samedi, 29 novembre 2008
L'humiliation (Chronique mêlée de deux ouvrages)
L'humiliation
Les Papiers de Stresemann (Six années de politique allemande), Editions Plon 1932
Le questionnaire, Ernst von Salomon, Editions Gallimard 1953
L'humiliation d'une nation a fait les preuves de son efficacité destructrice. L'humiliation appelle la revanche sinon la vengeance, qui, comme le dit le dicton, est un plat qui se mange froid. Quand elle se trouve conjuguée au sentiment de culpabilité, elle fait des ravages dans le mental de générations. À moins que le temps ne fasse son travail - les atrocités commises dans les combats entre Protestants et Catholiques ne sont presque plus pour nous qu'une horrible vieille histoire.
Je propose la lecture de deux livres qui s'étendent de la fin de la guerre de 1914-1918 à la fin de la guerre de 1940-1945 pour tenter de comprendre - ou plutôt d'éprouver - ce que c'est que cette terrible notion, la "nation" qui soulève les peuples en même temps qu'elle les fait sombrer. Deux livres écrits par des nationalistes.
La nation, c'est une terre
"La raison de nos graves inquiétudes, et pour ainsi dire la preuve que la France ne poursuit pas une politique de réparations, ce sont les expulsions inouïes auxquelles elle procède dans le territoire envahi. Je n'insisterai pas sur le sort qui en pleine paix menace des milliers de fonctionnaires, des familles entières. Cela ne révèle-t-il pas une intention politique ? Ne prépare-t-on pas l'annexion en expulsant les chefs intellectuels, économiques et politiques du peuple allemand fréquemment sans motif ? (…) On veut étouffer les voix qui protestent contre cette façon de transformer la Rhénanie en un pays francophile."
Gustav Stresemann a mené une politique acharnée pour sortir son pays de l'ornière dans laquelle il était tombé, après la première guerre mondiale, en particulier avec le problème des réparations, ruineuses pour le peuple, et de l'occupation de la Ruhr par la France. Dans ses "Papiers", il décrit ses efforts pour tenter d'empêcher l'Allemagne de tomber dans les pièges du racisme hitlérien, à droite, et du communisme, à gauche. Il s'est heurté à l'intransigeance de Raymond Poincaré et n'a trouvé un interlocuteur qu'en la personne d'Aristide Briand - ils reçoivent tous les deux le prix Nobel de la Paix en 1926. Sa mort est un drame : c'est un barrage de plus qui s'effondre devant la montée du nazisme.
L'humiliation de l'Allemagne signée lors du Traité de Versailles l'a menée, et l'Europe dans son sillage, à la catastrophe de la deuxième guerre mondiale.
La nation, ce sont des êtres humains
Entre 1945 et 1946, l'écrivain allemand Ernst von Salomon est interné dans un camp américain en Allemagne. Nationaliste de droite, il refuse d'adhérer au nazisme, mais défend certain ami qualifié de tel. Dans ce livre, il dénonce les injustices et les mauvais traitements infligés aux Allemands par les Américains. En même temps, il y décrit le sentiment d'une curieuse satisfaction d'être "pour une fois" dans le camp des victimes et non celui des bourreaux. Il met très intelligemment et drôlement en scène l'imbécillité des vainqueurs en faisant un livre énorme de ses "réponses" au "questionnaire", document comprenant 131 questions auxquelles tout citoyen allemand dut répondre pour établir ses éventuels liens avec le régime nazi. On découvre que celle qu'on croit être sa compagne est la fiancée cachée d'un autre homme. Cachée, avec un faux nom parce que juive et sauvée ainsi. Pointe dans ce livre brillant et trouble, l'humiliation.
"8. Couleur des cheveux : voir pièce jointe
ad8 : Aiguiser la conscience, nous dit Hamlet, voilà l'intérêt du pouvoir qui aime, pour sa tranquillité, commander à des lâches. Le meilleur moyen pour y arriver a toujours été la présomption des administrations.
Depuis toujours, aussi, les administrations connaissent la force magique du pouvoir qui, en l'enregistrant, fascine le plus sûrement l'individu. L'enregistrement est la forme parfaite dont découleront toutes les suites du régime de la terreur. Un homme dans un fichier est pour ainsi dire déjà un homme mort.
(…) Rien ne révèle mieux le caractère de signalement de ce questionnaire et sa bassesse que la question concernant la couleur des cheveux".
Ce livre a eu un grand succès à sa parution en Allemagne.
La question reste : comment un Allemand peut-il "supporter" l'immense et humiliante culpabilité qui pèse sur son pays ?
La nation, c'est une idée fragile
Il ressort de cette "nation" qu'elle anime les cœurs des humains, les réunit, les soulève. Mais en même temps, elle les enferme. Elle les assimile. Ceux qu'elle englobe de son exigeante sollicitude ne peuvent plus lui échapper. Ses échecs sont leurs échecs. Les générations qui suivent se doivent d'endosser la responsabilité de crimes qu'elles n'ont pas commis, de lâchetés qu'elles n'ont pas eues, de bassesses qu'elles n'ont pu imaginer. L'individuation républicaine de la "faute" n'a pas court. Pendant ce temps, ceux qui appartiennent à une nation "vertueuse" sont auréolés d'une grandeur qui les transporte tous : peu importe à l'individu ses fautes personnelles, ses traîtrises, son crime secret. Il endosse la vertu nationale. Il est vertueux par essence.
Aujourd'hui, les "nations" de "peuples" semblent se diluer dans les régionalismes ou les communautarismes des "peuplades" - qui sont des petits nationalismes sans grand danger encore parce que sans grands crimes encore. La démarche est facile à comprendre. Les individus humains veulent bien s'unir autour de valeurs qui les grandissent personnellement. Ils ne voient pas pourquoi ils devraient s'unir autour de crimes qu'on leur impute et qui les humilie, personnellement.
À moins que, coupable pour coupable, l'idée de "nation" ressurgisse, plus extrême, plus brutale, puisqu'il n'y a plus de vertu à perdre.
Ces deux ouvrages ne sont pas réédités (toujours pas en 2012) ; on les trouve cependant d'occasion, en cliquant sur ces vignettes.
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jeudi, 27 novembre 2008
Il était une fois l'animal
I Genèse
La présence de l'animal dans l'histoire de la création du monde...
« Il était un royaume où volait le Corbeau. De temps à autre, l'Oiseau suspendait son vol pour fienter. Quand la matière était dure, elle se changeait en terre ferme ; quand elle était liquide, elle donnait naissance à des rivières et à des lacs, puis à de minuscules flaques et ruisseaux. (...) Mais une fois créé par la matière contenue dans le jabot et la vessie du Premier Volatile, le monde continua de baigner dans une obscurité profonde. » La Bible tchouktche, Youri Rythkéou
Les mythes fondateurs racontent l'origine du monde et des hommes.
Dans la Bible, la Genèse du monde est ainsi racontée : Dieu créa le monde, puis l'homme, puis la femme. Il créa les animaux, et celui qui joua dès le début un rôle important est le serpent, qui corrompit l'homme.
Pour les Tchouktches de Sibérie, le monde a été créé par un corbeau, le Premier Volatile, qui volait au-dessus de son royaume désert en laissant tomber sa fiente, fiente qui donnait naissance à des rivières, des montagnes...
Les Inuit ont encore une autre histoire : une jeune femme et un chien furent le premier couple. Leurs cinq enfants sont les ancêtres des habitants des cinq continents.
Dans les sociétés traditionnelles, les contes et mythes s'adressent à tous, enfants et adultes. Chaque événement dramatique de la vie permet une relecture de ces histoires, auxquels l'homme donne un sens plus profond à mesure qu'il vieillit. La littérature expressément réservée aux enfants est un événement moderne, né du rationalisme.
Dès lors, plus encore en Occident qu'ailleurs, le temps des animaux est le temps de l'enfance. Il y a une séparation radicale entre l'animal de l'enfance, enchanté, proche, et l'animal des adultes, rationalisé, utile, sans valeur sacrée.
II Initiation et symbole
Dans la littérature enfantine, les animaux servent à expliquer les relations humaines
« Il était une fois un paysan qui avait de l'argent et des biens en suffisance (...) Mais sa femme et lui n'avaient pas d'enfants. (...) Un jour, il revint chez lui, s'emporta et dit :
- je veux un enfant ! J'en veux un, même si ce doit être un hérisson !
Par la suite, sa femme mit au monde un enfant qui était mi-hérisson, mi-homme : le haut de son corps en hérisson, le bas constitué normalement. Sa mère en fut épouvantée quand elle le vit et s'exclama :
- Là, tu vois ! Tu nous as jeté un mauvais sort !» Hans mon-hérisson, Grimm
L'anthropologue russe Propp a analysé des contes de façon structurelle et en a tiré des fonctions invariablement présentes (le héros, le donateur, l'agresseur, l'auxiliaire)... L'animal est toujours autrui. Il est très rarement le héros, il est celui que l'on rencontre sur sa route et qui nous révèle à nous-mêmes.
Les deux thèmes principaux de la plupart des histoires : comment trouver de la nourriture, comment se marier. L'animal permet de dissoudre l'enseignement en le rendant sibyllin. La petite fille apprend à la fois qu'elle doit éviter de se faire violer dans le bois par le loup, à la fois qu'elle devra vivre cela un jour, d'une autre façon. Ce trouble n'appartient qu'au langage symbolique et les rapports sociaux paraîtraient trop crus sans les masques animaux.
La littérature à destination des enfants utilise la proximité entre l’enfant et l’animal pour préparer au monde adulte ; mais la figure animalisée permet de dissocier le monde imaginaire du monde réel pour brouiller les pistes. La transmission s'effectue à un niveau inconscient.
Par ailleurs, dans ce mélange des mondes humains et animaux se trouve une reconnaissance de la très grande proximité qui les unit. Nous sommes animaux comme les autres animaux, nous souffrons, nous aimons et nous luttons comme eux.
III Paradoxes
Dans les histoires pour enfants, l'animal interprète les rôles enchanteurs, troubles ou mauvais. Mais ces rôles sont atténués par la censure pédagogique, qui ne reconnaît de conscience qu’humaine et qui déviolentise les contes. Que devient alors l'animal ?
Violence, magie, trouble, désir, crime : ces éléments hantent les rapports entre les hommes et les bêtes dans la littérature traditionnelle. L'animal permet donc de parler de crime et de sexe.
Pourtant, les modernes (Perrault, Disney) ont escamoté la cruauté des histoires. Cette déviolentisation a lieu partout. Par exemple, au Pérou, où l'on reprend les contes quechuas pour les manuels d'éducation des enfants indiens, on les lisse et les modifie car ils sont vus comme trop violents.
Cet escamotage littéraire est parallèle à l'évolution de la société. Le garçonnet d'il y a 100 ans voyait tuer les cochons régulièrement. Celui d'aujourd'hui refuse de manger lorsqu'il comprend avec horreur que les trois gentils petits cochons du conte sont découpés dans son assiette. Ces deux garçons à cent ans de distance n'entendent pas la même histoire à travers le même conte. L'interprétation et l'identification ne peuvent être semblables.
La modernité escamote la violence et elle brouille les rôles traditionnels. De ce fait l'animal n'est plus trouble ni mauvais, il devient gentil. Par ailleurs, le principe narratologique selon lequel l'animal était autrui et jamais le héros n'a plus lieu. L'animal est donc humanisé (héros au visage défini, doué de bonté) au moment même où les bêtes ont presque disparu de notre vie quotidienne. Il représente même parfois la gentillesse dans un monde de brutes humaines, un rôle tout aussi faux que celui de séducteur ou de tueur qu'il tenait dans les histoires traditionnelles. La bête est devenue ange. La cruauté et la tendresse sont souvent l'apanage réel ou supposé des enfants et des bêtes. Mais en éliminant la cruauté on élimine aussi la tendresse réelle, émergée du fond des êtres.
Si l'animal effrayant et enchanteur des contes a disparu de la littérature moderne, que reste-t-il de lui ? Dans la vraie vie, les animaux magiques des contes ont disparus : leurs inspirateurs sont confinés dans les zoos ou les élevages.
« Pan ! Le coup partit. La balle vint frapper le cygne en plein milieu de la tête, et le long cou blanc s'effondra sur le côté du nid.
- Je l'ai eu !cria Ernie.
- Joli coup, s'exclama Raymond.
Ernie se tourna vers Peter, le petit Peter qui était absolument pétrifié sur place, le regard blême.
(...)
Peter ramena le cygne mort au bord du lac et le posa par terre. (...) Ses yeux toujours mouillés de larmes étincelaient de fureur.
-Quelle chose infecte ! hurla-t-il ! (...) C'est vous qui devriez être morts, à la place du cygne ! Vous n'êtes pas dignes de vivre ! »
Le cygne de Roald Dahl
Qu’avons-nous fait de nos corps, de nos âmes ? De nos haines et de nos désirs ? Nous les avons nettoyé comme nous nettoyons les histoires que nous racontons aux enfants. Nous les avons enfermés dans des laboratoires, dans des ménageries, dans des bâtiments protégés aux abords des grandes villes.
Nous n’avons voulu garder que la raison, mais voici qu’elle hante un monde vide.
Que pourrons-nous faire pour retrouver l’animal, ce frère ennemi qui nous dégoûte et à qui nous voudrions ressembler ? Quand toutes les portes de la raison sont fermées et qu’il revient dans nos cauchemars, faudrait-il oser nous laisser entraîner dans son poème vital ?
Katharina Flunch-Barrows et Edith de Cornulier-Lucinière
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mardi, 25 novembre 2008
Lettre d'amour apolitique
« Lorsque l'on t’aime assez pour faire partie de toi tu fais de nous des vils »
Par S.Barynsflook
AlmaSoror a demandé à plusieurs auteurs de lui écrire une lettre d’amour.
Lorsque Axel Randers a répondu que la plus belle lettre d’amour qu’il pourrait écrire serait une lettre d’amour de gauche, nous avons axé nos requêtes ainsi : vous qui avez aimé et milité, écrivez-nous la plus belle lettre d’amour possible que vous pourriez écrire,
et parlez-y de politique.
La lettre d'amour apolitique de S.Barynsflook clôt cette série amoureuse almasororienne.
Lire la lettre d'amour de droite et la lettre d'amour de gauche
Il est temps de nous dire au revoir belle amie de toujours, quelle belle composition, tout cet harmonieux agencement. Tu as cette beauté irrésistible devant laquelle tout un chacun s'agenouille. La vie est décidément trop dure dès lors que l’on te rencontre. Je ne sais s'il vaut mieux vivre sous ton aile, oublier que je t'ai connue ou tenter de te changer.
Tu te présentes pour m'aider, me montrer le chemin mais jusqu'ici je n'ai senti que trahisons, déception ou ennui....Est-ce ta nature d'être ainsi ou est-ce le système que tu fais marcher .....
Prête à m'abandonner, à me faire tomber, à me condamner si ton désir te le dicte. Reine du monde entier tu sers de la même façon le monde entier et comme chacun je te suis, et même quand je ne veux pas te suivre, mes actions qui en découlent te servent, je te suis et je n'y peux rien.
Tu puises ton pouvoir dans chacun, et lorsque tu trébuches sur Chacun, c'est pour mieux reprendre pied.
Tu m'as souris et m'as tendu ta main, je l'ai saisie avec plaisir et admiration. Je croyais alors que nous pouvions construire quelque chose ensemble.
Triste illusion, je pensais avoir un rôle dans ta vie, mais je n'ai eu qu'un rôle d'appartenance à une multitude que tu illusionnes et à qui tu tends la main avec ce même sourire plein d'énergie, d'intelligence bienveillante.
Je ne regrette rien car tu restes une solution, les hommes ont besoin de cette bienveillance que tu leur offres. Peut être qu'un jour tu changeras mais je ne pense pas, tu es prise dans ton jeu et lui ne changera pas.
