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Apsyaï : extrait d'un reportage sur l'asile invisible

 

AlmaSoror présente l'extrait d'un reportage de Stella Mar, sur Apsyaï, l'organe psychiatrique le plus développé au monde.

Situé sur un atoll du Pacifique Sud, ayant plusieurs antennes (à Québec, à Paris-France, à Paris-Texas, à Chaumont et aux Kerguelen), l'asile propose aux médecins, infirmiers, masseurs et patients (demi-pension ou internés) une vie commune, fondée sur des règles de communauté libertaires, laïques où l'individualisme garde ses droits.

L'asile propose une maison d'édition-bibliothèque en ligne (Littératures du Cyborg), des soins à distance (pris en charge par la Fondation Étoile de Mer -Insomniapolis), une ligne d'appel d'urgence (SOS vaisseau errant) ainsi que de nombreux services et informations que le reportage de Mar étudie et dévoile. La seule unité à laquelle la cinéaste documentariste n'a pas eu accès est incidemment le fameux Quartier des Songes Perdus.

Malheureusement, nous n'avons pas la permission de diffuser le documentaire intégral. Ce court extrait, nous l'espérons, vous donnera l'envie de vous intéresser à l'équipe soignante d'Apsyaï et à ses internés psychiatriques.

La devise d'Apsyaï :
Nous fûmes poisson, nous sommes verseau et nous sommes l’Écrivain du Renouveau.

(En raison de l'extrême puissance du symbolisme des images, le logo-blason d'Apsyaï est interdit de propagation).

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mardi, 24 juin 2014 | Lien permanent

La Brière, terre de misère dans une langue de toute beauté

 

A mi chemin entre la langue paysanne de Jean Giono et la verve populaire de Louis Ferdinand Céline il y a le style d'Alphonse de Chateaubriant. Auteur maudit s'il en est, il n'est plus beaucoup lu, encore qu'il paraît que ses livres sont recherchés par d'improbables amateurs... Voici un extrait du premier chapitre du roman La Brière, publié en 1923 :

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Les sacs, la vergue, la voile, tout se qui se détachait du corps de la barque, il l'emporta sur son épaule, en plusieurs tours, jusqu'à l'annexe de l'auberge qui se trouvait à l'entrée du pont. Cela fait, il entra dans la salle, selon son habitude, à chacun de ses retours annuels, de s'arrêter dans ce cabaret boire le coup de l'atterrissage, avant de faire les lieues qui le séparaient de son île.
La salle était vide. Il s'attabla. C'était toujours à la même place – la quarantième fois depuis quarante ans – près de la fenêtre, d'où l'on avait vue sur les prairies comme d'une passerelle de navire.
Le dos tourné à l'arrière-cuisine, lorsqu'il eut devant lui son petit verre de muscadet, d'où se dégageait une colonne d'air comme les perles du nez de la carpe, il attira sa bourse de cuir, et étala sa monnaie, les sous avec les sous, les francs avec les francs, car c'était son habitude encore de trier et de recompter là son argent.

Quant aux billets, il les examinait séparément, chacun lui revenant avec son origine, grâce à sa luronne de mémoire : celui-ci, d'une blanchisseuse de la Madeleine ; cet autre, d'un marchand de cirés de la butte Sainte-Anne ; et tous les suivants aussi bien, revoyant même le jour, l'heure et le lieu de la vente. Et de ces papiers, il faisait une souple liasse qui chantait comme la soie dans sa grande main noire.

« Cent cinquante francs de moins que l'année dernière ; deux cent vingt francs de moins que l'année précédente ; quatre cents francs de moins que la troisième d'avant ! »

« Brière, terre de misère..., c'est donc ainsi qu'il faudra te parler ! »

 

Alphonse de Chateaubriant

 

La Brière, sur Une bibliothèque au 13

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dimanche, 25 septembre 2011 | Lien permanent

Tu es la mer intérieure. Tu es l'âme profonde.

