Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : lumière

Tu es la mer intérieure. Tu es l'âme profonde.

 

Ils sont si peu nombreux, de nos jours, ceux qui ont lu Jean-Christophe, le roman-fleuve et fleuve musical de Romain Rolland, publié au début du XXème siècle.

Romain Rolland, Jean-Christophe, Roman-Fleuve, 13


« Le corps et l’âme s’écoulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde. Dans tes prunelles claires, le visage morose de la vie ne se mire. Au loin de toi s’enfuient, comme le troupeau de nuées, le cortège des jours brûlants, glacés, fiévreux, que l’inquiétude chasse et qui jamais ne durent.
Toi seule tu ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, à toi seule. Tu as ton soleil, tes lois, ton flux et ton reflux. Tu as la paix des étoiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, - charrues d’argent que mène la main sûre de l'invisible bouvier.


Musique, amie sereine, que ta lumière lunaire est douce aux yeux fatigués par le brutal éclat du soleil d’ici-bas !...
L’âme qui se détourne de l’abreuvoir commun, où les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce à tes mamelles le ruisseau de lait du rêve. Musique, vierge mère, qui portes en ton corps immaculé toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-pâle qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, - tu es par delà le mal, tu es par delà le bien ; qui chez toi fait son nid vit en dehors des siècles ; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour ; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.

Musique qui berças mon âme endolorie, musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, - mon amour et mon bien, - je baise ta bouche pure,
je cache mon visage dans tes cheveux de miel, j’appuie mes paupières qui brûlent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumière ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette ; et blotti sur ton coeur, j’écoute le battement de la vie éternelle ».

 

Romain Rolland - Jean-Christophe

 

Jean Christophe sur Une bibliothèque au 13

 

Lire la suite

samedi, 20 août 2011 | Lien permanent | Commentaires (2)

Le diamant et la poussière du temps

Nadège, ce chant que tu viens de m'envoyer, je le mettrai bientôt dans l'album de poésie d'AlmaSoror. Il a sa place parmi les nostalgies

 

edith & olivier.jpg

Et de notre vie de toutes ces années de soleil et de vent, de bières sur la terrasse

Il me reste le diamant que tu avais volé et la poussière du temps

Le chandail d’un ami trépassé et la mémoire des gens

Et de notre amour de toutes ces années de jeunesse sans argent

Il me reste des images de ta bonté, des échos de ta voix

Ta voix qui disait dans la nuit, ne t’endors pas, attends.

Ta voix qui disais dans la nuit, ne t’endors pas maintenant.

 

Maintenant je m’endors facilement, trop vite,

Je ne vais plus jamais à Insomniapolis

J’aurais peur de ses carrefours de ses lumières artificielles

Je reste accrochée au sommeil

 

Tant de vies se succèdent en une seule vie

Tant de lieux tant d’êtres tant d’atmosphères

Seule l’enfance reste au port là bas, immuable

Et les vagues ne nous y ramènent jamais.

Tant de vies se succèdent en une seule vie

Quand l’âge avance et qu’on demeure

Au milieu des adieux, des pleurs, des peurs

 

Maintenant je me ride facilement, trop vite

Je ne danse plus jamais à Facilopolis

J’aurais honte de ma peau de mes fringues de mes gestes antiques

Je reste sur les bancs du dehors

 

Et de notre vie de toutes ces années de soleil et de vent, de bières sur la terrasse

Il me reste le diamant que tu avais volé et la poussière du temps

Quelques chansons qui passent en boucle et une paire de gants

Les mots que je disais quand tu disais n’importe quoi

La sensation d’avoir vécu quelque chose de grand

Avec un frère trouvé et perdu n’importe comment

Un ami qui disais dans la nuit, ne t’endors pas, attends.

 

Maintenant je m’endors facilement, trop vite,

Je ne vais plus jamais à Insomniapolis

J’aurais peur de ses carrefours de ses lumières artificielles

Je reste accrochée au sommeil

 

Nadège Steene

Lire la suite

jeudi, 11 mars 2010 | Lien permanent

L'amour en trois volets

 Sam chapeau cigarette.jpg

photo Sara

 

 

"le bonheur ne saurait se trouver qu'aux deux pôles des
relations humaines, - là où les mots n'existent pas encore et là où
ils n'existent plus - dans le regard et dans l'étreinte. Là seulement
se situent l'inconditionnel, la liberté, le mystère, l'élan
irrépressible"

Thomas Mann

 

 

 

Lutte contre le soliloque mental perpetuel

 

la vie intellectuelle polémique est comme une tentation du démon. Elle veut nous détourner de la bonne bouffe, des relations agréables avec les humains, les chats et les chiens qui nous entourent, des étoiles qui scintillent à l’écart des villes et de la construction d’une belle oeuvre suivie au long cours. Elle brandit de séduisants hameçons auxquels il est difficile de ne pas prendre et la plupart de ces hameçons sont pourvus de vers pêchés dans l’actualité. 
 

Ne plus penser, étouffer la profusion de mots afin que surgisse le silence. Les mots qui coulent dans la tête toute la journée, pollution mentale, nous tuent. Le mental est pollution, il devrait se taire la plupart du temps. 

 

II

noyade et délivrance

(écoutez  La voix vibrante de Loreena Mc Kennit)

 

L’homme écoutait sans cesse la voix de l’Irlandaise chanter “tango to Evora”. Il sombrait dans la folie de se noyer dans une voix inconnue et cela rappelait la bande dessinée pour les enfants, en deux volumes : Marion Duval et La voix d'Elisa Beauchant ; Athaque à Ithaque (un autre homme y sombre pour une autre voix).
 

La voix faisait taire tout ce qui parle et pense et laissait monter les sensations. la voix était sensation, et se fondre en elle, c’était retrouver le chemin de la petite enfance, l’époque de l’observation des fourmis loin des autres enfants, et surtout, loin des grands. Quand le temps et l’argent n’avaient pas encore mangé le rêve de la vie. 

 

III

L'amour, la fumée

 

...et c'est ce que nous recherchons, tous, dans l'amour. Nous voulons nous noyer dans un être plus beau et plus grand que les autres. Nous voulons oublier les détails qui tuent. Nous cherchons à broyer nos biles pour entrer dans la lumière, la belle lumière du monde incréé. 

... et c'est ce que nous recherchons, tous, dans l'amour : la fumée des premiers jours.

 

XY, alias José Vengeance Dos Guerreros

 

Lire la suite

mardi, 17 novembre 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

La dictature qui n'avait pas de nom

Il semblerait que la "dictature douce" qui agit par pressions diffuses ait fait son temps. Nous entrons dans l'ère de la dictature dure, où l'oppression se précise et s'alourdit. La traversée d'une époque trouble s'achève ; l'époque n'est plus trouble comme une eau brouillée, comme un ciel mélangé, mais déglinguée telle une machine devenue folle, que personne n'arrête et qui poursuit son œuvre dérangée, arbitraire, d'une manière imperturbable.

Pour survivre dans les ténèbres et sous les coups, il faut chercher chaque jour un signe de renouveau, une lumière qui appelle, la beauté d'un acte ou d'une scène : la petite espérance glanée du jour fera tenir à  travers la désespérance générale des jours sans fin.

Il n'est pas question de s'enfuir. Nous sommes insérés dans des fichiers et comme l'affirme Ernst Von Salomon, "tout homme dans un fichier est déjà un homme mort". Macrocaméras surveillent nos faits et gestes ; microcaméras, drones et boites noires veillent sans bruit sur nos émotions et pensées, croyant discerner de mauvaises intentions derrière les aspérités de nos respirations.

La Justice relâche les criminels : qui, en effet, mieux encore que l'armée des policiers, peut faire régner dans les villes et les campagnes l'Ordre sans structure de la peur paralysante ? La Justice relâche les criminels : il faut faire place, dans les prisons, pour tous ceux qui rêvent, aspirent ou pensent en dehors de l'Aliénation médiatique.

Il n'est pas sûr que s'engager soit plus dangereux que de rester à l'écart de tout. Où l'on se met à découvert, on trouve aussi des camarades solidaires.

Les voix que nous aimions se sont tues. Au milieu des bourdonnements de moteur, des voix trafiquées achèvent sans pitié le sens des mots.

Dans l'espace qui t'est imparti, dans le carré de lumière ou sur le bord du lit, près des fleurs sauvages ou sur l'asphalte brûlante du parking, n'oublie pas d'offrir un sourire à ton enfant et de déployer librement ta respiration.

 

Invitations almasororiennes :

Les dictatures douces

La traversée d'une époque trouble

Chroniques d'une solitude

Mon frère, je contemple ton visage

La loi sur le renseignement expliquée aux parents

Lire la suite

lundi, 20 avril 2015 | Lien permanent

L'énergie du désespoir

Je m'éveille le matin dans la ouateuse lumière blanche de novembre et je décide de ne pas m'étendre sur les événements que j'ai à-demi vécus, que d'autres n'ont pas vécus du tout, que d'autres encore ont tellement vécu qu'ils en sont morts.

Le temps passe sans que je parvienne à l'attraper, à en tirer un peu de sel, un peu de miel.

Je bois un café à 13h58 à côté d'un cactus nommé Challwa et d'un érable bonzaï nommé Tolstoï, la fougère aussi se tient tranquille, dans sa verdure chatoyante, comme un rappel de la lointaine campagne. Par la baie vitrée, les tours alternativement se couvrent d'un duvet d'ombre ou d'éclats de lumière.

Le soleil n'est pas absent de ce jour où se mêlent, dans un cœur physiquement jeune et moralement instable, les douleurs collectives et le naufrage individuel.

Je décide de ne pas commenter cette folie qui consiste à bombarder d'autres villes, dans d'autres pays, au nom des droits de l'homme et de la paix, et à déplorer les meurtres et la peur sur notre ville au nom des droits de l'homme et de la paix. Les poids et les mesures sont à la démesure arbitraire de nos subjectivités moulées par les médias.

J'ai envie de pleurer avec la foule en souriant béatement, j'ai envie de me retirer dans mon austère stratégie de liberté individuelle.

Que pleures-tu, toi qui nous serre les mains avec émotion ? Ton compte bancaire saigné par ton incurie et la conjoncture économique, ou ces traces de sang sous les bouquets de fleurs ?

Les deux, mon colonel de l'armée désarmée. La confusion des peines soulage celui qui se taisait. Un désespoir a ses lueurs s'il contient ne serait-ce qu'une parcelle d'énergie de vivre.

 

Sur AlmaSoror :

Chroniques d'une solitude

Ave imperator ! morituri te salutant

Clair-obscur à Alma-Ata

Les dictatures douces

La ville de perdition

Lire la suite

lundi, 16 novembre 2015 | Lien permanent | Commentaires (3)

Signes et augures

Vere, tu es Deus absconditus...

Sous mes yeux, des livres qui ont nourri mes songes. Heidi, Mon amie Flicka, Les secrets de la lande, et la série des Sir Jerry. Ils attendaient depuis la génération précédente sur les étagères poussiéreuses du Lapinodrome, ainsi avait-on baptisé la chambre où dormaient les enfants.

Ces titres de la bibliothèque enfantine me font penser qu'il y a belle lurette que je n'ai pas entendu le chant du coucou. Les cris sempiternels des goélands ont remplacé le concert des nations des oiseaux, chatoiement sonore aux infinis développements mélodiques.

Il n'est pas bienséant de penser que nous sommes trop d'êtres humains sur cette terre.

La respiration du monde nous survivra.

 

Trente ans plus tard, j'ouvre un autre livre, j'y lis :

"Un autre signe - cette fois de mauvais augure - fut la visite de la section contemporaine du musée du Vatican, qui fait suite aux antiques et aux collections de peintures réunies par les anciens papes. Devant ces croûtes, on est saisi d'une épouvante qui va au-delà de l'art. Nulle part la détresse du christianisme moderne n'apparaît dans une lumière aussi crue - une lumière d'hôpital. Devant ces pauvres choses agressives (on descend jusqu'à Bernard Buffet !), on cherche le plus fugitif reflet de la majesté que Raphaël, dans les Loges toutes proches, transmettait du divin et au divin.

Enfin, une expérience que tous ont faite. C'était à la Biennale de Paris. On parcourait des salles capricieusement jonchées de débris, de petits tas de sable, de machines vrombissantes. Aux murs, des objets calcinés, des restes macabres de quelques camps de la mort, des choses obstétricales à chavirer le cœur ou encore un tube de néon. Je pourrais ici entonner le thrène de la mort de l'art, me mettre du côté du gardien hagard assis accablé dans un coin de la salle".

Alain Besançon, dans son introduction à son ouvrage L'image interdite - Une histoire intellectuelle de l'iconoclasme (Fayard, 1994).

 

Ce matin, au petit-déjeuner, ma mère m'a dit : "On peut dire qu'en deux-cents ans, toutes les civilisations du monde ont disparu et ont été remplacées par l'américaine".

Lire la suite

samedi, 11 juillet 2015 | Lien permanent

Requiem pour la personne que je n'ai pas rencontrée

Introït

Laisse-moi reposer dans la lumière de ce jour sans fin, comme je te laisse errer dans ta nuit incomplète.
Tes deux visages ressemblent au mien, féminin et masculin.
Nous aurions marché, main dans la main, aux cris des enfants et des mouettes,
aux abords des écoles et sur les plages océanes.

Kyrie

Le maître du temps nous domine ; ton ombre se réfléchit sur le mur. Au maître des lieux nous devons la dîme ; mon ombre approche la tienne. Le seigneur des apôtres illumine ; ta silhouette échappe à la mienne.

Graduel

Je me penche sur ton corps, comme une mère sur son enfant, comme la sage-femme stérile sur l'enfant qu'elle a tiré du marasme d'une autre. Je me penche sur ton cœur, telle l'exégète du papyrus des Esséniens.

Trait

De nos faims insatiables, veuille la mort nous absoudre ! De nos désirs de chair, dame à la faux, fais des plaisirs de pierre. Toutes nos soifs étanchées n'auront jamais de suite ni de partage dans ton lit clairsemé.

Séquence

Jour des jours, jour de gloire et de paix, jour de suspense et de mystère, que ce jour où j'ai senti ton existence. Jour de la première attente, chaque jour qui suivit fut jour d'attente. Jour de la deuxième attente, jour de la troisième attente. Au jour de la centième attente, le climat de mon cœur avait connu tous les orages et toutes les pluies, tous les soleils aussi. Jour de toujours et de jamais, éternel jour qui précède un lendemain de chimère.

Offertoire

Maîtres ès psychiatrie et neurologie, qui déambulez dans la chambre blanche de l'hospice en bordure de ville, accordez-moi la suprême délivrance de l'oubli. Daignez mettre un terme à mon obsession, afin que ni mon cortex, ni ma raison ne retiennent plus la flamme de la personne qui ne sait où je suis. Vous qui maniez les armes chimiques au fond des tranchées de gliales, sachez poser sur mon cerveau le baume intègre qui me délivrera de l'amour des spectres. Tenez vos promesses, sur mes douleurs posez vos compresses, maîtres ès neurologie et psychiatrie.

Sanctus

Vive, vive, vive la molécule qui sauve les esprits de leur prison de pensées noires. Vive, vive, vive la molécule dérisoire !

Agnus dei

Homme en blouse blanche, qui possèdes le diplôme, graphes les ordonnances et piques les veines, obtempère ! Donne-moi le repos. De ma frayeur, de ma souleur, de ma langueur, purifie-moi.

Communion

Le rayonnement d'une lumière douce évoque le premier repas des hommes. Le rayonnement d'une lumière douce convoque l'innocence du nourrisson.

Absoute

Au-delà de moi, pour tous les autres, amants de sirènes absentes, amantes de fantômes imprenables, au-delà de moi j'invoque la liberté, la délivrance et la fraternité.

Subvenite

Prenez cette image à laquelle j'ai tant rêvé, prenez ce corps imaginal, prenez ces lèvres qui ne m'ont point baisée, prenez cette caresse qui ne m'a jamais effleurée. Que le songe amoureux qui me hantait s'élève dans les éthers nomades et parcourt toutes les distances ineffables.

In paradisum

Écoutez ce chant qui descend sur le cimetière. Écoutez ces pas qui accompagnent nos pas. Écoutez ces antiennes d'un chœur lointain. Écoutez : l'inconnu surgit en chacun.

Pie jesu

Sempiternelle, notre valse avec celui que nous aurions dû être, sempiternelle. Blanche, l'étreinte avec celui qu'on aurait pu aimer, une étreinte blanche.

Edith de CL 14-15 mars 2018

 

 

Lire la suite

samedi, 17 mars 2018 | Lien permanent

Pleines de grâce

 

Lux et Nox

(ou les pietas de Saint-Pierre de Rome et du Poiré-sur-Vie)

 

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange, ALine de La Roche Saint-André
Phot Aline de LA RSA

 

1499 : Michel Ange, jeune sculpteur, fait surgir de la pierre la modernité la plus folle, à l'aube du XVI°siècle : la pieta de la basilique Saint-Pierre de Rome.

 

1655 : 56 ans plus tard, l'antique horreur de la mort baigne la sculpture de pierre polychromée que l'on trouve aujourd'hui dans l'église du Poiré-sur-Vie et qui était auparavant à l'entrée du cimetière.

 

Et pourtant, il ne faut pas les juger par une comparaison chronologique. Elles sont chacune de toute beauté.

La pieta de Michel-Ange représente la face vivifiante de la Mort par la Croix. Celle du Poiré sur vie en représente la face mortelle.
Michel-Ange en sculptant la mort a filmé la résurrection. La douleur, la douleur sans cesse recommencée est captée par le sculpteur de Vendée (ou de passage) avec une parfaite vérité.

Devenue sœur en Christ de son propre fils Jésus, Marie de Michel-Ange, douce comme les câlins de grande sœur des après-midi de l'enfance, se penche sur l'enfant qui sourit presque dans son envol, elle se penche sur l'homme parfait, si proche d'elle dans sa chair, si lointain dans son âme.

Ainsi, Michel-Ange, dans le feu de la Renaissance pécheresse, honore la Vie qui vainc toutes les morts. Mais le sculpteur (dont le nom m'est inconnu) du Poiré-sur-Vie rappelle que cette Vie exultante coûte cher, très cher.

La lumière a besoin de l'obscurité. Pour illuminer les nations, la Renaissance devait sortir du Moyen-Âge. Et pour renaître à notre propre génie, nous devrons puiser aux deux sources de l'art : Lux et Nox. Le Moyen-Âge et la Renaissance. Tous, les celtes, les latins et les grecs, fécondent infiniment cette lumière et cette nuit.

Ah, la pieta du Poiré sur Vie : elle est belle comme elle est triste.

Et ce n'est pas l'horreur de la mort de l'aimé qu'elle regarde, c'est le gouffre insondable du deuil personnel.

Mère privée de son seul bien, Marie du Poiré sur Vie contemple le vide horrifiant de la vie qui lui reste à vivre, privée de tout ce qui faisait sa valeur, sa motivation, sa raison d'être. Elle a la mort sur ses genoux, lourde et laide, et la souffrance indicible s'étend tout au fond de son horizon.

Endeuillée, Marie du Poiré-sur-Vie a besoin de vos prières. Si son âme de reine connaît le destin glorieux de son fils, son cœur de mère saigne de longs sanglots rouges et noirs.

Pour danser, corps déliés, coeurs légers, sur les résurrections, combien a-t-il fallu d'engoncements et de douleurs lourdes ?

Ne jugez pas que ces pietas s'opposent, ne condamnez pas l'une au nom de la piété ou l'autre au nom de la joie, car elles sont soeurs et se comprennent au-delà de toutes les certitudes.

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange
Photo volée ici

 

E CL

 

Lire la suite

lundi, 18 juin 2012 | Lien permanent

Les bras maritimes

mouvement fix & Mizon.jpg

(un billet d'Edith)

Je suis hermétique à toute la poésie contemporaine excepté deux ou trois poèmes, dont celui que j'ai découvert sur une affiche, une affiche achetée par ma mère graphiste qui aimait le graphisme des affiches des éditions Mouvement Fix de Nancy.

Elle s'est procurée (avec difficultés) quelques unes de ces affiches, elles les a achetées par correspondance. L'une d'elle contenait un poème signé Luis Mizon et quelques mues de cigales. Les phrases de ce poème ont rejoint les quelques films, photographies, peintures, sculptures, poésies, musiques qui forment la source de mes hallucinations oniriques fréquentes.

 

Je le reproduis ci-dessous puisque les éditions de poster-poésie ont mis le poème en ligne il y a déjà longtemps (deux ans ?).

