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samedi, 30 juillet 2011

Noyade

 

À la déesse de l’aurore, titanide, Éos, sœur de Séléné et d'Hélios

de Sables et d'Olonne.jpg

Vivre une vie que j'aime et qui m'emplit d'extase, chaque jour est un présent du ciel, de la terre et du vent. Conversion perpétuelle d'un cœur transi d'enfance à l'amour à venir dans l'instant qui s'approche. Toucher l'air de rien la joie des choses et des êtres, sentir la nature au plus profond de moi et comprendre comment toucher les autres, ceux qui m'écoutent et ceux qui sont loin.

 

Tout espoir vain, toute tentative avortée est impossible dans la beauté du paradis qu'est notre monde. Tes yeux, nos yeux découvrent ébahis la splendeur des aurores et des crépuscules, la langueur des journées qui les séparent pour mieux les faire éclater de couleurs. Comment remercier pour une telle flamme, celle qui coure dans mes jambes, dans mon torse et dans les bras, qui délie mon cou et lave au savon de feu mon cerveau d'hier ?

 

J'ai prié tant d'années pour seulement relever mes genoux meurtri par un sol inclément, et voilà que la douceur m'aggripe désormais sans que je l'appelle. Qu'il a fallu mourir pour sentir l'aujourd'hui ! Qu'il a fallu chercher pour que la vie me trouve et m'habite enfin. Je n'ai plus peur du monde, je n'ai plus peur de moi, je n'ai plus peur des gens qui marchent en habits de combat.

 

Hors normes, il n'y a plus de luttes des classes. Ni strates, ni mots glaçants, seuls le Rêve nous enlace et nous escorte, le Rêve et sa sœur l'Innocence. Jumeaux nés de l'absence et partis pour durer jusqu'au bout du temps, ils m'apprennent à t'aimer, amer voyage des mers aimées, aux marées mouvantes comme nos chevauchées.

Hors vous, il n'y a plus de nous. Le flottement des non-êtres et la circulation des sangs de poème dévide le jus du fruit des lassitudes. Tout dormira bientôt...

 

Tout dort. Le monde a quitté sa robe de bure dont l'usure gâtait la vision. Il n'y a plus rien que l'enfance qui suce les pommes sûres et le brasier des amours mortes. Il n'y a plus que le vent qui souffle à Celui qui sait, il n'y a plus que l'instant qui passe en nous emportant. Qui peut encore croire à la puissance de l'ego ? Enfonçons-nous dans l'Immobile mouvement de vie pour sentir que nous devenons denses dans la Danse.

 

Agnès bureau de St Antoine 7 2011 2.jpg

Texte & photo : Hanno Buddenbrook

dimanche, 24 juillet 2011

L'échec social et la mort

 

Philippe Ariès, dans L’homme devant la mort (tome I : le temps des gisants) discute la naissance de la notion d'échec social. Ses idées nous ont paru intéressantes et étranges. Voici un extrait.

 

"Chaque vie de pauvre a toujours été un destin imposé sur lequel il n’avait pas de prise.

Au contraire, à partir du XIIè siècle, chez les riches, les lettrés, les puissants, nous voyons monter l’idée que chacun possède une biographie personnelle".

Carvos Loup, Grande Epicerie de Paris

Phot Carvos Loup


«  Pour bien comprendre le sens que la fin du Moyen Âge a donné à cette notion de désillusion et d’échec, il faut prendre du recul, laisser un moment de côté les documents du passé et la problématique des historiens et nous interroger nous-mêmes, hommes du XXè siècle.

Tous les hommes d’aujourd’hui ont éprouvé à un moment de leur vie le sentiment plus ou moins fort, plus ou moins avoué ou refoulé, d’échec : échec familial, échec professionnel.  La volonté de promotion impose à chacun de ne jamais s’arrêter à l’étape, de poursuivre au-delà des buts nouveaux et plus difficiles.  L’échec  est d’autant plus fréquent et ressenti que la réussite est souhaitée et jamais suffisante, toujours reportée plus loin. Un jour vient cependant où l’homme ne soutient plus le rythme de ses ambitions progressives, il va moins vite que son désir, de moins en moins vite, il s’aperçoit que son modèle devient inaccessible. Alors il sent qu’il a raté sa vie.

C’est une épreuve qui est réservée aux mâles : les femmes la connaissent peut-être moins, protégées qu’elles sont encore par l’absence d’ambition, et par leur statut inférieur.

L’épreuve arrive en général autour de la quarantaine et elle tend même, de plus en plus, à se confondre avec les difficultés de l’adolescent à accéder au monde des adultes, difficultés qui peuvent mener à l’alcoolisme, à la drogue, au suicide. Toutefois, dans nos sociétés industrielles, l’âge de l’épreuve est toujours antérieur aux grandes défaillances de la vieillesse et de la mort. L’homme se découvre un jour comme un raté : il ne se voit jamais comme un mort. Il n’associe pas son amertume à la mort. L’homme du Moyen Âge, oui.

Ce sentiment d’échec est-il un trait permanent de la condition humaine ? Peut-être sous la forme d’une insuffisance métaphysique étendue à toute la vie, mais non pas sous la forme de la perception ponctuelle et subite d’un choc brutal.

Ce choc, les temps froids et lents de la mort apprivoisée ne l’ont pas connu. Chacun était promis à un destin qu’il ne pouvait ni ne souhaitait changer. Il en fut ainsi longtemps là où la richesse était rare. Chaque vie de pauvre a toujours été un destin imposé sur lequel il n’avait pas de prise.

Au contraire, à partir du XIIè siècle, chez les riches, les lettrés, les puissants, nous voyons monter l’idée que chacun possède une biographie personnelle. Cette biographie a d’abord été faite seulement d’actes, bons ou mauvais, soumis à un jugement global : de l’être. Ensuite, elle a été faite aussi de choses, d’animaux, de personnes, passionnément aimés, et aussi d’une renommée : de l’avoir. A la fin du Moyen Âge la conscience de soi et de sa biographie s’est confondue avec l’amour de la vie. La mort n’a plus été seulement une conclusion de l’être, mais une séparation de l’avoir : il faut laisser maisons et vergers et jardins.

En pleine santé, en pleine jeunesse, la jouissance des choses s’est trouvée altérée par la vue de la mort. Alors la mort a cessé d’être balance, liquidation des comptes, jugement, ou encore sommeil, pour devenir charogne et pourriture, non plus fin de la vie et dernier souffle, mais mort physique, souffrance et décomposition ».

 

 

Philippe Ariès

L’homme devant la mort

(tome I : le temps des gisants)

dimanche, 17 juillet 2011

La mort et les matérialistes

 

Nous avons peine aujourd’hui à comprendre l’intensité du rapport ancien entre les hommes et les choses.

(...)
Le déclin des croyances religieuses, des morales idéalistes et normatives, n’aboutit pas à la découverte d’un monde plus matériel.

dans la cafetière 2 juillet 2011.jpg

 

Philippe Ariès, dans son beau livre sur la mort, nous soutient que notre monde moderne n'est pas matérialiste.

 


« Nous avons peine aujourd’hui à comprendre l’intensité du rapport ancien entre les hommes et les choses. Il subsiste pourtant toujours chez le collectionneur qui nourrit pour les objets de sa collection une passion réelle, qui aime les contempler. Cette passion n’est d’ailleurs jamais tout à fait désintéressée ; même si les objets pris isolément peuvent être sans valeur, le fait de les avoir réunis en une série rare leur en a donné une. Un collectionneur est donc nécessairement un spéculateur. Or, contemplation et spéculation qui caractérisent la psychologie du collectionneur, sont aussi les traits spécifiques du protocapitaliste, tel qu’il apparaît dans la seconde moitié du Moyen Âge et de la Renaissance. Trop en deçà du capitalisme, les choses ne méritaient pas encore d’être vues, ni retenues, ni désirées. C’est pourquoi le premier Moyen Âge a été plutôt indifférent. Bien que le commerce n’ait jamais déserté l’Occident, qu’on n’ait jamais cessé d’y tenir foires et marchés, la richesse n’apparaissait pas comme la possession des choses, elle était confondue avec le pouvoir sur les hommes – comme la pauvreté avec la solitude. Ainsi le moribond de la chanson de geste ne pense-t-il pas comme celui de l’ars à son trésor, mais à son seigneur, à ses pairs, à ses hommes.

Pour s’imposer au désir du mourant, il a fallu que les biens matériels soient devenus à la fois moins rares et plus recherchés, qu’ils aient acquis une valeur d’usage et d’échange. Trop en avant dans l’évolution capitaliste, l’aptitude à la spéculation est conservée, mais le penchant à la contemplation a disparu et il n’y a plus de lien sensuel entre l’homme et ses richesses. Un bon exemple est donné par la voiture. Malgré son énorme pouvoir sur le rêve, la voiture, une fois acquise, ne nourrit plus longtemps la contemplation. L’objet du sentiment actuel n’est plus cette voiture- là, mais le modèle plus récent qui l’a déjà remplacée dans le désir. Ou encore, on aime moins cette voiture-là que la série, la marque à laquelle elle appartient et qui remporte toutes les performances. Nos civilisations industrielles ne reconnaissent plus aux choses une âme « qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ». Les choses sont devenues des moyens de produire, ou des objets à consommer, à dévorer. Ils ne constituent plus un « trésor ».

L’amour d’Harpagon pour sa cassette serait aujourd’hui un signe de sous-développement, d’arriération économique. Les biens ne sauraient plus être désignés par les mots denses du latin : substantia, facultates.

Peut-on dire d’une civilisation qui a ainsi vidé les choses qu’elle est matérialiste ? C’est le second Moyen Âge, jusqu’au début des temps modernes, qui était matérialiste ! Le déclin des croyances religieuses, des morales idéalistes et normatives, n’aboutit pas à la découverte d’un monde plus matériel. Les savants et les philosophes peuvent revendiquer la connaissance de la matière, l’homme quelconque, dans sa vie quotidienne, ne croit pas plus à la matière qu’à Dieu. L’homme du Moyen Âge croyait à la fois à la matière et à Dieu, à la vie et à la mort, à  la jouissance des choses et à leur renoncement. Le tort des historiens est d’avoir essayé d’opposer des notions en les affectant à des époques différentes, alors que ces notions étaient en fait contemporaines et d’ailleurs aussi complémentaires qu’opposées ».

 

Philippe Ariès

L’homme devant la mort

(tome I : le temps des gisants)

 

mardi, 12 juillet 2011

Vu qu'il est pas méchant Frédo


les frères jacques fredo par susacacon

 

J'ai glané sur Internet cette vidéo et ces paroles, pour égayer notre mois de juillet avec une triste histoire.

Edith

On l' connait d'puis la communale
Le gars qu'est là sur la photo
A la premièr' pag' du journal
Mais on l' reverra pas d' sitôt
Il a saigné deux vieill's mémères
Et buté trois flics,des costauds
Certain'ment sur un coup d' colère
Vu qu'il est pas méchant Frédo
Il a pillé la Banqu' de France
Pour rendr' service à des copains
Pour améliorer leurs finances
Faut bien qu' tout l' mond' y gagn' son pain
Y'a deux trois employés d' la banque
Qu'ont pris d' la mitraill' plein la peau
Bon dieu dans ces cas là on s' planque
Mais c'est pas sa faute à Frédo

Il a liquidé sa frangin'
Un' salop' une rien du tout
Parc' qu'il voulait plus qu'ell' tapine
Elle a calanché sur le coup
Ca c'est des histoir's de famille
Ca regarde pas l' populo
Et puis c'était jamais qu'un' fille
A part ça l'est gentil Frédo
Il a vagu'ment fait du chantage
C'était plutôt pour rigoler
Pour avoir l'air d'être à la page
Mais les môm's qu'il a chouravés
Cétait des p'tits morveux d' la haute
Qui bouff'nt du caviar au kilo
Tout pour les uns rien pour les autres
"C'est pas just"' y disait Frédo

Il a fait l' radam chez les Corses
Un soir qu'il avait picolé
Et comm' i' connait pas sa forc'
Les autr's ils ont pas rigolé
Raphael a sorti son lingue
Bref tout l' mond' s'est troué la peau
C'est vraiment une histoir' de dingues
Vu qu' c'est tous des pôt' à Frédo
L'histoir' des deux voyous d' Pigalle
Qu'il a flingué d'un coeur léger
Moitié camés moitié pédales
Il fallait bien les corriger
Sinon peu à peu qu'est c' qui s' passe
Un jour ça s'allonge aux perdreaux
Total qui c'est qui paie la casse
"C'est nos zigues "y disait Frédo

Un coup d' piqu' feu dans l' péritoine
Et Frédo s'est r'trouvé comm' ça
Le cul sur l'Faubourg saint Antoine
Qu'est c' qu'il foutait dans c' quartier là
Bien sûr il s'est r'trouvé tout d' suite
Avec les poulets sur le dos
Maint'nant vous connaissez la suite
Vous l'avez lue dans les journaux
Un garçon qu'avait tout pour faire
Impeccable mentalité
Délicat , correc' en affaires
Bref il avait qu' des qualités
Ca fait mal quand on l'imagine
En train d' basculer sous l' couteau
De leur salop'rie d' guillotine
Un mec aussi gentil qu' Frédo.

Et la dernière strophe, zappée par les frères Jacques :

A côté des r'quins d'la finance

Et des crabes du gouvernement

Tous ces tarés qui règnent en France

A grand coup d'gueule d'enterrement

A côté d'toutes ces riches natures

Qui nous égorgent à coup d'grands mots

A côté d'toute cette pourriture

Il était pas méchant Frédo !

paroles de Bernard Dimey

mercredi, 06 juillet 2011

BNP Paribas : la bêtise et le mépris


La banque BNP dévoile son idéologie à travers une webpublicité.

 

Si vous êtes client de la BNP et que vous ressemblez à ce garçon, sachez que votre banque vous trouve laid, mal coiffé ; votre banque estime que votre mode de vie est pitoyable et que vous devriez en changer. Votre banque estime qu’avec 1000 euros, vous serez plus beau et – votre banque  a le sens de l’argent, mais pas celui des réalités – vous pourrez quitter votre mère. Car pour la BNP, quitter sa mère est le préalable à une vie respectable.

 

L’image d’un garçon et d’une mère proches l’un de l’autre, n’est là que pour en montrer le ridicule. Pour la BNP, il est ridicule de vivre avec un parent passé un certain âge, il est ridicule d’être coiffé d’une certaine façon, etc.

 

Être un winner (il n'y a pas de mot français pour les valeurs mises en avant par la BNP), être un winner donc, nécessite d'avoir une coupe de cheveux et des habits à la mode, de cracher sur les gens qui vous aiment et vous nourrissent, de hanter les lieux branchés avec une carte bleue et de vivre entre gens du même âge, loin des vieux, des enfants et de tous les gens ayant des habits ou des coupes de cheveux non conformes.

 

Rejoignez la BNP, la banque d'un monde uniforme, balisé, mesquin, étriqué, où tout se paye. Rejoignez la BNP, une banque qui vous fera oublier peu à peu  l'amour, l'intelligence, la beauté, la liberté, la sauvagerie de la terre et le raffinement de la culture.

 

David N Steene et Edith de CL

dimanche, 03 juillet 2011

Dans un bar de nuit banal

Paul de Cornulier

Dans un bar de nuit banal,
Tu cherchais la solitude
Parmi les nymphes vénales
Dont tu sais les turpitudes.

De ce côté-là du monde,
Où l’alcool règne en démiurge,
Les misères se confondent :
C’est l’absinthe qui les purge.

A l’aube où les yeux décillent
Tes bras lâchent dans le vide
La fantomatique fille
Aux étreintes apatrides.

(Des morceaux de Telemann
Caméléons, purifiants,
Celui qui te fait trop mal
Evoque les jeux d’enfants).


Dans un bar de nuit banal,
Tu cherchais la turpitude
Parmi les nymphes brutales
Dont tu sais la solitude.

Ce soir-là, tu méprisas
La belle Marie Brizzard.
Tu déchus dans le sauna
De Johnnie Walker blafard

A l’aube où les yeux s’éclosent,
Dans la ville qui s’étrique,
Tu fuis le garçon morose
Aux étreintes sidaïques.

(Des tableaux d’Edward Hopper,
Surréels et survivants,
Celui qui te ferait peur
Emplit la chambre de vent).

Edith de CL
23 août 2010 (commencé quelques jours avant)