 

Ils sont si peu nombreux, de nos jours, ceux qui ont lu Jean-Christophe, le roman-fleuve et fleuve musical de Romain Rolland, publié au début du XXème siècle.

Romain Rolland, Jean-Christophe, Roman-Fleuve, 13


« Le corps et l’âme s’écoulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde. Dans tes prunelles claires, le visage morose de la vie ne se mire. Au loin de toi s’enfuient, comme le troupeau de nuées, le cortège des jours brûlants, glacés, fiévreux, que l’inquiétude chasse et qui jamais ne durent.
Toi seule tu ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, à toi seule. Tu as ton soleil, tes lois, ton flux et ton reflux. Tu as la paix des étoiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, - charrues d’argent que mène la main sûre de l'invisible bouvier.


Musique, amie sereine, que ta lumière lunaire est douce aux yeux fatigués par le brutal éclat du soleil d’ici-bas !...
L’âme qui se détourne de l’abreuvoir commun, où les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce à tes mamelles le ruisseau de lait du rêve. Musique, vierge mère, qui portes en ton corps immaculé toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-pâle qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, - tu es par delà le mal, tu es par delà le bien ; qui chez toi fait son nid vit en dehors des siècles ; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour ; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.

Musique qui berças mon âme endolorie, musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, - mon amour et mon bien, - je baise ta bouche pure,
je cache mon visage dans tes cheveux de miel, j’appuie mes paupières qui brûlent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumière ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette ; et blotti sur ton coeur, j’écoute le battement de la vie éternelle ».

 

Romain Rolland - Jean-Christophe

 

Jean Christophe sur Une bibliothèque au 13

 

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samedi, 20 août 2011 | Lien permanent | Commentaires (2)

Citadelle

 

PAR Antoine de Saint-Éxupéry
"De l'homme, je ne demande pas quelle est la valeur de ses lois, mais bien quel est son pouvoir créateur".
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Photo Sara

 

 

"Et je m'en fus parmi mon peuple songeant à l'échange qui n'est plus possible lorsque rien de stable ne dure à travers les générations, et au temps qui coule alors, inutile, comme un sablier. Et je songeais : cette demeure n'est point assez vaste et l'oeuvre contre laquelle il s'échange n'est point assez durable encore. Et je songeais aux pharaons qui se firent bâtir de grands mausolées indestructibles et anguleux qui avancent dans l'océan du temps qui les use lentement en poussière. Je songeais aux grands sables vierges des caravanes dont quelquefois émergent un temple d'autrefois, à demi sombré et comme démâté déjà par l'invisible tempête bleue, voguant encore à demi, mais condamné. Et je songeais : il n'est point assez durable, ce temple avec sa charge de dorures et d'objets précieux qui ont coûté de longues vies humaines, avec ce miel enfermé de tant de générations, avec ses filigranes d'or, ces dorures sacerdotales contre lesquelles de vieux artisans se sont lentement échangés et ces nappes brodées sur lesquelles des vieilles tout au long de leur vie se sont lentement brûlé les yeux, et, une fois racornies, toussotantes, ébranlées déjà par la mort, ont laissé d'elles cette traîne royale. Cette prairie qui se déroule. Et ceux qui l'aperçoivent aujourd'hui se disent : "Qu'elle est belle, cette broderie ! Qu'elle est donc belle..." Et je découvre que ces vieilles ont filé leur soie dans leur métamorphose. Ne se sachant point aussi merveilleuses. 
Mais il faut bâtir le grand caisson pour recevoir ce qui restera d'eux. Et le véhicule pour l'emporter. Car, moi, je respecte d'abord ce qui dure plus que les hommes. Et sauve ainsi le sens de leurs échanges. Et constitue le grand tabernacle auquel ils confient tout d'eux-mêmes.
Ainsi je les retrouve encore, ces lents navires dans le désert"

 

Antoine de Saint-ÉXUPÉRY

Citadelle, sur Une bibliothèque au 13

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samedi, 26 décembre 2009 | Lien permanent

Chez elles (et les archives d’AlmaSoror)

