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lundi, 31 octobre 2016

Des flambeaux pour la Vierge Noire

 

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(Phot Sara)

 

Écoutez ! La Vierge Noire de Rocamadour est arrivée ! Elle est arrivée aux Sables d'Olonne.

Elle a fait bon voyage, sur un bateau à voiles, encadré par les pêcheurs sur leurs chalutiers ! Et pour l'accueillir à Notre-Dame de Bon Port, une procession l'attendait sur le quai Guiné.

La fanfare en habits, des sablaises et des sablais en costume traditionnel, coiffes et sabots, et puis les confréries, des étendards, les Chevaliers et les Dames de l'Ordre de Malte, des joueurs de cornemuse, et toutes les dames, tous les messieurs, tous les enfants portant des flambeaux, à travers la rue de la Patrie.

Et les prêtres en aube et messeigneurs les évêques avec leurs belles mitres et leurs crosses. Ô Vierge soyez reine chez nous... Soyez la bienvenue, reine noire d'Occitanie, dans notre petite ville maritime du Bas-Poitou.

Vous serez notre reine, vous convertirez nos cœurs, vous nous arracherez des larmes de tendresse. Regardez ces petits, avec leurs baskets et leurs maquillages d'Halloween, ils attendent, depuis plus d'une heure ils attendent, pour voir passer la procession et vous saluer, jolie petite Vierge portée en triomphe par un peuple infidèle et aimant.

Nous allons vous couronner, Ô notre reine, avec une couronne de verre pour vous, et une couronnette pour votre petit garçon, et vous ferez un miracle, encore une fois, s'il vous plaît ! S'il vous plaît !

 

mardi, 25 octobre 2016

Ar c’hoad

Je m'éveillais en bordure de forêt. Des oies groupées se dandinaient vers un flot de lumière. Les âmes celtiques, près des fontaines druidiques, chantaient dans une langue que je ne connaissais pas. Oies spirituelles, guidez-nous vers les forêts de l'abondance et de la fidélité. 

 

Sur AlmaSoror :

Insomnie bretonne à Paris

La roseraie d'Aztlan

Le sacrifice

jeudi, 20 octobre 2016

Inattendu d'automne

Je dois lui demander le code pour entrer dans l’immeuble où j’ai grandi et vécu jusqu’à 35 ans. Je passe devant le marronnier planté par mon petit frère lorsque il avait sept ans, marronnier toujours si chétif, à jamais maigre et nain, toujours si mignon, émouvant, dans le bac en bois qu’il avait construit avec le voisin qu'il admirait. Une douleur me perce le coeur. Derrière l’arbre-arbuste, nos fenêtres, et des rideaux blancs. Nos fenêtres ? Non, elles sont refaites, modernisées. J’aperçois dans l’ombre un bout de la pièce. Mon coeur pleure mais je ne ralentis pas le pas, je me détourne. 

Je repars sans me retourner.

Je ne me retourne pas sur l'immeuble de Montparnasse comme la femme de Loth changée en pierre. Notre appartement est métamorphosé, donc il n’existe plus. Je savais bien que tout ce que nous avons aimé vivre là-bas n’a plus lieu, la joie des voisins, les dîners ensemble dans la cour, mais j’ai revu ce marronnier si particulier, qui n’est jamais devenu adulte et qui continue de vivre avec une tranquille obstination.

Si j’avais un enfant, est-ce que je l’emmenerais dans cette cour en lui disant, c’est ici, mon petit, c’est ici que j’ai grandi, aimé, souffert, pleuré, c’est à ce lieu que je me suis identifié, c’est ce lieu que je n’ai pas su quitter quand les gens de mon âge partaient vivre ailleurs, c’est de ce lieu qu’on m’a bannie, c’est ce marronnier que mon petit frère a planté. Ou bien est-ce que je lui dirai, c’est ici, mais ce n’est pas là. L'immeuble dont je te parle, n’existe plus que dans mon coeur. L’enchantement nous a suivi, l’enchantement est dans les rires d’aujourd’hui, dans ta main qui tient ma main.

Mais aucun enfant ne me tient la main.

lundi, 10 octobre 2016

Octobre

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Phot Lau

vendredi, 07 octobre 2016

Immobile

 

Une vie, c'est à la fois une errance et une construction. Les deux vont de pair.

La vie, à la fois une apparence et une profondeur. Les deux se reflètent quelquefois, quand une eau trouble recouvre leurs surfaces.

 

Comment enregistrer l'expérience intérieure face à un soleil sur mer bleue ? En la vivant intensément, profondément, peut-être...

Et comment apprendre à aimer réellement la pluie, le froid et la grisaille ? Et le vide, et la lenteur, et l'attente et le rien...

Savoir demeurer immobile sans se figer.

L'immobilité est un équilibre endogène, tandis que la fixité n'est pas maîtrisée, mais subie. L'immobilité d'un être ne peut être parfaite, elle touche à la perfection.

L’immobilité est une quête, tandis que la fixité est un résultat.

