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samedi, 23 novembre 2019

L'ombre d'une foi

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Between the bars, le verre d'alcool s'exprime à travers la voix d'Elliott Smith, ce matin je vois le monde en noir et blanc. Le Christ s'est arrêté aux Sables d'Olonne, probablement à cause de la brume poussiéreuse qui balaye les plages et les vagues. Mousse d'écume, musique douce, silhouettes passantes, ordinateurs statiques. Moi intérieur stoïque, sans frontière précise, sans identité définie. Quelque chose de soluble nous mélange ce matin, le monde et moi. Le manque de café, l'amour du rien, l'appel du vide, la voix lointaine des êtres aimés, perdus, s'efface. Comme sont complexes les inextricables liens de la famille et du compagnonnage amical, professionnel. Chaque mouvement du moindre être serre les cordes et blesse les encordés. Au fond des salles de shoot, d'ailleurs, somnolent les souffrances des étouffés. Dans la nuit noire et glaciale de la ville, sous les ponts, demeurent ceux dont les liens ont été tranchés. Délivrés, et, par la même occasion, assassinés. La lenteur de nos morts contraste avec celle de ceux que le destin a frappé plus clairement. Sachons toutefois, sachons-le sans l'ombre d'un doute, qu'à l'intérieur de l'âme, inextinguible, brille une joie.

samedi, 28 septembre 2019

ND des sept douleurs à Saint-Eugène

Notre-Dame des sept douleurs, messe du 15 septembre 2019, dans cette église Saint-Eugène où le maître de chapelle, Henri Adam de Villiers, propose à ses choristes, paroissiens amateurs, de déchiffrer le matin même un stabat mater de Marc-Antoine Charpentier pour les religieuses, qu'il faudra chanter pendant la longue procession de communion.

Clotilde Cellier entame la partie de soliste et les trois choristes qui sont venues ce matin prennent les strophes en alternance.

Le vicaire est monté en chaire tout à l'heure, il a évoqué divers aspects de la mariologie, insistant sur le fait que la mère du Christ est co-rédemptrice. Puis il évoque les lois dites bioéthiques à venir et les nouveaux modèles familiaux qui ont cours dans la société.

Que penser ? Que le chant sacré nous délivre du profane et que la morale n'est belle que lorsqu'elle est dénuée de moralisme.

Que choisir ? Je n'ai jamais rien choisi. C'est pourquoi, ma voix retenue se mêlant aux deux autres voix, je retiens mes larmes, enveloppée dans le halo du vitrail.

 

Sur le site de la Schola Sainte-Cécile, un article

jeudi, 31 juillet 2014

Musique d'un exil provincial

Vous lisez un texte qui fut chargé de liens qui coulaient entre ses veinures. Cliquez, visions sonores, images parlantes, qui sait ? L'écriture automatique n'a rien d'un tempo machinal. Mais les liens sont morts. Désactivés.

Les victimes des dictatures du monde entier souffrent de l'exil. Moi je ne fais que hanter les rues d'une province, à quelques heures de train-grande-vitesse de la capitale. Aussi mon exil est-il indicible, et je ne dis rien d'autre que ma joie du soleil. Grande joie du soleil, tu inondes mon être et tu accompagnes cette étonnante prolongation musicale qui a lieu jour après jour depuis la première fois où j'ai mis de la musique dans cet appartement éphémère.

J'ai des périodes planantes, atmosphériques et minimalistes . Dakota Suite. Hammock. Yellow 6. Biosphere

J'ai de longs tunnels de souvenirs. Dire Straits. U2.

J'ai des phases d'ascenseur. Tord Gustavsen Trio.

J'ai des descentes classiques, bien que ce mot ne convienne strictement pas à la musique qu'il englobe. Wagner. Schubert. En fait, il faudrait éliminer ce mot ridicule de classique et orienter les musiques selon d'autres catégories. Je m'y emploie :

Frank Martin, Francis Poulenc, Klaus Nomi et Nina Hagen, tous fils de l'épopée classieuse teintée de punk.

Dans la blancheur presque triste et si monotone de la ville tranquille, les affiches sur les devantures ou les radios dans les cafés parlent du vaste monde. Bombes sur la Palestine, attentats suicides sur Israël, et leurs émules dans les rues de Sarcelles, Paris, Marseille. Guerres importées par l'immigration, guerres exportées par les besoins insatiables du capitalisme en Syrie et en Afghanistan, destruction de pays au nom de la démocratie et des droits de l'homme, catéchisme souillé par ses clercs, comme tous les catéchismes. Christ trahi par les églises, droits de l'homme trahis par ceux qui en vivent (Proudhon : « la pensée d'un homme en place, c'est son traitement »).

Interzone, je te suis dans les méandres mécaniques de ton tempo trop lent. Tu sais détruire les fragiles édifications intellectuelles, tu sais effacer les dialogues trop ressassés.

Vidéos pour faire le vide. Contrairement à une voiture qui s'arrête à des stations essence pour faire le plein, je dois quelquefois cesser toute action pour faire le vide. Le miroir s'enfonce dans le miroir dans un château bourguignon, non loin de Montréal. Des images se succèdent, défilé à peine lyrique des formes pures. Ou quel fou laissa ce bateau amarré voguer quand même de longues minutes sous le joug sonore scandinave ?

Tout cela ne vous emportera peut-être pas aussi loin que mon rêve. Chacun, nous avons nos rêves, qui qui sait d'où ils viennent et où ils iront. La vie qui nous est donnée est courte et amputée déjà, dès le départ, par l'atrophie des pensées et des sentiments. Nos sensations nous blessent ou nous exaltent, mais les voilà déjà parties. Je me regarde dans la glace comme la plupart de mes contemporains, cette foule sans idéaux, et je ne sais pas qui je suis. Peu importe, le temps passe, la mort viendra bien, bien avant que j'aie tenté quelque chose. À moins que je n'essaye dès aujourd'hui ? Lire, écrire, penser, agir, construire quelque chose, là où la loi a oublié de l'interdire, là où le regard d'autrui ne songe pas à se poser.

Ils reviennent de vacances et déploient leurs photographies mais je n'ai aucun album à dévoiler de mon grand voyage intérieur. Pourtant j'ai vu des choses, sombres et pleines de lumière, le matin et le soir, et j'ai vaincu le Temps.

Peut-être aussi que j'écoute les départs pour oublier le Départ ; peut-être que je fuis les tropiques parce que j'attends les Tropiques. Peut-être que je vois des bulles pour être soûle, soûle, soûle. Peut-être qu'une étoile m'a ouvert des portes de la perception ?

C'était l'époque où je cherchais partout quelqu'un que je ne rencontrais pas, quelqu'un qui ait du charme, un charme fou et irrécupérable. C'était l'époque des arbres teintés de tous les verts nacrés dans la forêt touffue d'un décembre doux. Une forêt montagnarde où les feuilles des arbres ne tombent pas. Je voudrais réussir cette acrobatie, d'être fière de moi sans que personne ne soit jaloux de moi. Je voudrais vous éclabousser de mes rêves et de mes toiles d'araignée, de mes baisers de pluie, de mes rires éclatants, sans que vous en preniez ombrage. Les charismes nés de tromperies ou de mensonges ont des postérités désagréables.


Un autre jour ou dans un autre cauchemar (comment savoir?) une femme commentait négativement sa vie. L'insatisfaction se focalisait sur le destin qu'elle n'avait pas choisi. Il faut choisir, choisir, car toutes les erreurs valent mieux que l'aigreur d'avoir laissé passer les événements sans jamais rien en décider. Mieux vaut mille erreurs que l'aigreur. Mieux vaut des nuits sur le bitume que sur une couette trop d'amertume. Si tu ne choisis rien, choisis au moins de ne pas choisir, et que ton sacrifice soit consenti en héros qui porte sa croix.

Mar desconocido, mer inconnue, mer intérieure, mer amère et trop profonde, mer silencieuse de méandres et d'abysses, mer muette, mer peuplée de poissons et de créatures qui se désintègrent dès que la lumière les capture. C'est toi que je veux conquérir, toi qui brasses tes tonnes aquatiques à l'intérieur de mon corps, et pour cela je n'ai qu'à fermer les yeux. Tous les tours du monde trompent l'ennui. Toi, tu es brute, trop brute, étrangère à la tricherie. Tu m'appelles, tu m'attends, je te crains et je t'aime.

Tu m'emporteras.

Mais pour l'heure, le soleil tourne dans la cour comme un moulin. Le vent écoute sa propre voix. Au loin les passants conversent sans y penser, sur le chemin de la ville qui mène aux dunes.

Une femme écrit un texto qui mentionne « une couleur, une ampleur, une musique jusque-là inconnues ». Je crois entendre la poésie magnétique qui nous garde, enlacé(e)s à l'existence comme un fruit à son arbre.

 

Bande originale de cette errance :

Because our lie breathes differently - par Dakota Suite

I can almost see you - par Hammock

Maré - par Yellow 6 (alias Jon Atwood)

Laïka - par Biosphere (alias Geir Jenssen)

Water of Love - par Dire Straits

Numb - par U2

Being there - par Tord Gustavsen Trio

Extrait des pèlerins de Tannhauser - par Richard Wagner

Standchen (Sérénade) - par Franz Schubert

Messe pour double chœur - par Frank Martin

Finale du Dialogue des Carmélites - par Francis Poulenc

The Cold Song de Purcell - interprété par Klaus Nomi

Naturträne - par Nina Hagen

Interzone - par Serge Teyssot-Gay et Khaled AlJaramani

Spiegel im Spiegel, d'Arvo Pärt - interprété par Esmerine au château de Monthelon

Between Signal & Noise - par Eivind Aarset et Nils Petter Molvaer

Le départ - par Amandine Maissiat

Tropiques - par Amandine Maissiat

Soule - par Amandine Maissiat

Film :

The third & the seventh - par Alex Roman

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vendredi, 02 mai 2014

L'amour, le guide et la mort

 

Aimer

Aimer, n'est-ce pas vivifier, faire vivre (comme on donne la vie), prendre soin, faire en sorte que l'autre puisse vivre mieux ?

En ce sens, l'amour tel que le voient les romantiques peut mener au contraire de l'amour. Être atteint par l'amour comme par une flèche, ressentir des joies et douleurs violentes qui nous arrachent notre maîtrise de nous-même et enchaînent notre volonté, lorsque nous appelons ces phénomènes « amour », nous ressemblons à un alcoolique invétéré qui nommerait son vice : « oenophilie ». Ainsi, planter sa famille car on « aime » quelqu'un d'autre, autrement dit parce que quelqu'un d'autre a accaparé notre attention, n'est pas faire preuve d'amour envers cet autre qui nous « capte », mais plutôt faire preuve de désamour et de destruction envers les gens que l'on se devait d'aimer. Il est aisé d'aimer ce qui vient séduire notre cœur, puisque le cœur n'a plus qu'à se laisser emporter ; mais la puissance de l'amour consiste à assurer une constance envers notre prochain.

Authentique, l'amour ne provoque pas de destruction personnelle. Le sacrifice est un leurre, car peu de personnes en sont capables, et souvent c'est le manque d'estime de soi qui mène à se vouer aux autres en acceptant sa propre destruction. Le sacrifice alors devient moyen de se faire accepter par d'autres, de traîner une vie qu'on se sent incapable de mener dignement, pour des raisons biographiques.  Aimer autrui est plus facile lorsqu'on s'aime soi-même, c'est pourquoi « aime-ton prochain comme toi-même ». Ton prochain, même s'il est pénible. Qui ne voudrait pas aimer l'humanité entière à l'exception de la personne qui vit à côté de lui ? Pourtant, désirer sa survie autant que la sienne et oeuvrer à faire son bonheur, c'est peut-être cela, l'amour.

 

Guider

Il existe, dans la ville portuaire des Sables d'Olonne, une chapelle Notre-Dame de Bonne-Espérance, dont la statue de la madone est la proue d'un navire scandinave qui s"échoua sur la côte, sans faire de morts, il y a quelques siècles de cela. Sur un pupitre, un cahier somnole en attendant les visiteurs. Et si la chapelle paraît souvent vide, force est de constater la trace de passages : car toujours de nouvelles prières sont inscrites sur les pages de ce cahier. De mystérieux, d'invisibles prieurs se succèdent furtivement.

Moi, un jour, je priais dans une église vide, comme abandonnée au milieu de la ville grouillante. C'était une de ces églises qui se bondent le dimanche matin et que presque personne ne hante le reste de la semaine. Je priais le Christ de m'indiquer comment concilier ma vie avec l'Eglise, et où trouver mon troupeau et notre pasteur, lorsqu'une voix emplit mon crâne : « Toi, tu peuples mes églises vides ». Depuis, j'accomplis mon destin d'arpenteuse des églises délaissées.

Si les églises sont vides, c'est sans doute parce que, comme le dit l'évangile, le troupeau se détache des mauvais pasteurs et cherche à se regrouper autour des bons. Bergers, bergers ! Nous voudrions tant être guidés vers la colline verdoyante...

