vendredi, 31 août 2012
Un monde parfait
Les murs des villes nous dévoilent un monde parfait, un monde sans misère en Afrique et sans rides sur les visages européens, où la solidarité, la diversité et le grand métissage éliminent à tout jamais l'intolérance et l'individualisme. Un monde où les gens arrêtent de fumer et où ils marchent une demi-heure par jour, un monde où les cinq portions quotidiennes de légumes sains emplissent nos corps et où la vache qui rêve dans les champs sourit à l'idée d'être bientôt mangée par un bon citoyen.
Dans ce monde merveilleux qui nous domine, ce monde des affiches publicitaires, sanitaires et associatives, reste-t-il une place pour ton coeur ? Oui, bien sûr, à condition qu'il soit conforme.
C'est ce monde que je te dévoile, via ces affiches que j'ai vues et prises en photo au moyen de mon téléphone androïde HTC.
Pour voir ces images en grande taille, clique ci-dessous et tu rajeuniras :
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samedi, 04 juin 2011
2011, rue de la Propagande (Par D.N. Steene le viking)
Tous les jours, Miles-Thierry s'arrêtait rue de la Propagande, au 2011, pour voir ce qu'on proposait à son cerveau.
Il savait qu'il lui fallait se rééduquer chaque matin, pour effacer la trace des rêves.
Il savait qu'il lui fallait chaque matin nettoyer ses idées, expurger son vocabulaire des mots venus dans la nuit, mots venus des livres lus dans la chambre solitaire, mots venus d'une enfance que le temps n'avait pas vaincu.
Il savait qu'il lui fallait chaque matin oublier sa volonté de puissance et ses désirs de liberté pour enfiler l'habit du monde, l'habit qui donne l'air qu'il faut sans en avoir l'air et qui ne laisse transparaître aucune sueur divine, aucune sueur animale, aucune sueur qui ne remplisse pas la condition d'humanité citoyenne.
Il sentait que vivre ainsi à contretemps, la peau dans ses rêves nocturnes, les phrases du jour passées au crible de l'air du temps, minait ses fondations pirates. Car son esprit s'était déployé aux lectures de romans maritimes et le quadrillage urbain ne ressemblait pas aux mers chaudes des aventures romanesques.
Est-ce que le réel morne avait gagné ? Est-ce que le rêve était à jamais confiné aux espaces nocturnes ? Est-ce que la liberté mentale n'existerait jamais qu'à Insomniapolis ?
C'était la question que l'enfant pirate, devenu l'homme sans qualité, se posait l'esprit à cheval entre deux morves d'azur perdues au ciel du jour sans fin de la vie sociétale. C'était la question que l'homme sans qualité se posait, un enfant pirate assis au creux des souvenirs.
Dans la ville les pancartes appelaient les soldats citoyens à marcher en zigzag et à penser au pas.
On aurait pu croire qu'un jour, une femme viendrait nous sauver.
On aurait pu croire qu'elle s'appelerait "Elle" et qu'elle aurait un coeur, un esprit, un corps pour marcher à côté de soi.
On aurait pu croire qu'au carrefour des folies une sihouette inconnue se pourrait transformer en autrui consentant, en libre-arbitre amoureux, en main tendue.
On aurait pu croire qu'au milieu du grand nulle-part de la ville placardée, pas loin du 2011, rue de la Propagande, une idylle sans fard et sans mièvreries naîtrait du hasard et d'une rencontre.
On aurait pu croire toutes ces choses là.
Mais les affiches narguaient le pirate mort-vivant.
"Lipomodelage, lipomodelage, lipomodelage", disaient-elles de leurs voix publicitaires.
Il n'y avait plus de femmes libres. Il n'y avait plus que des femmes épilées, rouge-à-lèvrées, talonnées, lipomodelées, qui se rendaient en souriant gravement aux votations citoyennes.
Et les pirates étaient loin, très loin dans la nuit du monde.
Et les livres mentaient, qui parlaient des mers chaudes et des amitiés de croisière.
Et l'homme sans qualité enterrait l'enfant pirate avant d'aller boire un tout petit peu de bière. Car l'abus d'alcool nuit à la santé ! Il faut consommer avec modération.
David Nathanaël Steene
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dimanche, 20 décembre 2009
Violence
"Nous sommes tous au bord de la tombe et l'aventure nous tend les bras".
(photo vendéenne)
Il y a quelques années, à Bruxelles, en Belgique, j'ai passé quelques jours et une immense publicité recouvrait la façade d'un immeuble en réparation. C'était une publicité pour l'entreprise de ravalement, et elle montrait un visage extrêmement ridé, pétri de vieillesse. L'objet de la publicité était donc qu'on allait ravaler un immeuble trop vieux pour lui donner une nouvelle jeunesse.
Je marchais, sonnée, choquée par un tel message. Je regardais autour de moi les autres êtres humains marcher dans la ville. Nous étions tous de petits êtres minuscules dominés par une immense image qui nous surplombait et qui était d'une grande violence pour les vieux.
