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samedi, 27 avril 2013

Nimbée de rhum

 Edith Lucinière, Cornulier-Lucinière, rhum, amour impossible, amour platonique, chansons

T'ai-je jamais aimé ? Tu m'intriguais. Tu passais, de loin, sur l'espace vide des lieux communs. Ton visage s'affinait sous mon regard nimbé de rhum et tu chantais. Je n'entendais ni l'air, ni les mots ; je fredonnais pour t'imiter, pour que tu tendes ton sourire vers moi. Mes mains te cherchaient dans le vide.

Et le temps a passé. Des immeubles furent érigés au lieu de nos promenades. La fontaine a été emportée par les employés municipaux. L'image que j'ai gardée de toi flotte comme un rêve autour de moi, dans les après-midi de printemps, quand les rues de la ville, peuplée d'une foule bigarrée et joyeuse, me voient marcher seule. À travers les chagrins du passé et les traces du présent, je déambule en me remémorant ta démarche, mon admiration, nos rencontres insatisfaites.

M'as-tu jamais remarquée ? Tu m'intriguais. Je restais, au loin, sous la ligne bleue des Vosges imaginaires. J'apprenais à aimer la chimère qu'on n'étreint pas ; j'édifiais mon amour avec des lettres de transparence. Peut-être qu'au fond je saisissais que dans cette inconscience du temps perdu, je vivais mes meilleurs moments.

Et le temps a recouvert cette histoire qui n'a pas été vécue. Je me demande quelquefois si j'ai vécu. Alors j'évoque ton visage et mon cœur bat encore.

 

Edith de C-Lucinière, 21 avril 2013, vers 19h50

Edith Lucinière, Cornulier-Lucinière, rhum, amour impossible, amour platonique, chansons

 photos de Mavra NV

mercredi, 10 avril 2013

Estelle au mois d'avril

Estelle au mois d'avril, Edith de Cornulier-Lucinière

1

Avril, 2077. La lumière de la journée, belle et étrange, emplit la pièce d’un rêve langoureux. Estelle Claris, tranquillement assise à sa table, se laisse glisser dans un océan de visions bleues comme les vagues qui roulent en bas de l’hôtel, sur la plage de sable blanc. A quarante-huit ans, elle songe aux années de jeunesse qui lui restent à vivre, dans une insouciance aventureuse… Elle se demande si lorsque vers soixante ans, quand l’âge d’avoir des enfants et une activité d’auto-définition sonnera, elle aura l’indépendance d’esprit de poursuivre sa course à l’instance, ou si, comme ses aînés, elle ensevelira ses rêves dans une mise en couple raisonnable, doublée d’une activité d’auto-définition bien définie. 

 

Les vingt premières années de son enfance, Estelle les a vécues dans la plus haute capitale du monde, à La Paz. Lorsque ses pères se sont séparés, dans un fracas de larmes et de disputes, sa vie s’est scindée en deux, et elle a quitté La Paz pour toujours. Désormais partagée entre Lhassa, ou son père normatif Francis s’était réfugié, pour demeurer dans une atmosphère de montagnes qui correspondait au cheminement naturel de son karma, et Moscou, ou son  père nourricier Sylvain s’était installé avec son nouvel amant Sergueï, Estelle avait appris à oublier la douleur d’un paradis perdu dans le rêve. A trente ans, elle s’était engouffrée dans une adolescence de type B1, et on l’avait envoyé dans une école privée à Vienne, les écoles de l’ONU pour adolescents de classe B et C ayant à l’époque très mauvaise réputation. Elle y avait terminé sa scolarité à l’âge conseillé, et à quarante ans, son certificat d’émotionalité régulée en poche, elle avait décidé avec trois amis de claquer toutes ses allocations de jeunesse à parcourir le monde. Ses pères ne tentèrent pas de l’en empêcher. Conscients d’avoir frôlé la ligne du viol moral au moment de leur séparation, aucun des deux ne voulait entamer le psychisme de leur fille en détournant son projet personnel, même si un tel dévergondage citoyen les effrayait. Francis, de Lhassa, et Sylvain, de Moscou, l’avaient donc soutenue dans ses voyages, et Estelle avait parcouru la planète et le ciel Ouest quelques années. Elle était partie accompagnée de Karim, Inti et Tristana, mais au cours de leur exploration du monde le quatuor s’était  séparé. Karim avait eu une crise d’angoisse sur le satellite artificiel Race, et n’avait pas voulu sortir de l’hôpital même après l’autorisation du centre d’éthique de Race. Estelle, Inti et Tristana s’étaient donc résignés à laisser leur ami. Ils avaient continué leur aventure ciel Ouestiènne, pour rejoindre la planète en Inde. A Bombay, Inti était tombé amoureux d’une adolescente de trente-deux ans. Ils avaient eu une liaison, et Inti avait été interné en hôpital religio-psychiatrique. Estelle avait voulu l’attendre quand Tristana insistait pour continuer le périple, considérant qu’Inti ne méritait plus ni le titre de citoyen, ni son amitié. Estelle était alors restée à Bombay, mais Inti n’obtenait pas le droit de sortir. Lorsqu’on le transféra au centre de déracisme, sa liaison ayant été analysé comme une façon de mépriser l’ethnie de l’adolescente, il avait même été interdit de visite. Estelle s’était alors résolue à reprendre la route seule. Et c’est à partir de ce moment qu’elle avait entamé sa quête de l’instance.

 

 

 

Aujourd’hui, il est difficile pour Estelle de ne pas ressentir de tristesse en se remémorant ces années post-écolières. Elle n’a plus jamais eu de nouvelles de Tristana, mais Karim et Inti sont tous deux parvenus à se créer un cadre cohérent, pour une vie douce et libre. Pourtant, les relations sont difficiles entre tous les trois. Sans doute, les expériences hospitalières des deux jeunes hommes les ont marqués plus qu’Estelle ne peut le comprendre, érigeant une fumée de silence et d’insécurité entre eux. Estelle, elle, n’a pas eu à affronter ses manquements et ses errances : sa capacité à fuir dans le rêve et à voiler le rêve sous un regard bleu et vide, sous un sourire frais et ouvert, lui ont évité les désagréments de la rééducation. Elle le sait, et elle s’en félicite. La lumière du jour continue à bercer ses songes ; le roulement des vagues monte à sa fenêtre et la peau d’Estelle se tend, énervée par le désir d’eau. Elle se lève et appuie sur le programme café-matin de la machine de consommation boissonale. Un café tombe, bien chaud, bien serré, bien odorant. Estelle le savoure en fumant une cigarette de respiration mer salée. Debout à la fenêtre, elle contemple les vagues, dans un étrange sentiment mélangé de douceur et de solitude.

 

Le rivage et ses arbres sont beaux dans le matin. Estelle descend les escaliers, sa planche de surf sous le bras. Elle croise le gérant de l’hôtel.

 

-        Encore du surf, Humain Claris ?

 

-        Heu… Oui, je vais surfer un peu. A tout à l’heure, Humain Dupont.

 

Estelle a un soupir un peu agacé. Un A3, celui-là, se dit-elle avec un petit sourire. Elle déteste les A3. Elle s’en veut un petit peu de ce racisme affectif, mais sa solitude l’a habituée à penser franchement, et elle ne parvient plus ni à refouler, ni à exorciser ce sentiment de mépris et de rage contre les A3. Sur la plage, un vent tiède lui caresse le visage et les cheveux. Elle tourne le dos à l’hôtel Dupont, se déshabille, et marche, de son étrange démarche de pouliche, vers les vagues.

 

 

 

Estelle surfe. Elle rame, se lève, glisse, glisse, glisse, s’effondre dans un jaillissement d’écume quand la vague meurt, et rame à nouveau, se lève, glisse, glisse, glisse… Si, un jour, ses pensées sont découvertes, ou si ces salauds de pays très alignés font passer leur loi à l’ONU, sur l’activité d’auto-définition forcée, alors elle sait ce qu’elle fera. Un matin comme les autres, elle ira surfer comme d’habitude, et s’engouffrera dans un rouleau d’eau pour ne plus remonter vivante. Pour l’instant, Estelle surfe, elle oublie ses soucis, elle oublie les pays très alignés et elle oublie les humains A3. Elle rit, les pieds sur la vague et les cheveux dans le ciel, et les rêves d’avenir naissent à l’horizon, dans le soleil ovale.

 

Trois heures de surf. La biomontre d’Estelle vient de clignoter, pour la troisième fois depuis qu’elle est entrée dans l’eau. Il est temps de rentrer. Estelle, allongée sur sa planche, les yeux clos, se laisse bercer par les vagues jusqu’au bord.

 

Le sable tiède l’accueille agréablement. Estelle ouvre les yeux ; devant l’hôtel Dupont, trois camions de Solidarité stationnent. Des solidaires en uniforme attendent au seuil du bar de l’hôtel. Estelle se lève et plisse ses yeux pleins de sel. Un léger sentiment de malaise s’empare d’elle. Les solidaires regardent tous dans sa direction. Elle enlève le sable de sa planche et regarde à nouveau vers l’hôtel. C’est bien elle qu’on observe. Debout au milieu des solidaires, les bras croisés, l’humain Dupont la regarde aussi, d’un œil de traître. Toute sa silhouette est fuyante. Voyant son crâne imperceptiblement baissé comme pour recevoir une caresse d’un éventuel veilleur du ciel, voyant ses jambes et ses bras, bien que fermes, animés d’une mollesse fourbe, Estelle devine…

 

Comment a-t-elle pu croire qu’on la laisserait claquer ses dernières allocations de jeunesse dans un lieu tranquille, à danser chaque jour, des heures durant, avec les vagues de la plus belle poubelle de la planète ?

 

Impossible de fuir. Les solidaires l’attendent sans impatience. Ils bloquent toutes les issues de la plage. Elle n’a plus qu’à les affronter ou à retourner à l’eau. Elle sait qu’ils attendront qu’elle en ressorte… S’engouffrer dans un rouleau d’eau pour ne plus remonter vivante… Mais, parmi les solidaires bleu-casqués, Estelle distingue des sauveteurs. On ne la laissera pas se suicider.

 

Elle ramasse sa planche et remonte lentement la plage ; le sable se dérobe sous ses pieds nus. Une immense peur l’agrippe.

 

Pourquoi apprend-on à l’école que la peur a disparu de l’ère terrestre au début du vingt et unième siècle ? Même les citoyens des pays en voie d’alignement ne la connaissent plus. La peur, la colère, et la perversité… Les trois ennemis que l’humanité a enfin terrassés. Pourtant, à chaque pas qui la rapproche de son comité d’accueil, n’est-ce pas la peur, qui accroche son ventre et cogne son cœur ?

 

 

 

2

 

-        Humain Claris.

 

-        Oui, Humain solidaire.

 

-        Vous avez votre biofiche de citoyenneté ?

 

Estelle tend son poignet.

 

- Désactivez votre montre, je vous prie.

 

Estelle porte la main à son oreille. Elle masse le lobe, jusqu’à ce que la biomontre s’endorme.

 

Le solidaire est bienveillant. Il sourit. Le timbre de sa voix, doux et équilibré, reflète une grande sincérité. Estelle essaie de ne pas trembler ; il est C1, elle en est certaine. Face à sa conscience citoyenne, sa profonde bienveillance, elle sait qu’elle est perdue : il va vouloir la sauver.

 

-        Vous tremblez, Humain.

 

-        J’ai froid.

 

-        Vous vous faites beaucoup souffrir en vous baignant ainsi ?

 

-        Non, Humain solidaire. J’aime surfer. Mais mes habits sont dans ma chambre, et j’aurais besoin de me couvrir.

 

-        On m’a dit que vous surfiez beaucoup.

 

Estelle cherche du regard. L’humain Dupont, à quelques mètres, fait semblant de regarder la mer.

 

-        Oui, Humain, je surfe beaucoup.

 

-        Cela vous fait du bien, n’est-ce pas ?

 

-        Oui.

 

-        Cela vous soulage ?

 

-        Euh… Non…

 

-        Cela ne vous soulage pas ?

 

-        Euh… C’est à dire, je n’ai pas besoin d’être soulagée.

 

-        Vous n’avez jamais besoin d’être soulagée ?

 

-        Euh… Si, bien sûr.

 

-        Faites vous régulièrement le point chez un conseiller en trajectoire de vie ?

 

-        Oui. Oui, de temps en temps.

 

-        Pas plus que ça ?

 

-        Si, quand même. Quand même assez souvent.

 

-        Vous éprouvez le besoin de le faire souvent ?

 

-        Non, enfin… Régulièrement. J’aime… J’aime les choses équilibrées… Les choses régulières…

 

-        Vous sentez que vous avez besoin d’équilibre ?

 

-        Non, enfin, pas spécialement. C’est à dire… Comme tout le monde… Je me sens comme tout le monde.

 

-        Vous savez que vous ne menez pas la même vie que tout le monde ?

 

-        Non. Si… Si, je sais.

 

-        Votre fiche ne porte pourtant pas la mention Originalité.

 

-        …

 

-        Vous recevez vos allocations jeunesse ?

 

-        Oui, Humain.

 

-        Et dans deux ans, quand cela s’arrêtera, que ferez-vous ?

 

-        Je… Je choisirai une activité d’auto définition.

 

-        Vous ne l’avez pas encore trouvée ?

 

-        Non. Je suis un peu attardée.

 

Merde ! Se dit-elle. Une phrase de trop. Sa fiche technique ne porte pas la mention Humour, et pourtant, ce petit humour sarcastique risque toujours de la perdre.

 

-   Vous pensez que vous êtes attardée ?

 

-   Je disais ça pour rire.

 

-   Mais vous n’avez pas ri.

 

-        Je… Enfin, intérieurement, j’ai souri.

 

-        Et vous n’avez pas pu l’extérioriser, ce sourire ?

 

-        …

 

-        Vous surfez six heures par jour, d’après ce que je sais.

 

-        A peu près.

 

-        A peu près ? Je crois que vous surfez six heures par jour. Vous souffrez peut-être d’une trop grande osmose avec les éléments naturels ?

 

-        Je ne crois pas.

 

-        Vous pensez pouvoir choisir votre activité d’auto définition en surfant ?

 

-        …

 

-        Dans quelques années, vous recevrez vos allocations d’adulte. Les emploierez-vous à surfer ? Ou à participer à la créativité humaine ?

 

-        La deuxième solution.

 

-        Vous vous en sentez capable ?

 

-        Oui.

 

-        Quelle autosatisfaction, Humain Claris. Vous êtes très différente du reste de l’humanité, alors. La plupart des gens se savent à la merci de leur part animale. Vous savez, je pense que vous devriez passer un peu de temps dans un centre de réflexion, entourée de psychiatres et d’humanistes. Mais vous seule pouvez prendre cette décision. Ne vous sentez pas forcée. Ce que je veux que vous sachiez, c’est qu’une trentaine de personnes ont signé pour votre décitoyennisation. Ce processus est donc en cours, sauf si vous choisissez de vous soigner.

 

La décitoyennisation, cela signifie la désallocation. Et sans allocation, personne ne vous accueillera nulle part. Vous n’avez plus qu’à rejoindre un centre de décitoyennisés, pour y vivre jusqu’à la fin de vos jours, à moins que vous ne travailliez sans relâche à devenir à nouveau un citoyen. Estelle ne pourrait jamais le supporter, elle le sait.

 

-        Je vais me soigner, Humain solidaire.

 

-        Le camion qui vous emmènera au centre de soins vous attend.

 

-        Cela ne peut pas attendre quelques jours ?

 

-        Non.

 

-        Je… Je vais m’habiller, Humain.

 

-        D’accord, Humain Claris. Nous vous attendons.

 

Estelle s’éloigne en tremblant, sans se retourner. Elle sait que l’homme l’observe avec compassion. Elle n’a pas crié ; elle ne s’est pas révoltée. Elle n’a pas fait montre d’une paranoïa aiguë, évitant ainsi la mention dangerosité sur sa biofiche, et l’internement psychiatrique. Elle connaît l’histoire de cet homme qui avait raconté, lors d’un dîner de voisinage, qu’il ressentait de temps en temps de la colère. Après dix ans d’une médicalisation à outrance dans un institut de sauvetage de l’ONU, il était redevenu libre, mais on avait dû lui greffer un système affectif artificiel, car il avait perdu la faculté d’éprouver des émotions. Estelle, cela fait bien longtemps qu’elle n’éprouve presque plus rien. Mais le plaisir de glisser sur les vagues… De l’eau contre sa peau… Et de l’extase dans le tube, quand la vague se referme sur elle et qu’elle hurle dans le couloir d’eau… C’est sa raison de vivre, la réalisation ultime de sa quête de l’instance. Cela, elle ne peut y renoncer.

 

Estelle, la planche sous le bras, encore ruisselante de gouttes salées, monte seule le petit escalier de bois qui mène à l’étage des chambres.

 

 

 

Sa chambre l’accueille comme si rien ne s’était passé. Le bois du vieux plancher, le blanc des murs, la paille des chaises et l’appel de la machine de consommation boissonale. Un rayon de soleil oscille entre le lit et la cabine d’hygiène.

 

Non. Elle n’ira pas au centre de réflexion. Elle ne veut pas des humanistes et des psychiatres. Elle veut ses rêves ; ses rêves et ses vagues.

 

Elle pose sa planche contre un mur, enfile un pantalon et s’allonge sur son lit. Elle le sait, elle n’a que quelques minutes devant elle. Si elle ne descend pas, on montera la chercher. Et si elle refuse de partir, c’est la décitoyennisation immédiate. A l’époque où le suicide n’était pas encore interdit, ou plutôt, à l’époque où l’on pouvait se suicider sans que sa biofiche se mette à sonner, la situation aurait été difficile, mais solvable.

 

-        Humain Claris !

 

-        Merde, murmure Estelle.

 

Affolée (la peur n’existe pas, j’ai peur, donc je ne suis pas), Estelle se lève, et vacille.

 

-        J’arrive !

 

Mais elle ne bouge pas ; elle le voit.

 

Dans le coin de la chambre, il est là ; il attend. Bien sûr, il est inutile : on la rattrapera dans la minute. Mais il est l’ultime espoir. L’ultime tentative de liberté.

 

Estelle y accroche sa planche, l’enfourche et le met en mode silencieux.

 

-        J’arrive ! crie t-elle à nouveau.

 

Elle démarre et s’élève devant la fenêtre ouverte.

 

Un. Deux. Trois.

 

Estelle s’envole de l’hôtel Dupont, accroché à son scooter des airs comme au baiser de la mort.

 

 

 

3

 

Un simple coup d’œil en bas : les solidaires et les sauveteurs sont toujours devant la porte de l’hôtel, et l’humain Dupont leur sert des cafés. Estelle relève les yeux ; accélère ; accélère ; elle s’élève et s’éloigne, les yeux fixés sur l’horizon. Elle n’a pas le courage de regarder en arrière. Elle attend de s’enfoncer dans les nuages pour mettre le scooter en mode bruyant. Avant de s’engouffrer dans un nuage, elle ose un regard en arrière. Pas de poursuivants. Un regard circulaire. Pas de veilleurs du ciel. Il est impossible de leur échapper, il faudra mourir ou retomber entre les mains, ou plutôt entre les cerveaux des humains. Mais, chaque seconde de vol est une rencontre avec le ciel, avec la liberté.

 

Le scooter des airs danse dans les nuages. Tout est blanc. Des aires bleues apparaissent à travers la mousse blanche : le ciel pur, en haut ; et l'océan, en bas.

 

Les nuages étouffent le bruit du moteur et Estelle chevauche son scooter avec fougue, la passion au corps. Les champs de nuages s'étendent au loin. Estelle les traverse à une allure folle, et soudain sa bouche s'ouvre, ses poumons s'élargissent et un hurlement, un rugissement s'élève au creux de ses hanches, emplit son corps, et transperce les nuages. Estelle n'a jamais hurlé si fort, dans aucune vague, dans aucun rêve. Puis sa voix meurt et Estelle sent et voit ses bras minces trembler sur les poignées de son scooter. Le froid l'envahit. Le couloir de nuages finit ; l'océan et le ciel, bleus comme les yeux d'Estelle, bleu très scintillant, lui brûlent les yeux. Le bruit du moteur se fait à nouveau entendre, aussi assourdissant que les nuages qui l'assourdissaient. Estelle baisse les yeux. En bas, sur l'océan, à quelques centaines de mètres au dessous d'elle, une dizaine de navettes sont déjà là, remplies de solidaires et de citoyens qui attendent Estelle. Elle relève les yeux, prête à fuir au plus haut du ciel. Elle tire sur l'énergie de son scooter comme jamais. Elle crève le ciel, loin des vitesses maximales autorisées. Le soleil, frère et ami, l'appelle tranquillement. Oui, il la prendra. Oui, il lui brûlera les yeux, et la peau et les poumons, et jamais, jamais plus Estelle ne retournera chez les humains. Merci, soleil, pense Estelle, les lèvres entrouvertes, éblouie par cette promesse solaire de délivrance et par la vitesse effrayante de son scooter des airs.

 

 

 

Plus que quelques kilomètres. Plus que quelques petits kilomètres et le soleil accomplira sa promesse. Estelle fonce, elle file, dans un ciel tiède et doux, quand derrière elle, insidieusement, elle sent grésiller le bruit d'un moteur. Le bruit de plusieurs moteurs. Dans un espoir inouï, Estelle sollicite son scooter et donne une ruade. Plus vite ! Plus haut ! Elle sent son scooter faiblir, flancher. Le bruit de moteur s'approche. Elle se retourne : le bruit de vingt moteurs au moins. Ils sont au moins vingt. Vingt solidaires armés de lances endormisseuses, casqués, en rang, qui la rattraperont dans moins d'une minute. Estelle doit faire son choix, elle a à peine une minute pour faire son choix. Les solidaires se rapprochent sur leurs scooters de l'ONU. En haut, le soleil est trop loin. Il a menti. Il ne pourra pas la prendre. En bas, Estelle distingue des vagues, qui tissent et délissent la surface océane. Et les navettes des solidaires et des citoyens volontaires.

 

Estelle entrevoit le point de rencontre entre le ciel et la mer : l'horizon lui donne courage et liberté. Dans un rire magnifique, elle lâche tout. Elle lâche sa tension, elle lâche sa conduite, et laisse le scooter tomber.

 

La chute est fulgurante, d'une très lente rapidité. Estelle se retourne juste une fois. Les motards assistent, impuissants, immobiles dans le ciel, tous penchés vers elle. Parmi ces visages honnêtes et équilibrés, un seul l'appelle, retient son attention. En un regard de quelques secondes, ou quelques instants, Estelle et lui se rencontrent. C'est un inconnu. Il est équilibré, mais ses lèvres tremblent derrière son casque. Son regard est rempli d’admiration et de fraternité. Il l'approuve. Le cœur battant, Estelle sent qu’ils tombent amoureux. Soldat à l’invisible rébellion, il lance des flammes de vie par chacun de ses yeux. Estelle soutient ce regard ami, jusqu'au choc.

 

Le scooter est tombé dans la mer. Estelle tient toujours les poignées, ses jambes l'enserrent. Elle s'accroche au scooter, et laisse la mer l'entourer, l'envelopper et l'emplir. La liberté est enfin là. Elle est bleue, verte et profonde. Estelle descend dans la liberté, avec la solennité d’une mariée.

 

Dans un ultime sourire bleu, Estelle s’offre une prière : faites, O mes fonds océans, faites qu’ils ne retrouvent jamais mon corps.

 

 

 

 Edith de Cornulier Lucinière, 2002

 

 

 

mardi, 09 avril 2013

Adélaïde

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Il y a douze ans maman entrait dans la mer. Elle marchait avec sa robe bleue dans les vagues glacées. Personne ne la vit s’enfoncer dans l’eau.

 

La veille au soir, elle avait appris, à la suite d’événements administratifs compliqués, que son époux, notre père, entretenait depuis le début de leur mariage des liaisons avec cinq femmes, et qu’il était le père du fils de l’une d’entre elle – un fils un peu plus jeune que moi.

 

Adélaïde et moi, nous découvrîmes tout cela en même temps : les liaisons de notre père, le fils caché, l’entrée de notre mère dans la mer.

 

J’ai été déchiré en mille morceaux par ce drame. Adélaïde est entrée au couvent. Carmélite, elle vit cloîtrée, ne sort jamais. J’ai un droit de visite restreint. Sa vie est prière. Elle prie pour maman et elle prie pour moi.
Nous avons refusé de revoir notre père, Adélaïde parce qu’elle était trop blessée, moi par fidélité à celles que j’aime. Il est si beau, si intelligent, si riche et si sympathique que si je l’avais revu ne serait-ce qu’une fois, je n’aurais pas pu rester fâché. Or, pouvais-je me laisser trahir la mémoire de ma mère, la douleur de ma sœur et mon propre chagrin de fils trompé ?

 

Mais il y a huit jours, le notaire, Maître Sistretaille m’a annoncé que notre père venait de mourir. A sa demande, je me suis rendu à son étude et j’y ai rencontré l’autre fils, Térence, qui porte le nom de famille de sa mère. Il n’osa pas me regarder. Pendant le rendez-vous, il répondait au notaire, signait ce qu’on lui disait sans rechigner et ne leva pas les yeux vers moi. Mais pour que nous puissions toucher notre dû amer rapidement, il fallait définir entre héritiers un accord amiable pour débloquer un fonds. Je pensai que le mieux était d’agir ainsi plutôt que d’entrer dans des déboires juridiques incessants, qui ne mèneraient à rien et n’auraient comme source unique l’horreur d’avoir été trahis chaque jour de notre enfance et de notre jeunesse.  

 

J’appelai Adélaïde et arrangeai une date, que Térence accepta. J’aurais voulu faire le voyage seul, mais un seul train traversait la France jusqu’au carmel où elle priait.
Ce fut le premier point commun : nous nous retrouvâmes au wagon-bar du train au même moment, pour la même bière. Térence était si discret que je n’osais le snober plus longtemps et lui proposai de boire la bière ensemble. Nous fîmes connaissance. Nous échangeâmes des renseignements de surface sur nos vies.

 

Je tiens une salle de jeux à Monaco. Je vis dans un monde louche et j’aime ça. Je vis avec Marlène, qui ne ressemble à aucune femme connue au cours de mon éducation. Elle est vulgaire, franche, brutale, plutôt généreuse et elle s’enivre avec mes clients au lieu de faire la comptabilité pour laquelle je la paye.

 

Térence est fonctionnaire de l’administration française, ce que j’aurais tendance à mépriser souverainement. Mais je n’avais pas le cœur au mépris. Il fait de la guitare dans un groupe de musique beith, composé de ses vieux copains du lycée. Il fait de la boxe le mardi soir.

 

Nos bières terminées, aucun de nous ne retourna à sa place, car la conversation coulait, limpide, comme l’eau douce des montagnes qui passe entre les rochers.

 

 

 

La petite ville nous accueillit par la pluie. Nous louâmes des vélos et nous rendîmes ainsi au couvent, comme je fais à chaque fois. A l’arrivée devant la porte, je n’avais toujours pas de frère, mais j’avais un camarade.

 

Une carmélite vint passer son visage entre les grilles de l’entrée.

 

- Nous venons voir Sœur Véronique du Renoncement.

 

- Qui êtes-vous ?

 

- Ses frères, dis-je. Et je tressaillis en prononçant le mot frère au pluriel. La sœur partit, ses talons claquèrent longtemps sur les dalles de l’allée intérieure du cloître. Nous attendîmes longtemps. Puis, derrière nous, la voix de ma sœur brisa le silence :

 

- Je n’ai qu’un frère.

 

Nous sursautâmes. Elle se tenait droite derrière nous, le visage tâché de rousseur posé au sommet de la longue robe marron de son ordre.

 

- Adélaïde ! Je la pris dans mes bras.

 

Elle observa mon visage, mes cheveux, passa la main sur ma joue et lâcha son verdict :

 

- Tu fumes trop, Charles, tu ne manges pas assez de légumes et tu ne repartiras pas sans que je t’aie coiffé correctement.

 

Elle ne s’occupa pas de Térence, qui l’observait avec de grands yeux passionnés. Elle nous emmena dans un petit bureau que la Mère avait à sa disposition, connaissant l’objet de notre visite.

 

Nous parlâmes affaires ainsi : je m’adressais à elle, puis à Térence, cherchant à trouver un accord entre nous trois, et chacun me répondait sans qu’ils se parlent entre eux. Nous signâmes un accord ; le silence s’installa.

 

Lorsque Térence se leva, comprenant qu’il fallait nous laisser, il me remercia en me serrant chaleureusement la main, puis il se tourna vers ma sœur :

 

- Depuis douze ans, je me sens mieux de savoir que vous savez, prononça-t-il avec difficulté. Chaque morceau de son corps et de sa voix, tendu vers nous, tentait de se faire aimer.

 

-         Il y a douze ans, Maman est entrée dans l’eau glacée à sept heures du soir, dit Adélaïde.

 

Térence baissa la tête. Alors, enfin, j’eus pitié de lui. Il était né coupable comme nous étions innocents. Il avait été initié aux bassesses du mensonge, de la cachotterie par notre père et sa mère dès sa plus tendre enfance. Il avait dû souffrir, lui aussi, bien que je ne sache pas dans quelles conditions on souffre quand on est illégitime, et il avait dû grandir dans la connaissance malsaine du péché comme nous avions grandi dans l’inconscience niaise de la bourgeoisie. Il avait honte de tout ce qu’il était, sachant qu’il était l’incarnation de ce qui avait brisé notre vie. Il prononça

 

-         Pardon, Adélaïde.

 

Il partit précipitamment.

 

- A tout à l’heure, à la gare, lui lançai-je. De dos, il acquiesça de la nuque.
Nous restâmes l’un en face de l’autre. Elle était raide et belle : pas une mèche ne dépassait de son voile marron. Depuis combien de temps n’avais-je pas vu les cheveux de ma sœur ?

 

- Il n’y est pour rien, murmurai-je.

 

- Je sais, répondit-elle. C’est sans doute une âme pure. Mais il ne peut ignorer que son existence est atroce pour nous.

 

- Il n’a pas choisi de vivre, dis-je.

 

- Moi non plus.

 

Elle alla chercher un peigne et me coiffa. Quelques sœurs, qui allaient et venaient dans le parloir, souriaient en blaguant sur les frères ébouriffés et les sœurs maternantes. Bientôt Adélaïde dut rejoindre ses compagnes pour assister à l’office et je soupirai en prenant congé d’elle. Comme la vie était fragmentée, officieuse, si différente de ce qu’elle avait été au temps des Noël familiaux, des grands mariages de l’été, des réceptions de nos parents et des cousinades endiablées durant les grandes vacances.

 

J’attendis Térence de longues heures. Il n’apparut pas à la gare. Je ne voulus pas prendre le train sans lui. S’était-il soulé la gueule dans un bistrot ? Avait-il fui pour ne pas subir le chemin du retour en ma compagnie ? Je le cherchai dans toute la petite ville et finis par échouer, épuisé, affamé, dans un des seuls restaurants ouverts. C’est là que j’entendis qu’un pauvre gars s’était jeté du haut de la falaise, à sept heures du soir.

 

 

 

 Edith de Cornulier-Lucinière

 

Un dimanche de Septembre 2010

 

 

 

mercredi, 23 janvier 2013

Mémoires d’une voyouse

 mémoires d'une voyouse, Johnny Walker, Edith de Cornulier-Lucinière

 

Avertissement

Enfants, ne lisez pas ce qui va suivre.

C’est une histoire avec des salauds, des délits, des remords.

C’est une histoire pour les filous, pour les méchants, pour les gueux.

 

Hors-la-loi

 

Je suis une gueuse, une malfrate, une hors-la-loi. Si vous connaissiez tous les crimes que j’ai commis, vous fermeriez cette webpage et vous vous enfuiriez en courant vers des sites moins terribles. Ah ! ah ! ah ! Je fais peur aux bonnes gens, aux honnêtes gens, aux petites gens et même aux gens qui ont de l’entregent.

Toutes les histoires que j’ai vécues dans ma vie ont fini comme dans un film noir : course poursuite avec la police, batailles, hurlements, prison. Mais l’histoire que je veux vous raconter tourne différemment.

 

Adieu Johnnie Walker

 

En ce temps là, j’avais arrêté de boire. Quand une hors-la-loi arrête de boire, c’est TRES dangereux.

Pourtant, il le fallait. Le docteur m’avait dit : « c’est Johnnie Walker ou vous ». Johnnie Walker, c’est le type qui est dessiné sur les bouteilles de whisky.

 

  • En êtes-vous sûre, docteur ? Lui demandai-je effrayée.

  • Sûr.

  • Dis-moi la vérité, minable ! Lui hurlai-je en pointant Coco sur son cœur. (coco, c’est mon flingue. Coco était mon meilleur ami).

  • Hélas oui, répondit courageusement le docteur.

J’ai donc dit : Adieu Johnnie Walker. J’ai rempli mon frigo de jus de fruits, de Coca-Cola et de yaourts. J’ai pleuré tous les soirs, mais j’ai tenu le coup.

 

 

Bon anniversaire, pauvre idiote !

 

J’avais une longue vie de voyouse derrière moi.

Grâce à mes cachettes et à mon intelligence, les policiers ne me trouvaient jamais. Les gens qui savaient où j’étais n’osaient pas me dénoncer de peur que je les butte avec Coco.

Le soir de mon anniversaire, je m’apprêtais à déguster un immense gâteau à la fraise quand je me rendis compte que je n’avais aucun ami. Mon âme éclata en sanglot (mais mon visage resta très dur).

Je me regardai dans la glace et murmurai :

- Bon anniversaire, pauvre idiote !

Je pointai Coco vers mon cœur, mais il refusa de me planter.

- Que ferai-je sans toi ? Me demanda-t-il.

Alors je rangeai Coco dans un tiroir et j’allai me coucher.

Ce soir là, je décidai de transformer ma vie.

 

 

Le procès


J’étais en train de me demander comment devenir honnête quand les journalistes, les juges et les policiers me tombèrent dessus. Cela arriva par un soir de septembre. C’était l’automne et Paris était beau.

On m’arrêta alors que je marchais tranquillement sur le boulevard Raspail.

Mon procès fut rapide. Le juge parla avec éloquence.

Il relata mes crimes:

  • 17 pompiers remplis d’hématomes, tous malmenés par l’accusée à la fin d’une rixe dans le terrible quartier de Pigalle.

  • 4 hommes et 5 femmes séduits et manipulés par l’accusée pour lui donner de l’argent.

  • 480 tonnes de chocolat, bonbons et yaourts à la fraise volés par l’accusée dans 140 magasins.

  • Une vieille femme effrayée et contrainte de laisser l’accusée jouer avec son chien yorkshire.

A la fin du procès, le juge cria : « qu’on jette l’accusée en prison ! » Des applaudissements s’élevèrent dans la salle. On me menotta, on m’emmena.

 

 

Au trou !

 

Au trou (c'est-à-dire en taule, en cabane, au violon, au placard, en prison), je réfléchis beaucoup.

Trois religieux vinrent me parler de Dieu. Cela m’intéressa mais je n’arrivai pas à choisir entre les trois religions, alors je laissai tomber.

Les mois passaient. Peu à peu, j’arrêtai de ricaner en pensant aux coups que j’avais faits.

Au bout d'un moment, je commençai même à lire des livres.

Enfin, je décidai d’arrêter cette vie de perdition et d’écrire l'histoire de ma vie.

 

Ma rédemption

 

J’étais respectée dans toute la prison. Les autres filles me craignaient. Elles me donnaient leur dessert.

L’une d’elle s’appelait Stella. Elle m’apprit à parler avec mon cœur. Nous rêvions de marcher ensemble dans la ville, en liberté.

- Tu sortiras d’ici avant moi, me disait-elle.

- Je préparerai tout pour notre vie, répondais-je. On aura notre frigo, des fenêtres sans barreaux, un chat.

La veille de ma sortie de prison, elle me prit la main. « Je sais que tu m’oublieras, me dit-elle, mais sache que tes yeux ont transformé ma vie ».

« Je ne t’oublierai pas », pensai-je dans ma tête.

 

 

L’amitié

 

Quand je sortis de prison, la lumière de la vie me stupéfia. Lors de mon procès, la société m’avait confisqué sans vergogne mes biens durement volés. Dépitée, je décidai de gagner ma vie honnêtement. Je trouvai un boulot dans un bar.

Le jour, je servais dans un restaurant des assiettes de fromage et des chocolats chauds à d’honnêtes gens.

La nuit, je me réfugiais dans ma piaule, au septième étage d’un immeuble. Par la fenêtre, les toits de la plus belle ville du monde m’apparaissaient éclairés par la lune. J’écrivais ma vie palpitante sur mon ordinateur. Je racontais tous mes coups, toutes mes planques, tous mes secrets, pour publier mes mémoires à titre posthume. Mon œuvre s'appellait : les Mémoires d'une voyouse.

Parfois je regrettais Coco. La vie est si facile quand on peut pointer son flingue sur les gens énervants ! Mais je pensais à Stella. Elle et moi, nous nous étions promis de devenir sages comme des images. Un jour, elle sortirait de prison… Alors la vie serait douce comme l'amitié.

 

FIN

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Edith de CL

Edith de Cornulier-Lucinière, Cornulier-Lucinière, mémoires d'une voyouse

 

 

mardi, 06 novembre 2012

La fugitive

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Je suis la fugitive vêtue des parures de l'ampleur des normes. Bouffantes, mes manches de quotidienneté. Précieux, les petits boutons qui m'enserrent dans la prison partagée de nos censures.

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L'ange s'avance et vous sentez sa présence, invisible, intangible, androgyne. Son nom ? Judicaël. Son âme ? La douleur. Son arme ? La splendeur. Son rêve ? La douceur. Son aile ? La voilure. Son île ? L'aventure. Son mal ? La biture. Son amie ?

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Je suis Celle qu'il aime, malgré toutes mes turpitudes. Je suis Celle qu'il accompagne. Je suis Celle qu'il sauve, de jour, de nuit et de tous temps. Il est l'ange de mes routes, l'ange de mes insomnies. Il est l'ange de mes jambes brisées, l'ange de mes crises larvées, l'ange de mes voies abandonnées.

Edith de Cornulier-Lucinière, androgynie, voiture, route, autoroute

Et dans mon naufrage il me murmure qu'il m'aime quand même, quand bien même j'ai échoué.

 

E CL

lundi, 05 novembre 2012

Jour de Sleipnir

Jour de Sleipnir, Sleipnir, Venexiana Atlantica, Saint-Isidore de Séville


à Vénéxiana Atlantica, malgré tout :
en dépit de la haine qui se dresse entre nous comme une vague insurfable,

en réponse à ton autobiographie, aux allusions incertaines.


Les oiseaux fantômes ont passé la frontière
Sous les ciels gris, plombés,
Écoute leurs chants sans sommeil
- Entends leurs cris désespérés.
On ne trouve plus d'amour dans les boutiques,
La musique ne s'écoule plus sous les portiques,
Je repense aux jours de notre été...
J'entendais ta guitare pleurer.

Comme des ombres maigres, les cyborgs ont passé
Le pont Saint-Isidore de Séville ;
La cathédrale de verre les a abrités
Le temps d'une prière sans quête, sans sébile.
Il n'y a plus de noir, les nuits sont imparfaites,
Les aubes semblent fatiguées par toutes les fêtes,
J'ai rêvé du temps où, sans m'inquiéter,
J'entendais ta guitare pleurer.

Les chevaux psychopompes ont ouvert une cohorte,
C'est Sleipnir qui marchait le premier.
L'âme est le cœur de l'homme, c'est le corps qui la porte,
Et le cœur n'est qu'une pompe à brasser.
Je n'écoute que les bûches qui crépitent.
Le soir s'étire, au jardin l'enfant s'agite...
Savais-je ce que tes mains voulaient plaider ?
J'entendais ta guitare pleurer.

Édith  CL, début avril 2012