Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 04 novembre 2013

Des thèmes, quelques œuvres

 les âmes criminelles, étienne de greef, radiohead, how to disappear completeley, jean dezert, les dimanches de jean derert, jean de la ville de mirmonts, lain sainclair, london orbital, jane campion, un ange à ma table, pleure ô pays bien-aimé, alan paton, cnuced, léocadie lulla, corps diplomatique, india song, anne-marie stretter, marguerite Duras, calcutta

J'évoquerai, par ce frais matin de novembre, quelques thèmes littéraires ou cinématographiques : la diplomatie ; la ville, le crime et la folie ; et enfin la dissolution. J'invoquerai deux ou trois œuvres qui peignent, dessinent, filment ou chantent ces thèmes. Je donnerai à lire un fragment du docteur Étienne de Greef.
Sébastien Saint-Kevin

La diplomatie est le premier thème que je souhaite évoquer. Le film coloré India Song et la bande dessinée noire et blanche Corps diplomatique font de la diplomatie, française pour le premier, internationale pour le second, un décor de choix.

Le film et sa musique nous emportent au cœur de l'homme qui traverse la mort pour tirer sur des lépreux et crier son amour à une femme.
Cette femme, Anne-Marie Stretter, est un miroir vide dans le reflet duquel de grands hommes minces se noient avec langueur, jour après jour, sous la chaleur de Calcutta.

Mais à Genève, quelques décennies plus tard, Corps Diplomatique met en scène Léocadie Lulla, diplomate à la CNUCED. La neige, le lac Léman, une amie mannequin, un ami professeur d'histoire-géographie et, bien sûr, les méchants en costards, cravatés, riches et manipulateurs.

 

La ville, le crime et la folie hantent nos cœurs ravagés par la modernité du monde. Née dans les années 60, la vie bétonnée entrave la libre expérience de nos neurones, bloque la circulation sanguine, et, plus grave, installe le désespoir, ou du moins la désespérance, au creux de nos estomacs.

Oh mon désœuvrement ! Je t'ai noyé dans les pages des Âmes criminelles, que le médecin Étienne de Greef écrivit de sa belge plume acérée. Vous verrez au bas de ce billet ce qu'il dit de l'honnête homme, ce « je » fragile.

Mais ce n'est plus dans la Belgique gauloise, c'est dans la rouge Afrique du Sud qu'Alan Paton situe son roman de la ville corruptrice. Pleure Ô pays bien-aimé se passe à Johannesburg, la ville maudite où les bons pères de famille, noirs et blancs, contemplent ensemble le triste fruit de leurs haines.

Loin des rages de l'Afrique, loin de l'Europe détraquée, parmi les cocotiers et les arbres à pain qui bruissent au-dessus des lagons, dans les campagnes peuplées de moutons, dans les fermes où l'on dévore les romans d'amour importés du monde civilisé, dans les villes à l'architecture qui ne ressemble à nulle autre, Un ange à ma table, filmé par Jane Campion, évoque la rousseur des femmes, la blancheur des lobotomies, la noirceur des institutions. Sous l'impalpable lumière de la Nouvelle-Zélande, l'écriture est le chemin, la nudité et la vie.

C'est lui qui a, non le dernier mot, mais le cercle le plus parfait : Lain Sinclair a écrit London Orbital, le tracé d'une promenade périphérique, autour de Londres, ville du peuple de l'abîme et des financiers de la City. Supermarchés, hangars, rails, stations service, terrains vagues et zones squattées forment le décor informe et protéiforme d'une errance dans les paysages post-naturels. Quelques oiseaux attendent leur heure, postés sur des fils électriques.

 

Si la diplomatie est l'hypocrisie qui plane au-dessus de la ville hantée par le crime et la folie, il ne nous reste plus que la dissolution, dans l'amour, dans le vide ou dans la mort. La dissolution, comme ultime aspiration à la vie retrouvée.

Jean de La Ville de Mirmonts a conté la dissolution de l'employé dans sa vie quotidienne le long des pages du roman Les dimanches de Jean Dezert.

Monique Martin (alias Gabrielle Vincent) raconte au fusain la rencontre ultime, éternelle, qui met un point final à l'abandon dans Un jour, un chien.

Et l'homme du groupe de rock britannique Radiohead s'inspire d'un bouquin anarchiste américain pour flotter dans le vide sidéral : How to disappear compeletely and never be found ?