J'étais jeune et je le suis toujours - pas une ride. À l'époque je n'avais pas réussi à parler sur cette image et l'atroce publicité sur le ravalement qui l'accompagnait, qui en anéantissait la beauté ; ce qui m'assommait le plus était que nous la voyions tous, tous les jours, à cet endroit fréquenté de la ville, et que, quoi que nous en pensions, il n'y avait rien à faire, rien d'autre que d'écrire une petite lettre de protestation à une grande entreprise de ravalement.
Nous étions tous dominés par une violence faite à ces beaux visages de nos aînés, qui ressemblent à des couchers du soleil. Il ne faut pas ravaler, ni nos larmes, ni nos maisons, ni surtout nos visages. Nos visages sont le témoignage fragile de notre existence présente. Ils passeront vite, et aucun ravalement ne les maintiendra en vie.
Le ravalement de la peau, c'est la mort de l'âme. La teinture des cheveux, c'est la corruption des crinières.
La publicité, c'est le péché contre l'esprit.
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dimanche, 23 novembre 2008
Epiphanie d'Esther Mar
« Ce qui fait la noblesse d’une chose, c’est son éternité ».
Leonard de Vinci
Ma vie ne ressemble pas aux grandes affiches de publicité qui dominent la rue et le métropolitain.
Je ne croque pas la vie à pleines dents, ni ne consomme, ni ne suis consommée.
Je regarde les photos de ma prime jeunesse : un visage adulte regarde un visage nubile.
Je sais que je n’étais pas heureuse, pourtant je regrette cette jeunesse.
Chaque pas est un pas vers la mort. Chaque souffle, en créant la vie, appelle la mort.
Comment accepter cette inexorable fuite en avant du temps, qui marque ma personne physique et morale ?
I'm trying to tell you something about my life
Maybe give me insight between black and white
The best thing you've ever done for me
Is to help me take my life less seriously, it's only life after all
Choisir l’intemporel.
Puisque tout passe, puisque rien ne me remplit, puisque l’angoisse ne sera jamais vaincue que par la force intérieure, puisque l’amour est incertain comme le temps, puisque le temps change dans l’espace, puisque l’espace m’est inaccessible…
Puisque je vais mourir un jour, peut être sans douleur, peut être dans la souffrance, puisque je vieillis jour après jour malgré ma soif d’enfance, puisque je m’affaisse malgré mes faims vitales, puisque mon corps n’est qu’un corps, puisque dans la nuit, quelque fois, je ne crois plus à l’âme… Je choisis l’intemporel.
Well darkness has a hunger that's insatiable
And lightness has a call that's hard to hear
I wrap my fear around me like a blanket
I sailed my ship of safety till I sank it, I'm crawling on your shore.
Les commandements de la vie intemporelle
1 J’accepte que la nouvelle jeunesse me pousse de l’autre côté de l’âge et prenne ma place
2 Tous les jours j’accomplis des choses essentielles qui m’auraient paru autant essentiels si j’avais vécu dans un autre lieu il y a plusieurs siècles et qui me paraîtraient essentiels si je vivais dans un autre lieu dans plusieurs siècles
3 Chaque jour, je touche à la haute culture (par exemple, je lis le Voyage de Baudelaire, ou une tirade d’Andromaque, de Racine), à la nature (je m’occupe d’une plante, admire une étoile…), à l’animalité (j’offre à manger à une bête, j’observe fraternellement un animal…) et à la spiritualité (je prie ou je laisse mon cœur ouvert à tout ce qui le dépasse et qui lui survivra)…
4 Je sais que mon existence a autant de valeur que le plus riche et admiré des êtres de cette terre et que le plus misérable et laid des êtres de cette terre
5 Je ferme les yeux, souffle loin du monde immédiat et fais se rencontrer mon cœur, mon corps et mon esprit. Je les vide. Je laisse alors la vie les remplir ou ne pas les remplir.
6 Je pose un acte qui fasse que ma vie aura été quelque chose de bien pour quelqu’un. J’allume un ou plusieurs cœurs. Je m’oublie pour réchauffer la vie d’un autre. Un sourire ? Un regard ? Une gentillesse ? Quelque chose qui fasse que ma vie aura créé de bonnes sensations.
En suivant ces commandements je sais que je toucherai chaque jour à l’essentiel. Je ne laisserai pas trop de temps passer sur mon ego, ma vulgarité et mes petitesses.
I stopped by the bar at 3 a.m.
To seek solace in a bottle or possibly a friend
I woke up with a headache like my head against a board
Twice as cloudy as I'd been the night before
I went in seeking clarity.
L’intemporel seul est éternel. Les modes et les pensées passent. Que reste-t-il à travers les siècles ? L’intemporel. Alors pourquoi se noyer dans le temporel ?
- Parle-moi, Rainer Maria Rilke, comme tu parlais à Franz Kappus.
- L’avenir est fixe, cher monsieur Kappus, mais c’est nous qui nous déplaçons dans l’espace infini.
- Merci.
Je choisis l’intemporel. C’est ma façon de toucher l’éternité.
Et des extraits de Closer to Fine, une chanson des Indigo Girls
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