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samedi, 09 mars 2019

Silences d'une âme

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Je recherche l'épanouissement. Malgré ma souffrance, mon amertume, mon désespoir, ma jalousie, mon incompréhension, je suis contente. J'ai l'impression d'une injustice, quand la haine reçoit le bien et que l'amour est puni ; la dureté de coeur est récompensée par la tendresse, et l'abnégation par la solitude. L'égoisme est rétribué en argent, le partage en mépris.

Mais ce n'est peut-être qu'une apparence.

كاين اللي يبكي على زهره

كاين اللي هيبكي فوق قبره

كاين اللي شاخ في صغره

كرهنا م هاد الحيات

كاين اللي يبكي على زهره

كاين اللي هيبكي فوق قبره

كاين اللي شاخ في صغره

تلفونا الوقات

Souad Massi dans la cuisine, le soir... Après minuit. Une nouvelle information en tête, un sourire triste, des larmes qui ne jaillissent pas, un soulagement, une joie et un approfondissement du désespoir. C'est cette chanson, cette voix qui m'accompagne. L'homme qui succombe dans un asile et dont je reprends l'oeuvre, encore un enfant à naître, cette femme que j'aime et que je fais souffrir quand j'ai mal. Le cadeau de l'inconnu me soulage, signe du bienfait profond d'une ville où la violence s'efface dans la musique et le vin.

Malgré toutes les ambivalences, la gratitude l'emporte. Sans doute parce que j'ai beaucoup prié. Je remercie sainte Thérèse de Lisieux, tout particulièrement, mais aussi Marie, son Fils, Dieu... et je sais que sainte Anne travaille.

J'aime cet appartement perché, tout à l'Est de la ville. Les plantes à l'intérieur, les tours par la fenêtre, le ciel qui change l'atmosphère de mon coeur, comme un marionnettiste. Mettre un enfant au monde, c'est lui promettre tant de souffrances ! Mais une fois qu'il est là, son regard unique enrichit le monde. Car je crois à l'âme de chacun.

Chaque homme est une personne, chaque bête aussi. L'homme et la bête se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Et dans la nuit de ce vingtième arrondissement, je ne peux pas dormir. La nausée est passée, il demeure l'attente. attendre quoi ?
Attendre pour le plaisir d'attendre, ce léger enivrement, cette quiétude trouble. Qu'il existe ou qu'il n'existe pas, Dieu m'a sauvée. Lui seule pouvait le faire.

mardi, 17 mars 2015

Blue note, Ô lumière de la vieillesse

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"Dis-donc, elle est bien conservée, pour son âge, Adélaïde !" entendis-je. Celle qui s'exclamait s'adressait à deux autres femmes dans une cuisine. Celle dont on parlait venait de prendre congé.
C'était il y a quelques semaines et soudain une question s'empara de moi : vais-je continuer à avoir l'air jeune ? Vais-je devenir vieille aux yeux de tous, moi qui rit et pleure comme lorsque j'étais enfant, d'une manière simplement plus... civilisée ? Serais-je plus ou moins vieillissante que ces gens qui m'entourent et qui boivent et conversent entre eux ? Vais-je mourir d'une manière inattendue dans quelques mois ?
L'hôte me resservit un verre et je le sirotai avec la concentration de ceux qui veulent tout oublier.

Les échos de ces rires et de ces mots sont éloignés dans le temps, et me voilà au bord du patio où s'écoule la nouvelle lumière du printemps.

Pour rester à jamais éclatante de jeunesse, une solution s'impose : mourir jeune. Pourquoi ne pas plonger avant le premier cheveu gris, avant la première ride, du haut de la jetée du phare un soir de pluie et de bourrasque où le port est désert ? Oui, pourquoi pas, mais si je m'en abstiens, alors autant ne pas circonvenir au rythme de la vie et du temps.

J'ai été bébé joufflu, enfant pétillante et triste à la fois, adolescente malingre, jeune sans visage, adulte reconstituée par la promenade intérieure ; pourquoi ne continuerai-je pas la mue perpétuelle de mon être selon les désidératas de la nature et de la culture, d'une nature respectée dans sa sauvage exaltation du mouvement des saisons, d'une culture qui cesse de s'abîmer dans la lutte contre le temps ?

Et s'il faut que je vive, alors, que mon visage envisage de se dévisager sans sourciller face aux lames de fond des années qui le sculptent et le rapprochent chaque saison un peu plus de la mort.

Car c'est Elle, peut-être, qui nous fait peur, lorsque nous imaginons un jour nos mains couvertes de taches et nos joues creusées par l'âge.

Je photographiais tout à l'heure ma mère, qui fête ses soixante-cinq ans aujourd'hui. Je la remercie d'avoir été, d'être et de devenir.

Prions Dieu de ne pas être bien conservés (évitons d'ailleurs de manger des produits industriels gavés d'agents conservateurs) : donnons-nous tout entiers à chaque saison qui nous est offerte ici-bas. Captons-en dans nos yeux des essences de lumière, de brume et de science, afin que nos regards deviennent peu à peu baignés de lampées du mystère infini.

Ne prenons pas à notre compte les regards effrayés de ceux qui tentent de se conserver, mais tendons nos cœurs à l'instant qui passe, à la joie, à la peine qu'il contient, et renonçons au combat inutile. Un combat est inutile quand il n'élève pas l'âme de celui qui le mène. 

Vivre comme on ouvre les yeux, mourir comme on ferme les yeux, sans crainte excessive du lendemain. Comme c'est facile à écrire... Mais peut-être que ce n'est pas si difficile à faire. Je vais essayer.

