mercredi, 10 janvier 2018
Ravins de soufre
Terakaft résonne dans l'appartement, une seule lampe allumée, une seule, toute petite, corps de boulier, abat-jour rouge. La bouteille de Côtes de Bordeaux du domaine de Lavialle me fait marrer avec son bouchon de traviole, mais c'est peut-être parce que je l'ai consciencieusement finie. Il y a une tour Eiffel à droite qui rayonne un halo bleu toutes les cinq minutes, un drôle de mur blanc un peu gondolé à gauche, un reste de riz au lait de chèvre sur ma langue et une prière au bord de mon cœur. Des appels amicaux ont rythmé ces jours et les nuits reviennent comme des vagues blanches de vide. J'ai vu la nuit orange aux lueurs enneigées (caresses allant aux peaux des seins avec verdeur), la stabilisation des racines jaunies et la mort verte et bleue des cristaux enchanteurs.
Ah ah ! Tu savais dire les mots en rafales et tu meurs sans rien croire, comme un lynx endormi, blessure déjà pourrie à la patte démise, poumons récalcitrants depuis l'enfance soumise.
Deux heures ont passé. Calme profond des cœurs troués. Une sonate au clair de lune est tombée dans le silence de la nuit. Mon neveu crie quand on le couche et babille quand on l'embrasse, à l'orée d'un petit village où paissent encore des chèvres (quelques unes), non loin de la très grande ville.
Reste auprès de moi, toi, même si tu n'existes pas, ne me quitte pas. J'ai besoin de ton image pour exister. J'ai besoin de cette voix que tu chantes en moi pour me réchauffer l'âme dans cet océan de lait caillé. J'ai besoin de ta carrure de bouvier des Flandres pour m'accompagner sur ce fleuve qu'on appelait jadis l'Achéron.
Ô ! que mon rire éclate ! Ô sur la terre amère !
Tu étais riche et tu es nu, vidé de ton sang. C'est elle qui t'a sucé, la petite sangsue, les plus grands arbres abdiquent parfois devant des mauvaises herbes. Et tu dansais à l'intérieur de toi, immobile, dans les fêtes foraines. Et tu souriais à l'ange de Fatima.
Mais je divague. Rien n'a bougé, pas une ligne de mon front, pas une ligne de mire, pas une ligne du livre. Rien n'a changé à la surface de la mer. C'est la saison du cœur : il pleut des ivresses sur les prés fauchés.
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mardi, 25 décembre 2012
L'artiste comme le public tirent leur dignité de leur exigence
Photo d'une vitrine de boutique sablaise
Extraits des Entretiens sur la musique, de Wilhelm Furtwaengler (1947)
Ces entretiens furement menés par Walter Abendroth. Ils furent traduits en 1953 chez Albin Michel par J-G Prod'homme et F.G. C'est un exemplaire de cette édition que j'ai trouvé par terre, dans un carton de livre laissés là exprès, rue du Cherche-Midi, un jour d'août 2011.
Les Sables, entre mer et lac de Tanchet
A : Ne serait-ce pas le devoir de la critique que d'expliquer l'idée que se fait le public, et de soi-même, et de ses propres jugements ?
F : Elle ne le peut pas – quand bien même elle le voudrait et s'imaginerait le pouvoir. Car elle-même fait partie du public.
Si la réaction immédiate du public est souvent injuste, son jugement définitif est pourtant fondé. J'ai donné déjà la raison de ce paradoxe : c'est qu'il faut du temps pour entendre un artiste et répondre à son œuvre. Et il en faut d'autant plus que l'artiste sera plus original et l’œuvre profonde. Il est tout naturel que, de prime abord, le public oppose de la résistance à ce qu'il ignore. Et pourtant, il est absolument certain qu'à la longue il sera vaincu par la nouveauté – si toutefois elle est vraiment de qualité.
Tâchons donc de nous rendre compte de ce qui se passe entre l'artiste et le public. D'abord, l'un et l'autre ne deviennent vraiment « eux-mêmes » que dans leur rencontre, et par cette rencontre. Tant que l'artiste n'a pas dompté son public, tant qu'il n'a su en réveiller et aiguiller les inconscientes aspirations vers l’œuvre d'art, ce public – et au lieu de dire : « le public » on dirait aussi bien « le peuple » - ne prend ni conscience de soi-même, ni qualité de public, mais reste ce qu'il était tout d'abord : une foule quelconque, indéfinie.
Qu'en serait-il, par exemple, de toute notre « vie musicale » si – supposition paradoxale – Beethoven n'avait pas écrit ses symphonies ? Prédécesseurs et successeurs de Beethoven, et surtout Beethoven lui-même, ont, en fait, créé, par l'action de leurs œuvres, ce que nous avons depuis appelé « le public de concert ». Ce public-là est sans doute autre chose qu'une foule amorphe et passive. Depuis que des maîtres l'ont formé, il porte en lui une échelle de valeurs. Il a des exigences ; l'artiste y devra suffire. Et l'artiste, à son tour, a des exigences envers le public – exigences auxquelles le public ne demande qu'à répondre : car c'est d'elles qu'il tire sa véritable dignité. C'est qu'il y a public et public : il y a grande différence selon qu'une foule « devient un public » à l'occasion d'une course de chevaux ou d'un combat de boxe, ou à l'occasion d'une symphonie de Beethoven. La qualité – qui seule importe – de son « unanimité de public » ne sera pas, dans le cas sportif, le même que dans le cas musical.
Mais encore : Même lorsqu'il s'agit du seul domaine des événements artistiques, nous constatons des différences de cette sorte. Wagner appelle « Effekte » (effets extérieurs), les effets qui ne visent qu'à « frapper » la foule et qui peut-être l'emballeront momentanément, mais n'en feront pas une véritable communauté. L'Effekt, disait-il, est par définition « effet sans cause », - et c'était précisément à l'époque de Wagner, à l'époque de l'avènement des grands virtuoses, que les musiciens se mirent à rechercher ces « effets sans cause », et à s'en servir. Mais ainsi, pour la première fois, les rapports du public avec l'artiste devinrent le problème qu'ils sont aujourd'hui : c'est alors que commença, de l'un à l'autre, cette progressive aliénation qui, à présent, met en question toute notre « vie musicale ». Vouloir faire de l'effet à tout prix : ce fut là, dès l'époque de Wagner et de Liszt, le signe que l'on allait vers la désaffection. Et, par la surenchère de l'effet, on cherchait éperdument à garder un contact qui menaçait rupture, et à maintenir entre les musiciens sur l'estrade et les auditeurs la « vraie communauté ».
Mais voilà : transformer un public en « vraie communauté », ne fut-ce que momentanément, - il faut pour cela des œuvres qui sachent empoigner l'individu, non pas en tant qu'individu isolé, mais comme faisant partie d'un peuple, comme faisant partie de l'humanité, comme créature habitée par une étincelle divine. C'est seulement grâce à de telles œuvres qu'un public prend pleine conscience des forces latentes qu'il porte en lui ; et ce n'est que de ces œuvres-là qu'au plus profond d'eux-mêmes les hommes ont vraiment besoin, en dépit de leurs réactions superficielles, de leurs arbitraires entraînements et de leurs prédilections momentanées. Ce qui n'empêche pas que, dans la vie musicale de tous les jours, toutes les fois qu'il les rencontre, le public oppose la plus vive résistance à de telles œuvres, et ne s'abandonne que de mauvaise grâce. En quoi le public ressemble à une femme qui ne trouve son bonheur qu'à céder à la contrainte.
A : Voulez-vous dire par là que l'effet produit sur le public serait plutôt un argument contre une œuvre ?
F : Ce serait raisonner de façon hâtive et simpliste. Qui nierait, par exemple, la valeur des œuvres d'un Beethoven à cause de leur effet sur le public ? Au contraire, c'est précisément « le fait Beethoven » qui nous permet le mieux de comprendre ce qu'est l'effet authentique et « légitime ». C'est que les œuvres de Beethoven produisent leur effet absolument et exclusivement par ce qu'elles sont – par leur essence, non par leur façade. Et encore : si Beethoven a cette efficacité, c'est grâce à la clarté avec laquelle il exprime ce qu'il a à dire. Le maximum de clarté dans l'expression est, pour l'artiste, la manière – la seule bonne manière – de tenir compte de son public. Goethe l'a bien dit : « Si quelqu'un a quelque chose à dire, qu'il me le dise clair et net. Pour ce qui est des choses problématiques, celles que je porte en moi me suffisent ». Mais pour répondre à cette exigence, il faut que tout d'abord on ait vraiment quelque chose à dire ; et que l'on puisse oser se montrer sans apprêt ni voile, tel que l'on est – et cela n'est évidemment pas donné à tout le monde. Et tous ceux qui dans la vie, et même (et surtout) dans leur art, s'expriment de façon tarabiscotée, j'ai peur qu'ils n'aient, le plus souvent, de bonnes raisons pour éviter la manière simple et directe.