 

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Photo Sara

 

 

j’y passe des après-midi face à un ordinateur qui vieillit et travaille tout seul à graver des DVD pendant que je lis le livre de la bibliothèque de leur salon, The Story of Film, de Mark Cousins, et que je n’écoute pas Cult, d’Apocalyptica parce que le disque a fini de tourner depuis longtemps et que je n’ai pas le courage d’aller le remettre. Mais surtout je vois par la fenêtre, et cela, c’est si rare dans ma vie. Voir de haut un boulevard sur lequel des voitures et des gens passent, sans cesse, sans arrêt. 

D’habitude, du fond d’une cour, je dois réinventer l’extérieur qui me fait cruellement défaut et j’imagine des paysages. Là, j’ai un paysage urbain sous les yeux, dès que je les lève du livre. 

Rassasiée par cette journée je rentre chez moi (la cour à traverser !) et je me souviens de quand AlmaSoror, ancien journal mensuel, est devenu blog. Il y eut les premiers posts. Les anciens contributeurs ont voulu continuer, d’autres sont arrivés. Il y eu tous les anciens articles de l’ancien AlmaSoror à republier sur ce blog. Les mélanges de littératures de Sara, les mathématiques de Laurent Moonens, les espagnoleries d’Antonio Zamora, tous les fragments et les hommages que nous avions rédigés, et tant d’autres articles encore. Il fallait des photographies pour illustrer ce blog, que nous avions voulu plus visuel que l’ancien AlmaSoror, et Sara nous a laissé péché dans son stock. 

Mais parmi les fleurs, il faut savoir que l’amour est le plus triste ICI avec Carson McCullers. Que l’échec est d’autant plus poignant que le libre-arbitre nous interpelle (malheureux !). Que l’animal nous supplie beaucoup. Que les hommes idéalisent les femmes ( à cause sexe irrévélé des anges). que la Révolution compte ou ne compte pas ses morts chéris et ses morts haïs. Que la féodalité noire et blanche tente d’exprimer ses visions. Que la ville nous perd ; que le rêve nous sauve ; que la folie nous hante ; que le désir nous torture ; que les pères nous impressionnent ; que les questions des amis font divaguer un bon coup ; que les lettres écrites au stylo existent presque encore. 

 

Merci à elles dont j'ai hanté l'appartement. L'une "fait médecine" et l'autre fait l'Europe. Leur lieu sent leur présence. J'ai tenté de ne pas laisser de traces. 

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jeudi, 29 octobre 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

Cargo-ville

Un soir, la Venexiane longe (à tort, elle le sait) la Seine sur une allée réservée aux vélos, elle contemple la nuit qui tombe sur Bercy, sur la Bibliothèque Nationale de France, sur les grues du ciel et les vélos des quais, sur les bateaux, sur les entrepôts, sur les silhouettes, sur les oiseaux. La ville s'est parée de mille feux et elle danse dignement, sans presque remuer, autour de l'eau du fleuve. à la musique incessante des voitures se mêlent les cris des pigeons, les derniers grincements des rues et le chant monotone du vent d'automne. Elle voudrait ne jamais arriver à la station de métro Quai de la gare, pour que se poursuive la beauté en impulsion.

Mais déjà le lendemain matin Venexiane a traversé la place de la République et le faubourg Saint-Martin, elle est allongée, rue Saint-Sauveur, sur un lit, nue sous un châle. Des mains massent lentement, profondément, son corps recouvert d'huile. Les yeux grand fermés, elle s'interroge sur le sens d'une vie pressée, d'une vie stressée, quand on peut passer deux heures allongée sous des pressions douces.

Et c'est la ritournelle des travaux dans les rues du quartier, des enfants qui vont à l'école, des cigarettes qui se fument, l'une après l'autre, le long du jour, au bord d'une baie vitrée.

Et c'est la suite symphonique du cargo-ville dans lequel toutes nos âmes sont noyées.