 

jeudi, 11 décembre 2014

La sonate du remord

J'ai commis de grands crimes et je ne l'ai dit à personne. Il ne se traduisaient pas en sang, ni en déchirures visibles. Mais ils firent souffrir plus que je ne l'ai su. Comment se supporter soi-même, après avoir accompli tant d'outrages ? Croyez-vous que je le voulais ?

Non.

Je voulais faire le bien autour de moi ; que mes proches s'épanouissent en ma présence ; qu'ils se sentent vivifiés par mon amour.

J'ai déchiré des cœurs. J'ai lacéré des âmes. J'ai éteint tout espoir au sein de quelques êtres.

Seigneur, si vous existez, pourrez-vous me pardonner ? Le pire est sans doute que vous n'existez pas. Or, si vous n'êtes pas là pour réparer les blessures par moi occasionnées, qui donc pourra soulager mes victimes ? Voilà où mène l'intempérance. Voilà où ma propre douleur m'a mené : à être celui que je voulais à tout prix éviter d'être.

Ainsi parle le pécheur, qui a vécu dans la nuit obscure de sa colère. Il a voulu pardonner : il n'a pas su. Il a voulu aimer : il n'a pas pu.

 

samedi, 17 mai 2014

La métamorphée

Partir à la rencontre de soi-même ? Oh, comme c'est loin ! En voilà un voyage qui ne finira pas. La chute du moral est comme une attaque interne par un affreux mollusque qui mange toute énergie, toute joie pour ne laisser que l'horreur inesthétique de la dévastation. Cette attaque commence doucement, au fond de l'être, aussi s'en rend-on compte trop tard - toujours trop tard. Irritabilité, sensation de vide laid, reflet affreux de soi dans les vitres et les objets en métal (on ne s'approche pas des miroirs !), se conjuguent pour faire d'un moment pourtant banal - une matinée comme une autre - une descente aux enfers du mental. Bientôt le corps suit le mental sur sa pente sombre et plus rien ne subsiste de la joie de vivre.

Comment lutter contre le terrain glissant qui mène à ces zones sans lumière ? Cesser le sucre raffiné, le blé, l'alcool, les huiles grasses, les produits industriels ? Lutter corps à corps contre son ego, cet ennemi qui nous veut le bien qui nous perdra ? Prier sans y croire ? Que peut une volonté presque morte contre l'invasion de la tristesse morne et glauque ?

Les bonnes résolutions d'hier se sont dissoutes en mon absence, pendant que je dormais. La transfiguration du monde pour laquelle j'oeuvrais s'est fracassée sur le mur invisible des miasmes de l'aigreur - et je ne l'avais pas vu. Je suis prisonnière d'une cage qui s'est construite en moi sans que je m'en rende compte.

Est-on vraiment seul en soi ? Serait-ce moi qui ai bâti l'oubliette gluante où mon âme se noie, ou bien le démon existe-t-il, qui attaque ses ennemis après avoir pénétré en eux par la petite porte, lors d'un moment d'inattention ?

Pourtant je voulais édifier, avec les mains de mon coeur, la profondeur inaltérable du calme. Je voulais descendre les marches veloutées de la décontraction la plus ample. Je marchais habitée d'espérance vers le lagon de paix infinie.

Pourtant, je construisais, jour après jour, la personnalité du légionnaire de l'existence : âme d'acier et sang froid. Renoncement après renoncement, renonciation après renonciation, j'abandonnais le goût de l'image de moi pour n'apparaître plus que dans ma vérité pure et nue, brute comme un fruit sauvage.

Et je connaissais chaque jour un peu plus la certitude intérieure.

Je croyais tenir le fil de la stabilité émotionnelle, sérénité conquise, sérénité acquise.

Connectée à cette immensité qu'on nomme Dieu ou l'éternité, connectée aux infimes et multiples vibrations du monde et de l'instant, je croyais que j'étais guérie ; délivrée ; c'était l'ouverture de ma vie nouvelle.

Mais ce matin le mollusque avait accompli les trois quarts de son travail quand j'ai ouvert les yeux sur l'angoisse de demain.

 

(Lire : Oh, zones...)

lundi, 28 octobre 2013

La grande cohorte des âmes qui attendent

 âmes du purgatoire, saint alphonse de liguori, saint thomas d'aquin, docteur angélique, bellarmin, sylvius, cardinal gotti, saint bonaventure

 

Ce billet est dédié à la mémoire d'une dame qui s'appelait Anne et que les enfants appelaient Mamé. Lorsqu'elle descendait les escaliers de la vieille maison glacée, les soirs d'hiver, apeurée par la tempête qui faisait claquer les volets, elle entendait des voix lointaines gémir : "priez pour nous... priez pour nous". C'étaient les âmes du Purgatoire, pour lesquelles elle égrenait des chapelets jusque très tard dans la nuit, à la lueur vacillante d'une lampe à pétrole.

Dans cette maison, il reste, poussiéreux sur une bibliothèque mangée par les mulots, un livre qui donne la clef de ce fait mystérieux.

Ce livre s'appelle Le Grand Moyen de la Prière.