Il y a des œuvres qui font de l'effet parce qu'elles visent à en faire et s'y efforcent. Il en est d'autres qui, pour faire de l'effet, n'ont qu'à exister. Et c'est pourquoi l'action des unes à la longue s'exténue, alors que le Temps ne semble point entamer l'efficace des autres.
Wilhelm Furtwängler
1886-1954
(photo trouvée sur Internet)
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samedi, 27 octobre 2012
Jean-Christophe, de Romain Rolland
Le mardi soir, entre novembre 2011 et septembre 2012, fut consacré au roman-fleuve de Romain Rolland, Jean-Christophe. Des êtres venus d'ici ou de là se rassemblèrent le mardi soir pour lire à haute voix ce long roman.
Voici l'électro-page qui nous permit de suivre la lecture même si l'on ne venait pas tous les mardis. Vous y trouverez les résumés des séances de lecture et les prénoms de ceux qui vinrent lire.
Le Salon littéraire d'Edith continue. Pour en savoir plus, il faut cliquer sur le mot Mystère...
A quelques centaines de mètres de l'immeuble où Jean-Christophe a été écrit, nous lisons dans une petite pièce au fond d'une cour, entre 20h30 et 22h00.
De nombreuses personnes arrivent sur cette page en ayant tapé "résumé de Jean Christophe de Romain Rolland" dans les moteurs de recherche. Il y a donc d'autres êtres humains qui lisent en ce moment Jean-Christophe, ou bien qui doivent avoir l'air de l'avoir lu, peut-être obligés par leur professeur ! Dans ce dernier cas il doit s'agir de pays (ex-)socialistes car ce sont eux qui ont gardé la lampe rollandienne allumée tandis que nous, Français, nous l'oubliions.
Quelques liens avant de lire le résumé de nos séances :
Un article de Chantal Serrière
Un article de 1922, paru dans le cinquième numéro de la Revue Anarchiste, sur Romain Rolland.
Un article du Figaro à propos de la réédition de 2007, due à Francis Esménard
Résumés des lectures
Mardi 8 novembre 2011
Officiants
Laure ; Alexandre ; Francis ; Vincent ; Dominique ; Jean-Pierre ; Stéphanie ; Emmanuel ; Édith
Romain Rolland a inventé l'expression « roman-fleuve » ; il a inventé l'expression « sentiment océanique », qu'on trouve dans sa correspondance avec Sigmund Freud. Il a milité pour l'Europe fraternelle ; il a été l'ami de Tolstoï et de son disciple Gandhi ; il a, comme eux, défendu les animaux. Il a été un pionnier de la musicologie.
Son roman Jean-Christophe, qui lui a fait obtenir le prix Nobel, a rendu ardents et fébriles d'enthousiasme des jeunes gens du monde entier pendant toute la première partie du XXème siècle. Dans le monde communiste il est demeuré un héros. Aujourd'hui, il est davantage lu et étudié à l'étranger que dans notre bonne vieille France.
Mais son Jean-Christophe a été conçu, et les premiers jets ont été écrits, au 162 boulevard du Montparnasse, dans l'obscurité.
C'est pourquoi, aujourd'hui, dans l'obscurité, un petit groupe de têtes fêlées se rassemble au 13 boulevard du Montparnasse le mardi soir, pour lire à voix haute le premier texte qu'on a appelé "roman-fleuve", l'histoire de Jean-Christophe Krafft.
Durant cette première lecture, nous avons appris des choses sur la naissance et l'enfance de notre héros.
"Aux âmes libres de toutes les nations qui souffrent, qui luttent et qui vaincront", telle est la dédicace de ce fleuve littéraire.
Suit la description de l'enfance : jeux, vitalité, amour, haine, peurs, chocs, craintes... Magnifique portrait d'enfant, sans aucune mièvrerie. Tout l'homme à venir est contenu dans le tout petit Christophe...
"Les ombres fuient, le soleil monte. Christophe commence à retrouver son chemin dans le dédale de la journée.
Le matin... Ses parents dorment. Il est dans son petit lit, couché sur le dos. Il regarde les raies lumineuses qui dansent au plafond. C'est un amusement sans fin. A un moment, il rit tout haut, d'un de ces bons rires d'enfant qui dilatent le coeur de ceux qui les entendent. Sa mère se penche vers lui, et dit : "Qu'est-ce que tu as donc, petit fou ?" Alors il rit de plus belle, et peut-être même il se force à rire, parce qu'il a un public. Maman prend un air sévère, et met un doigt sur sa bouche, pour qu'il ne réveille pas le père ; mais ses yeux fatigués rient malgré elle. Ils chuchotent ensemble... Brusquement, un grognement furieux du père. Ils tressautent tous deux. Maman tourne précipitamment le dos, comme une petite fille coupable, elle fait semblant de dormir. Christophe s'enfonce dans son petit lit et retient son souffle..."
Mardi 15 novembre 2011
Officiants
Dominique, Jean-Pierre, Vincent, Agnès, Emmanuel, Francis, Laure, Edith
Nous avons lu les premières révoltes du petit Jean-Christophe, qui découvrait les différences sociales : sa mère Louisa est cuisinière chez des bourgeois, à qui elle parle avec déférence. Son beau costume est en fait un vieux costume du fils des bourgeois, ce que celui-ci fait remarquer en ricanant.
Jean-Christophe se révolte aussi contre l'école.
Il refuse d'être un enfant prodige du piano dont on exploite les dons.
Il découvre enfin que son père Melchior est alcoolique et en subit les effets.
Mais son grand-père Jean-Michel est une ressource vivifiante ; le monde imaginaire, la capacité d'invention, de contemplation, la vie mentale, sont également des ressources et des grandes forces de l'enfant. Le style de Romain Rolland est toujours aussi ample et beau.
Officiants :
Francis, Dominique, Vincent, Agnès, Anne, Emmanuel, Caroline, Édith
Petit musicien prodige, il ressent l'humiliation d'être utilisé, d'être montré comme un singe savant à la cour ducale : que fait-on de sa dignité ? Comment les membres de sa famille peuvent-ils se comporter volontiers en valets ?
Les exemples autour de lui sont contradictoires : les Krafft, musiciens de talent, ambitieux, volontiers valets envers les ducs mais aussi volontiers méprisants envers le peuple, s'opposent à sa famille maternelle, plus simple, sans haute culture, mais aussi plus libre. Où se situer, que choisir entre ces deux modèles ?
Jean Christophe en tout cas est décidé à devenir compositeur de musique. La vie est ambivalente : grands moments de douleur et de maltraitance, visions extatiques musicales et mystiques, magnifiques promenades nocturnes au son des grenouilles et des grillons, sous les étoiles.
Le style de Romain Rolland est toujours aussi somptueux, ample, à la fois structuré et poétique : comment se fait-il qu'on l'ait tant oublié ?
Mardi 29 novembre
Officiants
Vincent St, Dominique, Anthony, Jérémie, Alexandre, Caroline, Agnès, Laure, Edith
L'enfance est derrière nous, Jean-Christophe, après la mort de son cher grand-père Jean-Michel Krafft, est entré dans l'adolescence.
Devenu soutien de famille, il travaille sans cesse.
Un jour, dans un bateau, il rencontre un garçon, Otto. Ils font connaissance et c'est la première fois que Jean-Christophe, d'ordinaire si solitaire, si loin des enfants de son âge, a un ami.
Cette amitié entre Christophe et Otto est passionnelle, mais après quelques mois de passion suprême on sent poindre le dépit mutuel.
Mardi 6 décembre
Officiants
Vincent Pt, Laure, Agnès, Émilie, Anthony, Vincent St, Emmanuel, Édith
L'adolescence continue et avec elle son cortège d'amères amours.
L'amitié qui liait Otto et Christophe a crevé comme un ballon, disparu aussi vite qu'elle est née. D'ailleurs, Otto est parti étudier loin, à l'université.
Mais une autre histoire, non moins passionnelle, débute entre Christophe et sa nouvelle voisine Minna de Kérich. Quand la charmante madame de Kérich réalise la flamme naissante entre sa fille et le jeune professeur de piano de celle-ci, sa sympathique bienveillance envers le garçon fond comme neige au soleil. Elle emmène Minna en vacances dans la belle et grande ville de Francfort et s'applique à lui faire oublier le jeune garçon, certes doué et amoureux, mais incapable de tenir une fourchette correctement ou de mâcher bouche fermée.
Christophe se rend brutalement compte qu'il est devenu persona non grata chez les Kérich, une humiliation de plus dans sa vie qui n'en a pas manqué, entre un père alcoolique et flambeur, une mère d'un milieu social inférieur aux célèbres musiciens Krafft, ses désirs d'être un artiste libre et sa posture de valet-musicien.
13 décembre 2011
Officiants
Mavra, Dominique, Vincent St, Edith
Après l'humiliation due à la rupture forcée d'avec Minna, Christophe se morfond dans les abîmes du désespoir.
Et puis une nuit, on frappe à la porte. Il entend sa mère aller ouvrir, pousser un cri effrayant ; il se précipite ; devant la porte de la maison, Melchior est là, étendu sur une civière. Il s'est noyé.
La mort de son père éveille Christophe, le sort de sa torpeur. Mais sa mère Louisa, elle, perd le sens de sa vie. Elle devient vieille. Elle n'a plus de mari à soutenir, d'enfants en bas à âge. Elle n'a plus goût à la vie.
Christophe s'occupe d'elle, lui promet de rester avec elle.
L'argent vient à manquer... On se décide à aller emménager dans un appartement, au-dessus de chez des vieux amis.
Adieu, belle maison, adieu souvenirs de la gloire passée des musiciens Krafft !
Dans la nouvelle maison, loin du fleuve, il y a du bruit, de l'inconfort. Christophe est assailli par une crise intérieure : il ne croit plus en Dieu !
Et puis tout son être est mangé par une étrange métamorphose. C'est l'adolescence, la vraie, fracassante, qui s'immisce en lui et lui fait risquer de perdre tout ce qu'il avait construit.
Alors se pose une nouvelle question, qui terrasse toutes les autres, qui met sa vie en jeu.
Qui est-il vraiment ?
13 janvier 2012
Officiants
Mavra, Vincent St, Dominique, Vincent P, Laure, Théo, Jérémie, Edith
Stupeur totale dès le début de la lecture. Notre éthéré Jean-Christophe, ébloui par la beauté des nuages, assailli par d'étranges flux intérieurs, se jette sur une paysanne dans un champ ! La jeune fille le griffe, le rue de coup, s'en débarrasse. Christophe abattu se terre plusieurs semaines chez lui. Mais, en face de chez lui, habite Sabine. Elle est belle et libre et mystérieuse, jeune veuve avec une fillette. Ils prennent contact tout doucement, quelque chose va avoir lieu... Et nous finissons la lecture par un profond abattement. Sabine est morte en l'absence de Christophe.
Dernier paragraphe : "Chacun remonte à son tour le calvaire des siècles. Chacun retrouve l'espoir désespéré des siècles. Chacun remet ses pas dans les pas de ceux qui furent, qui luttèrent avant lui contre la mort, nièrent la mort, - sont morts."
10 janvier
Officiants
Anthony, Laure, Dominique, Mavra, Aurélie, Vincent P, Emilie, Alexandre, Francis, Emmanuel, Edith
Jean-Christophe s'enferme en lui-même après le deuil de Sabine, jusqu'à ce qu'il rencontre dans un bois une jeune femme délurée en train de manger des prunes. Avec Otto, avec Minna, avec Sabine, tout avait été si platonique que nous avons été étonnés par nos jeunes amants dont la première nuit fut si torride. Au réveil, Christophe trouve Ada laide, mais quand elle s'éveille elle semble à nouveau belle et l'histoire d'amour se poursuit. La bourgeoisie de la ville est choquée, Christophe se fâche avec ses logeurs qui le critiquent devant sa mère. Il se fâche tellement fort que Christophe et sa mère Louisa doivent trouver une autre maison.
Au moment du déménagement, réapparait Ernst, un des jeunes frères de Christophe. Criblé de dettes, sans rien, malade, il est accueilli comme le fils prodige par Louisa et Christophe, qui ne savent pas qu'il est manipulateur. Christophe présente Ada à Ernst : perfides, ils sortent ensemble pour narguer Christophe. La séance s'est terminée sur la stupeur douloureuse de Christophe qui vient de le comprendre.
17 janvier 2012
Officiants
Mavra, Laure, Dominique, Sophie, Théo, Edith
Trompé par son amante Ada et par son frère Ernst, Christophe plonge dans une vie de débauche jusqu'à la visite de l'oncle Gottfried, le frère de sa mère, humble colporteur qui lui rappelle en quelques mots que Christophe vaut mieux que cela.
Christophe s'éveille alors à nouveau à lui-même et se remet à la création musicale. Il éprouve de grandes déceptions en réalisant que l'oeuvre des plus grands maîtres allemands ne sont pas exemptes de facilités, de fadaises. Il clame bien haut son mépris et décide, lui, d'être au-dessus de tout ce qui a pu être composé avant lui. Il énerve ses collègues par son arrogance et au moment où nous avons terminé la séance, Jean-Christophe achève la répétition générale avec ses musiciens, juste avant le premier concert où il s'exposera comme compositeur devant la ville entière, pour la première fois.
24 janvier
Officiants
Mavra, Vincent St, Dominique, Emilie, Vincent P, Aleixandre, Emmanuel, Edith
Le premier concert de Christophe dans sa ville est un échec. Christophe en profite pour développer son amertume, déjà bien présente. Il rencontre dans un café un jeune homme, Franz Mannheim, fils du banquier juif Lothar Mannheim, qui l'initie à un petit groupes de snobs composés de fils de famille juifs et nobles, qui voudraient se prendre pour des anarchistes, des originaux, des révoltés.
Christophe rencontre Judith, la soeur de Franz. Ils se séduisent intellectuellement mais ne s'aiment pas. Christophe devient critique dans la revue du petit groupe de snobs.
Il éreinte les compositeurs, les musiciens, les divas, le public, ce qui effraye la ville. Il ose enfreindre le "tabou" journalistique et prend la liberté d'éreinter un confrère, de s'attaquer non plus aux musiciens, mais aux critiques musicaux. Alors, l'ostracisme commence.
8 février
Officiants
Mavra, Jérémie, Vincent P, Dominique, Laure, Emmanuel, Théo, Francis, Edith
Jean Christophe se rapproche d'un groupe de wagnériens patentés, mais se lasse vite de leur admiration servile pour un maître qu'ils estiment indépassable. Plus que jamais lassé de l'esprit allemand, il va un soir au théâtre voir une pièce jouée par une troupe française, sans espoir, les Français étant encore plus vulgaires que les Allemands. De fait, le rôle d'Hamlet est tenu par une femme traverstie. Christophe s'étrangle de rage et méprise cette époque (XIX°siècle) qui va jusqu'à confondre les sexes, quand soudain l'actrie qui joue Ophélie apparaît. Fasciné par cette femme, Christophe va lui porter son admiration le lendemain. Il découvre qu'elle a bon goût en musique. Une amitié s'établit entre eux. Christophe entre ainsi, via Corinne, en contact avec la France...
14 février
Officiants
Mavra, Vincent P, Jérémie, Aleixandre, Vincent S, Emilie, Edith
L'espiègle Corinne disparait dans ses tournées lointaines. L'autre française, une petite jeune femme timide qui a perdu son travail de gouvernante à cause de Christophe (ou plutôt d'une machination ourdie par Mannheim) rentre en France. Christophe se dispute avec ses amis de la revue dans laquelle il écrit.
On joue une de ses oeuvres de façon ridicule à seule fin de se ridiculiser. Privé de sa revue, il écrit dans un journal socialiste pour répondre à l'humiliation dont on a couvert sa musique, mais c'est un journal qui couvre de boue, chaque jour, son patron le Grand Duc. Celui-ci le vire, lui retire son statut de musicien officiel et sa protection.Il s'enfuit vers le Rhin, se retrouve là où son père s'est noyé, songe à se noyer. Mais les beaux yeux d'une vache qui pait, la fraicheur d'une fillette, la beauté humide de la terre, l'en empêchent. Il embrasse un arbre, crie son amour pour la vie. Souffrir même, c'est être vivant ! Il aime être vivant !
Christophe compose dans la solitude. Il prend sur lui de publier sa musique à ses frais, mais l'éditeur qu'il contacte est nullissime, l'arnaque et ne vend aucun exemplaire.
21 février
Officiants
Mavra, Caroline, Vincent P, Théo, Dalila, Aleixandre, Anthony, Jérémie, Vincent S, Francis, Laure, Edith
Jean-Christophe ruiné doit trouver un travail. Il devient professeur de musique (sous-payé) dans une école, où il ne se fait pas bien voir. Dans son malheur et sa solitude il rencontre le couple des Reinhart, monsieur et madame sont disgracieux (Romain Rolland insiste), d'une grande gentillesse, d'une grande ouverture d'esprit, très épris l'un de l'autre. Christophe trouve du confort et se rend chaque soir chez ses nouveaux amis. Mais cette amitié est vue d'un mauvais oeil par la bourgeoisie de la ville, qui hait Christophe et ne peut comprendre une telle amitié. Des lettres anonymes, envoyées sans relâche à M Reinhart, à son épouse et à Christophe, dénoncent une liaison entre Madame Reinhart et Christophe. Bien que ces allégations soient fausses, le harcèlement harasse nos amis, trouble leur amitié. Ils décident de ne plus se voir.
Christophe à nouveau tout seul part à la recherche de Hassler, le musicien que, petit enfant, il avait regardé avec émerveillement. Hassler avait dit au petit prodige de venir le voir quand il serait grand et qu'il aurait besoin de conseils.
Christophe entreprend un voyage pour rencontrer le Maître et trouve un Hassler vieilli, prétentieux, fatigué et vulgaire. Hassler trouve de l'intérêt aux compositions de Christophe, il montre qu'il les trouve supérieures à tout ce qui se fait, mais son enthousiasme retombe, il replonge en léthargie, nargue Christophe qui se trouve dans la rue, grosjean comme devant.
28 février
Officiants
Mavra, Anthony, Laure, Vincent S, Dalila,Théo, Vincent P, Eric, Dominique, Philippe, édith
Jean-Christophe, désespéré de sa rencontre avec Hassler, écrit à Shulz, le vieil universitaire musicien qui lui avait écrit des lettres si pleines d'admiration, et auquel il avait répondu sans générosité. Mais il a besoin d'approbation et annonce donc sa visite à son admirateur. Celui-ci est fou de joie. Il appelle ses deux meilleurs amis pour partager la joie de rencontrer leur idole. Christophe prend le train. Hassler pendant ce temps se repent d'avoir si mal reçu un musicien si doué et écrit une lettre à l'hôtel de Christophe : trop tard, celui-ci est parti de la ville.
Christophe passe deux jours en compagnie de Shulz et de ses deux amis, à faire de la musique et se promener. Pour Schulz, ce sont des moments merveilleux que cette rencontre avec un musicien tant admiré, dont les oeuvres ont bouleversé sa vie. Mais Christophe repart en train, puis, faute d'argent, compte finir à pied la route jusqu'à sa ville (60 kilomètres). En chemin, il s'arrête dans une chaumine paysanne. Là, il découvre un objet qui appartenait à son oncle maternel Gottfried, le colporteur plein d'humilité et de sagesse. Il s'exclame de surprise ; on lui explique que Gottfried était un ami de la maison et que c'est ici qu'il est mort...
6 mars
Officiants
Mavra, Vincent P, Laure, Dalila, Emilie, Edith
Jean-Christophe chez cette famille apprend des choses sur la vie de son oncle mystérieux. Puis il reprend la route et regagne sa petite ville. Là, il y retrouve cette vie devenue morne, sans amis, sans amours, sans possibilité professionnelle.
Il souhaite émigrer en France et s'attèle à son projet mais sa mère, épouvantée d'être séparée de son seul compagnon de vie, lui fait des scènes telles qu'il n'ose plus partir. Il se résout donc à vivre dans le malheur et le désespoir et sa seule joie est d'observer une jeune fille d'un village voisin, dont il se croit amoureux et qui le trouve ridicule. Un soir qu'il se rend à une fête de village pour observer la jeune fille à son aise, il salue sa mère et lui souhaite une bonne nuit. Elle est belle dans la lumière de sa chambre... Il ignore que cette image est la dernière qu'il emportera d'elle.
Lors de la fête, des militaires débarquent et malmènent les paysans. Lorsqu'un militaire s'en prend à la fille aimée, Christophe réagit et se bat. Encouragés, les paysans se redressent et s'en prennent aux militaires. Une échaffourée a lieu. Plusieurs militaires sont gravement blessés ; d'autres vont chercher du renfort. C'est alors que les paysans réalisent l'étendue du désastre : ils seront sévèrement punis. Ils décident de faire porter la faute à Christophe, mais l'amoureuse moqueuse s'est pris de respect pour lui et exige qu'on ne lui fasse pas tout payer. Christophe toutefois doit passer la frontière, pour ne pas être arrêté. Il écrit un mot à sa mère, que la jeune fille promet de porter, et fuit vers la frontière.
13 mars
Officiants
Dominique, Mavra, Vincent S, Edith
Jean-Christophe arrive... à Paris ! Paris est sale, Paris est mal-accueillant, Paris est cher, Paris est snob et arrogant... Et Christophe pleure dans son lit ultracrade de la trop chère chambre de l'Hôtel de la Civilisation, non loin de la gare du Nord.
Christophe est maladroit, gauche, il parle dans un français épouvantable et d'ailleurs les gens de son hôtel le surnomment "Choucroute" ou "Le Prussien".
Il retrouve Otto Diener, l'ami fusionnel de ses quatorze ans... Mais Otto le snobe. Il va alors chercher Sylvain Kohn, qu'il maltraitait à l'école... Et Sylvain Kohn, qui s'appelle maintenant Hamilton, l'accueille très bien et lui fait rencontrer un éditeur de musique.
à noter, entre la fin du quatrième livre (La Révolte) et le début de La Foire sur la Place, un "Dialogue de l'auteur avec son ombre", où Romain Rolland et Christophe s'entretiennent de la personnalité de Christophe, de savoir lequel est l'ombre de l'autre... "Comme tu as grandi ! Je te préférais enfant", dit Romain Rolland à Christophe...
20 mars
Officiants
Laure, Mavra, Dominique, Vincent P, Vincent S, Edith
"Tout musique expressive, descriptive, suggestive, en un mot toute musique qui voulait dire quelque chose, était taxée d'impure. - Dans chaque Français, il y a un Robespierre. Il faut toujours qu'il décapite quelqu'un ou quelque chose, afin de le rendre pur".
Passionnant lecture où la vie intellectuelle et politique parisienne de l'époque est décrite. Comme c'est d'actualité ! Christophe est supris par le nombre de Français portant des noms étrangers, levantins, slaves, etc. Le débat sur le droit d'auteur fait rage. Enfin la création de la Schola Cantorum est relatée.
Christophe se familiarise avec Paris, il dit même "tu parles !" de temps en temps. Il méprise la musique française et l'orgueil français le stupéfie... Mais un jour, ses amis Sylvain Kohn, dit Hamilton et Théophile Gougeart, critique musical incompétent, l'emmènent écouter Pelléas et Mélisandre. Alors Christophe, d'abord perplexe, comprend qu'il se passe quelque chose musicalement.
27 mars
Officiants
Jérémie, Mavra, Emmanuel, Edith
Nous avons appris l'expression sicut amori lupanar. Ce que le lupanar est à l'amour. (Exemple : Le nutella est au chocolat sicut amori lupanar, autant dire un succédané méprisable).
Nous avons accompagné Christophe dans sa révolte contre l'atroce monde littéraire et théâtral français : apologie de l'immoralité sexuelle, concurrence des auteurs pour choquer le bourgeois, incapacité du bourgeois parisien à être choqué par quoi que ce soit, théâtre subventionnés grassement ne servant que des auteurs pitoyables à la mode, critiques ménageant leurs amis ou carrément achetés par un théâtre ou un éditeur, hyperprésence des auteurs cosmopolites, venus de partout, sans réelle origine française.
Un des passages qui nous a plu se trouve ici.
3 avril
Officiants
Vincent P, Dominique, Emilie, Vincent S, Laure, Edith
Très belle description d'un Paris qui court après la libéralisation des moeurs (sexuelles), dominé par des socialistes qui cassent du bourgeois en public et en privé font d'excellentes affaires. Tous les artistes se doivent être de gauche. Très belle description enfin de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Et, pour la première fois, nous savons exactement la date des événements vécus par Jean-Christophe ! Nous sommes en 1905. Une des élèves de Christophe, Colette, devient sa confidente. Mais ils se fâchent parce qu'elle veut papillonner dans un monde hypocrite, ce qui énerve Christophe. Lui-même, entrevoit la possibilité de devenir un chef de file, de se créer une cour de parasites admirateurs qui le soutiendraient... Mais il détruit cette possibilité, parce qu'il sent au fond de lui qu'il est fait pour quelque chose de réellement grand. Il se met à composer comme un fou. Toutefois, ayant refusé de jouer aux côteries, il ne trouve nulle salle où jouer ses oeuvres.
