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samedi, 21 mai 2016

Mélanie des Vosges

 

Deuxième atelier avec Patrick Goujon, le 11 mai, dans le cadre de sa belle résidence : deuxième aventure incertaine, transformation intérieure subtile.

Nous, auteurs, devions écrire à partir d'éléments biographiques d'un lycéen du micro-lycée de Sénart.

 

Mélanie des Vosges

1

Le dimanche, elle se levait avec l'aube et marchait vers les hauteurs de Cornimont. Sous la ligne bleue des Vosges, elle respirait l'air pur, regardait avec envie les chalets des riches, et c'était beau, mais ce qui était immense, c'était d'imaginer qu'un jour elle serait le premier être humain à la peau presque noire à recevoir la médaille Fields. Les mathématiques ? Le sport dont elle deviendrait la championne – et sa mère aux yeux verts serait vengée du mépris.

 

2

Huit ans et des bottines usées aux pierres des sentiers, huit ans et le pompon blanc du bonnet de laine fondu dans les étendues de neige, huit ans et la peur de ne plus retrouver la route pour retourner à Cornimont.

Les parents, la mère si douce, le père silencieux, attendaient sans comprendre. Toutes les fillettes du village regardaient la télévision, toutes sauf la leur.

La marche, l'angoisse, la fatigue ; soudain un enclos au bout du chemin.

Un petit poney la regardait venir, intrigué, rassurant. Il s'appelait Sauveur, mais elle ne le savait pas encore.

 

3

Chaque anniversaire, sa mère devinait ses besoins et lui offrait toute la chaleur du monde. Le père revenait de l'hypermarché avec un cadeau à moins de cinq euros. Plusieurs années de suite, une petite boite de jeux à gratter.

Dire merci et penser : « non merci ».

 

4

Nouveau venu à la maison : un chaton joueur. Comme un frère animal pour transformer les mercredis de solitude. Le premier vrai regard qu'elle connut, car celui de sa mère était noyé dans la douceur moite et celui de son père, luisant d'alcool.

Le chaton ronronnait sur son ventre tandis qu'elle s'abîmait dans les factorisations mathématiques.

Bref. Une enfance d'ouate et de volonté muette, à regarder la neige sale par la vitre embuée de givre.

 

5

Un jour en colonie, la si la sol, un jour en colonie la si la sol infamie.

L'animateur était un homme transgenre. Né femme, il avait fini par rejoindre son sexe d'élection en ingérant des dosettes de testostérone. Ce brutal alcoolique voulait tellement prouver qu'il était un vrai mâle, qu'il tabassa Anne-Lise, une camarade un peu lente à la comprenette.

Bref. Une adolescence à regarder les autres vivre et souffrir à travers un esprit embué d'algèbre.

 

6

Quinze ans.

Après la colonie, peut-être, la vie devint plus compliquée. Trop de douceur maternelle, trop de lourdeur paternelle, trop de fractions dans son esprit, trop de narquoises lueurs dans les regards au lycée.

Le chat, le chat était le seul ami.

Pourquoi manger ? Ne plus manger.

Et les psychiatres. Et ce psychiatre, beau et laid, souriant, irascible, qui lui demanda si elle souffrait d'être noire et si elle avait déjà vu ses parents faire l'amour et si elle croyait vraiment qu'elle avait les moyens de devenir mathématicienne et si elle voulait bien se rapprocher pour qu'il l'ausculte de plus près. Ce psychiatre, la pire rencontre de sa vie.

 

7

Mais Elle, Elle enfin qui prend le train, Elle qui revient. Sa grand-mère, la plus belle rencontre de sa vie.

Cette promenade, dans les jardins autour de l'hôpital : parler des animaux, cueillir des fleurs. Ce cadeau : un carnet de notes pour écrire des poèmes, un carnet de croquis pour peindre.

Sa grand-mère, seul être humain digne d'amour autant que le chaton et que le poulain du chemin perdu, sa grand-mère était revenue la sauver.

Peindre, écrire, oui, ma vieille grand-mère, et dire les mots qu'il faut, faire les gestes qu'ils attendent, pour sortir d'ici.

Manger à nouveau, puisque c'est ta vieille main ridée qui a cuisiné cette tarte, apporté ce pain.

 

8

En attendant la médaille Fields, il y avait la vie à réapprendre. Sa plus grande réussite, c'était d'avoir appris à apprécier les petites réussites qui font le sel du quotidien.

Le bonheur dort dans l'équation résolue, dans la ratatouille mijotée, dans les jeux de pelote de laine avec le chat, dans les chapelets égrenés au fond de l'église de Cornimont.

Le bonheur surgit dans le chant qu'elle entonne à l'enterrement de sa grand-mère, dans la traversée de son village au crépuscule un samedi soir, sans honte ni haine.

En attendant la médaille Fields, elle a déjà commencé à réussir sa vie.

Elle, née il y a presque vingt ans d'un père togolais au chômage et d'une mère lorraine au chômage, par un soir glacé de novembre, au fond d'une cour de Cornimont.

 

mercredi, 25 septembre 2013

Sur Chatterton, sur l'écrivain maudit, sur l'écrivain subventionné

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 Le professeur Henri Maugis, dans son introduction au drame Chatterton, d'Alfred de Vigny (Classiques Larousse, 1937), commente la profession de poète...

Le poète, d'après Vigny, demande à la société le droit à la vie en même temps que le droit de rêver, il réclame le pain et les loisirs. Mais la vocation du poète ou de l'écrivain est, comme les autres, une chance à courir et ne saurait constituer un droit, à plus forte raison un privilège pour les protections gouvernementales.

L'art même, sous peine de dégénérer, peut, mais ne doit pas être une source de profit. Comment la société pourrait-elle distinguer à l'avance l'être de génie du médiocre et du parasite ? Ne risquerait-elle pas le plus souvent de faire un marché de dupe, en encourageant des vocations incertaines quand elles sont sincères, intéressées quand elles sont hypocrites et mensongères ? On se plaint aujourd'hui de l'abus des concours et des prix littéraires qui n'avantagent pas toujours les plus méritants et dont les lauriers sont le bénéfice des relations et de l'intrigue au moins autant que la récompense du vrai talent. Qu'adviendrait-il si, avec tous les aléas de la politique, la distribution de cette manne officielle était confiée à quelque ministère des loisirs, voire au chef de cabinet d'un ministère d’Éducation nationale ? Ce serait un nouvel empiètement de la "République des camarades" avec ses abus si souvent dénoncés. L'Etat-Providence peut être considéré comme parfaitement incompétent pour deviner, prospecter et subventionner les vocations littéraires et artistiques. L'exemple au XVII° siècle du médiocre et plat Chapelain, distributeur des grâces et des pensions royales, sorte de sous-secrétaire d'Etat des beaux-arts in partibus ne prouve-t-il pas suffisamment le danger et l'injustice qu'il peut y avoir à confier à quelque Directeur des lettres la charge de juger les écrivains, de reconnaître les talents et de répartir les récompenses et les faveurs "du Prince" ?

Nul mieux que Sainte-Beuve, à propos précisément du drame de Chatterton, n'a souligné les périls d'une pareille revendication : "le danger est trop grand, écrivait-il en1864, en voulant favoriser le talent, de fomenter ou d'exciter du même coup la médiocrité ou la sottise. Prenez garde qu'elles ne s'élèvent par essaims, et que la nuée des moucherons et des frelons n'évince et n'étouffe encore une fois les abeilles. Et puis, pour parer au mal, il faudrait, à la tête de cet ordre de la société et dans les premiers rangs du pouvoir, je ne sais quel personnage de tact, de goût à la fois et de bonté, qui choisît, qui devinât, qui sût, qui fût comme s'il était du métier et qui n'en fût pas, qui aimât les belles choses pour elles-mêmes, qui discernât les talents, qui les protégeât sans leur rien demander en retour, ni flatterie, ni éloge, ni dépendance... un Mécène comme il ne s'en est jamais vu..."

Plus loin :

Vigny possède cette foi romantique dans l'apostolat social du poète. Les espérances de réforme sociale et d'émancipation intellectuelle, déçues dès le lendemain de 1830 par la monarchie très positive et matérialiste de Louis-Philippe, trouvèrent en Vigny un défenseur indigné, dont la grande voix de missionnaire, du fond de sa noble solitude, jette un cri d'alarme et fait entendre une véhémente protestation où il y a moins de colère que de pitié. Car ce dont au fond il s'agit, c'est de sauvegarder les élites, de sauver les droits de l'intelligence, écrasés par la seule discipline du nombre, étouffés par une civilisation sans idéal, toute aux jouissances matérielles ou aux rivalités sans grandeur. Vigny, comme Lamartine, ne croit pas au progrès fondé uniquement sur l'amélioration du bien-être et l'assouvissement de la bête humaine. Le mal qu'il dénonce n'est donc pas simplement une révolte passagère, une attitude romantique, mais il y voit le conflit éternel qui sépare le monde, soumis aux intérêts prosaïques, du penseur idéaliste et du philosophe désintéressé. Les peuples ont besoin de pain, mais aussi d'idées pour se conduire, d'idéal pour s'élever sur le plan vraiment humain. Le progrès n'est pas dans la mécanisation de l'existence, mais dans les consciences et dans les cœurs. L'économique n'est pas tout : la vie de l'esprit est un besoin, une jouissance, en même temps qu'une dignité. Qui pourrait nier l'actualité d'un si noble point de vue, dans une heure aussi tourmentée que la nôtre, où le poète, c'est-à-dire le penseur, est, comme le souhaitait injustement Platon, chassé de la chose publique en proie aux professionnels de la politique ? Le monde, ayant perdu la notion des valeurs spirituelles, semble reconnaître amèrement que les seuls perfectionnements dus aux applications pratiques de la science n'ont apporté aux hommes ni la bonté ni même le bonheur. Et voilà pourquoi la plainte si chimérique de Chatterton nous trouble pourtant et nous émeut. Entre les deux camps, celui des êtres grossiers, des habiles et des profiteurs, à qui vont le plus souvent les honneurs et l'argent, et celui des êtres délicats et fragiles qui vivent pour le rêve, pour la justice et pour l'amour, et que meurtrit ou brise la loi moderne d'airain, Vigny, avec tout l'élan d'une pitié attendrie et frémissante, a pris délibérément parti. Et son exhortation a gardé, à travers quelques outrances, de tels accents de sincérité et de grandeur que, nous aussi, ne pouvons pas, dans ce drame du suicide et de la mort, ne pas être pour les faibles contre les forts et ne pas préférer à l'égoïsme des puissants, à la dureté des bourreaux, le malheur pitoyable et fier des victimes et des vaincus.

(Henri Maugis, 1937)

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Sur l'éventuelle profession d'écrivain, AlmaSoror a déjà commis :

Profession : auteur

 

Et sur Alfred de Vigny :

Les poètes maudits

Loges d'antan

Le dédain sur la bouche

Deux portraits de Vigny

Le temps, l'ennui, la mort

Vigny aux temps électros

Fin d'un amour, rue de Bourgogne à Paris

Journal de bord

Le temps de Vigny : Chatterton

Mystique littéraire

 

Sur la littérature :

Littérateurs décadents du XIX°siècle vus par Romain Rolland

Calme du coeur. Les vents suspendus... L'air immobile (Jean-Christophe, de Romain Rolland)

Et enfin, le croiriez-vous ? L'abbé Prévost osait comparer....................................................

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lundi, 16 septembre 2013

Profession : auteur

« Dat veniam corvis, vexat censura columbas »
Juvénal

La censure pardonne aux corbeaux et tourmente les colombes

 

Le plus ancien écrivain du monde traça le premier une ligne d'écriture fictionnelle sur un support quelconque ; il se perd dans la nuit des temps.
Le premier auteur du monde apposa sa signature au bas de sa composition. Il s'agit peut-être de la prêtresse Enheduanna. Elle vivait dans l'empire mésopotamien d'Akkad, il y a quarante-quatre siècles.
Bâtisseurs anonymes de cathédrales littéraires, auteurs auréolés à jamais de la gloire qui entoure leur œuvre, tels furent les deux types d'écrivains qui nous précédèrent.

En ce début du deuxième millénaire, l'auteur, de façon paradoxale, emprunte deux voies qu'il subit plutôt qu'il ne les choisit. Il professionnalise son statut dans ses relations avec ses employeurs (grâce à une normalisation des types de contrats) et avec l'administration française (qui peaufine son statut social), en même temps qu'assailli par les vagues de fragilisation du droit d'auteur, il se dissout à la fois dans l'industrialisation de la production et dans la gratuité et l'anonymat qui ont émergé sur Internet.

L'étymologie d'auteur évoque l'autorité. L'auteur est le maître de son œuvre ; il répond d'elle, elle témoigne de lui. L'étymologie de profession signifie «déclaration publique », la profession est ce que l'on est publiquement, vis-à-vis de l’État.
L'écrivain peut être méconnu ; l'auteur est reconnu, au moins administrativement. De même qu'un médiateur social employé par la mairie est un agent officiel, tandis qu'un habitant du quartier jouant un grand rôle de cohésion par son charisme et sa présence attentive à chacun, n'est pas un professionnel, quand bien même il est plus efficace. Ce qui les distingue, c'est leur statut – et les droits et les devoirs qu'il impose.

Ce statut, qui l'a souhaité ? On peut dire qu'il est né de l'emprise administrative. Il n'existe pas de zones hors d'elle : dès lors, l'auteur attrapé dans les mailles du filet s'est engagé pour participer à la définition de son propre statut.
Face à la définition flottante de l'auteur, l'administration française a failli échapper à sa propre règle qui stipule qu'un devoir est corrélé par un droit. Ponctionné à la source, au même titre qu'un salarié, l'auteur tout d'abord a voulu faire cesser cette ponction - sans succès. Il a donc réclamé les droits qui y sont associés, comme pour toutes les autres professions.

Mais comment distinguer l'auteur amateur de l'auteur professionnel ?
Sur le plan contractuel, on n'observe aucune différence. Le contrat d'édition traite chaque auteur sur un plan professionnel : tout auteur publié à compte d'éditeur a franchi le pas de la professionnalité.
Sur le plan administratif, c'est la somme d'argent gagnée qui les départit. À partir d'une certaine somme annuelle (un peu moins de 8500 euros en 2013), l'auteur est perçu comme un professionnel. En deçà, il est assujetti certes à des cotisations, sans pour autant qu'elles lui ouvrent tous les droits personnels. Au-delà, il est supposé s'affilier à l'Agessa et dépend donc de la Sécurité sociale des auteurs et artistes. Le voilà professionnel, qu'il le veuille ou non. Dès lors, il peut cotiser à une retraite complémentaire, qui répond du doux nom de RAAP (Régime des Artistes et Auteurs Professionnels, financé en partie par le droit de prêt en bibliothèque, géré par la SOFIA).

Aux portes de la profession, l'auteur assujetti partage certains droits : s'il a gagné au moins 9000 euros de droits d'auteur au cours des trois dernières années, il bénéficie comme ses confrères d'une formation continue.
L'actualité brûlante de l'édification de notre statut risque de faire bouger les lignes de distinction entre l'auteur assujetti et l'auteur affilié, entre l'amateur et le professionnel.
En ce moment même, plusieurs dossiers retiennent l'attention. Parmi eux, évoquons la fusion administrative en cours, entre le régime des artistes et celui des auteurs. Soulignons aussi les négociations autour de la caisse de retraite : parce qu'un prélèvement à la source qui n'aboutit pas à une ouverture de droits s'apparenterait à du racket, les auteurs ont mené un combat pour que la cotisation vieillesse soit universelle, et pas seulement réservée aux auteurs affiliés.

Sur le plan social, cette professionnalisation constitue un progrès. L'auteur n'erre plus dans les zones de non-droit tel un vagabond administratif, un extra-terrestre juridique, un déshérité de la redistribution.
Doit-on louer le progrès en tant que tel, sans songer aux prolongements lointains qu'il implique ?
Si l'auteur est un professionnel, ne va-t-on pas exiger de lui un travail professionnel ? Ce professionnalisme mesurable irait à l'encontre de la vue traditionnelle que nous avons des créateurs de l'esprit.

L'écriture « industrielle » – celle qui propose des produits littéraires ou audiovisuels de consommation massive – nécessite le recours à d'habiles artisans du récit, malléables par le commanditaire. Style et inspiration personnelle n'ont d'intérêt que s'ils servent le produit final - et ne constituent pas une valeur en soi.
Quelle que soit la valeur littéraire de l’œuvre qu'il édifie ou à laquelle il contribue, l'auteur interchangeable, qui écrit sur commande selon des canons qu'il ne maîtrise pas, qui élabore les corrections qu'on lui demande sans pouvoir y redire, perd l'autorité sur son écrit. Son droit moral prend une teinte vaguement surannée...
Les scénaristes ne peuvent l'ignorer, qui voient désormais les producteurs et directeurs d'écriture inscrire leur nom conjointement avec celui de l'auteur. Il n'est pas étonnant que ces derniers désirent une part des droits d'auteur et de la gloire liés à cette œuvre qu'il commanditent, supervisent, corrigent, ajustent, et dont ils subiront, solidairement avec les auteurs réels, les éventuelles conséquences juridiques.