Venexiane, tu sais encore ton nom. Tu pourrais entrer dans l'église, rue Saint-Antoine, celle où l'on voit encore, sur un pilier, un graffiti écrit en 1870 : "République française ou la mort". Le taggeur est mort depuis des lustres, la République a acquis ses lettres de noblesse et seuls les bénéficiaires de ses privilèges innombrables et iniques la défendent encore. Tu pourrais entrer, Venexiane, dans l'église et dire ces prières d'un autre âge, les écouter résonner dans la basilique de ton for intérieur.

Tu pourrais...

Tu pourrais te cacher dans la cabane du chausseur de l'hôtel de Mongelas. Tu t'y dissimulerais si bien que les gardiens n'y verraient que du feu, du feu et de la poussière, et tu vivrais la nuit intime de l'homme perdu parmi les bêtes mortes.

Il est dix heures, peut-être, en ce matin d'automne. Loin, les champs, les arbres, les collines. Ici tout n'est que ville, sans soleil et sans neige, sans même la pluie du ciel, tout n'est que ville et jamais ne surgit assez de silence pour entendre si mon coeur bat.

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mercredi, 29 octobre 2014 | Lien permanent | Commentaires (2)

Signes et augures

Vere, tu es Deus absconditus...

Sous mes yeux, des livres qui ont nourri mes songes. Heidi, Mon amie Flicka, Les secrets de la lande, et la série des Sir Jerry. Ils attendaient depuis la génération précédente sur les étagères poussiéreuses du Lapinodrome, ainsi avait-on baptisé la chambre où dormaient les enfants.

Ces titres de la bibliothèque enfantine me font penser qu'il y a belle lurette que je n'ai pas entendu le chant du coucou. Les cris sempiternels des goélands ont remplacé le concert des nations des oiseaux, chatoiement sonore aux infinis développements mélodiques.

Il n'est pas bienséant de penser que nous sommes trop d'êtres humains sur cette terre.

La respiration du monde nous survivra.

 

Trente ans plus tard, j'ouvre un autre livre, j'y lis :

"Un autre signe - cette fois de mauvais augure - fut la visite de la section contemporaine du musée du Vatican, qui fait suite aux antiques et aux collections de peintures réunies par les anciens papes. Devant ces croûtes, on est saisi d'une épouvante qui va au-delà de l'art. Nulle part la détresse du christianisme moderne n'apparaît dans une lumière aussi crue - une lumière d'hôpital. Devant ces pauvres choses agressives (on descend jusqu'à Bernard Buffet !), on cherche le plus fugitif reflet de la majesté que Raphaël, dans les Loges toutes proches, transmettait du divin et au divin.

Enfin, une expérience que tous ont faite. C'était à la Biennale de Paris. On parcourait des salles capricieusement jonchées de débris, de petits tas de sable, de machines vrombissantes. Aux murs, des objets calcinés, des restes macabres de quelques camps de la mort, des choses obstétricales à chavirer le cœur ou encore un tube de néon. Je pourrais ici entonner le thrène de la mort de l'art, me mettre du côté du gardien hagard assis accablé dans un coin de la salle".

Alain Besançon, dans son introduction à son ouvrage L'image interdite - Une histoire intellectuelle de l'iconoclasme (Fayard, 1994).

 

Ce matin, au petit-déjeuner, ma mère m'a dit : "On peut dire qu'en deux-cents ans, toutes les civilisations du monde ont disparu et ont été remplacées par l'américaine".

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samedi, 11 juillet 2015 | Lien permanent

Ouverture de l'histoire de l'Afrique noire

joseph ki-zerbo, histoire de l'afrique noire, histoire des mérovingiens, festival panafricain d'alger, ouagadougou

Pour vous intitier à ce grand livre, la première histoire africaine écrite par un Africain, voici l'avant-propos d'un homme voltaïque devenu, au cours de sa vie, un homme intègre... Puisque le grand historien et penseur Joseph Ki-Zerbo est né en Haute-Volta, colonie française, et mort au Burkina Faso, "pays des hommes intègres". Une terre, deux noms, une oeuvre, et au-delà des mers, une patrie amie et ennemie : la France.