Un extrait de l'ouvrage Le grand moyen de la prière,
de Saint Alphonse de Liguori (XVII° siècle) 

Autre sujet de controverse : Y a-t-il lieu de se recommander aux âmes du Purgatoire ?
Certains répondent qu'elles ne peuvent pas prier pour nous. Ils s' appuient sur l'autorité de saint Thomas pour qui ces âmes, se purifiant au milieu des souffrances, nous sont inférieures et, de ce fait, elles ne sont point « intercesseurs, mais bien plutôt des gens pour qui l'on prie ». Cependant beaucoup d'autres docteurs, tels que Bellarmin, Sylvius, le Cardinal Gotti, etc... affirment le contraire comme très probable : on doit pieusement croire que Dieu leur fait connaître nos prières afin que ces saintes âmes prient pour nous, en sorte qu'il se fasse entre elles et nous un bel échange de charité : nous prions pour elles et elles prient pour nous. Ce qu'a écrit le Docteur Angélique, à savoir qu'elles ne sont pas en situation de prier, n'est pas absolument contraire à cette dernière opinion, comme le font remarquer Sylvius et Gotti : autre chose, en effet, est de ne pas être à même de prier par situation et autre chose de ne pas pouvoir prier. Ces saintes âmes ne sont pas habilitées à prier de par leur situation, c'est vrai, parce que, comme dit saint Thomas, elles sont là en train de souffrir, elles sont inférieures à nous et elles ont besoin au plus vite de nos prières. Elles peuvent pourtant fort bien prier pour nous parce que ce sont des âmes amies de Dieu. Si un père qui aime tendrement son fils le tient enfermé pour le punir de quelque faute, ce fils n'est plus alors en situation de prier pour lui-même, mais pourquoi ne pourrait-il pas prier pour les autres et espérer obtenir ce qu'il demande en vertu de l'affection que lui porte son père ? De même les âmes du Purgatoire sont très aimées de Dieu et confirmées en grâce. Rien ne peut leur interdire de prier pour nous. L'Église, c'est vrai, n'a pas coutume de les invoquer et d'implorer leur intercession, parce qu'ordinairement elles ne connaissent pas nos demandes. Mais l'on peut croire pieusement (comme on l'a dit) que le Seigneur leur fait connaître nos prières. Alors, elles qui sont remplies de charité, ne manquent certainement pas de prier pour nous. Quand sainte Catherine de Bologne désirait quelque grâce, elle recourait aux âmes du Purgatoire, et elle se voyait vite exaucée. Elle certifiait que beaucoup de grâces qu'elle n'avait pas obtenues par l'intercession des saints, elle les avait ensuite reçues par l'intercession des âmes du Purgatoire. Que l'on me permette de faire une digression au bénéfice de ces saintes âmes. Si nous voulons obtenir le secours de leurs prières, il est bon que nous-mêmes nous nous efforcions de les secourir par nos prières et nos œuvres. J'ai dit : Il est bon, mais il faut ajouter que c'est là une obligation chrétienne : la charité nous demande, en effet, de secourir le prochain chaque fois qu' il a besoin d' être aidé et que nous pouvons le faire sans que cela nous pèse beaucoup.
Or, il est certain que les âmes du Purgatoire sont aussi notre prochain. Bien qu'elles ne soient plus en ce monde, elles continuent pourtant de faire partie de la communion des Saints. « Car les âmes des justes à la mort, dit saint Augustin, ne sont pas séparées de l'Église ». Saint Thomas le déclare encore plus clairement : la charité qui est due aux défunts passés à l'autre vie en état de grâce est une extension de cette charité que nous devons à notre prochain d'ici-bas : « Le lien de la charité qui unit entre eux les membres de l’Église, n'embrasse pas seulement les vivants, mais aussi les morts qui ont quitté ce monde en état de charité ». Nous devons donc secourir, dans toute la mesure du possible, ces saintes âmes : elles sont aussi notre prochain : et même leurs besoins étant encore plus grands que ceux de notre prochain d'ici-bas, il semble donc que, sous ce rapport, soit encore plus grand notre devoir de leur venir en aide. Or, en quelle nécessité se retrouvent ces saintes prisonnières ? Il est certain que leurs peines sont immenses. Le feu qui les consume, dit saint Augustin, est plus douloureux que toutes les souffrances qui nous puissent affliger en cette vie. « Plus douloureux est ce feu que tout ce que l'on peut avoir à souffrir en cette vie ». Saint Thomas est du même avis et il ajoute que ce feu est identique à celui de l' Enfer. « C' est par le même feu qu' est tourmenté le damné et purifié l'élu ».

 