Et la dernière phrase de notre lecture fut : "Christophe travaillait donc en paix, attendant des temps meilleurs, quand lui vint un secours inattendu".
10 avril
Officiants :
Anthony, Vincent P, Mavra, Dominique, Laure, Dalila, Théo, Edith
Christophe devient le professeur de Grazia, jeune cousine italienne de Colette. Grazia, timide, âgée de 14 ans, orpheline de mère, a été amenée à Paris de force par son oncle et sa tante "pour son bien", alors qu'elle et son père auraient préféré vivre ensemble en Italie.
Grazia est une mauvaise élève de piano et Christophe ne la ménage pas. Grazia parvient à demander à son père de la reprendre en Italie et il le fait avec soulagement. Elle repart donc et d'Italie envoie une lettre à Christophe, mais la lettre se perd et il ne la reçoit pas. Romain Rolland nous annonce : "Christophe ignorait la naïve affection, qui de loin veillait sur lui, et qui devait plus tard tenir tant de sa place dans sa vie".
Christophe n'a pas de quoi se nourrir à sa faim. Il vit dans une mansarde de Montmartre, plus misérable encore que la précédente. Il vit de musique et de visions, marche dans la ville. Il s'est fâché avec beaucoup de connaissances parisiennes. Il a la nostalgie de la musique allemande.
Au concert, il se trouve souvent en même temps qu'une petite "grisette" parisienne. Ils ne se parlent presque pas, ne se voient qu'au concert mais sont heureux d'exister l'un pour l'autre.
Un jour, par désoeuvrement, Christophe entre au Louvre. Il y déambule et finit par tomber en arrêt devant Le Bon Samaritain de Rembrandt. Il défaille tant il est subjugué par cette peinture. En sortant du Louvre, il parvient à rentrer chez lui à grand peine. Il se met au lit et tombe dans un délire. A son réveil, fiévreux, une femme le veille. C'est Sidonie, une domestique qui habite dans une mansarde sur le même palier et qui l'a entendu gémir.
Sidonie lui donne une autre image de la France : "Il découvrait avec surprise l'intransigeante honnêteté de Sidonie. (...) Elle avait son orgueil aristocratique. Car c'est une sottise de croire que qui dit : peuple, dit : populaire. Le peuple a ses aristocrates, de même que la bourgeoisie a ses âmes de la plèbe. (...) Il entrevoyait, peut-être pour la première fois, ce peuple de France, qui donne l'impression d'une durée éternelle, qui fait corps avec sa terre, qui a vu passer, comme elle, tant de races conquérantes, tant de maîtres d'un jour, et qui ne passe point".
17 avril
Officiants :
Mavra, Jérémie, Vincent, Anthony, Dominique, Dalila, Edith
Grâce aux soins de Sidonie, Christophe guérit. Elle tombe amoureuse de lui et attend sans doute une geste de sa part. Il ne s'en rend pas compte. Elle démissionne de sa place de domestique et quitte l'immeuble, sans que Christophe comprenne que c'est à cause de lui.
Requinqué, il recommence ses travaux lassants pour l'éditeur de musique Hecht, dans une grande solitude. Il reçoit un jour une invitation de madame Roussin à une Soirée. Il accepte sans joie, pour sortir de son isolement.
Au cours de cette soirée, il fait la connaissance d'un jeune homme pale, sérieux, ultratimide. Ce jeune homme s'appelle Olivier Jeannin et il aime profondément la musique de Christophe.
Alors nous plongeons soudain dans l'histoire d'Olivier, Romain Rolland nous raconte toute son enfance. Nous découvrons que ce nom de Jeannin ne nous est pas inconnu : c'est le nom de l'institutrice française que Christophe avait invité inopinément un soir au théâtre en Allemagne, invitation à cause de laquelle elle avait perdu sa place et avait dû revenir en France. D'elle il n'avait su qu'une chose : qu'elle était le seul soutien de son jeune frère parisien. Le jeune frère est donc Olivier. Nous le savons, nous lecteurs, mais lui, Christophe, n'a pas encore fait le rapprochement entre l'institutrice Antoinette et le jeune parisien Olivier Jeannin.
L'enfance d'Olivier et de sa soeur Antoinette prend de nombreuses pages, parmi lesquelles ce passage descriptif :
"Au-dehors, le bruit du maréchal ferrant dans la forge d'en face, la danse boiteuse des marteaux sur l'enclume, le halètement du soufflet poussif ; l'odeur de la corne grillée, les battoirs des laveuses accroupies au bord de l'eau, les coups sourds du couperet du boucher dans la maison voisine, le pas d'un cheval sonnant sur le pavé de la rue, le grincement d'une pompe, le pont tournant sur le canal, les lourds bateaux, chargés de pile de bois, lentement défilant, halés au bout d'une corde, devant le jardin suspendu, la petite cour dallée, avec un carré de terre, où poussaient deux lilas, au milieu d'un massif de géraniums et de pétunias, les caisses de lauriers et de grenadiers en fleurs sur la terrasse au-dessus du canal ; parfois, le vacarme d'une foire sur la place voisine, les paysans en blouse bleue luisante, et les cochons braillants... Et le dimanche, à l'église, le chantre qui chantait faux, le vieux curé qui s'endormait en disant la messe, la promenade en famille sur l'avenue de la gare, où l'on passait son temps à échanger des coups de chapeau cérémonieux avec d'autres malheureux, qui se croyaient également obligés à se promener ensemble, - jusqu'à ce qu'enfin on arrivât dans les champs ensoleillés, au-dessus desquels, invisibles, se balançaient les alouettes, - ou le long du canal miroitant et mort, des deux côtés duquel les peupliers alignés frissonnaient... Et puis, c'était les grands dîners, les mangeries interminables, où l'on parlait de mangeaille, avec science et volupté : car il n'y avait là que des connaisseurs ; et la gourmandise est, en province, la grande occupation, l'Art par excellence. Et l'on parlait aussi d'affaires et de gauloiseries et, ça et là, de maladies, avec des détails sans fin... - Et le petit garçon, assis dans son coin, ne faisait pas plus de bruit qu'une petite souris, grignotait, ne mangeait guère, et écoutait de toutes ses oreilles. Rien ne lui échappait ; ce qu'il entendait mal, son imagination y suppléait."
24 avril 2012
Officiants :
Dominique, Vincent S, Mavra, Vincent P, Marc, Stéphanie, Emmanuel, Edith
C'est la première fois depuis le début du roman que nous n'avons pas entendu mentionner Jean-Christophe pendant toute la lecture.
Nous poursuivons l'enfance d'Olivier Jeannin et de sa soeur Antoinette. Le père est un riche banquier, fils de banquier, la famille est influente dans tout le voisinage.
Mais monsieur Jeannin fait de mauvaise affaires (des emprunts miteux) et se ruine. Il se tire une balle dans la tête. Son épouse et ses enfants font face à des créanciers impitoyables (les amis d'hier !) ; l'Eglise refuse d'enterrer un suicidé ; la mère et ses deux enfants vendent tout et partent à Paris.
Paris les accueille mal : arnaque des commerçants, mépris de la famille de madame Jeannin, qui ne veut pas s'encombrer de cette femme et de ses deux enfants ruinés et humiliés.
Alors madame Jeannin se met au travail. Sa fille Antoinette aussi. Le fils Olivier fréquente le lycée. Vie de privations, d'humiliation mais aussi de grand amour partagé à trois. Et puis madame Jeannin meurt, accablée par les travaux. Les deux enfants se retrouvent seuls. Antoinette pourvoit aux soins de son frère et à ses études en travaillant tant qu'elle peut. Olivier et elle vivent dans la solitude, l'affection fraternelle, l'amour de la musique et la misère. Olivier peu à peu grandit et Antoinette découvre avec tristesse que l'adolescence de son frère lui arrache un ange. Car Olivier entre dans l'âge ingrat.
La dernière entrevue entre Olivier et son père : "Ils s'assirent. Une belle nuit de septembre. Le ciel limpide et obscur. L'odeur sucrée des pétunias se mêlait à l'odeur fade et un peu corrompue du canal sombre, qui dormait au pied du mur de la terrasse. Des papillons du soir, des grands sphinx blonds, battaient des ailes autour des fleurs, avec un ronflement de petit rouet. Les voix calmes des voisins assis devant leurs portes, de l'autre côté du canal, résonnaient dans le silence. Dans la maison, Antoinette jouait sur son piano des cavatines à fioritures italiennes. M. jeannin tenait la main d'Olivier dans sa main. Il fumait. L'enfant voyait dans l'obscurité qui lui dérobaient peu à peu les traits de son père la petite lumière de la pipe, qui se rallumait, s'éteignait par bouffées, se rallumait, finit par s'éteindre tout à fait. Ils ne causaient point. Olivier demanda le nom de quelques étoiles".