 

Mourir

Je ne vois pas de meilleure préparation à la mort que de s'entraîner tous les jours à mourir, c'est à dire à tirer sa révérence et dire adieu au monde, à accepter que le monde tourne sans soi, à laisser les commandes aux successeurs. S'exercer à mourir, quand on y pense, se confond avec s'exercer à vivre ou à aimer. Il s'agit, trois fois, de renoncer à considérer les fluctuations affectives de notre moi pour accepter d'entrer de plain-pied dans l'inconnu du monde, de l'autre, de la mort.

J'observe que beaucoup critiquent la vie et haïssent la mort, ce qui paraît contradictoire. Telle femme qui se languit de vivre encore après la mort de son époux, et qui, lorsque le cœur menace de lâcher, s'affole à l'idée d'être arrachée à une vie qu'elle abhorre. Tel homme découvrant les résultats d'une analyse médicale et pleurant une condamnation qui le délivrera pourtant d'une vie dont il se plaint sans relâche. Moi-même, je me suis vue veule et ridicule, lorsque, au milieu d'une dépression où je ressassais des idées de suicide, on m'a proposé de prendre l'avion. La peur de ce moyen de transport et l'idée d'un crash m'ont fait évoquer quelques minutes des possibilités alambiquées de bateau et de train, jusqu'à ce que je me souvienne que j'avais la veille encore grinché au téléphone en laissant entendre à ma Consolatrice mon envie d'en finir. Pouvais-je être assez idiote pour proférer une lassitude extrême de la vie et craindre un crash ? Je décidai sur le champ de ne plus évoquer mes états morbides et de prendre l'avion chaque fois que j'en aurais l'occasion.

Aimer, vivre et mourir ne sont qu'une seule et même action, qui puise sa source dans l'élan vital, le désir de transformation et l'horreur salvatrice du don. Chercher à retenir, à conserver, c'est patienter dans les limbes d'un purgatoire où l'on ne vit ni ne meurt, et s'engager dans cette vie, c'est accepter de la perdre. Dès lors qu'on ne cherche plus sa survie personnelle, il devient si facile d'aimer.

jeudi, 14 novembre 2013

Extrait II du journal de Baude Fastoul de Kevin de M-L

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16 novembre 2012

Je découvre l'histoire de Lizzie van Zyl, qui me fait comprendre à quel point Anglais et Américains ont créé les horreurs dont ils accusent les autres en permanence. Faut-il plonger dans le vertige face à l'horreur des souffrances qu'on inflige aux enfants, aux animaux, aux êtres ? Ou bien fermer les écoutilles et vivre la meilleure vie possible sans se laisser abattre par l'enfer qui nous frôle ? Christ, qu'en dis-tu ? Comment interpréter tes actes ?

La morale est-elle possible ? Ou bien le monde n'est-il qu'une suite de souffrances répétées ? Faut-il « se battre » pour une amélioration du monde ? Ou bien simplement prier et purifier son propre cœur ?

Enfants qui êtes nés pour subir les sévices d'êtres pour lesquels vous n'étiez qu'amour et générosité, bêtes qui ne comprenez pas qu'on vous transforme en chairs souffrantes et affolées, êtres de toutes sortes, abattus dans leur vol, puis mourant lentement au sol, dans l'incompréhension et le mépris... Quel est votre message ? Existez-vous ? Ne sommes-nous, les uns les autres, que les images de notre propre cauchemar ? Quel pouvoir avons-nous sur notre propre vie, sur la vie de celui qui est à côté de nous ? Est-il réellement possible de sauver quelqu'un ? Et si cette question existe, alors est-il réellement possible d'assassiner quelqu'un ? Cet éternel pourquoi devant la misère la plus poignante, a-t-il un sens ?

Quel est ce bouge que nous appelons « réalité » ? Et cette phrase qu'une étrange Édith Morning écrivit un jour : "Si j’avais su que les rêves sont réels et le monde illusion, j’aurais inversé ma vision de la liberté et celle de la prison. Mais les menteurs amers disent décriant les images qu’elles sont illusoires, et nous entraînent dans leur " réel " qui n’existe que dans leurs sombres couloirs".

Vérité, as-tu une consistance quelconque, quelque part ?

 

Kevin de Motz-Loviet

 

En savoir plus sur la Confrérie de Baude Fastoul

AlmaSoror avait déjà publié un premier extrait du journal de Kevin.

 

 

 

vendredi, 26 juillet 2013

Le dernier rêve

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Quand je mourrai, ce sera par une splendide journée d'automne, un grand jour de soleil estival perdu au milieu de la saison rousse.

