mercredi, 01 avril 2015
La salutation au soleil
Voix intimes hantant les mémoires des êtres à la tombée du soir ; poussière dansant dans les obliques rayons de lumière ; dernière fête des couleurs avant l'avancée de la nuit. Tu ne milites plus dans une association de rebelles pour abolir le capitalisme : tu l'abolis dans ton cœur pour éteindre tout désir consumériste. Tu cultives la joie de l'instant et le contentement de toutes choses, puisque l'insatisfaction est le moteur de l'achat, tandis que la tranquille paix du cœur t'en détourne.
Qui est ce chien, qui passe, au fond de la rue ?
Je coexiste avec toi, je m'assois au bord de la route et je ne sais pas s'il fait frais ou chaud, je me demande quels sont mes meilleurs souvenirs. Une chienne et sa complicité tendre sur une prairie en pente devant un étang du bocage, ou sur les marches d'un perron dans une capitale. Des jours entiers à méditer les cours de Nicolas Opritescu pour le CNED et à écouter de la musique en regardant par la fenêtre les toits de la rue Daguerre et des rues avoisinantes. Des cigarettes allumées dans des cafés en écrivant et lisant des poèmes, dans tous les quartiers de Paris, et un weekend au milieu des collines du Var, entre un chai, une piscine et le chemin de la rivière.
MONEYWOMAN, tu me ressembles. Presque une sœur. Une alter-ego.
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samedi, 01 février 2014
La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T
Tu t'appelles Dylan-Sébastien M-T et tu vis dans une maison du port des Sables, qui comporte trois étages d'une pièce chacun (le salon-bar, la chambre, le bureau-chambre d'ami), une toute petite cave, un jardin ; tu te lèves vers huit heures chaque matin et tu bois ton café en caleçon et T-shirt, en regardant l'activité du port de pêche. Tu te douches en écoutant Fare Well, de Terje Rypdal, ou encore les ballades de Nick Cave ou la musique des Shudder to think, c'est du moins ce que tu faisais quand j'étais là. Mais peut-être écoutes-tu parfois Niel Young, Patricia Kaas ou The Doors.
Tu allumes ton ordinateur et te mets au travail. Tu plonges dans le code informatique, je sais que ton projet est de créer des ponts entre le langage mathématique et le langage informatique, afin de simplifier leurs relations. Tu cherches un langage universel qui permettrait de « mathématiser » en ligne, au-delà des langues humaines. Pour créer une grande toile de création et d'information mathématique universelle. Tu t'y mets plusieurs heures et quand la musique s'éteint tu ne la rallumes pas ; tu es trop absorbé. Pendant ce temps, tes deux chiens beagles, en fonction du temps, farfouillent dans le jardin ou bien dorment, étendus lascivement sur le canapé en cuir noir qu'ils ont élu comme le leur.
Mais ils savent qu'à onze heures environ, vous irez tous trois, toi sur un vélo, eux à tes côtés, saluer les plages et l'océan, jusqu'aux dunes de l'Orbestier. Au retour, du feras une omelette à la ciboulette, un peu de fromage, une crème au caramel et un café, puis tu t'installeras dans un hamac pour lire, sous la conduite musicale douce et orientale d'Anouar Brahem. Tu liras peut-être Carpentier ou Faulkner, ou Marai, ou Franketienne, comme un voyage en Amérique, en Hongrie, en Haïti... Avant de te remettre à l'ordinateur.
A l'heure de l'apéritif, tu sors ta guitare électrique et tu sirotes ta bière, tu fumes un joint et tu joues en te prenant pour Jon Atwood de Yellow 6, parfois pour John Abercrombie, parfois encore pour Ry Cooder. Cela te fait plaisir et tu n'es pas si mauvais, même si c'est le moment où tes chiens préfèrent sortir respirer l'air frais du jardin – du jardin où herbes folles et herbes de cuisine mêlent leurs odeurs délirantes entre chien et loup. Thym, ciboulette, menthe, persil, diffusent leurs fragrances alentour et font frétiller les naseaux de Safran et Lune.
Souvent, tu sors dîner vers 20h, dans le port, sur le remblai ou dans la ville, avec tes quelques copains qui vivent sur la baie d'Olonne. Vous parlez de choses et d'autres, vous mentionnez divers événements de la ville ; Nico raconte ses virées en moto sur la D 85 ; Indiana ne dit rien mais chacun sait qu'il passe tout son temps libre à mater des mangas. Vanille se souvient de son amoureux de l'année dernière et imagine celui de l'été prochain.