En espérant que cet avant-propos vous donne envie d'acheter et de livre ce livre, cette fresque, ce monument.

Joseph Ki-Zerbo, Haute-Volta, Burkina Faso, pays des hommes intègres, empire colonial français, Ouagadougou, festival panafricain d'Alger, Sorbonne, histoire des mérovingiens, baobab, Soudan,Tananarive, Zimbabwe, Dar-es-Salam, Zanzibar, Nairobi, Kampala, Khartoum, Addis Abeba, Kinshasa, Brazzaville, Yaoundé, Abomey, Lomé, Lagos, Ibadan, Kigali, Ifé, Oyo, Accra, Koumassi, Niamey, Bamako, Ségou, Dakar, Conakry, Abidjan, Le Caire, Paris, Bruxelles, Copenhague, Londres,O.U.A, Organisation de l'Unité Africaine, Histoire générale de l'Afrique, Legon, Accra, bungalow universitaire, musée,Thomas Hodgkin, Devisse, Clérici, Person, R. Olivier, M. Colin Legum, M. Poussi, Bakary Coulibaly, chauffeurs de taxi, famille Postel-Vinay, mademoiselle Imbs, Madame Willhem, dactylo, Schliemann, Rodriguez, Hatier, une bouteille à la mer, Afrique de demain

«Ce livre, amorcé à Ouagadougou (Haute-Volta) en 1962 et achevé durant le festival panafricain d'Alger en 1969, est issu d'un rêve d'étudiant. Apprenti à la Sorbonne dans le "métier d'historien" et appliqué à explorer les fondements lointains et proches du monde d'aujourd'hui, j'étais frappé de la quasi-absence du continent africain, et singulièrement du monde noir, dans le message de nos guides spirituels et dans nos exercices universitaires laborieux et raffinés. Parfois, au beau milieu d'un cours sur les Mérovingiens, j'entrevoyais comme dans un mirage la savane soudanaise rôtie de soleil, avec la silhouette débonnaire d'un baobab pansu, hirsute et goguenard... Et le projet muet et violent naquit, de retourner aux racines de l'Afrique. Mais, dit le proverbe : "Ce n'est pas avec les yeux qu'on tue le buffle".

Les occupations professorales, sociales et culturelles multiples, les aléas de l'action sur l'histoire chaude d'aujourd'hui, ne m'ont pas souvent laissé de loisirs pour scruter sereinement les cendres froides du passé. Néanmoins, dès 1962, je demandai une disponibilité sans solde pour m'y consacrer. Le gouvernement voltaïque préféra me libérer pendant deux ans des tâches d'enseignement. Qu'il en soit vivement remercié. Mais, deux ans pour une entreprise visant à présenter en un seul volume une synthèse provisoire de l'Histoire de l'Afrique depuis les origines jusqu'à nos jours, cela s'avéra bien maigre. Du moins de nombreux voyages sur les sites historiques africains, et dans les grandes bibliothèques et musées furent alors entrepris, grâce aussi à l'UNESCO à qui j'exprime ici toute ma gratitude.

Dans un périple qui était un pèlerinage passionnant et passionné, l'auteur recueillit l'Histoire à Tananarive, Zimbabwe, Dar-es-Salam, Zanzibar, Nairobi, Kampala, Khartoum, Addis Abeba, Kinshasa, Brazzaville, Yaoundé, Abomey, Lomé, Lagos, Ibadan, Kigali, Ifé, Oyo, Accra, Koumassi, Niamey, Bamako, Ségou, Dakar, Conakry, Abidjan, Le Caire, Paris, Bruxelles, Copenhague, Londres, etc. Plus de mille volumes ont été lus sans compter les articles de revues et de journaux. Mais plus l'auteur s'enfonçait dans ce magma énorme et bigarré des sources de l'Histoire africaine, et plus s'affirmait le désir alterné et contradictoire, soit d'abandonner et de signer forfait, soit d'engranger encore plus, afin de produire une oeuvre plus valable. Chaque livre achevé creusait le sentiment du gouffre d'ignorance.

Or, seules les vacances scolaires permettaient de se replonger sérieusement dans le bain de la recherche. C'est pourquoi l'auteur a décidé à son grand regret d'omettre pour le moment l'étude systématique de la partie Nord de l'Afrique dont le passé lui était encore moins connu, afin de rendre possible la parution du volume dans un délai raisonnable. Mais, ce n'est que partie remise et, dans une édition ultérieure, cet ouvrage sera une Histoire Générale de l'Afrique englobant le secteur méditerranéen, dans une unité consacrée par tant de liens millénaires (parfois sanglants, il est vrai) mais le plus souvent mutuellement enrichissant, qui sont soulignés dans le présent ouvrage et qui font de l'Afrique, de part et d'autre de la charnière du Sahara, les deux battants d'une même porte, les deux faces d'une même médaille, les deux reflets d'une même pierre précieuse. Le continent "marginal" devenu aujourd'hui le corps de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A.) sera alors présenté dans son ensemble.

Ce livre a été écrit dans des conditions difficiles, dans la chaleur équatoriale comme dans les rigueurs de l'hiver nordique, dans des avions de tout calibre, das des recoins obscurs de bibliothèques comme sous les palmiers fouettés par la lumière australe et par la brise océane parfumée d'épices, à Zanzibar. Tel qu'il se présente, il n'est que la caricature du rêve de l'étudiant. Davantage de temps aurait permis d'en faire un monument moins indigne du passé colossal de ce continent gigantesque. Avec la longueur des délais de rédaction, certaines choses ont peut-être été dépassées par des recherches analogues en cours, malgré les mises à jour périodiques effectuées par l'auteur. Tel spécialiste de telle période ou région sera sans doute déçu par le schématisme de tel chapitre. La bibliographie semblera parfois trop abondante, ou pas assez.

Te qu'il est pourtant, cet ouvrage rendra, je l'espère, des services à tous ceux qui pensent que les racines africaines expliquent bien des choses dans les fleurs merveilleuses ou fânées, les fruits succulents ou amers de l'Afrique contemporaine. A tous ceux aussi qui croient que les Africains sont les mieux placés pour interpréter leur propre passé.

Il serait impossible d'énumérer les noms de toutes les personnes qui m'ont aidé de leurs conseils, de leurs encouragements, de leur assistance multiforme au cours de ces labeurs, de ces veilles, de ces déplacements à travers tant de pays. Qu'il s'agisse d'éminents professeurs, en particulier mon regretté maître A. Aymard, ou des cuisiniers qui dans un bungalow universitaire à Legon (Accra) ou Ibadan m'ont si attentivement soigné. Je pense aussi aux chauffeurs de taxi, aux guides des musées, aux directeurs de bibliothèques dont la gentillesse, contrastant avec l'austérité des lieux, ranima souvent la flamme dans le coeur et l'esprit du chercheur.

Qu'il soit permis au moins de citer ici, en plus de ma femme qui m'a encouragé et aidé, les professeurs Thomas Hodgkin, Devisse, Clérici, Person, R. Olivier, M. Colin Legum, M. Poussi, Bakary Coulibaly et d'autres collègues, historiens et traditionnalistes africains dont le nombre est grand.

Mes remerciements vont aussi à la famille Postel-Vinay pour sa chaleureuse hospitalité, aux familles Schliemann de Copenhague et Rodriguez, ainsi qu'à Mlle Imbs, professeur agrégée de géographie, pour l'aide si dévouée qu'elle m'a apportée dans l'établissement des cartes, sans oublier Mme Willhem, la vaillante dactylo qui, la première, a sorti ce texte de sa forme manuscrite.

Je remercie aussi d'avance les lectrices et lecteurs pour leur aimable attention et pour leurs critiques qui permettront de bonifier le contenu de cet ouvrage.