Vincent P a photographié, au cours d'une balade aux Lilas, ceci :
Premier mai
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Mavra, Laure, Dominique, Vincent P, Théo, Vincent S, Jérémie, Francis, Dalila, Edith
Antoinette et Olivier poursuivent leur vie de solitude et de labeur. Olivier rate son bac une première fois, non par incapacité intellectuelle mais par une trop grande émotion face à la pression des concours, à la pression qui pèse sur lui. Pour les deux jeunes gens c'est un drame ; mais ils n'en montrent rien et l'année suivante Olivier repasse le bac. Ils craignent bien qu'il échoue à nouveau, pourtant il est admissible, puis admis. La soeur offre alors à son frère des vacances en Suisse. C'est là que la maladie d'Antoinette, qui couvait, se déclare. Antoinette s'est trop sacrifiée ces dernières années. Elle a épuisé ses forces vitales. Nous revivons les trois rencontres ayant eu lieu entre Antoinette et Christophe (au théâtre en Allemagne, dans le train allemand, au milieu des voitures parisiennes), cette fois-ci vu du point de vue d'Antoinette. Antoinette et Olivier un soir à Paris vont au concert : c'est précisément un concert de Christophe Krafft, où celui-ci se fait huer. Antoinette reconnaît le jeune homme allemand, elle achète ses partitions, et trouve celle dédiée à "ma pauvre chère petite victime", avec la date de leur rencontre au théâtre (elle avait perdu sa place d'institutrice en Allemagne pour cette soirée). C'est une sorte d'accomplissement de son amour, même si entre elle et Christophe tout n'est qu'une suite de rencontres ratées. Elle lui écrit une lettre d'amour et d'appel au secours un soir, mais range la lettre dans un livre, "Puis elle se coucha, grelottante de fièvre. Le mot de l'énigme se découvrait : elle sentait s'accomplir en elle la volonté de Dieu. Et une grande paix descendit en elle".
8 Mai
Officiants
Mavra, Laure, Vincent S, Dominique, Vincent P, Dalila, Anthony, Jérémie, Edith
Nous assistâmes au début d'une merveilleuse amitié, quasi-amoueuse, entre Olivier Jeannin et Jean-Christophe Krafft, une amitié qui pousse Christophe à dire à Olivier, le lendemain de leur rencontre : "je vous aime".
Les deux jeunes hommes aménagent ensemble, en colocation.
Romain Rolland, réputé pour être un pacifiste internationaliste, consacre de longues pages sur la beauté de la race française, et sur la douleur du peuple français, écrasé sous l'hyperprésence des métèques (extrait ici).
15 mai
Officiants
Mavra, Marie-Thérèse, Vincent S, Francis, Dominique, Vincent P, Ingrid, Edith
Romain Rolland, à travers la relation d'amitié entre les colocataires Olivier et Christophe, poursuit ses considérations sur la France décadente. Il note que des idées, telles que "La France aux Français", ne sont pas réellement françaises, puisque la France est universelle. Comment fait-elle alors pour lutter contre la décadence métèque ? Par l'universalité ! La France a un estomac énorme : elle ingère et digère l'étranger : le Nord trouble, le Midi barbare et l'Orient vénéneux.
"- Voudrais-tu que je reprisse la vieille devise de haine : Fuori Barbari ! ou : la France aux Français !
- Pourquoi pas ? dit Christophe.
- Non, ce ne sont pas là des paroles françaises. En vain les propage-t-on chez nous, sous couleur de patriotisme. Bon pour les patries barbares ! La nôtre n'est point faite pour la haine. Notre génie ne s'affirme pas en niant ou détruisant les autres, mais en les absorbant. Laissez venir à nous et le Nord trouble et le Midi bavard...
- Et l'Orient vénéneux ?
- Et l'Orient vénéneux : nous l'absorberons comme le reste ; nous en avons absorbé bien d'autres ! Je ris des airs triomphants qu'il prend et de la pusillanimité de certains de ma race. Il croit nous avoir conquis, il fait la roue sur nos boulevards, dans nos journaux, nos revues et nos scènes de théâtre, sur nos scènes politiques. Le sot ! Il est conquis. Il s'éliminera de lui-même, après nous avoir nourris. La Gaule a bon estomac ; en vingt siècles, elle a digéré plus d'une civilisation."
Mardi 22
Officiants
Agnès, Dominique, Anthony, Claudine, Mireille, Francis, Théo, Vincent S, Edith
Jean-Christophe et Olivier mènent une vie de bohème. Romain Rolland nous décrit leur voisins, leur immeuble... Ils sont soutenus par un homme nommé Mooch, pour lequel Christophe éprouve des sentiments ambivalents car il est Juif. (Il lui dit : "Quel malheur que vous soyiez Juif !", ce qui fait honte à Olivier). Mooch répond finement : "C'est un bien plus grand malheur d'être un homme".
À cause de Colette Stevens (une ancienne élève de Christophe, que nous avions vu il y a quelques chapitres), qui répète des confidences d'Olivier à la terre entière et surtout à Lucien Levy-Bruhl, ennemi de Christophe, celui-ci et Olivier sont en froid. Christophe se bat en duel contre Levy-Bruhl ; personne n'est blessé ni ne meurt car ils ne savent pas tirer. Au retour du duel, réconciliation entre Christophe et Olivier.
Mardi 29
Officiants
Laure, Dominique, Mavra, Vincent P, Emmanuel, Marie-Thérèse, Vincent S, Dalila, Francis, Edith
Long passage sur les relations de voisinage entre Christophe, Olivier et leurs voisins.
Mardi 5 juin
Officiants
Jérémie, Mavra, Sonia, Dominique, Sophie, Anthony, Théo, Aleixandre, Ingrid, Dalila, Edith
Une séance dense.
Les relations entre l'Allemagne et la France se distendent, on croit à la guerre, Christophe et Olivier sont déchirés dans leur amitié franco-allemande... Mais l'orage passe, la guerre n'est pas déclarée.
Christophe reçoit une lettre de sa mère, qui veut le revoir avant de mourir. Olivier se saigne, déposant au Mont-de-Piété des objets chers à son coeur, pour que Christophe puisse prendre le train pour l'Allemagne. Christophe arrive à temps pour voir sa mère, l'embrasser avant qu'elle ne meure, mais il doit fuir la police et c'est Olivier, arrivé à sa suite grâce à l'argent de Mooch, qui s'occupe de l'enterrerment avec les frères indifférents de Christophe.
Christophe revoit le Rhin près duquel il a grandi avant de passer la frontière...
Retour à Paris : Christophe devient enfin célèbre. Les journalistes se pressent chez lui, chacun veut le voir et produire ses opéras. Il est un "génie" officiel. Christophe se laisse un peu griser, sans être dupe ; Olivier est inquiet et se demande si le caractère entier de son ami ne va pas le pousser à dire quelque bêtise et à faire scandale.
Mardi 12 juin
Officiants
Anthony, Mavra, Emmanuel, Laure, Vincent P, Alexandre, Fabien, Marie-Thérèse, Edith
Olivier et Christophe rencontrent une jeune femme riche nommée Jacqueline Langeais, charmante, d'à peine vingt ans. Ils s'en éprennent tous deux - mais elle aime Olivier. Christophe s'en rend compte et se met au service de leur histoire d'amour. Il convainc les réticences du père de Jacqueline. Olivier et Jacqueline se marient à la mairie, refusant l'église. Christophe s'apprête à composer pour leur mariage mais l'idée d'un mariage républicain le hérisse. Olivier et Jacqueline partent en voyage de noces en Italie, Olivier très lointain envers Christophe, tout à son nouvel amour...
"Christophe s'était fait beau, presque élégant, pour la cérémonie. Il n'y avait pas de mariage religieux : ni Olivier, indifférent, ni Jacqueline, révoltée, n'en avaient voulu. Christophe avait écrit pour la mairie un morceau symphonique ; mais au dernier moment, il y renonça, après s'être rendu compte de ce qu'est un mariage civil : il trouvait cette cérémonie ridicule. Il faut, pour y croire, être bien dépourvu de foi et de liberté, tout ensemble. Quand un vrai catholique se donne la peine de devenir libre penseur, ce n'est pas pour faire d'un fonctionnaire de l'état civil un prêtre. Entre Dieu et la libre conscience, il n'est aucune place pour une religion de l'Etat. L'Etat enregistre, il ne lui appartient pas d'unir".
Mardi 19 juin
Officiants
Mavra, Dominique, Vincent, Dalila, Francis, Edith
Olivier et Jacqueline s'aiment à la folie, puis s'ennuient ensemble, puis se délitent l'un dans l'autre. Le mariage d'Olivier et Jacqueline a éloigné Christophe, qui souffre et espère qu'il retrouvera un jour l'ami cher à son coeur.
Christophe à Paris rencontre une actrice, Françoise, célèbre, et dont l'enfance fut une vallée de larmes (coups, viols). Ils se parlent, par intermittence, et un jour ils sentent le désir monter et font l'amour. Nous nous sommes arrêtés précisément à ce moment.
Extrait :
"Elle s'ennuyait, s'ennuyait... Elle s'ennuyait d'autant plus qu'elle ne pouvait se donner comme excuse qu'elle n'était pas aimée, ou qu'elle ne pouvait souffrir Olivier. Sa vie lui paraissait bloquée, murée, sans avenir, elle aspirait à un bonheur nouveau, sans cesse renouvelé, - rêve enfantin que ne légitimait point la médiocrité de son aptitude au bonheur. Elle était comme tant d'autres femmes, tant de ménages désoeuvrés, qui ont toutes les raisons d'être heureux, et qui ne cessent de se torturer. On en voit qui sont riches, qui ont de beaux enfants, une bonne santé, qui sont intelligents et capables de sentir les belles choses, qui possèdent tous les moyens d'agir, de faire du bien, d'enrichir leur vie et celle des autres. Et ils passent leur temps à gémir qu'ils ne s'aiment pas, qu'ils en aiment d'autres, ou qu'ils n'en aiment pas d'autres, - perpétuellement occupés d'eux-mêmes, de leurs rapports sentimentaux ou sexuels, de leurs prétendus droits au bonheur, de leurs égoïsmes contradictoires, et discutant, discutant, jouant la comédie du grand amour, la comédie de la grande souffrance, et finissant par y croire... Qui leur dira :
- Vous n'êtes aucunement intéressants. Il est indécent de se plaindre, quand on a tant de moyens de bonheur !
Qui leur arrachera leur fortune, leur santé, tous ces dons merveilleux, dont ils sont indignes ! Qui remettra sous le joug de la misère et de la peine véritable ces esclaves incapables d'être libres, que leur liberté affole ! S'ils avaient à gagner durement leur pain, ils seraient contents de le manger. Et s'ils voyaient en face le visage terrible de la souffrance, ils n'oseraient plus en jouer la comédie révoltante...
Mais, au bout du compte, ils souffrent. Ils sont des malades. Comment ne pas les plaindre ? - La pauvre Jacqueline était aussi innocente de se détacher d'Olivier qu'Olivier l'était de ne pas la tenir attachée. Elle était ce que la nature l'avait faite. Elle ne savait pas que le mariage est un défi à la nature, et que, quand on a jeté le gant à la nature, il faut s'attendre à ce qu'elle le relève, et s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué".
Mardi 26 juin
Officiants
Mavra, Laure, Vincent P, Emilie, Marie-Thérèse, Vincent S, Sonia, Jean-Baptiste, Dominique O-F, Sophie, Dalila, Gabriel, Edith
Jacqueline et Olivier ont un enfant ; Jacqueline n'arrive pas à aimer cet enfant. Elle n'arrive plus à aimer Olivier. Olivier est attendri par Jacqueline et par leur enfant.
Christophe est retourné en Allemagne, grâce à un diplomate, et il a revu Mina de Kerich, qui s'est mariée, et sa mère.
Passages intéressants sur le droit d'auteur musical...
Mardi 3 juillet
Officiants
Dominique, Laure, Mavra, Fabien-Côme, Vincent P, Dalila, Théo, Xenia, Aleixandre, Edith
Jacqueline quitte Olivier et l'enfant, dont on ignore toujours le nom.
Olivier est désespéré. Cécile Fleury, amie d'Olivier et Christophe, s'occupe du bébé ; l'amitié entre les deux hommes reprend, à ceci près que la dépression d'Olivier épuise Christophe, qui a besoin de vitalité, de puissance, de joie.
Long discours sur les femmes qui plaquent mari et enfant, tenu par madame Arnault, amie de Christophe. On condamne ces femmes de façon radicale, et pourtant, y a-t-il un fond à leur malheur ? Zweig, ami de Rolland, avait sûrement lu ce passage avant d'écrire ses 24 heures de la vie d'une femme.
Olivier ne sort pas de sa dépression, quand soudain il apprend que ses voisins, un couple ouvrier et leurs cinq enfants, se sont suicidés de misère. Nous en sommes là.
Extrait de la séance :
"Calme du coeur. Les vents suspendus. L'air immobile...
Christophe était tranquille ; la paix était en lui. Il éprouvait quelque fierté de l'avoir conquise. Et secrètement, il en était contrit. Il s'étonnait du silence. Ses passions étaient endormies ; il croyait, de bonne foi, qu'elles ne se réveilleraient plus.
Sa grande force, un peu brutale, s'assoupissait, sans objet, désoeuvrée. Au fond, un vide secret, un "à quoi bon", caché ; peut-être le sentiment du bonheur qu'il n'avait pas su saisir. Il n'avait plus assez à lutter, ni contre soi, ni contre les autres. Il n'avait plus assez de peine, même à travailler. Il était arrivé au terme d'une étape ; il bénéficiait de la somme de ses efforts antérieurs ; il épuisait trop aisément la veine musicale qu'il avait ouverte ; et tandis que le public, naturellement en retard, découvrait et admirait ses oeuvres passées, lui, s'en détachait, sans savoir encore s'il irait plus avant. Il jouissait, dans la création, d'un bonheur uniforme. L'art n'était plus pour lui, à cet instant de sa vie, qu'un bel instrument dont il jouait en virtuose. Il se sentait, avec honte, devenir dilettante".
Mardi 10 juillet
Officiants
Marc, Laure, Théo, Mavra, Vincent S, Edith
Horrifiés par ce suicide de misère, d'une famille ouvrière de cinq enfants, Olivier et Christophe se lancent à corps perdus dans le mouvement social. Ils y rencontrent des bourgeois qui mettent en avant d'hypothétiques origines pauvres, des bourgeois dont l'unique but, par masochisme, est d'anéantir leur propre classe, des ouvriers qui haïssent les bourgeois par essence et quelque soit leurs idées et actions, et enfin des ouvriers qui ont compris que la Syndicalisme et la Révolution pouvaient offrir de belles carrières. Ils y découvrent l'esprit bourgeois chez la plupart des ouvriers, qui auraient fait de bons bourgeois s'ils en avaient les moyens et dont l'unique révolte était de n'être pas né du bon côté du manche social.
Extrait : [La souffrance] "remplissait le monde. Le monde, cet hôpital... Ô douleurs, agonies ! Tortures de chair blessée, pantelante, qui pourrit vivante ! Supplices silencieux des coeurs que le chagrin consume ! Enfants privés de tendresse, filles privées d'espoir, femmes séduites et trahies, hommes déçus dans leurs amitiés, leurs amours et leur foi, lamentable cortège des malheureux que la vie a meurtris ! Le plus atroce n'est pas la misère et la maladie ; c'est la cruauté des hommes les uns envers les autres. Àpeine Olivier eut-il levé la trappe qui fermait l'enfer humain que monta vers lui la clameur de tous les opprimés : prolétaires exploités, peuples persécutés, l'Arménie massacrée, la Finlande étouffée, la Pologne écartelée, la Russie martyrisée, l'Afrique livrée en curée aux loups européens, les misérables de tout le genre humain. Il en fut suffoqué ; il l'entendait partout, il ne pouvait plus concevoir qu'on pensât à autre chose. Il en parlait sans cesse à Christophe. Christophe, troublé, disait :
- Tais-toi ! Laisse-moi travailler.
Et comme il avait peine à reprendre son équilibre, il s'irritait, jurait :
- Au diable ! Ma journée est perdue ! Te voilà bien avancé.
Olivier s'excusait.
- Mon petit, disait Christophe, il ne faut pas toujours regarder dans le gouffre. On ne peut plus vivre.
- Il faut tendre la main à ceux qui sont dans le gouffre.
- Sans doute. Mais comment ? En nous y jetant aussi ? Car c'est cela que tu veux. Tu as une propension à ne plus voir dans la vie que ce qu'elle a de triste. Que le bon Dieu te bénisse ! Ce pessimisme est charitable, assurément ; mais il est déprimant. Veux-tu faire du bonheur ? D'abord, sois heureux !
- Heureux ! Comment peut-on avoir le coeur de l'être, quand on voit tant de souffrances ? Il ne peut y avoir de bonheur qu'à tâcher de les diminuer.
