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Rechercher : lumière

L'incertitude, comme maltraitance morale

Je ne parviens plus à penser, parce que les annonces contradictoires, sanitaires et politiques, me maintiennent en état de tension, d'autant qu'elles revêtent un caractère temporaire et sont remplacées régulièrement par d'autres annonces. La population se retrouve en état d'insécurité, ne sachant pas comment s'organiser, tentant toujours de deviner ce qui sera permis ou interdit le surlendemain.

Jamais je n'ai vécu un tel moment : de longs mois au cours desquels on entend régulièrement les gens, dans la rue, dans les magasins, parler de la même chose que nous : les événements. On commente, sans pouvoir penser. On suppute, sans pouvoir prévoir. On attend demain, mais demain devient aujourd'hui où l'on attend demain, qui demeure incertain.

Et peu à peu le nombre de gens qui pensent qu'hier reviendra rétrécit comme peau de chagrin. De plus en plus, nous sentons qu'une page s'est tournée, que nous avons pénétré dans une terre de méandres et de sables mouvants. Je n'ai plus de boussole, je n'ai plus d'aimant.

Il faudrait pouvoir fuir dans de gros bouquins passionnants, mais ma défaillante volonté et mon grégaire instinct me ramènent toujours à faire « clic clic » sur des claviers plus ou moins larges afin de lire des nouvelles inutiles et alarmantes, comme un alcoolique se ressert un verre, comme un fumeur invétéré rallume une clope, malgré la décision prise d'arrêter une demi-heure auparavant.

« Seigneur, reste avec nous car le soir tombe » et que les lumières artificielles n'éclairent que nos doutes.

 

Sur le blog de David Madore, un article parlant

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samedi, 24 octobre 2020 | Lien permanent

Lecture par un après-midi trop chaud

Torpeur sur l'appartement plein de lumière dans lequel je viens de lire un article de Cécile Rastoin/Soeur Cécile de J-A

« La pensée moderne se caractérise par une conscience aiguë de l’historicité des normes et leur remise en cause, la difficulté à penser des frontières et la fascination de l’hybridité, une exigence d’égalité universelle et le refus de la violence exercée au nom de normes. Ces caractéristiques ont paradoxalement leurs racines dans la tradition biblique, comme nous l’avons constaté : l’interprétation des normes au-delà de la lettre à chaque génération, le refus du modèle païen d’humanité à étages (ou castes) et la mission d’une fraternité universelle, au nom d’un père unique. Mais ces caractéristiques ont peu à peu subverti nos réalités les plus familières jusqu’à la racine, elles ont rongé de l’intérieur nos certitudes faciles et nous ont extraits de tout confort de pensée. Notre société de confort est devenue la plus inconfortable intellectuellement qui soit ! La difficulté à penser les frontières et la fascination de l’hybridité semblent, nous l’avons vu, causées par les progrès de l’observation scientifique et les analyses déconstructionnistes. Peut-on y répondre en les intégrant ? »

L'article est lisible ici : What's the trouble ?

... et me change de ma relecture d'hier, dans un autre genre, tout aussi troublant, d'un vieil article d'Yves Bonnardel sur les Cahiers antispécistes : Pour un monde sans respect

 

Ailleurs sur AlmaSoror : Adélaïde

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mercredi, 30 mai 2018 | Lien permanent

Nostalgie du soir

Il fait nuit. Les passereaux sont endormis dans les arbres. La lune est presque pleine. Ma mère lit un article sur les vieux croyants de l'église orthodoxe et je l'entends murmurer "C'est passionnant... Passionnant..." et plus loin : "Ils sont fous". Silence, puis : "ça maintient des grandes cultures, d'être aussi radical". Ce murmure dont je saisis l'essence, mais pas le sens, ajoute à la poésie du moment. Deux toutes petites lampes éclairent deux petites pièces. La douce musique de Guy de Lioncourt réveille en moi les crises mystiques d'une adolescence écartelée entre le drapeau blanc, le drapeau noir et le drapeau rouge. Désormais je laisse les drapeaux partir sur les bateaux. L'océan ce soir ressemblait à un lac. Les réverbères de la ville diffusaient leurs lumières bleues vers le port, jaune vers le Château d'Olonne, le remblai scintillait de mille feux et les immeubles paraissaient autant de diamants posés sur l'écrin de la baie. La lune presque pleine nous éclairait à peine, ma mère et moi étions seules dans l'océan. Elle pensait sûrement aux bains de minuit de sa jeunesse. Je pensais aux bains glacés de Sofia Tolstoï à Iasnaïa Poliana. On n'y voyait pas très loin, les silhouettes des bateaux au large avançaient majestueusement comme de gros escargots royaux. Il ne faut pas tout dire pour laisser planer du mystère sur les lieux, les événements et les êtres. Au fond, nous ne comprenons pas mieux que les autres animaux ce que nous sommes, d'où nous venons et où nous allons.

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samedi, 06 septembre 2014 | Lien permanent

Co-patronne de l'Europe

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Depuis les premiers chrétiens, qui étaient juifs, il n'y avait plus eu de saints issu du peuple natal du Christ. Mais en 1998, sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, née Edith Stein en 1891 en Haute-Silésie (Prusse), a été canonisée par le pape Jean-Paul II à Rome. 

Sainte Thérèse Bénédicte de La Croix deviendra-t-elle la cinquième doctoresse de l'église catholique romaine - et la troisième carmélite (après sainte Thérèse d'Avila et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face) ? Difficile de ne pas le croire. 