Ceci concerne la peine du sens, mais beaucoup plus grande encore est la peine du dam, c'est-à-dire la privation de la vue de Dieu pour ses saintes épouses. Non seulement l'amour naturel mais aussi l'amour surnaturel, dont elles brûlent pour Dieu, poussent ces âmes avec une grande force à vouloir s'unir à leur souverain bien. S'en voyant empêchées par leurs fautes, elles en éprouvent une douleur très amère. Si elles pouvaient mourir, elles en mourraient à chaque instant. Selon saint Jean Chrysostome, cette privation de Dieu les fait souffrir infiniment plus que la peine du sens : « Mille feux de l'enfer réunis ne feraient pas autant souffrir que la seule peine du dam ». Ces saintes épouses préféreraient donc endurer tout autre supplice plutôt que d'être privées, un seul instant, de cette union tant désirée avec Dieu. C'est pourquoi , dit le Docteur Angélique, la souffrance du Purgatoire surpasse toutes les douleurs de cette vie : « Il faut que la peine du Purgatoire excède toute peine de cette vie ». Denis le Chartreux rapporte qu'un défunt, ressuscité par l'intercession de saint Jérôme, dit à saint Cyrille de Jérusalem que tous les tourments de cette terre ne sont que soulagement et délices à côté de la plus petite peine du Purgatoire : « Si l'on compare tous les tourments du monde à la plus petite peine du Purgatoire, ce sont des consolations ». Et il ajoute : « Si quelqu'un avait éprouvé ces souffrances, il préférerait endurer plutôt toutes les peines du monde, subies ou à subir par les hommes jusqu'au jugement dernier, que d'être soumis un seul jour à la plus petite des peines du Purgatoire. Ce qui fait dire à saint Cyrille que ces peines sont les mêmes que celles de l'Enfer quant à leur intensité, la seule différence étant qu'elles ne sont pas éternelles. Les douleurs de ces âmes sont donc très grandes. D'autre part, elles ne peuvent pas se soulager elles-mêmes. Comme le dit Job : « Il les lie avec des chaînes, ils sont pris dans les liens de l'affliction » (Jb 36, 8). Ces saintes Reines sont déjà destinées à entrer dans le Royaume mais leur prise de possession est différée jusqu'au terme de leur purification. Elles ne peuvent pas réussir par elles-mêmes (au moins pleinement, si l'on veut accorder crédit à certains docteurs, selon qui ces âmes peuvent tout de même par leurs prières obtenir quelque soulagement) à se libérer de leurs chaînes, tant qu'elles n'ont pas pleinement satisfait à la justice divine. Un moine cistercien dit un jour, depuis le Purgatoire, au sacristain de son monastère : « Aidez-moi par vos prières, je vous en supplie, parce que de moi-même je ne peux rien obtenir ». Cela est conforme au mot de saint Bonaventure : « Leur état de mendicité les empêche de se libérer », c'est-à-dire que ces âmes sont si pauvres qu'elles n'ont pas de quoi acquitter leurs dettes. Par contre, il est certain et même de foi que nous pouvons soulager ces saintes âmes par nos suffrages personnels et surtout par les prières recommandées dans l'Eglise.. Je ne sais donc pas comment on peut excuser de péché celui qui néglige de les secourir tout au moins par ses prières. Si nous ne nous y décidons pas par devoir, que ce soit au moins à cause du plaisir que nous procurons à Jésus Christ : c'est avec joie qu'il nous voit nous appliquer à libérer ces chères âmes pour qu' il les ait avec lui en Paradis. Faisons-le aussi à cause des grands mérites que nous pouvons acquérir par notre acte de charité à leur égard ; en retour, elles nous sont très reconnaissantes et apprécient le grand bienfait que nous leur accordons, en les soulageant de leurs peines et en leur obtenant d'anticiper leur entrée dans la Gloire. Lorsqu'elles y seront parvenues, elles ne manqueront pas de prier pour nous. Si le Seigneur promet sa miséricorde à ceux qui se montrent miséricordieux envers leur prochain : « Heureux les miséricordieux car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).Ils ont bonne raison d'espérer leur salut ceux qui s'appliquent à aider ces saintes âmes si affligées et si chères à Dieu. Jonathan, après avoir sauvé les Hébreux par sa victoire sur les ennemis fut condamné à mort par son père Saül pour avoir goûté du miel malgré sa défense, le peuple se présenta devant le roi et cria : « Est-ce que Jonathan va mourir, lui qui a opéré cette grande victoire en Israël ? » (1 S 14, 45). Ainsi devons-nous justement espérer que, si l'un d'entre nous obtient par ses prières qu'une âme sorte du Purgatoire et entre au Paradis, cette âme dira à Dieu : Seigneur, ne permettez pas que se perde celui qui m'a délivrée des tourments ! Et si Saül accorda la vie à Jonathan à cause des supplications du peuple, Dieu ne refusera pas le salut éternel à ce fidèle à cause des prières d'une âme, qui est son épouse. Bien plus, selon saint Augustin : Ceux qui auront, en cette vie, le plus secouru ces saintes âmes, Dieu fera en sorte, s'ils vont au Purgatoire, qu'ils soient davantage secourus par d'autres. Observons ici qu'en pratique c'est un puissant suffrage en faveur des âmes du Purgatoire que d'entendre la messe pour elles et de les y recommander à Dieu par les mérites de la passion de Jésus Christ : « Père éternel, je vous offre ce sacrifice du Corps et du Sang de Jésus Christ, avec toutes les souffrances qu'il a endurées durant sa vie et à sa mort ; et par les mérites de sa Passion, je vous recommande les âmes du Purgatoire, particulièrement etc... » Et c'est aussi un acte de grande charité que de recommander aussi en même temps les âmes de tous les agonisants.

 Saint Alphonse de Liguori, IN Le grand moyen de la prière

samedi, 29 juin 2013

4

Maître Eckhart, Du Détachement, Néant, Dieu, Sara,4

«Le détachement tend vers un pur néant, car il tend vers l'état le plus haut, dans lequel Dieu peut agir en nous entièrement à sa guise».

Maître Eckhart, Du Détachement (Oeuvres), p. 25.

«Pour arriver à goûter à tout, ne désire avoir goût à rien. Pour arriver à savoir tout, ne désire savoir quelque chose en rien. Pour arriver à ce que tu ne goûtes pas, tu dois aller par où tu ne goûtes pas. Pour arriver à ce que tu ne sais pas, tu dois aller par où tu ne sais pas. Pour arriver à ce que tu ne possèdes pas, tu dois aller par où tu ne possèdes pas. Pour arriver à ce que tu n'es pas, tu dois aller par où tu n'es pas.

Quand tu t'arrêtes en quelque chose, tu cesses de te jeter dans le Tout...»

Saint Jean de La Croix, La Montée du Mont-Carmel, livre I, ch. XIII

samedi, 04 mai 2013

La route

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La nuit

La nuit, l'enfance s'efface complètement. Les diables sortent par la porte de derrière ; les fées se drapent de tulle rouge et les rangées de serviteurs proposent des verres de champagnes à nos mains tremblantes.

