lundi, 12 novembre 2018
Tristesses de rue
C’est une semaine avec ses tristesses de rue : devant le jardin des Plantes, à l'orée de la rue Buffon, un homme accroupi, agrippé par deux petits garçons haletants qui l’enserrent de leurs bras, se collent à lui en émettant des sons de semi-sanglots retenus. À quelques mètres d’eux, une femme blonde, raide, debout, regarde. Les passants passent, cœur serré. La situation est limpide pour tous : un divorce, la haine, le déchirement. Puis les petits garçons dans un déchirement se lèvent et marchent vers la femme qui les attend, immobile, sans un mouvement vers eux. Le père se relève, regarde les enfants, fait un pas en avant, mais la femme ne le regarde pas. Elle part, suivie des garçonnets. Le père s’éloigne de son côté.
Ces gens se sont étreint… Ils se sont envoyés des textos amoureux. Ils ont joué le jeu amoureux et social devant les autres et même devant eux-mêmes. Ils ont eu deux enfants qui ont sans doute marché leurs premiers pas entre leurs quatre bras. Mais ils ne se parlent plus, au sens propre. Ils torturent leurs enfants d’une manière légale et banale.
Plus tard dans la journée, rue La Fayette, sous la porte du CIC (Crédit Industriel et Commercial), un corps humain enveloppé dans un sac de couchage. Le ciel est gris. La pluie tombe. L’homme dort, tandis que les passants marchent, tirent de l’argent, entrent dans des bistrots, s’engouffrent dans des immeubles ou dans la proche bouche de métro.
Et dimanche 11 novembre, pour finir en beauté, alors que j'arrive au croisement de l'avenue Daumesnil et de l'avenue Ledru-Rollin, un corps à terre au milieu de la chaussée. J'approche : trois personnes, sorties du bus 57, m'annoncent que l'homme vient de tomber du pont de la Coulée Verte. S'est-il jeté ? L'a-t-on poussé ? Il est face contre terre et du sang coule doucement autour de ses cheveux bruns. Au téléphone d'un passant, les Secours annoncent qu'ils arrivent bientôt. Je murmure un Notre-Père tout bas, une grande adolescente, les mains sur ses tresses africaines dit : Mon Dieu, mon Dieu. Personne ne cherche à le relever, à le toucher. Nous savons qu'il est mort.
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mercredi, 17 juillet 2013
Intelligence et conduite de l'amour
L'arbre de la connaissance du Bien et du Mal
Nous reproduisons ici l'ouverture de cet ouvrage publié en 1936 par le docteur Léon Goedseels, Secrétaire Gébéral de la Société Médicale Belge de Saint-Luc ; par le docteur René Biot, Secrétaire Général du Groupe Lyonnais d'Etudes Médicales, Philosophiques et Biologiques ; et par E Mersch, S.I. .
Le premier traite de la question sexuelle en général ; le second commet une étude sur la personnalité féminine et le mariage ; le troisième aborde le triptyque Amour, Mariage, Chasteté.
Voici donc l'introduction du docteur Léon Goedseels, particulièrement intéressante à relire en cet an 2013, soit soixante-dix années après sa publication, car les craintes et les idées qu'il y déploie sont partagées par beaucoup de nos contemporains.
En abordant une fois de plus l'étude de la question sexuelle, il est naturel de se demander jusqu'à quel point cet examen est utile et opportun. Ce problème, en effet, vieux comme le temps, ne peut recevoir de solution nouvelle : la nature humaine n'a point changé, les lois morales restent immuables et aucune erreur ne se fait jour en ce domaine, qui ne soit connue et réfutée depuis des siècles.
Cependant, si le mal en cette matière n'est point nouveau, si d'autres époques, avant la nôtre, ont connu des vagues d'immoralité, peut-être tout aussi importantes que celle que nous subissons, il faut reconnaître que l'erreur, sous des aspects et par des moyens nouveaux, a atteint une extension qui constitue pour notre civilisation un véritable péril.
Le monde est devenu l'esclave de la sexualité. La licence des moeurs s'est installée dans tous les milieux et jusque dans les familles. Non seulement la prostitution s'est faite plus provocante, mais la société elle-même a multiplié et généralisé les occasions de dérèglements par l'émancipation de la jeunesse, de la jeune fille et de la femme. On revendique publiquement et sans pudeur le droit de tous à un amour physique, sans limite et sans frein, tandis que les unions demeurent volontairement stériles et que les foyers se dépeuplent.
Toutes les forces se liguent pour diffuser le mal. La presse, la littérature, le théâtre, le cinéma, la science matérialiste, le naturisme provoquant, s'accordent pour égarer les esprits et exalter les sens. Les pouvoirs publics, certaines autorités morales même, se font les complices bienveillants de l'erreur en tolérant ou en approuvant l'anticonception, la stérilisation, l'avortement, l'adultère, le divorce.
On pourrait dire, sans grand paradoxe, que le vice d'hier est considéré comme vertu aujourd'hui. Et ce serait, en réalité, rendre assez bien l'esprit de la conception actuelle en matière sexuelle. Ne prétend-on pas que l'instinct génésique est une fonction qui réclame impérieusement la satisfaction, comme le boire et le manger ; que les lois morales sont des contraintes arbitraires qu'il est impossible ou déraisonnable de respecter puisqu'elles s'opposent aux aspirations naturelles, physiologiques de l'être humain ; que cet instinct ne peut être emprisonné dans le cadre étroit du mariage, ou tout au moins du mariage indissoluble ; que l'acte sexuel enfin doit pouvoir être posé en toute indépendance, sans devoir être subordonné à la procréation. Et n'en est-on pas arrivé, non seulement à condamner les lois morales, mais à les accuser d'avoir, par leur opposition aux principes naturels, arrêté l'épanouissement psychique et physique de l'homme et même d'avoir, très artificiellement, fait naître le mal en lui.
Et ces théories rencontrent un succès d'autant plus grand, qu'elles viennent à l'heure où l'observation des lois morales s'avère plus difficile, et que, par des arguments de fausse logique et de fausse science, elles se prêtent particulièrement bien à endormir les consciences.
Cependant, devant l'excès même du mal, une réaction se dessine vers le bien. De nombreux esprits sont inquiets et cherchent la lumière. C'est pourquoi, il convient de les éclairer entièrement, loyalement, avec un souci de vérité, d'objectivité scientifique, que les circonstances actuelles rendent plus nécessaires que jamais.
Léon Goedseels, début de La question sexuelle, in Intelligence et conduite de l'amour, Desclée de BRouwer, 1936
On peut relire, sur AlmaSoror et à propos de la licence sexuelle, cet extrait de Jean-Christophe, roman fleuve de Romain Rolland publié avant la première guerre mondiale ;
Un billet sur Sainte Cunégonde et la chasteté
Publié dans Fragments, L'oiseau, Le corps | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |