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mardi, 13 janvier 2015

Rypdal sur fond de vents coulis

Terje Rypdal, c'est ta musique qui peuple l'appartement de la ville maritime encore aujourd'hui, sous le ciel blanc, alors que des vents coulis s'engouffrent entre les murs du béton des années 1950. Un livre interrompu somnole sur une table depuis plusieurs semaines, écorné : l'histoire de l'Irlande et des Irlandais, par Pierre Joannon. Une ampoule cassée n'est toujours pas jetée. Des stores rouges attendent d'être installés le long des trois fenêtres. Plusieurs images défilent dans ma mémoire. Des vacances à quelques dizaines de kilomètres de Marseille, à vingt ans, dans la très belle propriété de la famille d'une lycéenne du lycée Montaigne nommée Raphaëlle. Le Larcomar de Lima, noyé dans la brume, et les péruviens qui sirotent leurs cocktails entre deux achats face à la mer triste et grise, l'hiver, au mois d'août. Un petit hameau de Bretagne et sa vieille maison de pierres où l'on se gèle en buvant du cidre blindé de pesticides. Des lectures en anglais et en espagnol, à l'époque où les langues étrangères osaient passer par ma bouche. Des exercices de grammaire nahuatl et des textes de Nemesio Zuñiga Cazorla appris par cœur. Il faut bien que jeunesse se passe. Peu à peu, l'apprentissage de la normalité érode les formes de la personnalité. Il faut bien que jeunesse se lasse. Je contemple une chapka qui n'a jamais connu les neiges de la Finlande. Il paraît qu'il ne faut jamais citer une phrase sans l'avoir lue dans son contexte. Cela paraît intelligent, évidemment. La recherche du contexte perdu, c'est le fil d'une pensée à rétablir entre deux ondes d'émotions agrémentées de mille milliards de citations. Rimbaud effrayé par une jeune fille se décrivait « effaré comme trente-six millions de caniches nouveaux-nés », mais je n'ai pas lu la lettre complète. Dans ce contexte exactement, celui qui vous a amené sur ce billet de blog almasororien, je confirme être avide de calme comme trois hippopotames allongés au soleil au bord d'une eau gabonaise. Mais, pour l'heure, les heures passent, peu à peu des pans entiers de ce jour s'effacent, loin de Paris je cherche un sens unidirectionnel à ma vie démantelée en écoutant la musique de Terje Rypdal.

 

Le musicien Terje Rypdal sur AlmaSoror :

Il est mentionné dans La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T

Il est mentionné dans La trace de l'archange

Il est mentionné dans Musiques de notre monde

 

La langue nahuatl sur AlmaSoror :

In Tlicuilitl, poème nahuatl

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Mélange de paternités

Dans l'avenue desbordes-valmore

La liberté mentale en Europe

jeudi, 29 juillet 2010

Lettre à Erika Noulste

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L'étang, par Sara

(un billet d'Edith)

 

Cela fait quatre mois qu'Erika Noulste a entamé son périple en moto à travers l'Amérique du Sud. On ne sait où lui écrire ; elle ne répond pas aux mails. Son téléphone a été oublié quelque part. AlmaSoror sera donc le lieu de ce que nous voulons lui dire. Merci à nos lecteurs de supporter cette intrusion personnelle dans une zone franche. Mais les lieux virtuels sont des refuges agréables et mystérieux.

Erika, voici donc la lettre que je t'écris :

 

Ma chère Erika,

 

Ton amitié ne m’a jamais fait défaut. Tes yeux, je les ai en mémoire à l’intérieur de moi et puis ainsi me noyer dans ton regard quand la vie alentour ne me convient plus. Le monde est devenu plus libre et ses visions plus belles depuis que je te connais. Je t’écris cette lettre depuis Paris en sachant que tu te balades au Pérou à travers les lieux que je t’ai mentionnés. J’imagine que tu aimes ce grand pays qui conserve des écrins de nature vierge, ce grand pays traversé par les étonnantes Andes. J’écris beaucoup ces jours-ci, une inspiration me vient le matin, quelques temps après l’éveil, m’amène devant l’ordinateur et m’y garde plusieurs heures. Je ne relis pas comme d’habitude, et verrai dans deux ou trois semaines, au temps de la relecture, si l’inspiration était intéressante ou médiocre. Les heures d’écriture en tout cas sont riches en sensations inconnues et heureuses de contemplation. L’impression d’être ultrapassive quand en fait mes doigts pianotent plus que de raison. Sans drogues, on peut partir très loin, juste en laissant le cerveau glisser comme le bateau ivre d’Arthur Rimbaud sur les mers imaginaires qu’aucun Etat ne peut coloniser.

Mais parlons un peu de toi, de toi qui devais rencontrer enfin la belle Katharina et qui ne m’en a encore rien dit. Tu es restée vingt-quatre jours en Argentine, tu n’as pas pu ne pas la voir ! Je t’en avais parlé tant de fois. Et je me demande le soir en rêvassant à la fenêtre du 13, boulevard du Montparnasse, si vous vous êtes vues, si vous vous êtes aimées et si vous avez senti qu’une amitié était possible. J’avance lentement, l’après-midi, dans mes lectures préliminaires à la grande histoire du cinéma et des arts euro-américains des années 2030 à 2050 ; pour l’instant je n’essaie pas de concevoir un plan à ce travail, simplement je lis, sans même prendre des notes, pour m’imprégner de cette période et tenter de la considérer avec un regard neuf, délivré des idées anciennes et communes. Je revois les œuvres tant aimées, j’ai pleuré à nouveau devant les belles images de Dying Cinema, du fantastique Jürgen Chêne. Et je me suis répété que cela valait le coup de consacrer sa vie, son temps, son énergie au service de la louange et de la diffusion de ce cinéma ahurissant que nous avons vu renaître et que nous voyons hélas décliner sans rien y pouvoir faire.

 

Je te laisse, ma chère Erika, je vais retourner à ma vigne qui grandit au rythme langoureux des plantes sur la terrasse, elle a besoin d’eau et d’un tuteur plus costaud. Donne-moi de tes nouvelles, raconte-moi quand tu reviens et ce que tu fais et ne t’en fais pas pour tes affaires d’ici, dont je m’occupe avec Max et Axel et qui t’attendent sagement.

 

Ta sœur dilective,

 

Edith de Cornulier-Lucinière et d’AlmaSoror