jeudi, 20 juin 2013
Chronoposologie des Orteaux
Entre un coup de soleil et un orage, on voyait là-bas les tours de Bagnolet, on entendait dans la pièce la musique de Cantemir par Jordi Savall.
Après quelques verres, on découvrait l'angélique sourire d'une coloc voyageuse.
Encore plus tard on approfondissait l'apprentissage tâtonnant des symphonies fantastiques dans une pénombre qui laissait distinguer le visage émouvant d'une amatrice de hiatus.
L'aurore se levait quand même au bout d'un long silence.
Debout devant la baie vitrée, en face des étagères de bandes dessinées, on lisait un texto écrit par un revenant.
Plus tard (toujours plus tard), devant un café bizarre, un banc portait nos rêves vagues. Je refoulais les inquiétudes, je bravais le gris du ciel. Ton joli sourire flottait au milieu de ton mystère. Attendais-tu quelque chose ?
Dans les rues, la pluie lavait les traces de flou. Sous l'auvent du métro peut-être, des mots interdits dormaient au fond d'un coeur.
Personne ne connait le numéro du bus qui t'emporta, même pas toi.
C'était Paris, un jour de juin. C'était Paris. Alors pourquoi me souvenais-je d'un piano ancien, d'une maison de Saumur ?
Il semblerait qu'à vingt ans de distance, les instants fragiles s'appellent et se répondent.
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jeudi, 13 juin 2013
Stamboul
(Istanbul, musique de Cantemir par Jordi Savall ; photo de Tovaritch par Sara, années 1970)
Je t'imagine heureuse dans cette ville ottomane, buvant les sensations, les images, les textures, les visages qui s'offrent à toi. Avec, peut-être, cette sensation de liberté que les villes étrangères savent donner quand elles ne font pas trop peur. Ton visage a un grand pouvoir sur moi, il me suffit de l'imaginer pour que mon souffle devienne plus charnel, plus concret, plus présent. Tu ne ressembles à personne et c'est pour cela que j'ai déjà l'impression de t'avoir croisée quelque part. Ou peut-être que tu rassembles plusieurs visages d'une vie oubliée et que c'est ce qui me donne l'idée que tu ne ressembles à aucun être déjà connu. Dans les pans de ville étranges où j'ai marché près de toi, dans les morceaux d'appartement où j'ai cotoyé ton coeur, j'ai su que nous étions étrangères. C'est là qu'intervient la rencontre, ce pont que l'on franchit pour toucher l'inconnue. Deux matières, deux textures, deux lumières ; une aquarelle et une peinture à l'huile ; la pierre blanche et la pierre grise ; le froid bleu et le froid blanc ; le chaud orange et le chaud rouge. La voix qui verse, la voix qui tonne. Le sourire qui invite, le sourire qui dévoile. Le rire qui retient, le rire qui répand. L'aveu trop court, l'aveu trop long. Comment faire rimer ces deux chansons ? Ne rien faire, elles vont rimer sans qu'on les guide, elles se cherchent et se trouvent au milieu du refrain, elles s'interrogent et se répondent, elles se sondent et se palpent entre deux instants perdus, elles s'invitent, se nouent et se dénouent, sans souci, dans la fraîcheur d'un été qui se veut inédit.
Qui es-tu ? Chut... Le temps dira quel est ton nom dans mon coeur.
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