Je partirai loin d'une maison rangée déjà depuis quelques jours, un chapelet peut-être à la main, en hommage aux ancêtres inconnus. Je suivrai la route serpentant d'une colline, et, malgré mon âge avancé, j'avancerai d'un pas lent, mais sûr, une certaine fierté enveloppera mon allure d'aura. Ainsi je n'aurai pas honte devant mes témoins les bêtes de la terre, du fleuve et du ciel, qui apercevront ma silhouette traverser leur monde pur.

Je saurai dans la conscience paisible que ces pas sont mes derniers. La dernière balade d'une trouvère presque fatiguée.

En haut de la colline, m'attendront la mort et le Christ. Côte à côte, l'une sororale, comme le fut sa jumelle, la vie ; l'autre assez fraternel pour me tendre son auguste main dans le soir naissant.

Mon dernier sourire sera pour eux. Ma dernière pensée sera pour le fils dilectif qui m'enterrera le jour suivant.

Je rejoindrai le monde des vivants comme on entre dans la maison retrouvée de l'enfance : avec gratitude.

 

Edith

 

à voir sur AlmaSoror : le dernier rêve du dernier jour.

 

samedi, 12 mars 2011

Coeur de pierre, Pierre qui vire...

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Le fondateur du monastère de la Pierre-qui-vire, le prêtre bourguignon M-J-B Muard, entretenait, comme beaucoup de mystiques catholiques, un commerce avec Dieu. En voici quelques extraits qu’il consigna et que l’on retrouva à sa mort.

Il s’agit d’un dialogue entre Dieu, qui l’appelle et lui reproche ses refus, et lui, qui décide une énième fois de se donner corps et âme et craint de chuter à nouveau dans l’amour du « monde ».

 

Dieu qui m’appelle

 

« Mon fils, mon cher fils, depuis longtemps ma grâce te poursuit sans relâche, ma voix se fait entendre à ton cœur, elle t’invite, elle te presse, elle te conjure même de te donner à moi. Quoi donc, ne voudras-tu jamais te rendre ! Ah ! par pitié pour moi, pour ce Cœur qui a été percé et qui brûle d’amour pour toi, reviens, ô mon fils, songe que ta pauvre âme m’a coûté tout mon sang, que j’ai enduré pour elle tous les tourments de ma passion ; donne-la-moi, mon fils, je veux la rendre heureuse, je veux la combler de biens, je veux me donner à elle : je lui prépare mon cœur pour être sa demeure, ma chair pour nourriture, mon sang pour breuvage, mon sein pour lieu de repos. Je lui donnerai mes anges et mes saints pour compagnons, pour amis ; je prendrai plaisir à converser avec elle, à lui révéler les ineffables trésors de mon cœur ; je l’ornerai des plus belles vertus ; je lui ferai voir ce jardin fermé où les hommes n’entrent point, ce jardin où croissent des fleurs dont les couleurs admirables et variées à l’infini charment et ravissent les yeux, et qui exhalent des parfums si suaves et si délicieux, que l’air en est embaumé ; je lui montrerai des arbres toujours couverts des fruits les plus beaux, les plus exquis… Quand elle sera dans la peine, je la consolerai moi-même, je lui ferai boire, pour la fortifier, de cette divine liqueur qui coule de mon côté, comme je fis autrefois à l’une de mes plus fidèles amantes : enfin je ne m’occuperai qu’à faire son bonheur.

Il y a bien longtemps que je te fais ces promesses, je t’ai même fait goûter quelquefois les chastes plaisirs que je réserve à mes amis, et néanmoins tu t’obstines à me fuir. Le monde, si vain et si trompeur, a pour toi je ne sais quels charmes ; vainement il t’a fait sentir sa misère et le malheureux état de ses partisans, tu veux toujours l’aimer ; et moi qui t’aime, qui te chéris, qui veux te sauver, tu me rejettes, tu repousses mes mains qui veulent t’embrasser, tu détournes ton visage pour ne pas recevoir de ma bouche le baiser de paix, tu t’impatientes, tu t’indignes de ce que je ne veux pas te laisser suivre tes penchants déréglés : oh ! que ma patience est grande de te souffrir malgré tant d’ingratitude de ta part ! et pourtant je t’aime, et je t’aimerai et je te poursuivrai jusqu’à ce que tu m’aimes et que tu m’aies donné ton cœur, et je te sauverai, et je montrerai que mon amour est plus fort que tous les obstacles et que la mort même. J’en ferai tant qu’il faudra bien que tu m’aimes enfin.