Paris, le 4 novembre 2013
Sébastien Saint-Kevin

 

Extrait des Âmes criminelles, d’Étienne de Greef :

"L'idée selon laquelle l'honnête homme est celui, qui, pouvant choisir de devenir criminel, choisit de rester honnête et selon laquelle le criminel est celui qui, devant la même alternative, choisit de devenir criminel est une de ces idées simplistes que l'expérience dément tous les jours. Nous ne sommes réellement libres que dans une zone restreinte qui varie d'un peuple à l'autre, d'une génération à l'autre, d'une région à l'autre. L'homme moralement parfait est une abstraction ; un honnête homme est un sujet qui se trouve constamment en équilibre instable ; il est toujours en train de perdre son honnêteté, il est toujours en train de la retrouver. L'existence de ces oscillations est normale ; l'homme perçoit son balancement vers l'acte répréhensible et s'il se juge sincèrement et objectivement il imagine en lui des propensions criminelles bien plus grandes qu'elles ne le sont réellement. Le juré s'imagine facilement à la place de l'accusé et le comprend assez pour éprouver le besoin de s'absoudre en l'acquittant ; ce n'est que dans le cas où il possède assez de sens moral pour s'être rendu compte de sa propre honnêteté qu'il peut conserver assez d'objectivité. Il y a aussi le juré qui se défend contre des tentations si puissantes qu'elles réclament de sa part une sorte d'acharnement dans la résistance ; aux prises avec Asmodée, le juré se défend dans un état de transe aveugle sous le signe du tremblement anxieux et condamne atrocement la faute à laquelle il ne peut accorder la moindre [11] marque de faveur sans s'exposer à un vertige mortel. Les fautes les plus réprouvées correspondent aux tendances les plus puissantes et les plus précairement refoulées. À l'exaltation avec laquelle un homme s'insurge contre un péché, vous mesurez l'étendue de ses difficultés ; il est le seul à ne pas savoir ce que tout le monde lit en lui. Même le cinéma américain connaît ce vieux thème ; c'est dire qu'il est éternel.

À vrai dire l'étude réelle du crime ne suscite guère de travaux. Beaucoup de gens s'en occupent, mais avec les idées du profane ; et si les livres relatant les causes célèbres sont les ouvrages de criminologie les plus vendus, c'est beaucoup moins par ce qu'ils apportent de nouveau au lecteur que par la fascination qu'exerce sur lui, cette image de son propre inconscient, qu'il reconnaît dans les autres, sans se reconnaître lui-même".

Étienne de Greef, les âmes criminelles - 1949

 

dimanche, 05 mai 2013

Lignes de fuite

SAM_3027.JPG


à Hanno, fraternellement, en souvenir de l'invécu

I Frontière

Nous allons faire la fête. Prenez ces verres qui se tordent de n'être pas bus au bord des tables penchées sur l'herbe. Laissez là vos manteaux et vos cravates, nous n'en aurons plus besoin de l'autre côté de la rivière, sur la butte où les pas ne laissent pas de trace.

Pluie et rayons du soleil dansent dans l'après-midi du parc et les vins tournés dégoulinent sur les nappes de papier.

Jazz, jazz, tu n'es pas mort, tu coules commercialement des hauts-parleurs et tu emportes le petit groupe vers son errance. Déni des livrets A et des clés de voiture, oubli de tout ce qui nous distingue en ville.

Avançons sur les chemins à moitié balisés sans écraser les fleurs printanières écloses hier.

Vous retournerez sur vos pas peut-être, ce soir ou demain quand nous en aurons fini avec la fête émerveillée. Moi, je crois que je ne reviendrai pas. Je chercherai plus loin sur la rive une maison sous un ciel qui promet la vue des étoiles chaque soir de la vie.

Car désormais, chaque soir je veux voir, dans un ciel d'un noir pur, scintiller des étoiles.

  

II Vertige

Là-bas, caresses fondantes, délices au fond des baisers qui se fondent en ondulations nuageuses vers les sphères éreintées des étreintes trop puissantes. Ici, à genoux sur les prie-dieu, chapelets monocordes jusqu'au Salut par l'Esprit qui souffle où il veut.

Ne jugez pas, car toute voie qui peut être tracée n'est pas la voie. Si vous riez de ci ou de ça, vous êtes cuit.

 

III Infusion

Une vie qui serait un long dimanche après-midi ; le soleil coulerait en lampée de miel sur la partie sud des maisons. Les arbres frissonneraient au léger vent de l'Ouest. Et les vieilles chansons de la forêt, chantées là-bas par des dames vieilles, berceraient nos langueurs. Une guitare ? Peut-être. Mais surtout, la douceur vagabonde de l'oubli.

Edith

SAM_2645.JPG

vendredi, 24 août 2012

De l'humiliation

 

Green Hill, Beagles
Photo de la libération de Green Hill

Nous vivons sous le signe de l'humiliation.

La voiture de police qui passe pour écarter le peuple et laisser passer la personne « importante ».

L'humiliation que l'on éprouve vis à vis de tous ceux qui possèdent un peu plus (en aura, en argent...) que nous.

L'humiliation quotidienne au travail : celle de la posture de subordonné ; celle de la posture de patron aussi, quelquefois (le patron solitaire subit l'exclusion par les autres).

L'humiliation de ce que nous devenons par rapport à ce que nous désirions.

L'humiliation dans nos amitiés, où la compétition se dissimule derrière les apparences.

L'humiliation dans notre famille, dès notre naissance et malgré les stratégies d'entente et l'amour qui circule.

L'humiliation au cœur même de notre couple, dans notre lit, au milieu de la nuit.

Pire que tout cela... Les images visibles de l'humiliation ne doivent pas nous faire oublier que les pires humiliations sont insaisissables pour qui n'est pas dans le cœur de celui qui la subit.

Dans les professions subordonnées et domestiques (= de maison), on raconte de nombreuses histoires de méchantes bourgeoises méprisantes avec leurs femmes de ménage, de cruels patrons méprisants avec les subalternes. Ces histoires sont vraies, bien réelles.

Or, ce n'est pas l'arrogance de ces bourgeoises ni la méchanceté de ces patrons qui est critiquée par leurs victimes : car l'arrogance et la méchanceté sont également répandues dans toute la société. Qui se plaint de l'arrogance et de la méchanceté d'un clochard assis à côté de sa pisse, d'une pute harassée par l'abattage du jour ? On se laisse insulter par eux en passant tranquillement, sans se sentir humilié... On peut même recevoir les tombereaux de mépris qu'ils nous versent et soupirer : "pauvre bougre !" Parce qu'on méprise leur position.

Ce qui fait mal dans la méchanceté de la bourgeoise, du patron, ce n'est donc pas la mesure de cette méchanceté, qui ne nous dérange plus ou plus beaucoup dès lors que l'arrogance qui nous vise vient d'en bas. C'est le degré d'envie et d'admiration que nous éprouvons envers cette bourgeoise et ce patron.

On pourrait croire que c'est leur pouvoir, qui leur donne la capacité de nous humilier, un pouvoir arbitraire, un pouvoir inégal, un pouvoir illégitime. Mais qu'est-ce qu'un pouvoir dont personne d'autre ne voudrait ?

Il suffirait en ce monde que dix pour cent des gens cessent d'obéir aux puissants et cessent de désirer un plus haut statut social, pour que le pouvoir lié à la puissance extérieure et au statut social s'effondre comme un château de sable.

Mais ce pouvoir ne s'effondrera jamais parce qu'il n'est pas seulement ancré dans le cœur des méchantes bourgeoises et des méchants patrons. Il est ancré dans le cœur de tout homme.

Ce n'est donc pas le pouvoir des personnes haut-situées qui nous écrase. C'est notre désir d'être à leur place qui nous lacère.

Qui plus que l'ouvrier ou le paysan se réjouit de voir un fils de riche échouer dans son intégration sociale et prendre le même métier qu'eux ? Quelle jubilation étrange ! Preuve qu'il n'ont aucun respect pour leur métier, aucun respect pour leur statut, pour leur être même, ils n'ont que respect pour ce qui les méprise. Preuve, surtout, qu'ils jouissent de l'humiliation d'autrui avec délectation. Le seule et unique élément qui les rend conscient de l'horreur du mépris, c'est d’être dans la situation de le subir. Cela reflète ce triste fait que ce n'est pas leur conscience qui les fait haïr le mépris et l'humiliation, c'est leur ego.

La conscience ne demande que la liberté ; l'ego exige la flatterie. La conscience n'a besoin que de parité ; l'ego cherche la supériorité, et c'est seulement s'il ne parvient pas l'obtenir, qu'il se refuge dans un égalitarisme de revanche.

C'est l'incapacité de choisir la parité, dans les domaines de notre vie sociale comme dans ses recoins les plus intimes, qui nous détruit.

Le mépris de celui qui nous paraît plus bas se confond avec l'admiration de celui qui nous paraît plus haut : ces deux sentiments viennent de la même source. Il peut nous arriver de transformer notre mépris en condescendance, de transformer notre admiration en haine ; nous croyons ainsi échapper à l'humiliation qui nous crucifie. Mais ni la haine, ni la condescendance ne peuvent nous sauver. 

Pour vaincre l'humiliation, il faut dissoudre notre ego dans la conscience.