Veillez avec vigilance, vigiles de l'esprit, car tout atteint à notre liberté d'auteur. Nos misères au fond de nos chambres de bonnes sans fenêtres entravent sa réalisation ; nos richesses dans nos villas autour du parc Montsouris étouffent l'énergie qui la nourrissait. L'absence de normes nous laissait sans défense ; les droits et les devoirs liés à la professionnalisation quadrillent notre liberté. Tout se ligue pour asservir l'esprit humain et affadir ou empêcher sa libre expression.

Souvenons-nous aussi que cette liberté de créateur que nous croyons pouvoir étreindre, ne fut jamais qu'un rêve. La censure morale, le pouvoir du mécène (privé ou public), le goût du public, le privilège d'exercice (aucun musicien extérieur à la famille Bach n'avait le droit d'être payé pour sa musique dans toute la ville) se sont toujours dressés entre l'auteur et l’œuvre qu'il rêvait d'accomplir. Entre le crève-la-faim et le bouffon du roi, l'auteur qui veut vivre de son clavier danse sur une corde au-dessus du vide.

Édith de Cornulier-Lucinière

 

dimanche, 31 mars 2013

J'ose le comparer

 abbé prévost, jardin des plantes


«Heureux sans doute l'écrivain qui plait ! Mais c'est lorsqu'il n'a point à rougir de la voie qu'il choisit pour plaire. Autrement, j'ose le comparer aux ministres des honteux plaisirs : ceux qui les emploient et qui aiment leurs services ne les regardent pas moins comme des infâmes.»

 

Abbé Prévost

 

dimanche, 28 décembre 2008

Enheduanna


« Moi aussi je veux célébrer à souhait la reine des batailles, la grande fille de Sin »

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phot Sara
 
 

Enheduanna est le plus ancien auteur littéraire dont nous connaissons le nom.
Vers 2300 avant notre ère, elle a utilisé la première personne du singulier dans ses oeuvres : une audace presque étrange pour l'époque.

Elle vécût à Akkad, Cité-Etat de Mésopotamie, au XXIVème siècle avant notre ère. L'Empire d'Akkad domina la Mésopotamie durant deux longs siècles.
C'est le père d'Enheduana, Sargon, qui lança la domination d'Akkad. Après lui Akkad prit la place de Sumer dans son rôle de phare de la civilisation en Mésopotamie.

« Altière souveraine, Inanna,
Experte à déclencher les guerres,
Tu dévastes la terre et conquiers les pays
Par tes flèches à longue portée
Ici-bas et là-haut, tu a rugi comme un fauve
Et frappé les populations ! »

Fille de Sargon, grand conquérant et roi d'Akkad, son père la nomme prêtresse, « épouse » du dieu Nanna (la Lune). Elle vit dans le temple de la ville sumérienne d'Ur.

« Puisqu'il n'a point baisé la terre devant moi,
Ni, de sa barbe, devant moi, balayé la poussière,
Je vais porter la main sur ce pays provocateur:
Je lui apprendrai à me craindre »

De l'épouse de la Lune une cinquantaine de compositions nous sont parvenues. Hymnes du temple, dont trois hymnes à la déesse sumérienne Innana, connue à Akkad sous le nom Ishtar, qui inspira la figure de l'héroïne biblique Esther. Ces écrits participent à justifier la prépondérance de son père Sargon.

« Aussi ai-je élevé un temple, où j'ai inauguré de grandes choses:
Je m'y suis érigé un tròne inébranlable!
J'y ai donné aux cinèdes poignard et épée,
Tambourin et tambour aux invertis,
J'y ai changé la personnalité des travestis! »

 

Nous finissons ce court hommage à cette première signature littéraire, ancêtre de tous les poètes de l’Écrit. C'est aussi un hommage à l'Irak, où elle vécut.

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Les extraits de cet hymne à la déesse Inanna, attribué à Enheduanna
sont une traduction de Jean Bottéro.