Tu marches un peu dans le port à la nuit, admirant les étoiles, et puis tu rentres enfin. Dans ton lit, tu téléphones à ta sœur, puis tu lis ou tu envoies des sms aux copains de Nantes, de La Rochelle, de Paris et de Nancy. Puis tu t'endors doucement et tu ne fais presque jamais d'insomnies.
Bien sûr, le jeudi, tu te lèves plus tôt pour aller donner, toute la journée, des cours à la faculté de Nantes. Bien sûr, le dimanche tu te couches très tard car tu dois envoyer, avant de t'endormir, le billet d'humeur au site Internet InfoRmathématik. Mais ces deux obligations professionnelles, qui t'ennuient peut-être quelquefois, sont la condition de ta vie parfaite, de ta vie impeccable, de ta vie sans souci.
Tu réfléchis : si tu rencontrais une amoureuse, si elle voulait avoir un enfant avec toi, dirais-tu oui ? Oh, mais bien vite tu mets un album musical – par exemple un album de Biosphere ou de Yellow 6 – et la question se noie dans les volutes d'accords mineurs.
J'aimerais te ressembler, frère.
(On peut aller lire, sur l'Encyclopédie de l'agora, un article intéressant de Bernard Lebleu, "Le loisir entre oisiveté et désoeuvrement").
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mardi, 04 juin 2013
Le Temps, l'Ennui, la Mort
3 extraits sur le Passage du Temps, une photo de Sara, une musique de Biosphere
Ainsi s'écoule toute la vie ; on cherche le repos en combattant quelques obstacles et si on les a surmontés le repos devient insupportable par l'ennui qu'il engendre. Il en faut sortir et mendier le tumulte ; car ou l'on pense aux misères qu'on a ou à celles qui nous menacent. Et quand on se verrait même à l'abri de toutes parts, l'ennui de son autorité privée ne laisserait pas de sortir du fond du coeur où il a ses racines naturelles, et de remplir l'esprit de son venin.
Ainsi l'homme est si malheureux qu'il s'ennuierait même sans cause d'ennui par l'état propre de sa complexion. Et il est si vain qu'étant plein de mille choses essentielles d'ennui, la moindre chose comme un billard et une balle qu'il pousse suffisent pour le divertir.
Blaise Pascal - Pensées (Divertissement, IX, 168)
Plus je vais, plus je m'aperçois que la seule chose essentielle pour les hommes, c'est de tuer le temps. Dans cette vie dont nous chantons la brièveté sur tous les tons, notre plus grand ennemi, c'est le temps, dont nous avons toujours trop. A peine avons-nous un bonheur, ou l'amour, ou la gloire, ou la science, ou l'émotion d'un spectacle, ou celle d'une lecture, qu'il nous faut passer à un autre. Car que faire ? C'est là le grand mot.
Alfred de Vigny - Journal d'un poète
L'étude d'un vieillard, s'il lui en reste encore à faire, est uniquement d'apprendre à mourir, et c'est précisément cela qu'on fait le moins à mon âge ; on y pense à tout, hormis à cela. Tous les vieillards tiennent plus à la vie que les enfants, et en sortent de plus mauvaise grâce que les jeunes gens. C'est que, tous leurs travaux ayant été pour cette même vie, ils voient à sa fin qu'ils ont perdu leurs peines. Tous leurs soins, tous leurs biens, tous les fruits de leurs laborieuses veilles, ils quittent tout quand ils s'en vont. Ils n'ont songé à rien acquérir durant leur vie qu'ils pussent emporter à leur mort.
Jean Jacques Rousseau - Rêveries du promeneur solitaire (Troisième Promenade)
Lire sur AlmaSoror,
A propos d'ennui et de la quête lascive d'un bonheur inaccessible :
Le désillusionné (sur Abderramane III)
à propos de Vigny :
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mardi, 22 janvier 2013
Lettre à ma mutuelle
Le 21 janvier 2013
Chère madame,
Je reçois la lettre par laquelle, en me remerciant de ma confiance, vous m'envoyez l'avis d'échéance de mes cotisations 2013.
Hélas ! Toute ma confiance sera inutile. L'augmentation stupéfiante que vous m'imposez arrive à un moment où mes revenus sont loin de connaître une telle expansion.
Il me sera impossible de m'acquitter de ces grasses cotisations. Je suis dans l'obligation de résilier notre contrat et ai déjà suspendu les prélèvements automatiques.
Je renonce donc à avoir une mutuelle, car, comme l'aurait écrit Molière s'il vivait à notre époque, « Il faut une mutuelle pour vivre et non pas vivre pour avoir une mutuelle ».
Je vous prie de recevoir, chère madame, l'expression de ma grande considération,
Édith de Cornulier
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