C'est cette humiliation que Bouddha voulut découvrir, qui le fascina, qu'il voulut expérimenter en sortant de son palais où il était le beau petit prince.

C'est cette humiliation que le Christ prit sur lui entièrement pour en décharger ses frères.

C'est cette humiliation qui nous blesse au quotidien : la vie amoureuse - ou l'absence de vie amoureuse -, sans l'humiliation qu'elle charrie, intrinsèque au couple ou issue du regard des autres, ferait beaucoup moins souffrir et ne nous inspirerait pas tant de chansons et de films languissants et répétitifs.

La dureté matérielle et financière serait allégée de la plus grande partie de son poids si elle n'était pas accompagnée de l'humiliation.

Les relations familiales, amicales perderaient beaucoup de leurs capacités de nous blesser sans le poids de l'humiliation qui les accompagne.

Le fait d'avoir ou non des enfants, et, lorsqu'ils sont nés, nos relations avec eux, leur parcours de vie, seraient cause de beaucoup moins de douleur si ces éléments n'avaient rien à voir avec l'humiliation.

Il n'y aurait pas de problème de statut social.

Si chacun de nous pouvait voir son prochain comme une étoile scintillante dans un ciel étoilé (hiérarchise-ton les étoiles ?) et se voir soi-même comme tel, le monde serait déchargé de la plus grande part de son malheur.

Nous souffririons simplement des vraies souffrances, et la principale souffrance du monde, qui se greffe à toutes les autres, l'humiliation, serait abolie.

Peut être alors que par un mouvement naturel, nos cœurs guéris n'éprouveraient plus le besoin de laver leurs douleurs dans la douleur d'autres corps. Nous deviendrions fraternels et libéraux envers les animaux, leur laissant leur place dans ce vaste monde.

 

Green Hill, air souffrance

Les héros en route vers la libération des chiens de labos.

 

 

mercredi, 28 octobre 2009

Il fallait. Sur un air de Radiohead

 angoulème place de hotel.jpgPhot. Hôtel d'Angoulême, par Sara

 

 

Il fallait. 

C'est la phrase que tu as dit lorsque nous l'avons découvert dans cet état. 

Et c'est la phrase qui accompagne mes insomnies, depuis. 

Il fallait.

Il fallait que la chanson Exit Music enveloppe tout l'immeuble cet après-midi là. 

Il fallait que tes mains soient gantées ; il fallait que mes épaules se recroquevillent de froid. 

Il fallait que la douche soit grise, il fallait que l'hiver soit dur, il fallait que le vent souffle trop vite sur nos vies. 

Il fallait que la voix de cet anglais décadent ait bercé nos amours et nos gestes, il fallait qu'elle accompagne aussi ce moment là. 

Et dans son appartement où tout traînait sens dessus dessous, la fin de la chanson nous parlait trop durement. 

Mais je l'aimais, et j'espérais qu'elle nous avait aimés. 
 

Edith de CL

jeudi, 22 octobre 2009

Réponse à Katharina

 

 

Roll1_édith+Mathilde-28.jpg

 

 

Katharina chérie, c’est parce que ça fait quelques semaines que les effets de mes soirs d’exil intérieur de ces longs derniers mois se font sentir : j’écoute Exit Music (Radiohead), Into my arms et Weeping song (Nick Cave & the Bad Seeds), et je danse. Alors que la journée, en général, j’ai écouté les disques de l’année liturgique en chant grégorien, enregistrés par la schola Bellarmina de l’abbé Lorber. 
 

Au début, je ne sentais pas les effets. Peu à peu, j’ai compris que mon inconscient libérait des blocs de béton qui étaient enfermés là depuis trop longtemps. Ils ont coulé et sont redevenus sable et se sont écoulés partout, notamment sur ce blog que je te remercie de suivre assidûment. 
 

Et il y a eu ce pouilly fumé lors des déjeuners de la SGDL, à l’hôtel de Massa. Et il y a eu ces souvenirs réémergés au cours d’une danse avec quatre inconnus dans au fond d’un hôtel du quartier Saint Roch, à Paris. Et tout cela fait exploser les barrières dont j’ignorais l’existence, et toi même j’aurais tellement de choses à te dire. Mais ce sera quand tu reviendras. Depuis quand ne nous sommes-nous pas serrées dans les bras ? Tu m’as soutenue, défendue, aidée et aimée dans un moment où j’avais justement besoin de cela, et je ne l’oublierai jamais.
Pour toi Katharina, mille baisers de cette nuit parisienne qui commence et que je vais peut-être passer à Insomniapolis.
Merci et tendrement,

édith