Adieu donc.
S.Barynsflook
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Lettre d'amour de droite
AlmaSoror a demandé à plusieurs auteurs de lui écrire une lettre d’amour. Lorsque Axel Randers a répondu que
la plus belle lettre d’amour qu’il pourrait écrire serait une lettre d’amour de gauche, nous avons axé nos requêtes ainsi : vous qui avez aimé et milité, écrivez-nous la plus belle lettre d’amour possible que vous pourriez écrire, et parlez-y de politique.
Lire la lettre d'amour de gauche d'Axel Randers
Lire la lettre d'amour apolitique, de Barynsflook
Chère Grand-Mère,
Si le remords avait du poids, cette lettre pèserait lourd. Depuis des années que je ne suis pas revenue vous voir, vous devez vous sentir seule, abandonnée.
Cela fait quatre ans que vous n’avez reçu de mes nouvelles. Suis-je une petite fille indigne ? Oui.
Pourtant, je n’ai cessé de penser à vous et de vous aimer.
L’impossibilité de vivre parmi les nôtres m’a poussée loin de notre monde, Grand-Mère. J’ai bien trahi vos enseignements, j’ai trahi nos idées. Ai-je eu le choix ?
Dans une bande dessinée de Hugo Pratt, quelques minutes avant de passer devant le peloton d’exécution,
le marin allemand Slutter dit: « Les Anglais me fusillent parce que j’ai obéi aux ordres de mon commandant, et les Allemands m’auraient fusillé si je ne leur avait pas obéi ».
Ces soldats allemands ou français de la deuxième guerre mondiale étaient cernés. Quoi qu’ils fassent, malgré leur abnégation et tout leur courage, ils étaient des traîtres. C’étaient des hommes traqués.
Ceux qui sont comme moi sont traqués par une marque qui se trouve à l’intérieur d’eux-mêmes. Où qu’ils aillent, ils seront toujours rejetés parce qu’aucune place ne leur est réservée : ils font peur.
Voilà pourquoi je suis partie.
Je suis descendue à Paris.
J’ai vécu à Paris puis à Berlin, puis à Zurich, et à nouveau à Paris. J’ai connu des gens très différents : des gens de gauche.
J’ai aimé certains d’entre eux, j’ai appris des choses. Mais souvent, j’ai été terrassée par leur nullité. Ces gens croient qu’ils inventent la liberté lorsqu’ils foulent à leurs pieds deux mille ans de culture chrétienne et européenne. Ils pensent inventer le monde lorsqu’ils crachent des mauvaises phrases dans des livres, des films ou des disques qui ne voient le jour que parce qu’ils baignent dans cet argent qu’ils disent détester.
Ils confondent tout ce qu’ils n’aiment pas dans un sac pratique et idiot, qu’ils appellent « bourgeoisie ». Riches, ils se veulent pauvres. Méprisants, ils se veulent populistes. Snobs, ils se croient populaires. Antipatriotiques et antireligieux, ils croient sauver le corps et l’esprit des gens. Ils haïssent le catholicisme, la tradition, qu’ils ne connaissent pas. Ils en parlent avec autant de bêtise qu’un catholique de droite parle des luttes communistes ou féministes : l’ignorance nous tuera tous.
La solitude que j’ai éprouvée parmi eux, je l’avais éprouvée aussi parmi mes cousins et aux scouts. Je l’avais éprouvée toute ma prime jeunesse, dans notre monde à nous, Grand-Mère. Comment pourriez-vous l’ignorer ?
Vous saviez mon secret. Vous ne m’en avez jamais parlé. Vous saviez que j’étais morte pour la seule vie que notre milieu me réservait. Mais vous ne disiez rien, et parfois vous me regardiez pleurer en tremblant. Votre chagrin était réel ; votre amour était réel. Mais vous n’aviez rien à me proposer, rien d’autre qu’un renoncement à tout bonheur, à tout espoir.
J’ai vécu ainsi parmi ces amis de gauche, sans Dieu, sans foi, qui ne savaient rien de ce que je pensais vraiment, à qui je ne pouvais parler de vous parce qu’ils vous auraient méconnue. Ils sont universitaires, professeurs, journalistes, artistes, avocats, et ils sont misérables. Vides de culture et vides de religion, ils ne connaissent que la gloire d’être de leur temps et passent leurs journées à oublier qu’ils vont mourir un jour. Mais au fond, dans n'importe quel univers, le même petit nombre de gens recèle cette grandeur d’âme –même s’ils n’y croient pas, à cette âme-, qui relève le malheureux et embellit le gris des jours. Quelles que soient leurs idées, leurs croyances, ce sont des anges. Il ne faut pas leur dire qu’ils sont des anges parce qu’ils ne comprendraient pas. Il faut juste les laisser être des anges et tenter de leur rendre un peu de la fraternité qu’ils vous offrent. Parmi ceux-là, j’ai trouvé des oreilles et j’ai dit mon secret. J’ai été tolérée, ce qui ne me serait pas arrivé chez nous, Grand-Mère. Vous savez bien. Parmi mes frères et sœurs hermaphrodites, il y a beaucoup de gens que je n’aime pas ; il y en a quelques uns qui auraient voulu comme moi vivre selon les valeurs qu’ils ont reçues dans leur berceau. Mais leur particularité les a privés d’une telle vie où la famille, la religion et le travail de la terre rythme le temps.
Je suis revenue vivre à la maison de Rébusseyt, au bord de la Marne, où vous veniez chaque été. Je vis seule dans cette grande maison et je pense à vous chaque jour.
Vous avez été ma seule amie. Vous êtes la personne humaine qui m’a aimée et nourrie. Ma vie aura passé mieux grâce à vous.
Adieu Grand-Mère. Si vous me répondez, nous nous reverrons peut-être. Je sais que vous serez heureuse si
je finis ma lettre avec les plus beaux mots du monde : Ave Maria, gratia plena, dominus tecum…
Je vous salue Marie pleine de grâce, le seigneur est avec vous.
Benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui Iesus. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sancta Maria, mater Dei, ora pro nobis peccatoribus nunc et in hora mortis nostrae… Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pêcheurs, maintenant et à l’heure de notre mort… Vos lèvres auront prié en lisant ma prière. Nous sommes ensemble, Grand-Mère chérie. Dans les bras de Dieu.
Esther Mar
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dimanche, 23 novembre 2008
Epiphanie d'Esther Mar
« Ce qui fait la noblesse d’une chose, c’est son éternité ».
Leonard de Vinci
Ma vie ne ressemble pas aux grandes affiches de publicité qui dominent la rue et le métropolitain.
Je ne croque pas la vie à pleines dents, ni ne consomme, ni ne suis consommée.
Je regarde les photos de ma prime jeunesse : un visage adulte regarde un visage nubile.
Je sais que je n’étais pas heureuse, pourtant je regrette cette jeunesse.
Chaque pas est un pas vers la mort. Chaque souffle, en créant la vie, appelle la mort.
Comment accepter cette inexorable fuite en avant du temps, qui marque ma personne physique et morale ?
I'm trying to tell you something about my life
Maybe give me insight between black and white
The best thing you've ever done for me
Is to help me take my life less seriously, it's only life after all
Choisir l’intemporel.
Puisque tout passe, puisque rien ne me remplit, puisque l’angoisse ne sera jamais vaincue que par la force intérieure, puisque l’amour est incertain comme le temps, puisque le temps change dans l’espace, puisque l’espace m’est inaccessible…
Puisque je vais mourir un jour, peut être sans douleur, peut être dans la souffrance, puisque je vieillis jour après jour malgré ma soif d’enfance, puisque je m’affaisse malgré mes faims vitales, puisque mon corps n’est qu’un corps, puisque dans la nuit, quelque fois, je ne crois plus à l’âme… Je choisis l’intemporel.
Well darkness has a hunger that's insatiable
And lightness has a call that's hard to hear
I wrap my fear around me like a blanket
I sailed my ship of safety till I sank it, I'm crawling on your shore.
Les commandements de la vie intemporelle
1 J’accepte que la nouvelle jeunesse me pousse de l’autre côté de l’âge et prenne ma place
2 Tous les jours j’accomplis des choses essentielles qui m’auraient paru autant essentiels si j’avais vécu dans un autre lieu il y a plusieurs siècles et qui me paraîtraient essentiels si je vivais dans un autre lieu dans plusieurs siècles
3 Chaque jour, je touche à la haute culture (par exemple, je lis le Voyage de Baudelaire, ou une tirade d’Andromaque, de Racine), à la nature (je m’occupe d’une plante, admire une étoile…), à l’animalité (j’offre à manger à une bête, j’observe fraternellement un animal…) et à la spiritualité (je prie ou je laisse mon cœur ouvert à tout ce qui le dépasse et qui lui survivra)…
4 Je sais que mon existence a autant de valeur que le plus riche et admiré des êtres de cette terre et que le plus misérable et laid des êtres de cette terre
5 Je ferme les yeux, souffle loin du monde immédiat et fais se rencontrer mon cœur, mon corps et mon esprit. Je les vide. Je laisse alors la vie les remplir ou ne pas les remplir.
6 Je pose un acte qui fasse que ma vie aura été quelque chose de bien pour quelqu’un. J’allume un ou plusieurs cœurs. Je m’oublie pour réchauffer la vie d’un autre. Un sourire ? Un regard ? Une gentillesse ? Quelque chose qui fasse que ma vie aura créé de bonnes sensations.
En suivant ces commandements je sais que je toucherai chaque jour à l’essentiel. Je ne laisserai pas trop de temps passer sur mon ego, ma vulgarité et mes petitesses.
I stopped by the bar at 3 a.m.
To seek solace in a bottle or possibly a friend
I woke up with a headache like my head against a board
Twice as cloudy as I'd been the night before
I went in seeking clarity.
L’intemporel seul est éternel. Les modes et les pensées passent. Que reste-t-il à travers les siècles ? L’intemporel. Alors pourquoi se noyer dans le temporel ?
- Parle-moi, Rainer Maria Rilke, comme tu parlais à Franz Kappus.
- L’avenir est fixe, cher monsieur Kappus, mais c’est nous qui nous déplaçons dans l’espace infini.
- Merci.
Je choisis l’intemporel. C’est ma façon de toucher l’éternité.
Et des extraits de Closer to Fine, une chanson des Indigo Girls
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vendredi, 21 novembre 2008
Mélange de paternités
Du temps de nos Pères…
Voyage en paternité traditionnelle
"Chez tous les peuples qui connaissent des lois, la puissance paternelle est par elle-même
une manière d'esclavage pour les enfants.
Tant que vit le père, le fils est habité par un sentiment de sujétion et de dépendance,
il a l'impression qu'il n'est pas son propre maître, ou plutôt qu'il n'est pas une personne à part entière,
mais un simple organe dans un corps plus vaste,
et que son nom appartient davantage à un autre qu'à lui-même.
L'inestimable avantage pour un enfant d'être guidé par un être plein d'expérience et d'affection,
et nul ne peut tenir ce rôle mieux que son propre père, se paye par l'étouffement total
de la jeunesse, et généralement de toute la vie".
Giacomo Leopardi (Pensées)
Liste des paragraphes
éducation des pères, souvenirs des fils, regrets des pères,
paternités occidentales, pères de gauche et pères de droite,
Vaneigem contre le patriarcat et l’agriculture,
Où sont passés nos pères ?
Une prière traduite dans toutes les langues du monde
I
Education des pères
Extrait d'une lettre d'un père Aztèque
Extrait de l'"Education chréstienne" (1666)
suivi de "Tu seras un homme, mon fils", de Rudyard Kipling
Un père aztèque à son fils
Nopiltzé, nocözqué, noquetzalé, ötiyöl, ötitläcat, ötimotlälticpacquïxtïco,...
"Mon fils, mon bijou, ma plume, tu es venu à la vie, tu es né, tu es arrivé sur terre, sur la terre de Notre-Seigneur (...). Et nous t'avons regardé, nous qui sommes ta mère et ton père, et aussi tes tantes, tes oncles, ceux de ta famille t'ont regardé, ont pleuré, ont été pris de compassion à ton égard lorsque tu es venu à la vie, lorsque tu es venu au monde.
(...)
"Cela a été bien difficile et terrible pour moi de t'élever, de te fortifier, pour que tu prennes de l'âge et de la taille.
J'ai les bras et le dos à bout, à force de donner en partage, de rechercher ce que tu as bu, ce que tu as mangé.
Je ne t'ai pas abandonné, je ne t'ai pas négligé, pour toi j'ai souvent connu les pleurs et la compassion, je ne t'ai pas mis dans le fumier, dans les excréments.
En aucun cas je n'ai saisi, je n'ai pris dans le coffre, dans la caisse, dans le pot, dans l'assiette des autres de quoi t'élever, de quoi te fortifier.
En fin de compte, les qualités d'aigle et de jaguar {d'homme} ont crû, ont grandi ; c'est en toute quiétude, en toute tranquillité que je partirai en te laissant en compagnie, en société.
(...) Si tu vis bien, si tu fais bien ce que je t'ai dit, quand on te verra, pas comparaison avec toi on donnera de la pierre et du bâton à celui qui ne vit pas bien, qui n'obéit pas à sa mère et à son père.
Et maintenant c'est tout, par ces mots nous nous retirons, nous ta mère et ton père ; par ces mots nous te vêtons, nous te secouons, nous te vernissons, nous te pansons : tâche de ne pas les rejetter, de ne pas les mettre au rebut".
Réponse du fils :
"Mon père bien-aimé, ton coeur a laissé (des bienfaits), tu m'as fait du bien, à moi qui suis ton bijou, ta plume. Peut-être vais-je saisir, peut-être vais-je recevoir ces mots, ces paroles qui sortent, qui tombent de tes entrailles, de ta gorge, par lesquels tu accomplis ton devoir envers moi, ton bijou, ta plume, afin que je ne sois pas furieux le jour où j'aurais fait, où j'aurais commis quelque chose de mal, d'injuste, afin que ce ne soit pas pour toi, mon père, un sujet de reproche."
Huëhuetlàtolli, "discours de vieillard", recueilli par Fray André de Olmos (auteur de la première grammaire nahuatl) au XVIème siècle, traduit du nahuatl et présenté par Michel Launey dans son Introduction à la langue et à la littérature aztèques (Mexique).
L’éducation chrétienne au XVIIème siècle
Maximes
Touchant le soin qu’il faut avoir de faire rendre aux Enfans ce qu’ils doivent à leurs Pères.
Ayez grand soin particulièrement que vos enfans soient fort respectueux à l’endroit de leur père, qu’ils l’aiment, qu’ils l’honorent, & qu’ils le craignent. Ne leur pardonnez jamais la désobéissance à ses ordres. Ne souffrez point qu’ils luy parlent autrement qu’avec soumission et avec respect. Celuy qui obéit à son père donne beaucoup de joye et de consolation à sa mère, dit l’Ecriture.
Touchant la liberté qu’il faut donner aux Enfans d’exprimer leurs sentimens et leurs pensées.
Prenez bien garde de ne pas reprendre continuellement vos enfans, & de ne pas les traiter avec trop de sévérité dans les moindres de choses. Ne les obligez pas vous-même par votre rigueur à blesser le respect qu’ils vous doivent ; & en leur commandant des choses trop difficiles de les contraindre à vous désobéir.
Il faut même leur laisser quand ils sont un peu avancés en âge la liberté de vous représenter leurs raisons et leurs plaintes, & de ne les traiter pas avec dureté, lorsqu’ils croient être en quelque sorte blessés par la conduite que vous tenez à leur égard.
Que les enfans apprennent à respecter leur père et leur mère et que les pères et les mères craignent de se mettre en colère contre leurs enfans.
(De l’Education chrestienne des enfans, 1666 )
Tu seras un homme mon fils
(texte anglais suivie de l’adaptation française)
If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you
But make allowance for their doubting too,
If you can wait and not be tired by waiting,
Or being lied about, don't deal in lies,
Or being hated, don't give way to hating,
And yet don't look too good, nor talk too wise:
If you can dream--and not make dreams your master,
If you can think--and not make thoughts your aim;
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you've spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools,
Or watch the things you gave your life to, broken,
And stoop and build 'em up with worn-out tools:
If you can make one heap of all your winnings
And risk it all on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breath a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: "Hold on!"
If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with kings--nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you;
If all men count with you, but none too much,
If you can fill the unforgiving minute
With sixty seconds' worth of distance run,
Yours is the Earth and everything that's in it,
And--which is more--you'll be a Man, my son!
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir,
Si tu peux être amant sans être fou d’amour ;
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles,
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les Rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser, sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu peux être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront ;
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.
Rudyard Kipling
II
Souvenirs des fils
Extrait des Mémoires d'outre-tombe, de F-R de Chateaubriand
François de Chateaubriand
« Les soirées d'automne et d'hiver étaient d'une autre nature. Le souper fini et les quatre convives revenus de la table à la cheminée, ma mère se jetait, en soupirant, sur un vieux lit de jour de siamoise flambée ; on mettait devant elle un guéridon avec une bougie. Je m'asseyais auprès du feu avec Lucile ; les domestiques enlevaient le couvert et se retiraient. Mon père commençait alors une promenade, qui ne cessait qu'à l'heure de son coucher. Il était vêtu d'une robe de ratine blanche, ou plutôt d'une espèce de manteau que je n'ai vu qu'à lui. Sa tête, demi-chauve, était couverte d'un grand bonnet blanc qui se tenait tout droit. Lorsqu'en se promenant, il s'éloignait du foyer, la vaste salle était si peu éclairée par une seule bougie qu'on ne le voyait plus ; on l'entendait seulement encore marcher dans les ténèbres : puis il revenait lentement vers la lumière et émergeait peu à peu de l'obscurité, comme un spectre, avec sa robe blanche, son bonnet blanc, sa figure longue et pâle. Lucile et moi, nous échangions quelques mots à voix basse, quand il était à l'autre bout de la salle : nous nous taisions quand il se rapprochait de nous. Il nous disait, en passant : « De quoi parliez-vous ? » Saisis de terreur, nous ne répondions rien ; il continuait sa marche. Le reste de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et des murmures du vent.
Dix heures sonnaient à l'horloge du château : mon père s'arrêtait ; le même ressort, qui avait soulevé le marteau de l'horloge, semblait avoir suspendu ses pas. Il tirait sa montre, la montait, prenait un grand flambeau d'argent surmonté d'une grande bougie, entrait un moment dans la petite tour de l'ouest, puis revenait, son flambeau à la main, et s'avançait vers sa chambre à coucher, dépendante de la petite tour de l'est. Lucile et moi, nous nous tenions sur son passage ; nous l'embrassions, en lui souhaitant une bonne nuit. Il penchait vers nous sa joue sèche et creuse sans nous répondre, continuait sa route et se retirait au fond de la tour, dont nous entendions les portes se refermer sur lui.
Le talisman était brisé ; ma mère, ma soeur et moi, transformés en statues par la présence de mon père, nous recouvrions les fonctions de la vie. Le premier effet de notre désenchantement se manifestait par un débordement de paroles : si le silence nous avait opprimés, il nous le payait cher ».
(Les mémoires d’outre-tombe)
III
Regrets des pères
Extrait des Essais de Montaigne
Extrait de Rudyard Kipling
Montluc cité par Montaigne
Cité par Montaigne, le maréchal de Montluc se reproche sa grande dureté envers son fils. Pourquoi ne lui a-t-il pas communiqué son affection lorsqu’il avait son fils, vivant, en face de lui ?
« Ce pauvre garçon n’a rien veu de moy qu’une contenance refroignée et pleine de mespris. Il a emporté cette créance, que je n'ay sçeu ny l'aimer ny l'estimer selon son merite. A qui gardoy-je à descouvrir cette singuliere affection que je luy portoy dans mon ame ? estoit-ce pas luy qui en devoit avoir tout le plaisir et toute l'obligation ? Je me suis contraint et gehenné pour maintenir ce vain masque : et y ay perdu le plaisir de sa conversation, et sa volonté quant et quant, qu'il ne me peut avoir portée autre que bien froide, n'ayant jamais receu de moy que rudesse, ny senti qu'une façon tyrannique ».
Rudyard Kipling après la mort de son fils, sur le champ de bataille, à 17 ans
«If any question why we died, Tell them, because our fathers lied». «Si quelqu’un vous demande pourquoi nous sommes morts, dites-lui que c’est parce que nos pères nous ont menti.»
C’est la phrase qu’il a fait graver sur la tombe de son fils.
Rudyard Kipling avait poussé son fils à partir à la guerre, alors même que celui-ci était trop jeune pour être mobilisé. Son fils lui envoyait des lettres angoissées ; le père répondait des lettres va-t-en guerre. Le remord fut amer.
IV
Paternités occidentales
Paternité romaine : droit d’user et d’abuser.
Les enfants étaient la propriété du père. La propriété romaine (usus & abusus) était totale, sur les terres comme sur les gens.
Paternité féodale
Relation de droits et de devoirs entre le père et ses enfants.
Les seigneurs féodaux étaient soumis à des lois plus grandes que leur volonté, que ce soit dans leurs relations avec leurs enfants, avec leurs serfs et avec leurs biens et terres.
Paternité républicaine
La propriété républicaine est revenue au droit romain (droit de propriété totale, droit d’user et d’abuser), mais seulement pour les biens. Les enfants ne sont pas une propriété.
Les pères perdent le droit de choisir le destin de leurs enfants et les enfants deviennent égaux entre eux (aucun enfant ne peut être favorisé).
V
Pères de gauche et pères de droite
Extrait d’un débat à l’Assemblée Nationale sur l’école obligatoire, laïque et gratuite (5 décembre 1881).
M de La Bassetière
Si, dans ce sanctuaire de la famille, où je dois régner seul, où ma liberté est la condition de ma responsabilité, une autorité quelconque, fût-ce la plus haute, fût-ce celle de l’Etat, veut intervenir entre mon fils et moi, j’ai le droit de la repousser avec énergie et de lui dire : « Tu usurpes et sur le droit du père et sur le droit de Dieu ! »
Vous vous faites souvent les interprètes du peuple. Eh bien, j’ai le regret de vous le dire, vous ne le connaissez pas ; vous ne connaissez ni le peuple des villes, ni le peuple des campagnes ; vous ne connaissez pas même ce peuple que vous croyez vous appartenir, ce peuple de Paris. (…)
Et, messieurs, croyez-le bien, ce peuple est plus ému de votre loi que vous ne le pensez ; et j’entends ces ouvriers, ces laboureurs, vous dire avec cet accent venu du cœur que l’on ne contrefait pas, qui est une prière aujourd’hui et une indignation demain :
« Vous nous avez, dans des circonstances douloureuses, pour une patrie que nous connaissions et que nous aimions, vous nous avez demandé le sang de tous nos fils ; ce sacrifice était douloureux, nous l’avons accepté ; nous sommes loin de nous en repentir, mais aujourd’hui, au nom de la souveraineté de l’Etat que je ne puis pas reconnaître en ces matières, vous nous demandez encore l’âme de nos enfants ; nous nous souvenons cette fois que nous sommes chrétiens et pères, vous ne l’aurez jamais ! »
Paul Bert
Ah ! si le devoir naturel d’élever son enfant, de l’instruire, était un de ces devoirs purement moraux qui n’ont sur l’intérêt général qu’un retentissement lointain, je comprendrais l’hésitation. Car c’est chose grave, qui mérite en effet qu’on y réfléchisse, et qui explique bien des hésitations que de placer la loi au foyer de la famille, entre le père et l’enfant pour ainsi dire ; et lorsqu’il y aura conflit entre l’injonction de la loi et l’autorité du père de famille, de frapper celle-ci de déchéance. Je le reconnais, c’est quelque chose de grave et qui peut faire hésiter quand on envisage que cette face de la question. Mais je prie ceux qui sont frappés de se retourner et d’envisager non plus l’intérêt du père de famille, sa volonté, son caprice plus ou moins excusable, mais de considérer l’intérêt général de la société.
Faut-il répéter que la richesse sociale augmente avec l’instruction, que la criminalité diminue avec l’instruction, qu’un homme ignorant non seulement est frappé d’infériorité personnelle, mais il devient ou peut devenir pour l’intérêt social une charge ou un danger ?
Si l’intérêt de la société est ainsi engagé dans cette question, si l’intérêt de l’enfant est ainsi compromis, que devient le caprice ou la mauvaise volonté du père de famille ? Il a contre lui l’Etat et l’intérêt de son enfant. (…) Je prendrai parti le parti contre le père pour l’enfant, pour cette faiblesse que seule la loi protège et qu’elle a progressivement enlevée à une autorité jadis absolue, absolue jusqu’à la mort ».
VI
Vaneigem contre le patriarcat et l'agriculture
"Ils élèvent l'enfant de la même façon qu'ils se lèvent chaque matin : en renonçant
à ce qu'ils aiment".
Pour l'anarchiste situationniste Raoul Veneigem, la femme naturelle est à l'image de la civilisation naturelle et bonne, tandis que patriarcat et agriculture mènent à la ruine écologique et culturelle.
(Dans sa vision des femmes généreuses, non souillées par le capitalisme, qui s'offrent à tout le monde, n'omet-il pas de mentionner qu'elles n'ont pas vraiment le choix ?)
N'est-ce pas en effet de l'agriculture et du commerce instaurés par la «révolution néolithique» que surgit la vermine des rois et des prêtres ? N'est-ce pas de ce temps que la terre dépouillée de sa substance charnelle se sublimise en une déesse mère que viole et ensemence, par le travail des hommes, Ouranos, seigneur céleste, mâle et ubéreux ?
(...)
La femme est au centre du monde à créer. (...) Sa nature humaine et fécondante la tient à l'écart de la chasse comme d'une activité bestiale où l'épieu - et plus tard le fusil - se contente de prolonger et de perfectionner la griffe et la mâchoire du prédateur. Aux antipodes de la brute enchaînée aux cycles de mort, elle inaugure le cycle de la vie qui se crée elle-même. Telle est la réalité qu'inversera la civilisation patriarcale, dans un mensonge porté à sa perfection par le christianisme : la femme idéale est une vierge abusée et engrossée par un Dieu pour enfanter un homme enseignant aux hommes la vertu de mourir à soi-même.
La femme incarne la gratuité naturelle du vivant. Elle est l'abondance qui s'offre. De même que sa jouissance est tout à la fois donnée et sollicitée dans le jeu des caresses, de même se livre-t-elle à l'amour qui la prend pour de plus parfaites jouissances.
En elle et dans la relation passionnelle qu'elle ranime s'affirme ce style nouveau qui supplante peu à peu la tradition du viol, de la conquête et de la terre et d'elle-même. Une matrice universelle se forme à son image, pour alimenter, par les ressources d'une nature enfin humanisée, une humanité qui n'attend que le plaisir de naître et de renaître sans fin.
VII
Où sont passés nos pères ?
Sans ces pères sévères, où errons-nous ?
Hommes et femmes des temps modernes, nous sommes tous des fils orphelins : tout ce qui faisait le rôle paternel est désormais dévolu à l’Etat : choix des carrières (sélection sociale et délivrance des diplômes), surveillance de la répartition de l’héritage, instruction, contrôle des traitements…
Au regard de la paternité traditionnelle, dont il ne reste rien, le monde d’aujourd’hui peut se décrire ainsi : c’est l’assistance publique et les services sociaux, qui compteront bientôt un fonctionnaire par famille, qui délèguent aux parents le soin d’appliquer leurs préceptes.
Le rôle du père n'a pas disparu, mais il est passé aux mains de la société.
VIII
Une prière prononcée dans toutes les langues du monde
Pater noster, qui es in caelis
sanctificetur nomen tuum
adveniat regnum tuum
fiat voluntas tua
sicut in caelo et in terra.
Notre Père qui es aux cieux
que ton nom soit sanctifié
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Panem nostrum quotidianum
da nobis hodie
et dimitte nobis debita nostra
sicut et nos dimittimus
debitoribus nostris
et ne nos inducas in tentationem
sed libera nos a malo.
Donne-nous aujourd’hui
notre pain de ce jour,
pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés
et ne nous soumets pas à la tentation
mais délivre-nous du mal.
Axel Randers, Esther Mar, Edith de Cornulier-Lucinière
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Noche de modas
Un très vieux magnat de la chaussure épouse une jeune mannequin. Mais la nuit de noce un crime atroce est commis...
Un texte espagnol du banquier océanique Antonio Zamora.
phot.VillaBar
Noche de Modas
Antonio zamorA
La asesinó la misma noche en que se casó con ella. A las tres y cuarto de la madrugada del domingo, Estanislao Margüenda, el conocido magnate de la lencería fina, llamó a la policía para confesar su crimen. Diez minutos después lo encontraban sentado en el suelo del porche de su casa, “medio desnudo, con la cabeza apoyada en la pared, la mirada perdida y los brazos colgando”, según el testimonio de una vecina que acudió al oír la sirena del coche-patrulla. Un portavoz policial declaró que los agentes hallaron el cadáver de Liliana Mayo, la top model de 25 años con la que el empresario había contraído matrimonio unas horas antes, desnudo a los pies del enorme y doselado lecho nupcial. Al parecer, había sido estrangulada con su propio sujetador, que encontraron enrollado alrededor del largo cuello amoratado. A los agentes les llamó la atención comprobar que apenas había señales de lucha y que ni siquiera la cama estaba deshecha.
Poco podían imaginar tan trágico desenlace —hubo quien se atrevió a bromear con el doble sentido nada más conocer la noticia— los más de quinientos invitados que esa noche habían tenido el privilegio de asistir a la para algunos demasiado ostentosa celebración de la boda, en los salones del más exclusivo hotel de la capital. A los ojos de la mayoría de los presentes no había dudas sobre lo que estaba sucediendo. Uno de los hombres con mayor fortuna e influencia del país —tantas al menos como para, según los menos afectos, hacerlas valer en el mercado matrimonial frente a sus muchos años, sus escasos centímetros y una indisimulable cojera que le acompañaba desde que todos le recordaban— adornaba la cúspide de su brillante carrera empresarial con la adquisición de la más rutilante estrella de las pasarelas, cuyos andares tenían la elegancia de Rita Hayworth y cuya sonrisa rubia evocaba el poder de seducción de la mismísima Marilyn. Pero también hubo, entre aquella variopinta congregación de políticos, actores, hombres de negocios, toreros y modelos, quien se emocionó al ver la mirada embelesada del novio alzándose hacia el rostro de Liliana mientras ejecutaban —otra expresión que en su momento suscitó bromas— el protocolario vals que inauguraba el baile.
No debe ocultarse, sin embargo, que antes había sucedido algo que dejó cierto poso de desconcierto en la concurrencia. No es que el hecho tuviese mayor trascendencia, pero sin duda fue el único momento de toda la celebración en el que se observó una significativa, aunque transitoria, quiebra en el previsible y fluido curso de los acontecimientos.
Fue al llegar la tarta nupcial. La mesa principal, con los novios y los familiares más próximos, se encontraba en el centro del salón, de altísimos techos, al menos un metro y medio por encima del resto de los comensales, en una suerte de pérgola regia a la que se accedía por una escalera alfombrada en rojo. La misma alfombra que atravesaba la enorme estancia hasta perderse en uno de sus extremos. Desde ahí precisamente partió la elevada tarta, iluminada por un cordón de diminutas velas blancas y solemnemente empujada por dos camareros de negro, justo cuando el resto de luces se apagaba casi del todo y la más nupcial de las melodías se adueñaba del espacio. Las primeras palmas se mezclaron de inmediato con expresiones de estupor y risas apenas reprimidas que provenían de las mesas más cercanas a la comitiva. Según avanzaba ésta, su estela de exclamaciones y mofas iba en aumento, de manera que al llegar a la pérgola real un revuelo entre escandalizado e irreverente le había ganado la partida al respetuoso conato de aplauso inicial y hasta a la misma música, que cesó bruscamente. Detenido el escalonado postre frente a la roja escalera, su piso superior quedaba casi a la altura de los anonadados ojos de Estanislao, que no podían dejar de mirar a las dos figuras que lo coronaban, sin darse cuenta de que su brazo derecho sostenía una copa de champán en posición de brindis inminente. Liliana, sus padres, su hermana y hasta la anciana madre del novio imitaron con notable exactitud el pétreo gesto. No era para menos. En lo alto del monumento de crema y nata, allí donde todos esperarían una pulcra e idealizada representación de los contrayentes, se exhibía un fiero dinosaurio verde con sombrero de copa y muletas, guiado mediante una correa por una Barbie rubia de mayor tamaño en uniforme de enfermera. La embarazosa parálisis que se apoderó de toda la pérgola se transmitió con singular eficacia al conjunto de la sala, acallando en buena parte las risas y dejando sólo un reguero de cuchicheos que se propagaba hacia las mesas más alejadas. Un pequeño abismo pareció abrirse en toda la sala. Por fortuna, antes de que las aguas abandonasen definitivamente su ceremonioso y festivo cauce, Estanislao Margüenda, el viejo empresario curtido en mil batallas, supo reaccionar: soltó una gran carcajada, cierto es que algo estridente, que sirvió para mostrar a los aturdidos comensales que aquello no iba a ser más que una broma nupcial sin consecuencias, una simpática ocurrencia de alguien que podía reírse tranquilamente de sí mismo si así le placía. Aplausos y risas se fundieron entonces en un mismo sentimiento colectivo de alivio y la fiesta pudo continuar.
No se les escapó, empero, a aquellos que mejor conocían al viejo empresario un cierto movimiento nervioso, que algunos interpretaron como cansancio o simple vejez, que desde ese episodio afloró en su mirada y que en ella se instaló hasta el final de la celebración, con la excepción de aquellos momentos en que sus ojos se cruzaban con los de la bella Liliana para enternecerse como los de un niño. Dejando a un lado esos instantes de abandono, parecía don Estanislao distraído, como en otra cosa, hasta tal punto que su adorada y viuda madre tuvo que repetirle varias veces algunas frases —el mundo al revés— antes de que él se diera por enterado. Especialmente sensible se mostraba a las carcajadas. Cuando se producía una algo más alta de lo normal en una mesa próxima, levantaba la cabeza y se quedaba inmóvil con los ojos muy abiertos sin mirar a ninguna parte. También era fácil sorprenderle observando fijamente a alguno de los invitados, sobre todo a sus colaboradores más próximos. Largo rato se pasó estudiando a Salustiano Redondo, su director financiero y hombre de confianza desde sus primeros pasos empresariales más de cuarenta años atrás. Gordo y solterón, siempre había estado ligado a don Estanislao, también en los malos momentos, que los hubo, y de él se decía que estaba casado con su empresa. Sin embargo, se comentaba en las mesas de familiares y amigos que la relación con su jefe y casi confidente había dejado de ser tan estrecha desde que este conociera a Liliana seis meses atrás.
También lanzaba el viejo magnate de la lencería miradas de reojo a las mesas ocupadas por los otros empresarios, sus iguales, los centros de poder del banquete. Constructores, dueños de cadenas de moda, hosteleros, restauradores, todos ellos habían sido cuidadosamente distribuidos por la sala con el exquisito rigor necesario para no herir susceptibilidades, lo que se había logrado mediante un escrupuloso respeto de la jerarquía económica. A más de uno de los presentes se le ocurrió señalar que el valor de los activos representados en cada mesa era inversamente proporcional a la distancia que la separaba de la pérgola nupcial. En el grupo más privilegiado parecía disfrutar de manera especial el siempre sonriente Livio Tarascani, poseedor de un imperio construido sobre la base de la exitosa cadena internacional de zapatos que llevan su nombre. Viéndole reír, conversar, brindar por la salud de los novios, muy pocos habrían podido creer que mucho tiempo antes Estanislao y él habían sido rivales. Pero “los negocios son los negocios”, gustaba de decir el novio, que nunca demostró el más mínimo atisbo de rencor hacia su ahora invitado de honor.
Y es que conviene recordar, como hace el propio Estanislao en su libro de memorias “La forja de un luchador”, que el viejo empresario no siempre fue lencero. Traído al mundo al final de la guerra, hijo único de un humilde zapatero de pueblo y cojo de nacimiento, un destino remendón parecía escrito para él cuando abrió los ojos por primera vez, pero la despierta mente del personaje y su tantas veces contrastado espíritu de superación quisieron otra cosa. Ya antes de la prematura muerte de su padre, el pequeño Estanislao había empezado a revolucionar el humilde negocio familiar, en un conmovedor ejemplo de la virtud que puede extraerse de toda necesidad. Como su cojera provocaba en muy poco tiempo notables destrozos en el zapato del pie bueno, con la consiguiente necesidad de costosas reparaciones periódicas, el todavía niño ideó una suela reforzada de doble capa que, tras morir su padre y hacerse el adolescente Estanislao con las riendas del negocio, acabaría transformándose en la famosa “suela Margüenda”, secreto del éxito de la cadena de zapaterías que pasearía su apellido por todo el país. En veinte años de trabajo y sacrificios, el modesto hijo de zapatero se convertiría en uno de los empresarios más respetados. Fue entonces cuando, ya en su primera madurez, pareció Estanislao permitirse empezar a disfrutar de la vida, contrayendo matrimonio con Belinda Hermosilla, la joven y bella hija del famoso torero, a la que, como regalo de bodas, obsequió con un crucero de lujo por el Mediterráneo.
Aquellos días de vino y rosas tuvieron un inesperado final. El entonces joven e impulsivo Livio Tarascani, elegante primogénito de una acaudalada y noble familia de origen italiano cuya fortuna se había multiplicado en el sector del automóvil, decidió dedicar todos sus esfuerzos y recursos a introducir la moda italiana en el calzado nacional. En tres años sembró las principales ciudades de tiendas, oponiendo físicamente a cada rótulo de “Zapatos Margüenda” uno mayor y más brillante de “Calzados Tarascani”. No satisfecho con esto, el joven empresario lanzó contra su adversario una agresiva campaña de precios y publicidad que en algunos medios llegó a tacharse de desleal, en especial por aquel eslogan que durante un tiempo lucieron sus vitrinas: “¡Deja ya de cojear! Con Tarascani andarás derecho.” Las finanzas de Estanislao, a pesar de un draconiano plan de austeridad tutelado por Salustiano Redondo, no pudieron soportar el envite y en dos años su situación era casi desesperada. Al final, agobiado por los acreedores y por la repentina enfermedad de su mujer, se vio obligado a malvender la cadena de tiendas a Tarascani. Meses después moría la bella Belinda.
Hay que decir que el comportamiento de Livio Tarascani tras la compra de “Zapatos Margüenda” y, sobre todo, tras la muerte de Belinda Hermosilla fue ejemplar. Llenó de coronas de flores la residencia de los Margüenda, financió grandes esquelas en los principales periódicos y asistió en primera fila y de riguroso luto al funeral y al entierro de la joven fallecida. Pudo verse a los dos empresarios solemne y llorosamente abrazados junto a la tumba, gesto que a todos conmovió, porque mostraba con insuperable elocuencia que los asuntos humanos están muy por encima de los avatares de los negocios.
Con el tiempo, además, don Estanislao pudo recuperarse anímica y económicamente. En entrañable homenaje a su gran amor, empleó el dinero de la venta de “Zapatos Margüenda” en la creación de la ahora mundialmente conocida cadena de tiendas de ropa interior femenina “Belinda”. Eran precisamente los años de la revolución de la lencería, cuando las mujeres abandonaban los usos espartanos de las décadas precedentes y descubrían todo un nuevo universo de fantasía en sus prendas más íntimas. A esa fantasía —y de eso dan fe sus monumentales memorias— se entregó visionariamente en cuerpo y alma don Estanislao que, de nuevo en veinte años, volvió a escalar hasta la cúspide empresarial, vistiendo por dentro a mujeres de medio mundo y convirtiéndose en el Estanislao triunfante de todos conocido.
Esta vez parecía que su éxito era definitivo, sobre todo cuando se supo de su sorprendente relación con la bellísima Liliana, mito erótico casi cuarenta años más joven que él, a la que conoció en una fiesta en casa de Tarascani. Y más definitivo aún, si cabe, cuando se anunció la inminente boda entre ambos, cuyo tristísimo epílogo nadie podía haber imaginado.
Como ni siquiera los más allegados a la pareja podían imaginar la conversación que un día después del trágico desenlace mantuvieron dos de los agentes a cargo de las pruebas del presunto homicidio y que el abogado defensor de un apático Estanislao relataría vehementemente en el juicio ante la estremecida mirada de todo el país. Sostenía uno de los policías en las manos enguantadas, con el ceño arrugado, el precioso sujetador de fino encaje blanco con el que la modelo, Liliana, había sido estrangulada. Tras varios segundos consultó a su compañero:
—Esto… —se detuvo otra vez, con la mirada en la etiqueta y una ceja muy arqueada— ...¿no era una marca de zapatos?
—¿A ver? —se acercó el otro a la prueba—. “Tarascani”... ¡Habría jurado que sí!
Antonio Zamora
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jeudi, 06 novembre 2008
Laurent Moonens
Deux éléments surgissent lorsqu'on ausculte le Docteur Moonens : la mathématique et le vibraphone, cet instrument merveilleux.
Musique de l'esprit et musique de l'âme, il les poursuit depuis longtemps.
Liens :
Voici un reportage sur la soutenance de thèse de Laurent Moonens
La Page du chercheur de l'Université catholique de Louvain La Neuve
Laurent Moonens apparaît furtivement dans certains romans VillaBar :
"La vie n'est bonne qu'à étudier et à enseigner les mathématiques".
Blaise Pascal
Visitez la page du docteur Moonens... PAR ICI
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Edith de CL, vue par Katharina
Une biographie d'Edith écrite par Katharina Flunch-Barrows
Biographie, Titres, Distinctions
Professeur à la FaTransLibDADat, depuis 2008,
Chevalier dans l’Ordre du Mérite Agricole (2007),
Internée d'honneur à l'Asile psychiatrique d'Apsyaï, depuis le 38 juin 2014,
Officier dans l’Ordre des Arts de la Pensée et de la Déduction (2017),
Commandeur de la Légion d’Honneur (2020),
Membre honoraire du Serial Genius Institute,
Moniale laïque de l’Ordre des Sœurs Soldates de Sainte Jeanne d’Arc
Membre du groupe de réflexion "Electro-Nirvana"
Une biographie de la directrice de l’Agence AlmaSoror, par Katharina Flunch-Barrows
Née le 12 juin 1978 à une heure indéterminée, Edith de CL a grandi sous des auspices que le Docteur Mabuse a qualifié d'étranges. Et pourtant, à travers les arcanes d'une enfance qui ressemblait à un long couloir au milieu du désert, elle a pu avancer vers les arcades majestueuses de l'adolescence.
De cette période cahotante ne restent que quelques poèmes, de rares photographies qui ne disent plus rien à personne. Car le temps nous nargue et nous passons.
Etudes sérieuses de Philanthropie et de Misanthropie à l'université des anges. Puis, de nouveau, une passe de néant.
Entre 1999 et 2003, elle a participé au lancement de KZF-43 "BabySpace". De cette expérience elle est ressortie avec un traumatisme qu'elle a exorcisé en écrivant le roman pour adolescent Métrodore, en cours de publication chez Boy without a girl.
Puis c'est la rechute en 2005, avec la rencontre d'Alix Durand-Boucher. Les deux femmes créent un groupe de Beith Musique, qui les projette dans le vide des lendemains qui pithuitent, après quelques mois dans les étoiles. Et alors c'est la confusion. Immortelle dispute entre Alix, qui part aux bras de Gangs of the World, et Edith qui trouve refuge au fond des bars orientaux de Paris. Mais là encore la carte du Tendre n'a pas dit son dernier mot.
Et c'est la reconstruction, lente, mais incertaine, les centaines d'heures à répéter la prophétie universelle de Gourou Narkodik. "Toutes les nuits, à tous points d'ouïe, j'entends plus profondément". Et certes, au fur et à mesure que les jours passaient et que la cure avançait, une personnalité se restructurait. Une seule personne était là le long de ce cauchemar dégressif : Etienne Destranges, ex-mentor des Stonehengers et exégète de l'Apocalypse.
Depuis, Edith de CL s'est remise au dark rock, qu'elle diffuse à travers les routes imaginaires d'Europe, par petits concerts dans des granges. "Je refuse désormais ces grands messes qui te détruisent : tu donnes tout et tu perds ton âme. Au bout de la nuit, la foule rentre chacun chez soi et toi tu te retrouves, HS, aux urgences de la rêverie".
Les urgences de la rêverie, elles connaît, tout comme les urgences du cœur. Ses errances ont souvent terminé là où le jour se lève, dans une aurore de solitude qu'aucune brume ne parviendrait à envelopper. C'est pour ça qu'elle s'accroche à la Figure du Christ. "La figure du Christ, tu vois, c'est un truc qui te rappelles constamment que rien ne naît de rien et qu'une puissance qui crucifie les points cardinaux s'étend sur le monde, par l'amour et par le sacrifice".
Photos : les années Passion et les années Dépression
La réflexion spirituelle d'Edith de CL s'ancre dans la pratique quotidienne du catholicisme traditionnel ; les messes latines qui sont dites à Paris et, parfois, de Saint-Jean en Ville lui offrent cette possibilité de sanctification par la communion. Parallèlement à cela, elle accroche son œuvre cinématographique à l'univers symphonique angélique. Car là où les sexes s'effacent, commence l'Amour. Et si tous les chemins mènent à Rome, seule la route angélique mène à la régénération des incarnations.
Alors cette biographie, qui n'est pas finie tant que la vie continue, s'achève sur cette réflexion qu'Edith me faisait un soir d'hiver, alors que, pleurant, elle regrettait l'automne, "seule saison qui m'habille vraiment", disait-elle (et c'est vrai). "Tu sais, au fond de mes réflexions puise une source d'enfance qui n'en finit pas de se révéler. Et c'est ça, tu vois, qui me pousse à toujours marcher plus avant vers le carrefour des carrefour. Je me dis, si j'arrive à trouver la vie assez belle pour l'aimer, comment craindrai-je la mort ?" Je n'avais pas répondu, alors. J'avais songé en silence, comme souvent. Mais aujourd'hui qu'elle me demande de composer sa biographie, c'est évidemment cette phrase qui revient. Elle confluera ce court résumé d'une vie entre deux eaux...
8 septembre 2008, 21 heures et seize secondes selon mon ordinateur.
Buenos Aires, Quartier des Songes Perdus.
Katharina Flunch-Barrows.
(Photo de Sara)
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Réfugiés dans un bunker
Le 7 décembre, entre 20 heures 45 et 22 heures, aura lieu la deuxième édition de Ciné-VillaBar au bar du Piston Pélican, à Ménilmontant.
Déroulement :
A 20h45, les caméras s'allument.
A 22h, elles s'éteignent.
Entre ces deux moments, nous improvisons tous ensemble sur le thème : "Réfugiés dans un bunker".
Cet événement est ouvert à tous.
VillaBar est une production d'Edith de Cornulier-Lucinière et de l'agence de création culturelle AlmaSoror.
Vous pouvez regarder les romans photos réalisés en 2007 et 2008 sur le site de VillaBar.
Ceux qui ont participé au premier CinéVillaBar, le mois dernier, pourront se voir en ligne dès le premier décembre. Bravo à eux et merci !
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