 

Là où il n’y a rien
quelque chose brille
le rêve de la lumière enfermée
réveille la pierre

à coup de dents
du plus profond de sa racine enfouie
la terre fabrique des yeux

 

La maison de la vie
libère son cheval de couleurs
lourde et sucrée la mort arrive
et offre des pommes confites
aux enfants morts d’insolation
à la sortie de l’école

 

A la fête du désordre
arrivent les anges déchaussés
les bougies se transforment en fleurs

à l’orgie du silence
arrivent les invités
ivres d’avoir bu trop de mots

 

Les atomes rentrent dans le rang
j’obéis en silence
et j’attends la sonnerie
pour sortir en criant

un cheval impatient
m’ emportera loin d’ici
nous chasserons le tigre
dans la vague indigo

 

Je pardonne
à la lumière
d’être si blanche
j’abandonne au passant
mon vieux pouvoir d’exhausser les désirs
je jette la haine au caniveau
je suis presque heureux
autrefois
j’aurais dit le contraire

 

Vieilli dans l’art de faire des vers
qui consiste à oublier tout chemin
j’écoute le chant de ma mère :
l’étoile
et de mon père :
le granit barbu de la côte
ils s’endorment tous les deux
bercés dans mes bras maritimes

 

Laisse - moi partir maintenant
au fond de mon exil
vers la terre chevauché par mon ombre
au milieu d’un fleuve
pareil à la chevelure d’un géant terrassé

notre murmure est torche
moulin et phare
là où il n’y a rien
quelque chose brille

 

Signé Luis Mizon et quelques mues de cigales, daté de 2007, ce poème est lisible aussi sur le blog nancéen des éditions Mouvement Fix.

 

 

Je conseille d’acheter le poster-poésie. Si les éditions le vendent encore…

Lire la suite

dimanche, 11 juillet 2010 | Lien permanent

Tout autour de la tombe

J'aurais mis plus de dix ans à lire intégralement les mémoires de Chateaubriand. Je reproduis quelques passages, où il tourne autour de sa tombe... 3 passages d'outre tombe. (Bien avant lui Eschyle disait... "un viellard est une ombre errante à la clarté du jour").

Il fait un grand soleil d'hiver et je trouve que ce sont les plus beaux. Ils donnent une lumière blanche qui tombe en nappes éclatantes, mais diffuses. Cette lumière m'enthousiasme et lorsqu'elle un vent léger la traverse, alors la vie vaut la peine d'être vécue. Joseph Campbell disait que ce n'est pas "un sens à la vie" que nous cherchons tous, comme des loups affamés. C'est la sensation d'être vivant.

Merci aux froids soleils d'hiver et au vent léger de me donner l'impression éclatante de vivre.

cesaret momo.jpg

 

"Cette société, que j'ai remarquée la première dans ma vie, est aussi la première qui ait disparu à mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bénédiction, le rendre peu à peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand-mère forcée de renoncer à sa quadrille, faute des partners accoutumés; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour où mon aïeule tomba la dernière. Elle et sa soeur s'étaient promis de s'entre-appeler aussitôt que l'une aurait devancé l'autre; elles se tinrent parole, et madame de Bedée ne survécut que peu de mois à mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-être le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existé. Vingt fois, depuis cette époque, j'ai fait la même observation; vingt fois des sociétés se sont formées et dissoutes autour de moi. Cette impossibilité de durée et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'étend de là sur notre maison, me ramènent sans cesse à la nécessité de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. Ah ! qu'elle ne nous soit pas trop chère ! car comment abandonner sans désespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir éternellement sur son coeur ?"

 

 

"En ce temps-là, la vieillesse était une dignité; aujourd'hui elle est une charge".

 

 

 

"Toute notre vie se passe à errer autour de notre tombe ; nos diverses maladies sont des souffles qui nous approchent plus ou moins du port. Le premier mort que j'aie vu, était un chanoine de Saint-Malo ; il gisait expiré sur son lit, le visage distors par les dernières convulsions. La mort est belle, elle est notre amie ; néanmoins, nous ne la reconnaissons pas, parce qu'elle se présente à nous masquée et que son masque nous épouvante".

 

 

Lire la suite

lundi, 22 mars 2010 | Lien permanent

Page : 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15