Profonde philosophe, disciple de Husserl, féministe convaincue, enseignante, excellente pédagogue, bonne écrivain, puis carmélite, il paraît qu'elle était très drôle et chaleureuse, mais aussi secrète et empreinte d'une certaine austérité. "Secretum meum mihi", disait-elle, inspirée par Isaïe et Jean de la Croix. Mon secret est à moi.

Mon Seigneur et mon Dieu, Tu m’as conduite sur un long chemin, obscur, pierreux et dur. Maintes fois mes forces faillirent m’abandonner, à peine j’espérais voir un jour la Lumière. Pourtant, au plus profond de la douleur où mon cœur se figeait, une étoile claire et douce se leva pour moi. Elle me conduisit fidèlement ; je la suivis d’abord hésitante, puis de plus en plus confiante, je me tenais enfin à la porte de l’Église. Elle s’ouvrit ; je demandai d’entrer. 
(IN
Le secret de la croix)

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jeudi, 20 janvier 2022 | Lien permanent

Toute la poussière du monde

(un billet d'Edith)



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Une lumière, un visage d’ombre. Le claquement d’une porte. La noire hérésie pour laquelle mon frère fut condamné m’avait amené dans ce lieu désert perdu au milieu de la ville grouillante. Le réverbère, dehors, en éclairait l’entrée. On était entre chien et loup. La guillotine s’était tue. A travers les allées de piliers, des halos de lumières enveloppaient les statues. Tout était à demi mort ; tout me rappelait la mort. Celle de mon frère, tant aimé à l’enfance, tant craint depuis. Celle de mes parents, qui reposaient là bas, au village du malheur. Celle qui m’attendait, tapie dans l’ombre, et que je ne voulais pas voir en face. Les pas de l’autre pèlerin résonnaient sur les dalles. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, prononçait en geste la main de l’inconnue. Je murmurai en moi-même : ainsi soit-il. Tant que l’on prononce les mots, la langue et la vision qui les ont enfantés ne sont pas mortes. Voilà pourquoi il faut parler. Tant que l’on invoque les morts, leurs yeux qui regardaient le monde ne sont pas complètement éteints. Voilà pourquoi il faut prier. L’architecture des lieux ressemblait au monde que la foule, dehors, dans la ville grouillante, détruisait. Et si la guillotine s’était tue, à la fin du jour d’ardent labeur, les sanglots des amis et des parents mouillaient les linges des maisons, à l’heure qu’il était.
L’odeur de notre dernière conversation me revint : la verveine. Au milieu de la petite table où nous jouions à un jeu de hasard nos tasses émanaient la senteur chaude de l’herbe des soirs d’automne. Nous nous étions peu parlés ce soir là. Nous ignorions que nous partagions nos dernières instances fraternelles – moi, je l’ignorais. Les événements avaient commencé, pourtant. Mais on n’y pensait pas. On n’imaginait pas qu’un monde vieux, immuable, installé, puisse être renversé en quelques jours. Je déambulais toujours entre colonnes et piliers glaçants, hauts comme les inspirations qui les élevèrent. Soudain, le Christ apparut dans un écrin, au milieu de la nef. Aussitôt ses disciples et ses évêques penchèrent la tête en signe de révérence. Je demeurai coi. Mes yeux brouillés par la myopie, par la fatigue, se plissèrent pour mieux le voir. Alors j’aperçus les tâches brunes qui salissaient son visage.
-Ainsi, vous apparaissez toujours aux hommes tels qu’ils sont, non tels que vous êtes. Merci, notre Seigneur, de vous être revêtu de la lèpre.
Le Christ sourit.
-Je suis le frère de ceux qui souffrent dans la vérité.
Des rangées de chaises un murmure se souleva. Les hommes les avaient délaissées : ce furent elles qui dirent les prières.
-Tu vois que je suis mieux servi par d’humbles objets que par les hommes, dit la voix pure du Christ.
-Maître, seriez-vous en train de dire que ces chaises ont une âme ?
-Elles ont l’âme que leurs créateurs leur ont influé, tout comme toi, mon frère. Mais je t’appelle frère, et justement tu es venu pleurer un frère.
-Oui, Maître. Ils l’ont guillotiné hier.
Ma voix se brisa. Je crus que le Christ n’avait pas entendu. Mais le Christ entend tout. Il me regarda avec une compassion telle que des vagues de larmes apparurent aux portes de mes yeux. Dans un ultime sursaut, je les refoulai et elles repartirent d’où elles venaient. Il est loin le temps de l’enfance où je pleurais sans relâche et sans entrave. Je me l’interdis depuis et ne sais ce qu’il adviendrait de moi si, un jour, je les laissais sortir, tous les sanglots d’homme méprisés.
Je sentis des yeux sortir de tous les endroits de l’église, qui regardaient le Christ. Un fauteuil rouge épuisé se redora. On sentait des présences là où le regard scrutait en vain. Quelque chose avait lieu.
-Est-ce un miracle, mon Maître, ou un rêve, que je vis là ?
-Tous les rêves sont des miracles, mon fils. Et la voix du Christ était toujours pure, mais moins imberbe, et je reconnus la présence de Dieu, son Père.
Est-ce que tous les miracles sont des rêves, interrogeai-je en moi-même, alors que le frisson s’évaporait. Une sensualité avait parcouru l’église. Les jambes des saints s’étendaient. Je vis que nous étions dans un monde où les mères sont plus jeunes que leurs Fils et elles les prennent dans les bras quand elles les retrouvent morts après les batailles inégales. Et le Fils est grandi par l’amour de sa mère et la mère est rajeunie par la grandeur du Fils. Aucune clef n’ouvre la porte des cœurs de ces piétas remplies d’amour. Les trousseaux fusent ; aucun ne sert. Seules les paroles christiques et les regards d’enfant peuvent enfreindre le blindage de l’Immaculée conception. Une sincérité avait parcouru l’église. Un homme empierré levait les bras et récitait des cantiques au soleil. Et Jésus souriait.
-Maître, avez-vous vu mon frère, demandai-je, tout imprégné de terreur et d’espoir.
-Maître, avez-vous vu ses frères, demandèrent les médiateurs et les têtes couvertes d’une mitre. Car chacun avait vu mon visage de lépreux et chacun savait que mon cœur lui-même était en lambeaux. Un silence se fit. Le vide des lieux réapparut. Le Christ sembla évaporé. Un vent glacial fendit l’air. Je crus qu’il allait me déchirer.
-Ton frère intercède pour toi, parla le vent.
La voix n’était pas assez charnelle pour que sa pureté étonne. C’était une voix d’élément – de montagne, de vent, la voix des nuages immobiles. Et je reconnus que c’était la voix du Saint Esprit. Des lueurs suivaient le vent sur les dalles, dans les allées, parmi les piliers et sur les surfaces des vitraux.
Je reconnus, derrière son casque et sa robe de fer, la Sainte ultime des Français. Elle souriait à l’Europe en tenant son épée. Elle semblait radieuse, ouverte à l’avenir, offerte au glaive de demain.
Des coups retentirent. C’était vers la sacristie. Je courus. J’avais peur de perdre des membres en m’agitant ainsi. J’arrivai dans la pièce mystérieuse, qui était à moitié découverte. Les barbares, la veille, avaient arraché le toit. Une chaise, une colonne, une porte dérobée. En haut, moitié de plafond, moitié de ciel. En bas, les dalles et toute la poussière du monde qui ondulait dans un bruissement. Je regardai autour : qui avait frappé ? Personne n’apparaissait. Le bruit s’était tu.
-C’est moi, mon frère.
Je fus pétrifié. C’était la voix de Thierry.
Je ne pus m’empêcher : je poussai un râle, un gémissement de gisant.
-Mon frère !
-Ton frère.
-Où es-tu ???
Cette, fois, j’avais crié avec rage. Et je recommençai : où es-tu ? où es-tu ? où es-tu ?
J’étais fou. Sa voix ! Cette voix ! Pourquoi résonne-t-elle encore ? Il est mort ? Il n’est pas mort ? Pourquoi ?? Pourquoi !
- Calme-toi, mon frère.
Il avait parlé à nouveau. Oui, je me calmerai, Thierry. Je tâchai de respirer, je m’accrochai à mon manteau. Je m’appuyai contre le mur de la sacristie vandalisée. J’aperçus dans l’église la lumière d’un lustre appuyé debout sur la dalle. Cette lumière m’apaisa : la lumière existe. Je vois toujours. Je distingue. Je ne suis pas mort.
-Tu as donc peur de la mort ?
-Hein ??
Il rit.
-Tu es disloqué comme un trop vieux cheval. Ton corps se décompose. Ton cœur halète, sanglant de souffrance. Les hommes ont pourchassé le frère que tu aimais, ils détruisent les lieux de ta culture. Et tu as peur de la mort.
-Où est le Christ ? L’as-tu vu ? Il était là tout à l’heure. Il m’a parlé dans l’église.
-Il se repose. Je suis venu te voir. Ne t’inquiète pas.
Je fis quelques pas.
-Comment se fait-il que je t’entende ? Tu es mort. Ils t’ont tué.
-Tu m’entends parce que tu as ouvert les yeux. Cette nuit, ou hier, ou aujourd’hui, à un moment tu as ouvert les yeux.
Je ne compris pas. Je ne me souvenais pas. Je marchais dans l’église et le froid de la demi sacristie s’éloignait dans mon dos. Mes os glacés me faisaient moins mal, bien que je les sentisse tous distinctement se tordre dans l’effort. Marcher devenait héroïque.
Puis j’arrivais face à deux portes, deux chemins qu’éclairait un halo de lumière virginale. Une étrange hésitation se fit sentir. Je sus qu’une de ces portes serait ma destinée.
Laquelle choisir ? Se demandait mon cœur.
-L’une mène à Dieu ; l’autre à Satan, fit la voix de mon frère.
-Et comment savoir ?
-On ne sait pas avant.
-Et si on se trompe ?
-On ne se trompe jamais.
C’était trop dur. Je m’arrêtai. La fatigue me prit. Les deux portes me faisaient face, le halo de lumière avait dessiné un tapis de roi pour mon passage. Je n’irai pas, pensais-je. Je vais rester mourir ici. Ils m’emmèneront où ils veulent. Moi, je ne choisis pas comme ça, sans rien savoir.
Les minutes passèrent, peut-être des heures. Aucune voix n’avait brisé le silence, ni celle de mon frère bien aimé, ni celle du Christ, ni aucune autre voix.
Quand mon corps arriva de l’autre côté de l’épuisement, j’entendis ma voix réclamer :
-Seigneur, mon maître, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Aussitôt mon frère apparut, dans un linge blanc, par une des deux portes. Mes yeux brouillés par l’exténuation avaient mélangé les deux portes en une et je ne sus par laquelle il apparaissait.
-Thierry. Te revoilà.
Je me sentis sourire. Il tendait les mains, comme une image sainte.
Je tendis les mains aussi, vers lui.
- Thierry. Moi aussi je meurs. Pourquoi le Christ ne revient pas ?
-C’était moi.
-Toi !
-Je reviens souvent. Tu as été le frère du Christ et je vais te prendre dans mes bras pour te remercier.
-Toi ? Tu étais le Christ ? Mon frère Thierry ?
-Moi, je suis le Christ et j’ai eu beaucoup de prénoms depuis le début du monde.
-Mais tes coups ? Tes colères ? Le vol du vélo ? L’enfant de Sandra ? La… La…
-C’est toi qui ne m’as pas reconnu. Tu as ouvert les yeux hier, ou cette nuit, ou aujourd’hui. Depuis que la guillotine m’a tué tu as pensé à moi comme on pense au Fils éternel. Tu as retrouvé la foi de ton enfance, quand tu m’aimais envers et contre tout.
-En grandissant, Thierry, j’ai…
-Il ne faut jamais accepter de grandir.
Ses bras m’enveloppèrent. Ainsi j’avais vécu une vie d’homme, triste et morne, avec pour frère humain, Notre Seigneur Jésus Christ. Nous nous étions peu vus dès l’âge adulte, et l’ochlocratie l’avait condamné à l’échafaud, comme tant d’autres. J’avais suivi son histoire à travers la presse haineuse qui sévissait, cachant mon visage en lambeaux depuis que l’hospice qui nous enfermait, moi et mes compagnons de misère, avec tombé sa surveillance. J’avais marché vers le lieu où la tête de Thierry était tombée. J’avais ressenti à nouveau l’amour fraternel et l’admiration de l’enfance… Et J’étais entré dans l’Eglise blessée, désertée. Et Thierry était venu me chercher. Et Thierry était le Christ, et le Christ était Thierry. Et j’allais rentrer dans la mort comme j’était venu au monde : faible, peureux, accompagné.

Edith de Cornulier-Lucinière - Ecrit dans la nuit du 17 au 18 avril 2009

 

En pédéhaif : Toute la poussière du monde illustré par des photos de Sara

 

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mercredi, 15 décembre 2010 | Lien permanent

Les aperçus de Marc Haven

 Aperçus sur le Tao

 

 

Marc Haven

 

 

 

Le Tao et sa vertu

Une voie qui peut être tracée n'est pas la Voie éternelle : le Tao
Lao Tseu

 

(Note d'AlmaSoror : les chiffres entre parenthèses renvoient aux notes insérées par Marc Haven lui-même, citations dévoilées dans un esprit d'unification des traditions spirituelles)

 

Sur le plan intellectuel, ce que l'on conçoit bien, peut, dans toutes les langues, s'énoncer clairement. Il n'en est pas de même des révélations d'ordre mystique ; leur perception procède d'un sens interne à l'état latent dans tout être humain, mais appelé à se développer par la recherche intuitive de la Vérité et la Vie intérieure : c'est le cœur spirituel (1).

Par lui, les inspirés, les saints, reçoivent la lumière de l'Esprit. Mais comme cette lumière tient à l'essence des choses, elle est difficilement communicable à la plupart des hommes, pour qui le monde sensible représente encore la seule réalité. C'est pourquoi, lorsque les Sages veulent en parler, ils se heurtent à l'insuffisance de notre langage (2) et sont contraints de se servir de figures allégoriques ou de symboles.

De tels moyens d'expression resteraient lettre morte s'ils ne gardaient en eux, comme tout ce qui vient en ligne directe de la Source créatrice, un vivant reflet de l'Esprit qui les inspira. On peut s'en convaincre en lisant d'un cœur simple les textes sacrés d'Orient ou d'Occident par quoi la Grande Tradition nous est transmise d'âge en âge (3).

En raison de la haute spiritualité de son œuvre, Lao Tseu n'a pu échapper à la nécessité d’utiliser des images symboliques. Pour représenter le Principe éternel et inconnaissable de toute chose, il a choisi un mot que son étymologie rend apte à cette désignation conventionnelle. « Ne connaissant pas son nom, dit-il, je le désigne par le mot TAO ».

Le caractère TAO est composé du radical « marche », uni au radical « tête ou principe, point de départ d'un système, pensée directrice d'un mouvement ». Il signifie, au sens propre : un chemin, une voie. À ce titre, il avait paru le meilleur aux écrivains, dès l'antiquité, pour désigner une doctrine, la loi morale et sociale, et il reste, comme tel, d'un usage courant chez tous les philosophes chinois.

Lao Tseu lui donne une acception nouvelle. Il l'utilise pour représenter le Principe primordial, la Cause des causes, l'Absolu inaccessible, l'Être-Non-être supérieur à toutes les créatures, origine de tout, qui a toujours été, est et sera toujours, sans qui rien ne serait et qui est Tout en tout.

De même, il a pris le caractère TE pour manifester l'Être, la manifestation du Tao, sa puissance créatrice. Le sens habituel du mot TE : « vertu, excellence morale, qualités, propriétés naturelles », se trouve ainsi non seulement amplifié mais divinisé.

De là vient le titre donné par le Vieux Maître à son œuvre : Tao Te King, le livre du Tao et de sa Vertu. Ce livre est une introduction à la Voie de la Simplicité originelle. On accède à cette voie en créant soi-même, par l'abnégation et le détachement (4), un vide que remplit la Vertu du Tao. Il s'ensuit une révélation intuitive de la Vérité, très différente des méthodes de recherche du Vrai par l'intermédiaire des sens et des facultés mentales.

Dans la présente étude nous essaierons de dégager, s'il est permis de s'exprimer ainsi, la notion de Tao, en suivant ligne par ligne le premier chapitre du Tao Te King, comparable, par sa forme lapidaire, à un théorème dont les 80 chapitres suivants ne seraient que la démonstration. Les autres Aperçus sont consacrés à quelques points essentiels de la révélation taoïste.

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vendredi, 27 juin 2014 | Lien permanent

Fragment d'un printemps arabe

 

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Jacques Benoist-Méchin écrit comme un dieu de l'esthétique, un metteur en scène littéraire. Voici des lambeaux de son Printemps arabe, publié en 1959 aux éditions Albin Michel.

 

« Passe devant nous, semblable à une citadelle resplendissante de blancheur, l'Olympic Cloud, un pétrolier de 30 000 tonnes... Ce château de rêve glisse lentement devant nos yeux. Sa gloire immaculée domine de haut le désert, les dunes et le faîte des palmiers.
Ce palais majestueux a l'inconsistence d'un mirage. Il semble sur le point de se dissoudre dans la nuit.

...

Les réservoirs de pétrole semblent des cratères d'acier portés à l'incandescence où les damnés se tordraient dans un bouillonnement de bitume. Tout au loin, à moitié masquées par un écran de dunes, des nappes de lumière blanche, d'une lividité spectrale, semblent indiquer les points où le désastre est consommé. Sont-ce des météores tombés au-delà des horizons, des satellites qui achèvent de se désagréger dans un halo de sodium ? Non. Ce sont les raffinements de Ras-Tanura et de Bahrein. De jour, la distance ne permet pas de les apercevoir. Mais la nuit, par temps voilé comme c'est le cas ce soir, leur clarté blafarde, rétractée par les nuages, teint le ciel d'une lueur qui n'est pas de ce monde. Je reste pétrifié devant ce spectacle hallucinant, que Dante lui-même aurait hésité à décrire. Quel sens faut-il donner à ce décor luciférien, où l'orgueil de l'homme moderne rejointe celui de l'archange déchu ?

...

Si le désert est le règne du silence et de l'immensité, ici c'est le règne de la sérénité et du calme. Pas un souffle dans l'air, pas une ride sur l'eau. La mer est si paisible que ses bords ne sont même pas ourlés d'une frange d'écume. Détachées du rivage, des lagunes flottent paresseusement à sa surface. On les croirait suspendus à mi-chemin entre deux ciels, car tout est imprégné de la même pâleur nacrée. Pas de ligne d'horizon. Là où cesse la terre, commence simplement un vide au sein duquel les éléments se dissolvent en fumée. On se croirait arrivé aux confins du monde.

...

Je regarde Daraya la morte. La ville paraît ensevelie dans un linceul de lumière. »

 

Nous parlâmes de Benoist-Méchin déjà sur AlmaSoror :

Un témoignage épuré

Trois esthètes du XX°siècle : Romain Rolland, Jacques Benoist-Méchin, Raoul Vaneigem

Le style immense et plein de pensée de J B-M

 Le désillusionné

 L'invasion de l'Europe - années 700

 

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  Et encore un extrait du Printemps arabe :

 "Les Grecs n'étaient pas les contemporains de leurs adversaires. Ils avaient mille ans d'avance sur eux. Devant cette pensée lucide, expérimentale et spéculative, que pouvait l'Orient encore tout empêtré dans ses philtres et ses incantations ?

Pour Darius, Babylone était le centre de l'univers alors qu'Alexandre était déjà au seuil de l'héliocentrisme. Ses victoires n'étaient pas seulement celles de la mobilité sur la stagnation, de l'individu sur la masse, de l'intelligence sur le rêve ; c'étaient celles de la forme sur l'informe, de l'ordre sur le chaos. C'étaient celles d'un Europa-Korps sur les foules asiatiques".

 

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lundi, 31 décembre 2012 | Lien permanent | Commentaires (1)

La solitude des champs de blogs

 

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(un billet d'Edith)

 

Si, quand j'avais quinze ans, on me l'avait dit : que je téléphonerais du train, que je photographierais le wagon avec mon téléphone pour immédiatement poster la photo dans un lieu qui n'existe pas, peuplé de milliers de gens, que cette photo le monde entier pourrait la voir et lire les mots que j'écrirais à côté, que je raconterais ainsi une histoire de ma vie sans trop rougir et qu'à onze heures du soir, quand le train entrerait en gare de Lyon tout serait joué, j'aurais cru à une autre planète. J'aurais levé les yeux au ciel en me demandant où tout cela se passera. Mais je ne suis pas partie ailleurs dans le ciel : je suis toujours là, toujours vers Montparnasse, je n'ai pas encore de rides sur mon visage. Je n'ai pas changé de planète. C'est ma planète qui a beaucoup changé. Beaucoup des mots que j'utilise tous les jours, je ne les connaissais pas alors : ils n'existaient pas. Comment pouvais-je imaginer que je deviendrais blogueuse ? Le mot blog n'existait pas. J'ignorais l'existence naissante d'Internet. Les téléphones étaient accrochés à des fils et les appareils photographiques étaient tous argentiques.

 

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La soeur et le frère vivent ailleurs et reviennent souvent. La chienne est partie outre-vie. La maman lit dans son petit salon rouge. Cicéron, Jacques de Voragine, Zozime, et l'histoire secrète du parti communiste. Histoire, légendes et trahisons.

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Je suis partie le 13 novembre de la Gare de Lyon. Il faisait déjà froid mais les feuilles d'automne sont toujours là. Ce n'est pas encore l'hiver.

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L'allée a lieu en classe de seconde. J'entends les deux dames faire connaissance ; je méprise plusieurs personnes à cause de quelque chose mais je ne peux le dire ici. Ce ne serait pas politiquement correct. Il y a tant de choses qu'on pense et qu'on ne peut dire et qu'on ne peut même pas dire qu'on cache ! Les idées les plus évidentes sont les plus interdites. Alors tant pis si ce voyage ne permit pas une lecture tranquille dans le calme.

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Tant de colère dans le coeur ! Tant d'amour dans la haine ! Tant de doute dans l'amour ! Tant de noir dans la lumière ! Tant de lumière dans la nuit ! Tant de fumée dans les bras ! Tant de rêves dans le passé ! Tant de vide dans l'avenir ! Tant de frères dans la ville ! Tant d'ennemis dans les rues ! Tant de fiel dans les mots ! Tant de plastic dans les corps ! Tant d'esprit dans les gestes ! Tant de pesticides dans les idées ! Tant de souffrances dans les abattoirs ! Tant d'abattoirs dans la civilisation ! Tant d'eau dans les ravines ! Tant de chimie dans les vignes ! Tant d'oiseaux dans le ciel ! Comment réssusciter dans le triangle tragique de l'architecture, du visage et du regard ?

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Une semaine à Beaune, qu'en dire ? La ville est toujours belle. Etre une ville restée belle en 2010, c'est grand. Beaune est immense. Mais ces flux qui sillonnent métalliquement la France fragile sont menaçants :

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19 novembre 2010. Retour en première classe, à côté d'un Anglais très élégant et excentrique.

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Si quand j'avais quinze ans on m'avait dit que le 19 novembre 2010, je téléphonerais dans le train, qu'avec ce téléphone attaché à rien je prendrais une photo, que de ce téléphone, immédiatement, j'enverrais cette photo dans un lieu qui n'existe pas, peuplé de millions d'hommes, que chacun pourrait voir la photo et lire les mots que j'écris à côté, que je pourrais ainsi raconter une histoire de ma vie en appuyant sur les petits boutons d'un téléphone, j'aurais cru à une émigration dans sur autre planète. Mais je n'ai pas changé de planète : la planète a beaucoup changé. Je suis toujours là, vers Montparnasse, je n'ai pas encore de rides à mon visage et moins de crises d'angoisse. Des mots que j'emploie tous les jours certains n'existaient pas. Comment pouvais-je deviner que je deviendrais blogueuse quand le mot blog n'existait pas et que j'ignorais l'existence naissante d'Internet ? J'avais quinze ans et j'hésitais à vivre. Aujourd'hui, j'ai trente-deux et j'ai renoncé. Je blogue.

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N.B. : A Paris, les poubelles ont changé : elles sont "antibombes".

 

 

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lundi, 22 novembre 2010 | Lien permanent | Commentaires (19)

Encore un adieu

 

Affreuses visions de l'hôpital, des parkings, des aides-soignantes qui se traînent dans les couloirs glauquissimes, tragique transformation de Carmina pourvue d'une perruque blonde, maigre comme un clou, décharnée, la peau du visage et du corps jaune, allongée sur son lit, la voix un peu changée, pâteuse. Il y avait ses deux filles Gudule et Cléo, gentilles avec leur mère, ayant laissé leur dureté habituelle aux portes de la chambre, conscientes sans doute qu'il n'y a plus le moindre espoir. Je suis rentrée avec elles en voiture et nous n'avons touché mot du drame qu'elles vivent, que vit leur mère, nous riions de rien et de tout dans les embouteillages de Vertou. Oh mon Dieu notre siècle est celui des camps de concentration, hôpitaux, prisons, barres HLM, notre siècle est celui de la déshumanisation du monde et des fous rires dans des voitures payées à crédit.

Lorsque nous nous levâmes pour partir, Carmina se mit à sangloter. Puis, devant nos consolations fades, devant l'inanité de ses larmes, devant l'absurde fatalité de la situation elle a cessé de pleurer. Nous l'avons laissée seule face au plateau repas médiocre apporté par l'hôpital. Nous ne parlons pas en vérité de la mort, nous n'en parlons jamais alors que chacun y pense. Cette omission grande comme le néant empêche un vrai contact.

Là voilà, cette manière de mourir que chacun veut éviter et vers laquelle tant d'entre nous se dirigent. Une mort non choisie, (mal) administrée.

J'en suis hébétée.

Voir de suite la mort en face permettrait d'éviter cette lente déchéance sans paroles. Accepter l'arrivée de la mort la rendrait plus douce, plus vraie, plus tangible. Un adieu paisible serait possible.

Mais nous allons voir Carmina, nous savons qu'elle va mourir et ne lui disons pas Adieu parce que ce serait mentionner la mort, avouer qu'il n'y aura pas d'autre issue, et cette vérité là n'a pas sa place dans cette triste histoire...

Nous retournons dans la ville de Nantes, la laissant seule et jaune, dans sa chambre isolée et jaune, au milieu d'aides-soignantes, la plupart immigrées, qui lui parlent sans intérêt, sans gentillesse, qui ne sont là ni par dévotion, ni par morale, mais pour toucher leur salaire, sauf certaines qui sont un peu plus gentilles, un peu plus conscientes.

Ses filles retrouvent leurs maris et leurs enfants et j'hésite entre une soirée politique ou un bar lesbien pour oublier les détails techniques de la chambre 413. Elle s'éloigne de nous tandis que nous nous éloignons d'elle, si vivants, pour manger, boire, marcher sous le ciel de la ville, et ripailler loin des mourants. Et je pense à Paul-Jean Toulet, au poème qu'il écrivit le dernier jour et que la mort interrompit :

Ce n'est pas drôle de mourir

Et d'aimer tant de choses

La nuit bleue et les matins roses

Le verger plein de glaïeuls roses

L'amour prompt

Les fruits lents à mûrir...

Enfance, cœur léger.

 

Carmina, tu étais pétillante. Tu étais violente et méprisante, et drôle quand même quand tu laissais tout aller et que tu faisais la fête. Tu étais belle et pimpante le dimanche, et soudain glaciale comme une bourgeoise plus riche que nous, et à nouveau charmante, le verre à la main, entonnant une chanson, t'agitant dans un débat politique. « Je suis l'homme de la rue, je pose une question comme ça ! » crias-tu un jour à un amiral qui sourit, désarmé par ta faconde baroque, et nous rîmes tous. Ce soir, je suis chez moi devant mon ordinateur, la musique tourne, j'ai bien bu et mangé et je t'ai laissée seule, douloureuse, souffrant, pleurant, t'enfermant dans une bulle parce que ta prison t'a ensevelie, qu'il n'y a plus d'espoir pour toi, seulement de temps en temps des baisers de tes filles. Tout s'est effondré dans ta vie, ton mariage et ta santé. Nous avons vécu les uns à côté des autres, et tu t'en vas ?

Oui, tu t'en vas, et nous nous en irons tous à notre tour.

Hier soir à l'hôpital il y avait tout de même la beauté de la nuit sur le béton des villes de l'Ouest, la beauté des lumières des réverbères sur le toit des bâtiments, l'étrangeté nocturne qui dissipe la cruelle criardise du jour. L'allée le long de l'hôpital fut cinématographique.

 

 

("Une âme ne peut donner aux autres que du trop-plein d'elle-même, que le surplus qui lui est donné.    On ne peut faire aimer l'Amour que dans la mesure où on le possède, comme on ne peut rayonner que si on porte en soi la Vérité, qui est la Lumière". Marthe Robin)

 

 

Sur AlmaSoror

L'échec social par Philippe Ariès

La ville de perdition par Axel Randers

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mardi, 18 novembre 2014 | Lien permanent

Mise au point

Veuillez trouver la mise au point de Venexiana, suivie du droit de réponse de MCA.

 

Si je vous écris ce soir, chers lecteurs d'AlmaSoror, depuis ce Palace M où l'on boit les meilleures bouteilles d'alcool de salamandre qu'on puisse trouver sur cette bonne vieille Terre, c'est parce que je suis sortie dans la ville et j'ai erré, erré, pour trouver du tranxène 9-Excalibur. Aucune autre drogue n'aurait pu me sortir des affres où m'avait plongée le mail psychotique de Michel Carant-Agouy.

Je sanglote depuis hier soir. J'ai bien le droit de diffuser ce poison vénéneux. Avant de lire, toutefois, assurez-vous que vous avez les nerfs bien calés dans leurs tissus :

merci pour ces merveilleux souvenirs du cinéma de la décennie 2030. 
A mon avis la vraie rupture c'est "Love me, not ?" de Traput Bachira mais je peux comprendre tes arguments. Mais avoue que l'utilisation du stroboscope pour éclairer les trépidations de la pensée était une nécessité qui ne pouvait apparaître que lors. Seulement lors.

Il va de soi que je ne souscris pas à l'absurde vision de MCA, lorsqu'il évoque la rupture qu'aurait provoqué Traput Bachira avec son film Love me, not ? Comme je le lui ai répondu sans ambages :

je ne sais même pas comment tu oses supputer qu'il serait une rupture, voire LA rupture. Le film ne comporte aucun Sternum-phare et son dialogue n'est que demi-mental.

Bien évidemment, je n'aurai pas fait cas de cet échange de vue par courrier électronique sur cette avenue publique qu'est devenue AlmaSoror, s'il ne s'agissait que de cette opinion curieuse et, somme toute, peu nocive, à propos de Love me, not ?

Non, ce qui m'a entraînée dans de violents tourments intérieurs, élevant d'abord mon âme vers les sommets de l'exaltation pour ensuite la jeter dans la géhenne de la désespérance, c'est la révélation glaciale et brûlante que MCA nous jette à la figure à propos du Stroboscope.

Mais ne tombons pas dans la gueule du loup !

Car si nous, membres du groupe électro-nirvana, décorés de toutes les médailles de la lumière intellectuelle, capables en outre de semer des graines créatrices dans les esprits de nos post-contemporains (à cet égard, pour ceux qui douteraient de mes compétences, je rappelle que je suis internée d'honneur à l'asile d'Apsyaï, comme le mentionne justement Katharina Flunch-Barrows dans la biographie qu'elle m'a consacrée), car si nous, disais-je, avions tout prévu, tout conçu, tout pensé dans la plus complète liberté de nos cœurs, jamais nous n'avions osé dévier au point d'éclair où MCA nous projette brusquement.

A l'ouest, mais sans perdre le nord, MCA ne se contente pas d'affirmer que l'éclairage des trépidations de la pensée par le stroboscope était nécessaire, ce qui constitue en soi une révolution copernicienne qui ébranle nos bases ; non, il ajoute, avec une perfidie qui m'arrache encore des larmes, que cette nécessité ne pouvait apparaître que lors. Et, sans doute parce qu'il a abandonné toute idée de compassion envers son prochain, et particulièrement son prochain esthète, il insiste comme un chat torture une souris : seulement lors.

J'ai lu son mail, et j'ai fui comme un rat qui court, j'ai couru avec un jean délavé et un T shirt transparent sur les boulevards de l'oubli, j'ai poussé, en train, jusqu'au Havre où j'ai dansé comme une furie dans ma si belle robe verte parmi les fleurs extraterrestre de la déchirure maritime. Et puis, ne pouvant surmonter le mal des ardents du poison insufflé par la sonde de sa phrase, j'ai vomi tout mon pituite sur les poubelles de l'aube.

Alors, notre compagnon d'armes Aleixandre Loisnac est entré en lice. Il a participé à la conversation, et, dans une volonté désarmante de m'armer pour mieux résister aux attaques de la panique intellectuelle, il m'a incitée à aller voir un film qu'il a qualifié de perle : Espoir, tais-toi cru, d'Etopac Namurt. C'était le fol espoir que je me relève, que je ressuscite, que je m'en sorte. Et c'aurait pu, effectivement, ce film, oui, c'aurait pu être une porte de sortie, ma porte de sortie, notre porte de sortie. Mais la station spatio-temporelle 2032 était fermée aux personnalités non-qualifiées à cause d'une onde bizarroïde qu'un terroriste de l'ONU avait fait semblant de jeter dans l'espace-ciel 733. Aussi ai-je dû renoncer à ce film-sauvetage et ai-je poursuivi mon naufrage. Peu importe.

Il reste que, quoi qu'il arrive, nous devons nous fonder sur des bases solides pour parachever l'histoire de la décennie 2030 - sans quoi, de funestes trompeurs, tels MCA, peuvent nous faire vaciller sur nos certitudes intérieures. Or, sans elles, sans ces certitudes qui sont notre colonne vertébrale astrale, que peut devenir le chemin civilisateur ?

C'est cette question que je vous pose aujourd'hui, amis humains et néo-humains. Attention aux pervers. Attention aux attaques du non-sens proactif. Attention à ceux qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes et des stroboscopes révélateurs des trépidations de la pensée pour des Nécessairoscopes.

Merci à vous. Diffusez largement. C'est important pour l'avenir de nos mutants.

 

Éléments pour mieux comprendre le dossier :

La saga des voix lactées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Droit de réponse

 

Droit de question ou de réponse ?

 

chère Venexiana, chère à nos âmes et chère à nos futurs. 
 
Très chère en vérité tant vos larmes nous coûtent et vos arguments nous transpercent, permettez moi cette interpellation. Votre réponse a été pour moi une torture : torture du temps et de la faille cinématique. Vous décidiez donc, ce soir là, juste là, posé bêtement sur le rebord de la semaine, de faire valser les idées reçues et en grillant une lampe  de faire griller ce que en quoi nous croyons comme les Gliptosaures ont grillé sous les laves du  Dekkan. Non la rupture stroboscopique n'est pas une idée isolée et sortie de l'esprit de quelque pervers à qui aurait échappé l'éclair d'une ombre ou l'ombre d'un éclair. J'ai sous les yeux la demande d'internement signée par 37892 membres de la Société des Gens de Goût qui affirme sans ambages que Traput Bachira doit être interné d'honneur à l'asile d'Apsyaï. Et cette demande précise la nécessité de libérer la totalité de l'asile pour que ladite SGG puisse y installer le Service du Goût Exquis, qui serait présidée à l'avenir par Traput Bachira en personne. Je n'invente rien, les pièces sont là, protégées sous scellé et par des piranhas. Isolement, superbe isolement que celui des amis de Traput !
Mais venons en aux faits.
De quoi la lumière stroboscopique est-elle le nom ? De la naissance et de la mort. Une naissance et une mort renouvelées chaque fois plus intensément dans le flux d'une pensée, jusqu'à perdre leurs limites et devenir un seul jet, la vie. OUI, le cinéma stroboscopique est le seul cinéma qui ait su capter la vie, une vie complète, intermittente, féconde et anémique. Le seul cinéma qui ait la force et l'ambition de briser l'image animée jusqu'à tuer le spectateur, qui peut en effet traverser l'écran en abandonnant sa conscience souveraine. Il n'est pas étonnant dès lors que vous assimiliez Traput  à Copernic, reconnaissance involontaire de votre acquiescement au cinéma Bachirianique. Qui mieux que Alfred Copernic a su dire, en effet, que la source de l'image, la lumière du soleil, était intermittente non par la volonté du projecteur mais par le couple dansant du projecteur et de la toile. Ainsi c'est dans l'entredeux, dans le regard du spectateur pris dans cette danse comme au filet, que se jouait l'apoptose de la conscience. Effondrement narcissique parfait... jusqu'à l'invention terrifiante du projecteur à lumière continue,  qui menaçait d'élever une nouvelle tour de Babel des illusions mentales.  
 

Sur ces quelques mots de précisions, qui ne pourront apaiser votre cœur vêtu de vert, (CENSURE).

MCA, Michel Carant-Agouy

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mardi, 20 mai 2014 | Lien permanent | Commentaires (7)

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