Celui-ci, imparfait et parfois approximatif, est lancé comme une bouteille à la mer, avec l'espoir que son message sera reccueilli surtout par les jeunes et contribuera à dessiner en traits authentiques le visage si peu connu, si méconnu, de l'Afrique d'hier, fournissant ainsi les bases d'une plus saine approche et d'une plus farouche détermination pour bâtir celle de demain.»


Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique noire, 1978, Hatier

Joseph Ki-Zerbo, Haute-Volta, Burkina Faso, pays des hommes intègres, empire colonial français, Ouagadougou, festival panafricain d'Alger, Sorbonne, histoire des mérovingiens, baobab, Soudan,Tananarive, Zimbabwe, Dar-es-Salam, Zanzibar, Nairobi, Kampala, Khartoum, Addis Abeba, Kinshasa, Brazzaville, Yaoundé, Abomey, Lomé, Lagos, Ibadan, Kigali, Ifé, Oyo, Accra, Koumassi, Niamey, Bamako, Ségou, Dakar, Conakry, Abidjan, Le Caire, Paris, Bruxelles, Copenhague, Londres,O.U.A, Organisation de l'Unité Africaine, Histoire générale de l'Afrique, Legon, Accra, bungalow universitaire, musée,Thomas Hodgkin, Devisse, Clérici, Person, R. Olivier, M. Colin Legum, M. Poussi, Bakary Coulibaly, chauffeurs de taxi, famille Postel-Vinay, mademoiselle Imbs, Madame Willhem, dactylo, Schliemann, Rodriguez, Hatier, une bouteille à la mer, Afrique de demain


AlmaSoror a cité plusieurs fois l'éminent professeur Ki-Zerbo :

Où vont les âmes des esclaves ?

Le trafic à la Muette

Un voyage féodal

Un billet sur Mongo Beti ?


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vendredi, 22 février 2013 | Lien permanent

La préservation des dunes intérieures

 écrivain germanopratin, écrivain embastillé, Bastille,journaliste, public, vampire

La solitude ne doit pas être le lieu du ressac des ressassements ni celui de la consommation intime de rêveries psychotropes, mais un manoir consacré à la recherche constante sur le plan intellectuel, artistique, spirituel. La solitude - ou semi-solitude - est aussi ce qui permet d'être soi, loin du répandu égotique et de la compétition qui vous rendent méchant et amer.

Les écrivains français ne sont pas assez seuls. Germano-pratins ou embastillés, ils parcourent la ville en tous sens, stationnent dans de grands appartements, et boivent du champagne au milieu de trop de journalistes.

La façon dont les écrivains doivent être en représentation permanente est destructrice. Comment font-ils pour parler, parler sans cesse, devant des vidéos, des télévisions, dans des cafés, dans des bibliothèques, dans des facultés... ?

Dans la grande foire de la consommation artistique, on dissèque les écrivains comme des écrevisses dans les restaurants. On les fait cracher leur jus jusqu'au trognon.

La foule des consommateurs les aspire. 

On leur demande qui ils sont, où ils ont grandi, comment ils s'appellent en vrai, pourquoi ils pensent ceci, quelle est l'injustice qui les révolte le plus, quel âge ils ont, que signifie leur tatouage...

La foule du public est un aspirateur sans pitié.

Mais sans ce public, l'écrivain n'est plus qu'un individu sans intérêt, simple membre anonyme du public.

Il accepte sa propre dissection en échange d'un éclairage somptueux sur son visage soudainement mis en évidence... Souvent, il se laisse prendre par ce jeu de lumière et se met à croire qu'il émane de lui quelque chose d'intéressant.

Durant les premiers mois, les premières années, voire, s'il est très profond et rempli, les premières décennies, il crache un beau jus. Et puis au bout d'un moment, vidé, il sert sa bile aux gens qui continuent de l'entourer.

Pour éviter de sombrer dans ce piège, les ésotérismes choisissent l'anonymat depuis la nuit des temps.

L'anonymat est une belle idée ; pourtant, un auteur n'est-il pas justement un bel équilibre entre l'effacement derrière l’œuvre et la signature qui unit toutes les facettes de l’œuvre ?

L'anonymat est une démarche spirituelle dont il faut à tout le moins se souvenir, une démarche qui rappelle que ce n'est pas moi qui parle quand j'exprime quelque chose, et que c'est précisément parce que quelque chose de plus grand que moi parle à travers moi que ma voix paraît intéressante.

Vampire, le journaliste ou le public qui regardent le doigt qui montre la lune, et non la lune (qui s'intéresse à la personne, non à l’œuvre).

Quand on interroge un écrivain sur sa vie, c'est qu'on n'a pas encore contemplé son œuvre.

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vendredi, 13 juin 2014 | Lien permanent

hume, frère. Hume le monde...

 

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"Je hume à longs traits le vin du souvenir".
Charles Baudelaire

 

(Un billet d'Édith)

 

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exercices de flair

 

 

Pause.

Tu t'installes quelques minutes, quelque part, et tu oublies la journée qui vient de passer. Tu oublies tout et tu laisses tes sens, ton coeur et ton esprit errer à travers le silence. Des bruits t'entourent : ils te bercent, comme les remous d'un bateau qui t'emmène sur une île.

Prière.

Tu convoques tes deux amies : l'humilité et la confiance. Humilité de ton être, confiance en ton être.

Contemplation.

Tu sens avec ton nez : le monde, la vie, l'instant. Des odeurs, peut-être, apparaissent, se dévoilent.

Mémoire vieille.

Maintenant pense à quelque chose. Une gare, une pomme, un grenier, une fleur, quelque chose qui sent. Et sens cette odeur. Sens-la, souviens-toi d'elle avec ton nez et laisse la repartir quand tu en as marre.

Mémoire jeune.

Essaie de te souvenir d'une odeur sentie aujourd'hui. Une odeur respirée et reconnue dans les dernières heures. Dans les derniers jours. Retrouve cette odeur. Réinvoque la, sens-là à nouveau, avec le nez du souvenir.

Flair.

Laisse la repartir, cette odeur retrouvée. Laisse la repartir et reviens à ce qui t'entoure. Une odeur monte-t-elle ? La reconnais-tu ? Peux-tu lui donner un nom ? Cherche les odeurs autour de toi, nommes-en une ou deux.

Oubli.

Et oublie les à nouveau, laisse leurs effluves. Car, maintenant, tu vas créer.

Création.

Essaie d'imaginer une odeur qui n'existe pas. Invente une odeur. Invente une saveur. Tire du néant une odeur et respire la. Tu peux mettre longtemps à inventer, créer cette odeur. Il n'y a pas que les mains, l'esprit, les yeux qui peuvent inventer. Le nez sait créer. Comment s'appelle ton odeur ? A-t-elle un nom, un chiffre ?

Recollection.

Tu te souviens de l'odeur que tu as convoqué lors de l'exercice "mémoire vieille". Souviens-toi de l'odeur que tu as retrouvée lors de l'exercice "mémoire jeune". Souviens-toi de l'odeur que tu as détectée lors de l'exercice "flair". Souviens-toi de l'odeur que tu as mise au monde lors de l'exercice "création". Et oublies tout. Demain, tu t'entraîneras à nouveau à sentir et peu à peu tu retrouveras le museau de chiot que tu as laissé derrière toi pour grandir.

 

Tu peux lire Le Parfum, de Patrick Süskind. Tu peux lire Timbuctu, de Paul Auster. Tu peux écrire ton propre livre, en notant sur ton téléphone androïd les odeurs que tu sens, que tu inventes, que tu aimes et que tu haïs, le long du jour, la nuit aussi. Ce sera ta bibliothèque des saveurs rencontrées au cours de ton voyage terrestre. Tu pourras la transmettre à tes amis, à tes enfants, et ils ajouteront leurs odeurs.

 

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mercredi, 23 février 2011 | Lien permanent | Commentaires (2)

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