Tu t'appelles je ne sais pas encore comment. Tes lèvres frissonnent de peur, de tendresse ou de froid, peut-être, bien qu'il fasse chaud au creux du bar du Temps. Demain j'ai 35 ans mon amour, accompagne-moi sur cette pente raide où tant d'amis ont dégringolé pour ne plus jamais remonter à la surface verte des jeunesses.

L'aube

L'aube, l'oubli des veilles nous guette. Ton bras suspendu sur le vide s'arrête. Le long des jambes, sur la surface des ventres, se balance l'espoir frêle qu'un jour, dans mille jours, nos mains presseront la même cafetière avant le chant du coq.

Aube nouvelle dans notre vie où se chante la liturgie des ouragans. Vatican III, danse avec moi !

 

L'après-midi

Route des vacances, j'ai fait toutes tes stations d'essence, tellement plus tard, bien après l'époque des petits Lu. J'y ai retrouvé pourtant les sensations d'une épopée de mon enfance, ressurgie ainsi au croisement des quatre voies contradictoires. Mais est-ce vraiment le temps de songer à ces nécropoles perdues, est-ce vraiment le lieu d'évoquer ce chemin en sens inverse ?

Le soir

Quand tout l'amour, tout l'argent, toute la gloire nous entourent, qu'est-ce qui nous pousse à partir en haillons par un soir de décembre et descendre l'escalier de la ville qui mène au banc des clochards ?

L'appel du vide, l'appel de Dieu, l'appel du Diable.

 

Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva, Edith de Cornulier Lucinière, Robert Desnos, j'ai tant rêvé de toi, Frédéric Hunter

photos Mavra NN - vidéos chouravées poliment sur le web.

(La nuit d'Henri Tachan
Le Grand Meaulnes, de Jean-Gabriel Albicocco
Robert Desnos par Frédéric Hunter)

samedi, 12 mars 2011

Coeur de pierre, Pierre qui vire...

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Le fondateur du monastère de la Pierre-qui-vire, le prêtre bourguignon M-J-B Muard, entretenait, comme beaucoup de mystiques catholiques, un commerce avec Dieu. En voici quelques extraits qu’il consigna et que l’on retrouva à sa mort.

Il s’agit d’un dialogue entre Dieu, qui l’appelle et lui reproche ses refus, et lui, qui décide une énième fois de se donner corps et âme et craint de chuter à nouveau dans l’amour du « monde ».

 

Dieu qui m’appelle

 

« Mon fils, mon cher fils, depuis longtemps ma grâce te poursuit sans relâche, ma voix se fait entendre à ton cœur, elle t’invite, elle te presse, elle te conjure même de te donner à moi. Quoi donc, ne voudras-tu jamais te rendre ! Ah ! par pitié pour moi, pour ce Cœur qui a été percé et qui brûle d’amour pour toi, reviens, ô mon fils, songe que ta pauvre âme m’a coûté tout mon sang, que j’ai enduré pour elle tous les tourments de ma passion ; donne-la-moi, mon fils, je veux la rendre heureuse, je veux la combler de biens, je veux me donner à elle : je lui prépare mon cœur pour être sa demeure, ma chair pour nourriture, mon sang pour breuvage, mon sein pour lieu de repos. Je lui donnerai mes anges et mes saints pour compagnons, pour amis ; je prendrai plaisir à converser avec elle, à lui révéler les ineffables trésors de mon cœur ; je l’ornerai des plus belles vertus ; je lui ferai voir ce jardin fermé où les hommes n’entrent point, ce jardin où croissent des fleurs dont les couleurs admirables et variées à l’infini charment et ravissent les yeux, et qui exhalent des parfums si suaves et si délicieux, que l’air en est embaumé ; je lui montrerai des arbres toujours couverts des fruits les plus beaux, les plus exquis… Quand elle sera dans la peine, je la consolerai moi-même, je lui ferai boire, pour la fortifier, de cette divine liqueur qui coule de mon côté, comme je fis autrefois à l’une de mes plus fidèles amantes : enfin je ne m’occuperai qu’à faire son bonheur.

Il y a bien longtemps que je te fais ces promesses, je t’ai même fait goûter quelquefois les chastes plaisirs que je réserve à mes amis, et néanmoins tu t’obstines à me fuir. Le monde, si vain et si trompeur, a pour toi je ne sais quels charmes ; vainement il t’a fait sentir sa misère et le malheureux état de ses partisans, tu veux toujours l’aimer ; et moi qui t’aime, qui te chéris, qui veux te sauver, tu me rejettes, tu repousses mes mains qui veulent t’embrasser, tu détournes ton visage pour ne pas recevoir de ma bouche le baiser de paix, tu t’impatientes, tu t’indignes de ce que je ne veux pas te laisser suivre tes penchants déréglés : oh ! que ma patience est grande de te souffrir malgré tant d’ingratitude de ta part ! et pourtant je t’aime, et je t’aimerai et je te poursuivrai jusqu’à ce que tu m’aimes et que tu m’aies donné ton cœur, et je te sauverai, et je montrerai que mon amour est plus fort que tous les obstacles et que la mort même. J’en ferai tant qu’il faudra bien que tu m’aimes enfin.

 

Ô mon Dieu ! votre amour me confond, je n’y tiens plus ! Quoi, Seigneur, tant de bonté de votre part et tant de malice de la mienne ! Tant de pressantes sollicitations et tant de résistances ! Tant de promesses si touchantes et tant de refus outrageants ! Que je peux bien m’écrier : Que mon Dieu est bon ! qu’il est bon le Dieu d’Israël : Quàm bonus Israel Deus ! C’en est fait, ô mon Dieu ! je reviens, je me rends ; vous aimer, vous servir, fera désormais mon bonheur ; je ne veux plus d’autres plaisir que de pleurer mes fautes passées. O mon Sauveur, donnez-moi donc, s’il vous plait, ces larmes délicieuses de la pénitence, je les estime plus que tous les trésors du monde ; donnez-moi aussi, mon très-aimable Jésus, la sainte humilité qui me persuade que je suis le dernier de tous les hommes et le plus abominable des pécheurs, comme je le suis en effet, et, par-dessus tout, donnez-moi votre amour ; que je brûle, que je me consume, que je meure d’amour pour un Dieu qui m’aime, qui m’a tant aimé. Vous m’aimez, ô mon Dieu, et je ne vous aimerais pas ! vous mourez d’amour pour moi, et je ne mourrais pas d’amour pour vous ! Ah ! Dès aujourd’hui mourons au monde et à nous-même par la pénitence, afin de vivre à jamais en Dieu et pour Dieu ! »

 

Extrait de la Vie du R.P. Muard, Marie-Jean-Baptiste du Cœur de Jésus, par M. l’Abbé Brullée

 

En cherchant sur la Toile, nous trouvâmes cette petite présentation de la Pierre-qui-vire :

 


Pierre qui vire
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samedi, 15 août 2009

La beauté est-elle absolue ?


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Je réponds oui. 

L'univers dans lequel nous vivons est un univers organisé, auto organisé qui n'est pas probable.

Mais il est là. Et nous les hommes et les femmes voyons cet univers et le trouvons beau.

L'univers est-il beau intrinsèquement ou beau parce que nous l'interprétons tel?

Faut-il de la culture, de l'éducation pour trouver les choses belles?

Ne sommes nous pas doués tout simplement du don de pouvoir le voir tel qu'il est? Beau parce que tel. Beau parce que nous en sommes le fruit? Et seulement doué de le voir beau mais pas de le comprendre. Qu'au fond notre évolution nous a mené aux portes du début de la compréhension et qu'un long chemin reste à parcourir.

Nous ne sommes pas absolus. Nous sommes le fruit d'une évolution, d'une construction qui a débutée il y a quelques milliards d'années. Pas seulement lorsque la Vie est née sur terre. Intéressant, non ?

Notre conscience et notre inconscient ne sont ils pas tout simplement le résultat de ce que l'univers est : un ensemble capable d'auto organisation, capable d'éliminer ce qui n'est pas lui même? Un Darwininisme des quarks et des gluons?

Et pour conclure cette introduction, ne sommes-nous pas trop imbus de nous même en pensant que notre émerveillement et notre capacité à créer est un don humain dont nous devons nous féliciter nous-même, seuls? Ce qui semble être la loi du genre depuis la nuit des temps…

Je réponds non. Le processus de création, et par là de beauté,  est une loi absolue de l'univers. Comment imaginer les solutions futures à partir d’un point de départ ? Comment se réconcilier avec nos visions actuelles ? Plus spécifiquement comment imaginer et se représenter le processus de création de la matière. ? Je réponds que la loi de divergence, paradoxale, mais constituante de la matière, est de se rassembler pour créer des choses nouvelles. La loi fondamentale de la matière de notre univers, le vrai processus de création de l’univers que nous voyons, est de savoir s'agréger. Elle aurait pu très bien, cette soupe originelle non lumineuse et sans éclat, ne jamais vouloir se combiner. Pas de problème. L'univers serait, disons, une sorte de gaz ne voulant jamais se combiner. Nous sommes le rassemblement complexe de milliards d'années d'évolution. La loi de l'évolution ne commence pas avec Darwin et la vie. Elle est préexistante à la vie. La vie n'est qu'une des conséquences de cette formidable machine. Et la machine est belle, en soi. Parce qu'elle permet l'organisation, et dans sa forme la plus complexe la Vie.

L’organisation n’est pas une valeur de beauté en soi. On est d’accord, sans discussion. Mais ce qu’il faut voir dans les lois de l’organisation c’est cette formidable machine qui se créée en parallèle du « normal » et qui est la divergence. Sans règles, pas de divergence. Et c’est l’organisation et la contrainte qui crée le nouveau, le stable nouveau. Pas de contraintes, pas de stabilité. Pas d’existant pas de nouveau… 

L'univers d'aujourd'hui a environ 14 milliards d'années.

Ce n'est pas rien à notre échelle.

Et il existe et a évolué depuis ces 14 milliards d'années selon une loi programmée.  

Au tout début l'univers était un gaz très indifférencié et même la lumière n'y était pas possible.

Les lois de la matière de notre univers sont telles qu'à partir de briques élémentaires, tout ce que nous voyons a pu être possible.  

Partons de la constitution des premiers noyaux atomiques. Hydrogène, Hélium... petits noyaux.

Briques élémentaires s'assemblant et restant stables au moins un certain temps.

Refroidissement. Les noyaux deviennent stables. Des électrons peuvent les entourer. Ils sont nécessaires à l'assemblage entre noyaux atomiques. La lumière peut enfin s'échapper de ce gaz. L'univers s'illumine, l'univers se condense en de petits endroits, l'univers se construit tel qu'il est programmé  pour le faire. Il y a des fluctuations, des choses indescriptibles par les lois physiques classiques mais si on regarde avec un certain recul, on voit que la statistique est respectée. Tout dépend de l'échelle considérée.  

Je vais aller vite par souci de pédagogie.   

Les premiers atomes (Hydrogène) se condensent, attirés l'un vers l'autre par la gravitation.

Naissances des étoiles qui sont des concentrations de matière primitive.

Etoiles de première génération, de deuxième génération, de troisième génération...

Agrégation réactions, explosion, naissance de nouveaux atomes.  

L'univers s'ordonne. L'univers est doué  du pouvoir de s'ordonner, de se condenser en certains endroits. Ces lieux d'organisation grossissent avec le temps. De l'échelle atomique (naissance d'atomes lourds) à l'échelle moléculaire (gaz constitué  de deux atomes identiques) puis vers des structures de plus en plus complexes (molécules constituées d'atomes différents).  

Autour des restes d'explosion d'étoiles, les atomes se combinent dans des structures "minérales" complexes. Des cristaux géométriques apparaissent. Des structures ordonnées et mathématiquement déterminées prennent naissance. Le gaz primitif, sans individualité, constitué d'autant de particules nécessaires à la construction de tout l'univers se sont agrégés, se sont séparés et se sont réassemblés pour créer en des endroits particuliers des structures logiques, descriptibles et stables. Ces structures complexes deviennent douées de propriétés physiques étranges : conducteur électrique, isolant, transparent, opaque, durs, mous... Ces structures sont répétitives tout en étant innombrables. Elles sont toutes descriptibles avec nos connaissances. Du moins jusqu'à un certain point. En tout cas avec un certain formalisme qui n'admet pas d'exception.   

Tout le monde est d'accord pour dire qu'on ne sait rien expliquer de l'origine vraie de l'univers. Que s'est-il passé entre rien et un milliardième de seconde? Oui on sait faire beaucoup de choses. Et le milliardième de seconde est connu et descriptible. Mais en dessous d'une certaine limite de temps (temps de Planck) on ne sait plus décrire. Et je dirais que même si on savait un jour décrire, cela n'expliquerait pas ce que nous ne pouvons pas savoir. Un temps encore plus court?   

Le temps... une notion très incertaine. Le temps peut ne plus exister en tant que notion physique dans certains endroits (les trous noirs). Là, dans ces endroits qui nous font peur mais qui sont prouvés, la matière de l'univers que nous connaissons retombe dans son état primitif. Indifférencié, sans idée ni possibilité de différentiation. Lorsque le temps n'est pas possible, la matière organisée n'existe pas. (Toutefois je ne sais pas, mais je soupçonne que c'est possible, si le principe d'exclusion de Pauli ou de différentiation de type Fermi-Dirac n'existe pas dans notre compréhension de l'intérieur des trous noirs. Je ne suis pas assez calé en histoire de la physique).    

L'univers est donc doué, dans son expansion, du pouvoir de s'organiser. Selon des lois intrinsèques, semble t-il immuables depuis sa naissance. Et la faculté de l'univers à produire l'improbable est infinie. L'homme y contribue en étudiant les lois physiques de la matière et déduit de nouvelles structures, ou assemblages de structures, douées de propriétés encore plus étranges que ce que la nature produit naturellement (par exemple les transistors, les matériaux supra conducteurs, les nano-structures...)  

L'univers a aussi produit ce que nous appelons la vie. Cet assemblage qui est la vie est constitué d'un nombre très limité de type d'atomes (Hydrogène, Carbone, Oxygène, Azote) assemblés avec des quantités limitées d'autres atomes (Potassium, Phosphore) et parfois des choses étranges comme le Fer, l'Or que la nature a choisi probablement parmi d'autres choix. Ces molécules complexes dont le dictionnaire est infini sont capables de s'assembler, de se dupliquer, de diverger pour essayer (processus essentiel de la créativité  : la divergence) de se "regarder". Et puis comme dit la Genèse "...et Dieu vit que cela était bon". La "nature" que l'on assimile dans notre langage courant à la vie est capable de se créer "bonne". Constatons le! Ou alors disons que nous sommes mauvais. La question sera alors réglée. Mauvais donc laid. Mais nos artistes pensent le contraire… Notons donc qu’avant la vie, l'univers a aussi su se créer "bon", capable d'engendrer des atomes stables, des molécules stables, des cristaux stables. Des réacteurs nucléaires capables de fabriquer des structures de plus en complexes. Tout cela est totalement improbable. En fait l'esprit humain n'est pas capable de l'appréhender. Il est capable de le constater, de décrire. De remonter le temps. Mais est-il capable de tout expliquer? Non. Disons qu'il est doué, et que la nature divergente et donc créative (mais finalement pas tellement plus que la loi de constitution du premier atome stable qui est l'élément fondateur de la "matière"), et a su élaborer des êtres vivants doués de sensibilité, instables et curieux.  

Maintenant la question est de savoir si l'univers peut-être qualifié d'intrinsèquement beau, à  toutes échelles. De l'atome jusqu'aux galaxies spirales illuminées par des lumières irréelles, du soleil à la lune, de l'homme à la femme? Pourquoi le cercle, symbole fondamental, nous semble t'il plus beau qu'une ligne brisée? Pourquoi notre émotion, ancestrale, à regarder la lune. Et pourquoi tant de poètes qui en ont célébré la beauté? Pourquoi notre chien familier semble heureux quand nous sommes heureux et nous fait la fête? Que le cheval aime notre caresse? Et que nous trouvons l'autre beau ou belle?  

Je reviens vers François Cheng qui rapproche les mots de beauté et de bonté et puis d'amour.  

Je voudrais placer ma discussion sur un plan détaché de notre toute petite histoire ridicule dans le temps de l'univers. Dire d'abord que l'homme et la femme (entités intellectuelles supérieures dans la vie sur notre planète Terre) sont des constructions improbables. Que l'univers tel que nous le voyons est improbable. Incalculable, imprévisible et totalement incompréhensible pour nous. On a décrit les atomes, les galaxies. Décrit le rôle du fer dans les processus d'oxygénation des globules rouges. Nous irons beaucoup plus loin avec notre science nouvelle. Et je me souviens avec émotion de celui qui le premier a découvert le bronze, le fer. Celui qui le premier a peint des figures d'animaux sur des parois de pierre. 25 000 ans... Nous sommes jeunes, incroyablement jeunes.    

Je voudrais dire aussi qu’il semble indéniable que l'homme et la femme sont également doués du don de pouvoir voir les choses telles qu'elles sont. Belles et émouvantes. Emouvantes pour nous. Sont elles émouvantes parce que nous les « voyons telles » ou bien parce qu’elles sont absolument et intrinsèquement émouvantes. Je réponds OUI.  

L'univers est beau parce qu'il est capable de s'organiser à toute échelle. Il est beau tout simplement parce qu'il EXISTE. S'il existe c'est que les lois "physiques" qui gouvernent l'assemblage des particules élémentaires pour donner atomes, molécules et systèmes complexes est un ensemble de lois qui tendent à produire des assemblages stables. Des assemblages qui "s'aiment". Qui veulent créer localement un ordre. Que cet ordre est à longue portée dans le temps. Qu'il est stable et que les lois ayant présidées à son origine sont conservées aujourd'hui. Ce qui est loin, quand on y pense, d'être totalement évident... Que le temps est une donnée essentielle qui garantit la continuité entre il y a 14 milliards d'années et maintenant. Que le temps n'existe pas partout et c'est assez incroyable. Que le temps n'est que la constatation d'une continuité absolue entre un état initial, indescriptible, et maintenant. Et que donc c'est beau. Parce que c'est improbable, impossible et totalement incompréhensible. Et surtout que le résultat est là. Nous et l'univers. Et que le sentiment de beauté existe. La beauté serait une invention de l'homme et de la femme? Evidement NON.  

Nous sommes seulement aptes à constater la beauté. Après tout nous pourrions (et nous le seront peut-être) être aptes à une compréhension plus exacte de l'origine de l'univers. Mais non, aujourd'hui nous sommes seulement des spectateurs intelligents doués de capacités étonnantes mais quand même limitées. Demain sera demain. Mais aujourd'hui est aujourd'hui. Nous sommes doués de pouvoir regarder la beauté et c'est tout. De créer et c'est bien. Parce que la beauté nous attire. Et c'est notre qualité. Mais les chevaux, nos chers amis, cherchent aussi des grandes plaines libres pour cavaler le museau au vent. Et je pense qu'ils sont sensibles à la lune. C'est bien.  

Je n'entrerai pas dans la question de l'envie du mystique, des symboles et des religions... Sauf à dire que les religions monothéistes, anthropo-centrées, ont été des freins considérables à nos perceptions de l'univers qu'il faut regarder comme un tout, notre origine. Nous avons trop longtemps eu cette vision ridicule d'un homme destiné par un Dieu assez imaginaire à dominer la nature, les bêtes et les arbres. Une vision d'une terre plate, contrainte, avec une machinerie absurde qui nous donnait l'illusion d'un monde compris et dominé.  

Je ne suis pas sûr que l'humanisme de la Renaissance et le Siècle des Lumières soient vraiment loin derrière nous. 400 ans c'est pas beaucoup. Quelques générations et les archétypes chers à Jung sont encore là.  

Nous progresserons de par notre fait parce que nous en avons l'intelligence. L'intelligence crée l'intelligence. C'est évident. L'homme et la femme sont maintenant capables de s'évaluer. De comprendre nos maladies, nos souffrances, nos règles sociétales. Nos récents grands traumatismes (nazisme, communisme) magnifiquement mis en lumière par Jonathan Litell devraient nous inciter à la modestie mais aussi à une ambition qui serait de nous accepter non comme des êtres tout puissants mais comme modestes enfants d'une évolution qui n'admet pas trop d'influence autre que celle de l'auto-organisation, du "progrès" et sommes toute d'un replacement de notre toute puissance dans un contexte large d'univers, de système solaire et de notre bonne terre. A moins de destruction. Mais cela je ne le crois pas. Ce n'est pas intrinsèquement possible. Il restera quelque chose de ce que nous sommes parce que nous avons déjà survécu à beaucoup de traumatismes. Beaucoup d'êtres humains, femmes et hommes, ont de la bonté et je ne peux m'empêcher de penser que nous avons fait du chemin positif dans l'histoire de l'humanité depuis nos ancêtres (qui n'étaient pas plus mauvais que nous probablement). Bien sûr des débordements, des excès, mais toujours les philosophes, les écrivains, les artistes, les créateurs, les divergents ont fait œuvre pour que les choses se stabilisent et nous fasse un avenir plus serein. Je remercie mes aïeux. Je remercie la divergence et l'envie de reconstruction, d'agrégats.   

Je voudrais aussi célébrer l'amour qui est indissociable dans mon idée de la beauté. De la beauté  de l'autre. De l'autre qui sera toujours indispensable à l'un. Car l'univers depuis son origine réconcilie les particules élémentaires pour qu'elles s'assemblent. Cela semble une une loi immuable. Elle est belle si elle telle.  

Je remercie l'univers de sa beauté  sans laquelle je ne serais pas là.

Etre et beauté sont consubstantiels. Encore faut-il une conscience... nous l'avons c'est tout et c'est assez. N'allons pas plus loin.  

Le beau est intrinsèque.

Nous ne sommes doués que de vision.

Par nos sens. 

Et du pouvoir de créer.

Nous ne sommes divins que parce que nous pouvons imaginer le divin.

Et voir le beau.  

Bruno  

Dr Physique

MBA