 

Ô mon Dieu ! votre amour me confond, je n’y tiens plus ! Quoi, Seigneur, tant de bonté de votre part et tant de malice de la mienne ! Tant de pressantes sollicitations et tant de résistances ! Tant de promesses si touchantes et tant de refus outrageants ! Que je peux bien m’écrier : Que mon Dieu est bon ! qu’il est bon le Dieu d’Israël : Quàm bonus Israel Deus ! C’en est fait, ô mon Dieu ! je reviens, je me rends ; vous aimer, vous servir, fera désormais mon bonheur ; je ne veux plus d’autres plaisir que de pleurer mes fautes passées. O mon Sauveur, donnez-moi donc, s’il vous plait, ces larmes délicieuses de la pénitence, je les estime plus que tous les trésors du monde ; donnez-moi aussi, mon très-aimable Jésus, la sainte humilité qui me persuade que je suis le dernier de tous les hommes et le plus abominable des pécheurs, comme je le suis en effet, et, par-dessus tout, donnez-moi votre amour ; que je brûle, que je me consume, que je meure d’amour pour un Dieu qui m’aime, qui m’a tant aimé. Vous m’aimez, ô mon Dieu, et je ne vous aimerais pas ! vous mourez d’amour pour moi, et je ne mourrais pas d’amour pour vous ! Ah ! Dès aujourd’hui mourons au monde et à nous-même par la pénitence, afin de vivre à jamais en Dieu et pour Dieu ! »

 

Extrait de la Vie du R.P. Muard, Marie-Jean-Baptiste du Cœur de Jésus, par M. l’Abbé Brullée

 

En cherchant sur la Toile, nous trouvâmes cette petite présentation de la Pierre-qui-vire :

 


Pierre qui vire
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mardi, 10 mars 2009

Les litanies de la bonne mort

Les litanies de la bonne mort, prière traditionnelle

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phot Sara

 

Seigneur Jésus, Dieu de bonté, Père de miséricorde, je me présente devant vous avec un cœur humilié, contrit et repentant. Je vous recommande ma dernière heure et ce qui doit la suivre.

Quand mes pieds immobiles m'avertiront que ma course en ce monde est près de finir,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi,

quand mes mains engourdies et tremblantes ne pourront plus presser le crucifix contre mon cœur et que, malgré moi, elles le laisseront tomber sur mon lit de souffrances,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes yeux, voilés et troublés par l'effroi d'une mort imminente, porteront vers vous leurs regards vagues et expirants,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes lèvres tremblantes et froides prononceront pour la dernière fois votre adorable nom,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes joues pâles et livides inspireront aux assistants la compassion et la terreur ; que mes cheveux, baignés des sueurs de l'agonie, se dresseront sur ma tête, annonçant ma fin prochaine,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mes oreilles, près de se fermer à jamais aux discours des hommes, s'ouvriront pour entendre de votre bouche la sentence irrévocable qui fixera mon sort pour l'éternité,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand mon imagination, agitée par des fantômes effrayants et terribles, sera plongée dans les tristesses mortelles et que mon esprit, troublé par le souvenir de mes iniquités et par la crainte de votre justice, luttera contre l'Ange des ténèbres qui voudra me dérober la vue consolante de vos miséricordes et me jeter dans le désespoir,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand je verserai mes dernières larmes, symptômes de ma dissolution prochaine, recevez-les, ô mon Jésus, en sacrifice d'expiation, afin que je meure comme une victime de pénitence ; et, dans ce terrible moment,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand j'aurai perdu l'usage de tous les sens, que le monde entier aura disparu pour moi, et que je gémirai dans les angoisses de la dernière agonie et les affres de la mort,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand les derniers soupirs de mon cœur presseront mon âme de sortir de mon corps, acceptez-les comme venant d'une sainte impatience d'aller à vous; et alors,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

quand au dernier instant mon âme se détachant de mon corps, sortira pour toujours de ce monde, et laissera mon corps pâle, glacé et sans vie, acceptez la destruction de tout mon être comme un hommage que je veux offrir dès aujourd'hui à votre Majesté divine ; et, à cette heure suprême,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi

enfin, quand mon âme paraîtra devant vous, et qu'elle verra, pour la première fois, la splendeur immortelle de votre divine Majesté, ne la rejetez pas de votre présence, mais daignez me recevoir dans le sein de vos miséricordes, afin que je chante éternellement vos louanges ; et, en ce moment solennel,

Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi.