dimanche, 27 septembre 2009
Celle qui ne m'a jamais aimée
On dit que j’aime les femmes, ce qui est faux. J’aime les hommes.
J’ai aimé John. Bien que je l’ai trahi plusieurs fois.
J’ai aimé Bob. Bien que je lui ai fait de grosses crasses.
J’ai aimé Stan. Bien que je l’ai toujours traité comme une merde.
J’ai aimé Andreï, le petit flic sans peur et sans reproche, bien qu’il m’ait prise pour une maman, ce pauvre gosse, et que je lui ai fait sentir bien salement que si les mères sont des grosses putes qui vous soutirent tout votre bien dans votre dos, alors oui, j’en suis une bonne.
J’ai aimé Nicodème, malgré son odeur pestilente de flic et sa gueule de haut fonctionnaire méprisant. Si je lui ai fait arracher un bout de crâne par un pote véreux, c’était pour son bien. D’ailleurs, il a beaucoup plus de succès depuis, professionnellement et affectivement.
J’ai aimé Mahalaoui, le pauvre gars qui traînait lamentablement dans les bas fonds d’une ville perdue loin derrière Saint-Jean en Ville.
Je n’ai jamais aimé Lilas. Je n’ai jamais aimé Yeux Noirs. Je n’ai jamais aimé Grisélidis. Je n’ai jamais aimé Galswinthe. Je n’ai jamais aimé Solveig. La seule que j’ai peut-être aimé, dans le fond de mon cœur – si ce muscle brasse réellement autre chose que le sang, pétrole du corps -, c’est … Fifi Exaltacion. Mais c’est elle qui ne m’aimait pas.
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vendredi, 07 août 2009
J'arrive où je suis étranger
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
O mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut-il d'années-secondes
A l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger
Louis Aragon
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