 

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jeudi, 06 octobre 2016

Saul dans la ville atlante

 

Il sortit pour marcher dans l’air vivifiant de la nuit. A mesure que le grand ascenseur aux parois de verre descendait les quarante-deux étages, l’atmosphère s’épaississait et se chargeait de chaleur et de vie. L’air de la rue bariolée le gonfla de bonheur. Il suffoqua presque d’hyperventilation et se souvint que cela faisait quelques jours qu’il n’était point sorti, n’avait point aéré. Il reprit son équilibre et s’élança sur l’asphalte.

« Et voilà qu’un spleen se déverse sur la ville comme un vent léger. Je risque d’attraper le spleen ». Mais la ville l’attirait. Oublieux de sa santé morale il s’engagea gaillardement dans l’allée des Oliviers Grecs.

Saul pensait à son roman en cours : le style et l’histoire ne parvenaient pas à s’épouser.

A l’école, les professeurs avaient tellement répété des contraintes de style que Saul avait mis beaucoup de temps à oser écrire ce qu’il voulait. Parfois, seul dans sa boîte du 42ème étage, il prêchait aux professeurs et aux académiciens, gardiens de la culture et de la Beauté de l’Humanité :

Laissez la langue parler, leur disait-il, laissez-la inventer des mots, déborder de ses sens et de ses formes, s’enchevêtrer, laissez-la mourir un peu ici, se transformer là-bas, car ainsi et seulement ainsi pourra-t-elle porter nos doutes, nos peurs, nos rêves pour des siècles et des siècles. Laissez la langue se noyer dans sa propre beauté, s’étouffer dans ses propres pièges, mais laissez-là aussi se prolonger dans tous les sens, exprimer le neuf, l’ancien, l’inexprimable , porter nos rires, nos enthousiasmes, laissez-la se soulever, extravagante, ou bien se taire.

Mais la langue l’interrompait, frémissante, et le faisait taire par ses cris rauques : Je me noie dans mon insolitude, dans mon infirmance, faméliques paroles coulées de vos gorges baignées de peurs et de chaleurs vivantes, frémisseuses, amourantes, beauté des consumences du feu, qui pourra m’aliéner ? Mes amoureux me traduiront toujours, et les savants ne m’enchaîneront jamais, car les chaînages cliquètent comme de beaux bijoux exotiques, dictant de nouvelles façons de m’habiter, qui vous échappent, vous échappent, vous échappent.

Je suis la langue et j’habite dans vos bouches, dans vos rêves, je suis presque votre peau. Ne me méprisez jamais car j’exprime toujours, et vous possède toujours. Ne m’enchaînez jamais car j’en mourrai. Je veux qu’on m’invente sans cesse, se souvenant de mes plus vieilles perles et m’en créant de nouvelles.

Je suis la langue. Parlez-moi profondément du fond de vous-mêmes, parlez-moi et parfois… Taisez-vous… Taisez-moi et laissez-moi vous habiter, influencer vos rêves, déplacer votre intelligence. Laissez-moi pénétrer langoureusement tout votre corps et me répandre, couler en vous comme un fleuve, je suis lasse et m’ennuie enfermée dans vos cerveaux étroits. Laissez-moi descendre le long de votre cou, glisser dans votre dos ; je veux tomber dans vos fesses, rebondir, remonter dans votre ventre, emplir vos seins, votre poitrine, de mes milliers et mes milliers de mots, de sons, de plaintes qu’il ne faudra pas séparer, pas détacher, car ils ne sont qu’un souffle décliné cent mille fois.

Je veux être animale. Je vous offrais le flux et le reflux et le mouvement ; vous m’avez enfermée dans une cérébralité arrogante, inutile et monotone. Je voulais être le bel atour d’une animalité parmi tant d’autres, on a fait de moi le parangon de la différence humaine. Je veux me déployer, explorer vos corps, participer à la danse et réunir ce qui était séparé, classé, analysé.

Je suis la langue : dans l’ultime démonstration de ma splendeur, je vous ramènerai au bercail de la perfection innocente et vaste de l’animalité, loin de la Destruction.

 

 

mercredi, 05 octobre 2016

Ancienne prière, prière vive

En ces temps où le Dieu des chrétiens a été enterré vivant sous des strates d'athéisme, on n'a pas toujours le cran de bigoter en se signant face à une église vide ou en récitant le Notre-Père avant d'entamer en compagnie un repas sans gluten dans un restaurant cher du onzième arrondissement de Paris.

Une tactique judicieuse consiste à le réciter en langage crypté. Les connaisseurs pardonnent, les béotiens se convertissent illico.

Voici par exemple :

 

Notre daron qui crèches au ciel,

que ton blase soit sanctifié,

que ton règne aboule,

que ton zirdé soit fait sur la basse comme aux Champs-Elysées.

Abèque aujourd'hui notre artie quotidien,

Scuse nos offenses, comme nous remettons l'ardoise à ceusses qui nous ont traités,

Ne nous asticote pas avec la tentation,

Et démaque nous du Mal.