, en face d'une gare, et je mangeais des oeufs en me sentant coupable vis à vis des poules, des poussins mâles et des poulets. Il était neuf heures du matin sous la pluie, ou onze heures dans le vent, ou trois heures de l'après-midi sous le soleil, ou le soir, dans la faîcheur revigorante du déclin du jour. Et nous parlions de ce qui ne nous intéressait pas, et nous taisions ce qui nous intriguait. Nous étions sur la voie, en route vers la Chapelle du Vorbourg, où devait s'achever notre mission.

 

E CL

mardi, 08 juin 2010

La richesse du coeur

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photo de Sara

 

Elisabeth, le soir de son départ, avait exigé un dernier tirage. Nous nous assîmes dehors, sur la terrasse qui était en fait un bout de toit, et nous bûmes du thé à la menthe et du rhum accompagnés de gâteaux au miel et aux amandes, et nous tirâmes les cartes. Je me souviens qu'elle me lut ma carte : sa voix transrayonnait le coucher du soleil et la ville, encore mouillée de la pluie après-midienne, étincelait de lumières chaudes.

Comme j'ai vieilli ! Comme vous avez changé. Comme sa voix aujourd'hui disparue résonne encore aux oreilles du souvenir !

Elle récitait le tarot de Marie Elia : "Peux-tu lâcher toute volonté d'acquérir ce qui fait ta valeur aux regards des egos pour rayonner ce qui fait ta valeur au Regard de Dieu ?"

et encore : "Rien n'est stable et durable pour le Regard qui ne voit plus la lumière éternelle".

et encore : "Plonger dans le rayonnement émeraude de Reish nous permet de lâcher le mental et les fonctionnements de l'intellect, pour laisser s'épanouir notre intuition et entendre les messages de notre Être de lumière".

Elle parlait et sa voix sur la ville emplissait les piliers. En bas, les bistrots allumaient les bougies pour l'heure du dîner. Le peuple déambulait. J'avais un âge qui appartenait encore à la jeunesse et je n'imaginais que très vaguement qu'il passerait. Je ne savais rien, mais je savais déjà rêver, rêver pour oublier, rêver pour être saoule.

 

É CL

 

lundi, 07 juin 2010

Mourir au bout du chemin

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N’est-il pas étonnant de lire que Théophane Vénard, Charles de Foucauld, Christian de Chergé avaient choisi leur mort ? Ils l’avaient prévue, ils l’avaient envisagée.

Théophane Vénard jouait au martyre avec sa sœur. Il souhaitait mourir en martyre en Asie. Il fut décapité au Tonkin.

Charles de Foucauld voulait être assassiné. Il le fut. Christian de Chergé, de par son amitié tragique avec Mohamed, avait aussi eu l’intuition d’une mort violente, offerte à l’Algérie.

Et moi, quelle mort je voudrais ? Une mort silencieuse sous un soleil d’or, dans une nature oubliée.

Sur un mont d’oliviers, peut-être. En tout cas sur un monts où les arbres fruitiers vivent librement, espacés les uns des autres. Au soleil, dans la lumière du soir, vers sept heures, comme je suis née. Dans un nature isolée, comme une bête éloignée du troupeau. Marcher et savoir que j’ai tout accompli, que l’œuvre se continuera sur la terre. Sentir que je défaille, m’agenouiller en prière et mourir ainsi, en paix avec ce qui fut. Il fait très chaud. Là bas, les cloches de la petite église sonnent l’angélus. On me retrouvera à l’aube, la croix de mes trente ans autour du cou, le passage d’évangile pour ma messe d’enterrement dans ma poche, morte en prière et en paix.

Et ceux que je laisserai derrière moi verseront de douces larmes et sentiront que monte en eux la Joie. Et ils accepteront de rire dans leur cœur. Et ils diront adieu comme on dit au revoir.

 

E CL

dimanche, 06 juin 2010

Ils se sont persuadés...

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"Ils se sont persuadés que l'homme, l'espèce la plus pécheresse entre toutes, est au sommet de la création. Toutes les autres créatures furent créées uniquement pour lui procurer de la nourriture, des peaux, pour être martyrisées, exterminées. Pour ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, la vie est un éternel Treblinka".

 

Isaac Bashevis Singer

samedi, 05 juin 2010

Dangereuse beauté

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poule rousse par Sara

 

 

Dangereuse beauté

Tu vois que le soleil a cessé de briller

Et que je ne suis pas prêt de l’oublier

Dangereuse beauté

De ton étoile j’entends le râle des humains apeurés

Et alors que tous s’effondrent dans leurs pensées

Alors que tous s’efforcent d’oublier leur passé

Toi tu les regardes et recrées cette image lacérée

Dont tous tentent de se débarrasser

De leur âme a jamais offusquée par ta magie d’obscurité.

 

Que cherches-tu, pourquoi me prendre a tes cotés

Que puis je faire devant ta majesté

L’horreur est ta beauté

Tu me dégoûte je t’aime j’aime les entendre crier

Toutes les senteurs du monde sont à jamais exorcisées

 

Regarde-les s’entretuer, ils n’arrivent plus à pleurer

Par ton toucher ils sont glacés.

Ce spectacle terrible, long et majestueux

Que nous regardons tous deux du haut des cieux

Merci, merci ignoble amour

D’avoir plongé ces peuples dans la damnation

Au point qu’instinctivement libres comme des pions

Ils mènent doucement leur lente éradication.

Merci profondément toi qui n’as pas de nom

Garde-moi près de toi quelle belle illustration

Nous les regarderons jusqu'à la fin des temps

Lutter et s’affirmer, crétinisme patent.

Leur naïveté palpable sera distraction

Et leur aveuglement sera notre passion

Et puis nous attendrons dans la délectation

La fin de l’age des hommes, d’une ère la scission.

 

S.Barynsflook

 

vendredi, 04 juin 2010

La Croix du Sud

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photo de Sara

La ville est morte. Il ne reste plus que les salamandres. Les derniers habitants sont partis par la route du Sud. Ils vont rejoindre le nouveau pays. Moi, j'attends seule. J'ai déjà quitté la terre d'une enfance, j'avais tout recréé ici. Je ne recommencerai plus. J'attends les chiens. Hier soir, au moment où le soleil orange enveloppe nos remparts et nos tours de garde, j'ai vu venir une cohorte. Au début, je n'entendis que le brutal silence des oiseaux. Bientôt, les sons vaporeux d'une mélopée vinrent à mon ouïe. Je montai sur le toit de la maison où j'ai trouvé refuge, la mienne s'étant en partie écroulée. Je vis la longue colonne avancer comme en procession vers la porte occidentale de la ville. Debout, ma silhouette dessinant dans le soleil couchant une ombre géante qui déchirait la terrasse du toit, je regardai venir les étrangers.

Leur ensemble se précisait à mesure qu'ils s'approchaient. Ils tapaient en rythme, lentement, dans leurs mains, pour accompagner leurs voix qui s'élevaient et se mêlaient en mélopées harmoniques : bruit chanté qui rappelait le son des sources dans les montagnes, celui des pierres entrechoquées et des arbres craqués par le vent. Ils chantaient et leurs sandales fleuries, comme des percussions, scandaient le long son.

Il y avaient des enfants parmi eux. Les femmes et les hommes portaient des croix sur la poitrine, les enfants étaient tous vétus de blanc. Ils sont passés sous la maison et certains m'ont vus. Alors, le sourire qu'il m'envoyaient me fit peur, sourire d'hommes et de femmes qui ont tout oublié de la pensée pour s'abandonner à Dieu.
Y a-t-il d'autres êtres laïcs dans la ville ? Tout le monde est-il parti ? Cela paraît impossible que je sois la seule à avoir renoncé à me sauver. Peut-être, dans les quartiers éloignés, y a-t-il quelques ilots de résistance, des groupes ou des solitaires qui sont restés et qui tentent de survivre depuis cinq jours. J'ai soif. J'ai faim. Les moines et les moniales et leurs enfants avaient des gourdes autour du cou, des sacs remplis de noix. Ils attendent certainement que je les rejoigne.

J'avais entendu, comme tout le monde, parler de ces êtres qui ont quitté le monde pour fonder la Croix du Sud : moines et moniales dont les enfants sont consacrés à Dieu à la naissance, et qui vivent de prière sur les routes. On ne sait d'où ils tirent leur subsistance. On ne sait où ils dorment. Ils ne demandent pas l'aumone, ils la font, offrant noix et vinaigre de noix. Je n'avais pas cru à leur existence, mais ce soir j'entends leurs chants emplir la ville. Je discerne les psaumes d'un genre antique, d'un mode nouveau. "Si je t'oublie, Saint Jean en Ville, que ma cervelle fonde. Que ton Christ en bois et en pierre s'ébranle et me fracasse contre ton sol".

Demain, qui sait ? J'aurais rejoint la communauté, où je serai morte sous un éboulement ou sous un coup de folie. J'ai faim et j'ai soif. Le chant là bas, parle des cyprès d'un pays où les salamandres ne dévorent pas tout. Qui sait ? Qui sait si les fins du monde et les résurrections sont individuelles et collectives. Dans la solitude de la ville morte, un chant m'attire. Une paix m'inonde. Une solitude m'emporte.

 

Edith de Cornulier-Lucinière, vendredi 4 juin 2010, 18h47, heure de Paris.

jeudi, 03 juin 2010

Dans la ville où tu t’en vas


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Photo "Saint-Eustache", par Sara


Dans la ville où tu t’en vas,
nul n’a plus de cœur de pierre :
les eaux qui t’ont sauvé
t’emportent vers le Père.

 

Nous te disons à Dieu,
mais c’est à notre Dieu
qui nous a tant aimés !


Au jardin où tu t’en vas,
notre corps n’est plus poussière.
La sève de l’Esprit
t’emporte vers le Père.
Nous te disons à Dieu,
mais c’est à notre Dieu
qui est le Dieu de vie !


Au royaume où tu t’en vas,
toute nuit devient lumière :
le sang du Christ en croix
t’emporte vers le Père.
Nous te disons à Dieu,
mais c’est à notre Dieu
qui a tout fait pour toi !


Didier Rimaud

mercredi, 02 juin 2010

Combattre et vivre libre

 

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Cap Canaveral, début du XXIème siècle


2082. Il est tard, ce siècle. Le froid tombe. Stella Mar interroge la diva Venexiana Atlantica :

 

Stella Mar : Venexiana Atlantica, tu as parcouru tant de routes et cueilli tant de fleurs qu’aujourd’hui, la jeunesse ouvre les yeux et se dit : « cette femme, est-ce une déesse » ?

VA : je n’ai pas cueilli de fleurs. J’ai semé des graines.

SM : et ces graines ont donné des fruits ?

VA : et ces graines ont donné des fruits. Et si le grain n’a pas lâché la vie il n’a pu se poursuivre. Tout est évangélique.

SM : Tes chansons parlent d’amour et de profondeur, d’espoir et de combats. Pourquoi ?

VA : mes chansons ne parlent pas d’espoir, mais d’espérance.

SM : tu as eu de nombreux amours et de nombreux amis. Que sont ces êtres devenus ?

VA : tous les amours sont des amis. Il n’y a ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni amant, ni amante s’il n’y a pas d’amitié. Ces êtres ont muté et nos chemins se sont éloignés, nos liens se sont brisés ou distendus. Il reste Stacyo, mon père adoptif, un chien husky, et un homme dont je ne veux pas parler.

SM : Il ne reste plus de femme ?

VA : non, depuis que la femme qui m’était chère est devenue l’homme dont je ne veux pas parler.

SM : avez-vous souffert de cet épisode ?

VA : Quand elle a changé de sexe, j’ai cru devenir folle. Puis nous réécoutâmes Bartok et tout redevint clair.

SM : Bartok ?

VA : Bartok.

SM : Bela Bartok, le pianiste ?

VA : Bela Bartok. Le pianiste.

SM : ta musique lancine dans toutes les oreilles du monde. Mais toi, quelle musique écoutes-tu ?

VA : celle du silence, quand elle se fait entendre. Et celle de Miles Yufitran, le trompettiste. J’aime réécouter ses disques. Alors je repense à celui qui me fut proche, un temps.

SM : Miles aussi s’est éloigné de toi ?

VA : nos déprimes se repoussaient mutuellement. Nos joies se faisaient mal. Nous nous aimions à l’envers. Mais j’ai pleuré le 7 ventôse de l’an 2078, quand j’ai appris sa mort, à l’aube. J’ai songé à sa sœur qu’il avait tant aimé et dont il s’était éloigné. J’ai prié pour eux.

SM : nous allons parler maintenant de cette période de ta vie qui suit l’ère éphémère, où tu dansais et chantais à New York II, et qui précède ta rencontre, dans le pôle Nord de la terre, avec le chien Stacyo, qui t’adopta.

VA : nous ne parlerons pas de cette période.

SM : que pourrais-tu nous dire, belle Venexiana ?

VA : j'ai toujours accepté de combattre, dans la solitude et dans l'échec, dans le rêve et la douleur, dans la joie et la réussite. J'ai toujours choisi de combattre et vivre libre. Il s'agissait de sauver ma tête, sauver mon coeur, sauver mon corps, sauver mon âme. J'ai fui le salariat au risque de devenir la lèpre de la société. Car, comme le servage et l'esclavage, le salariat n'est point digne de l'homme. J'ai repoussé avec violence les médias qui prostituaient leurs espaces à la publicité ; je me suis tenue éloignée de tout supermarché, de toute multinationale, de toute usure. J'ai chômé le dimanche, et parfois j'ai prié. J'ai combattu. Je ne dirai plus rien. J'ai tout dit.

SM : Comme tu le veux, Venexiana Atlantica. Tu es notre idole ; notre rêve ; notre double ; et nous t’adorons ad vitam aeternam.

VA : ne cessez jamais de m’adorer, mes frères. Adieu.

SM : Adieu, déesse.