- Fort bien. Mais ce n'est pas en allant me battre à tort et à travers que j'aiderai les malheureux. Un mauvais soldat de pus, ce n'est guère. Mais je puis consoler par mon art, répandre la force et la joie. Sais-tu combien de misérables ont été soutenus dans leurs peines par la beauté d'une chanson ailée ? À chacun son métier ! Vous autres de France, en généreux hurluberlus, vous êtes toujours les premiers à manifester contre toutes les injustices, d'Espagne ou de Russie, sans savoir au juste de quoi il s'agit. Je vous aime pour cela. Mais croyez-vous que vous avanciez les choses ? Vous vous y jetez en brouillons, et le résultat est nul, - quand il n'est pas pire... Et vois, jamais votre art n'a été plus fade qu'en ce temps où vos artistes prétendent se mêler à l'action universelle. Étrange, que tant de petits-maîtres dilettantes et roués s'érigent en apôtres ! Ils feraient beaucoup de verser à leur peuple un vin moins frelaté. - Mon premier devoir, c'est de faire ce que je fais, et de vous fabriquer une musique saine, qui vous redonne du sang et mette en vous le soleil.
Pour répandre le soleil sur les autres, il faut l'avoir en soi. Olivier en manquait. Comme les meilleurs d'aujourd'hui, il n'était pas assez fort pour rayonner la force à lui tout seul. Il ne l'aurait pu qu'en s'unissant avec d'autres. Mais avec qui s'unir ? Libre d'esprit et religieux de coeur, il était rejeté de tous les partis politiques et religieux".
Mardi 17 juillet
Officiants
Jérémie, Mavra, Francis, Dalila, Emmanuel, Marie-Thérèse, Jean-Pierre, Sonia, Lisa, Edith
Olivier et Jean-Christophe se jettent dans la militance sociale. Ils se lient avec le milieu militant ouvrier, et font connaissance d'Emmanuel, jeune garçon d'une dizaine d'années, fils d'une prostituée décédée, élevé par son grand-père chez qui il travaille comme apprenti. Emmanuel est bossu et il a une amie, Rainette, une petite infirme qui ne peut sortir de chez elle. Rainette est très catholique, Emmanuel n'attend que la Révolution, tous deux sont des enfants qui souffrent et rêvent d'une délivrance à travers les idées et les croyances de leurs parents, qu'ils répètent avec ferveur.
Un jour de premier mai, Olivier et Jean-Christophe se mêlent à des manifestations de travailleurs et de militants. Policiers et manifestants s'affrontent. Olivier voit le petit Emmanuel écrasé par la foule, il se précipite pour le sauver, mais alors qu'Emmanuel est sauf Olivier se prend des mauvais coups et les voisins le transportent au café, blessé.
Pendant ce temps, Jean-Christophe chante un hymne révolutionnaire de son cru, debout sur une barricade, ce qui le "mouille" auprès des autorités. Pour tout arranger, dans la bataille il contribue à la mort d'un policier.
A la fin de la manif, Olivier Jeannin, meilleur ami de Christophe et second héros de notre roman, se meurt, il rend ses derniers soupirs sous les larmes du petit garçon difforme qu'il a sauvé.
Pendant ce temps, Christophe, qui ignore tout de la blessure d'Olivier, est emmené par des amis vers la frontière, pour échapper à une arrestation.
EXTRAIT :
"L'enfant, retenant son souffle, écoutait le conte de fées que lui disait son grand ami. Et Olivier, à son tour, réchauffé par l'attention de son petit auditeur, se laissait prendre à ses propres récits.
Il est, dans la vie, des secondes décisives où, de même que s'allument tout d'un coup dans la nuit d'une grande ville les lumières électriques, s'allume dans l'âme obscure la flamme éternelle. Il suffit d'une étincelle qui jaillisse d'une autre âme et transmette à celle qui attend le feu de Prométhée. Ce soir de printemps, la tranquille parole d'Olivier alluma dans l'esprit que recelait le petit corps difforme, comme une lanterne bossuée, la lumière qui ne s'éteint plus. Aux raisonnements d'Olivier, il ne comprenait rien, à peine les entendait-il. Mais ces légendes, ces images qui étaient pour Olivier de belles fables, des sortes de paraboles, en lui se faisaient chair, devenaient réalité. Le conte de fées s'animait, palpitait autour de lui. Et la vision qu'encadrait la fenêtre de la chambre, les hommes qui passaient dans la rue, les riches et les pauvres, et les hirondelles qui frôlaient les murs, et les chevaux harassés qui traînaient leur fardeau, et les pierres des maisons qui buvaient l'ombre du crépuscule, et le ciel pâlissant où mourait la lumière, - tout ce monde extérieur s'imprima brusquement en lui, comme un baiser. Ce ne fut qu'un éclair. Puis, cela s'éteignit. Il pensa à Rainette, et dit :
- Mais ceux qui vont à la messe, ceux qui croient au bon Dieu, c'est pourtant des toqués.
Olivier sourit :
- Ils croient, dit-il, comme nous. Nous croyons tous à la même chose. Seulement, ils croient moins que nous. Ce sont des gens qui, pour voir la lumière, ont besoin de fermer leurs volets et d'allumer leur lampe. Ils mettent Dieu dans un homme. Nous avons de meilleurs yeux. Mais c'est toujours la même lumière que nous aimons.
Le petit retournait chez lui, par les rues sombres où les becs de gaz n'étaient pas encore allumés. Les paroles d'Olivier bourdonnaient dans sa tête. Il se disait qu'il est tout aussi cruel de se moquer des gens parce qu'ils ont de mauvais yeux que parce qu'ils sont bossus. Et il pensait à Rainette qui avait de jolis yeux ; et il pensait qu'il les avait fait pleurer".
Mardi 24 juillet
Officiants
Dominique LB, Mavra, Fabien, Vincent P, Laure, Jean-Pierre, Anthony, Edith
Réfugié dans une ville suisse, Jean-Christophe apprend la mort de son ami Olivier et tombe dans le désespoir.
Il est accueilli par un ancien ami d'Allemagne, sa femme Anna. Celle-ci se montre d'une grande froideur, d'une incapacité totale d'éprouver des émotions, sauf lorsqu'elle chante : alors sa sensualité gronde et des torrents d'émotions vitales s'échappent de cet être mystérieux.
Nous en sommes restés au moment où Christophe réalise qu'Anna, derrière le vide apparent de sa personnalité, recèle une grande force et un charme à découvrir. Nous nous sommes quittés effrayés par la séance torride qui nous attend le mardi 31...
Mardi 31 juillet
Officiants
Anthony, Mavra, Vincent P, Dominique, Fabien, Laure, Francis, Jérémie, Edith
Anna et Christophe vivent une passion physique. Braun ne se doute de rien. Mais Bäby, la domestique, a disposé de la cendre dans le couloir pour mesyrer d'éventuelles traces de pas entre la chambre d'Anna et celle de Christophe. Anne déjoue la ruse au moyen d'un petit balai... Las ! Elle oublie de remettre le balai à sa place ! Bäby sait...
Deux punitions attendent Anna : l'opprobre de la ville, d'une part ; la damnation de Dieu, d'autre part. Anna défaille.
Quant à Christophe, il se torture de tomber l'ami Braun, le bienfaiteur Braun qui l'a recueilli et soigné...
Christophe et Anne ont une bonne idée, qui les délivreront l'une de l'opprobre de la ville et l'autre de sa culpabilité amicale : ils vont mourir ensemble. Mais Anna pensant que Christophe n'en aura pas le courage allume le gaz dans sa chambre. Christophe la délivre à temps.
Résolus à mourir ensemble, ils prennent le pistolet de Braun et se cachent de Bäby qui dort. Hélas ! Anna tire trois coup contre sa tempe, et les coups de partent pas. Elle devient presque folle. Christophe est désespéré. Braun rentre et trouve sa femme dans un état effroyable. Il la veille. Puis Anna réussit à prononcer un désir : "aller au culte".
Nous en sommes là !
Mardi 7 août
Officiants
Jean-Pierre, Anthony, Mavra, Vincent P, Alexandre, Emmanuel, Vincent S, Edith
Jean-Christophe fou de passion comprend qu'Anna devient folle à cause de lui, de leur trahison, et il fuit la ville.
Il compose, son nom s'est imposé, ses cheveux ont blanchi aux travaux musicaux et aux duretés de sa vie erratique et passionnée.
Et puis une envie tourmente Jean-Christophe : retrouver l'enfant d'Olivier. Il écrit à Cécile, qui l'avait recueilli et élevé, mais celle-ci répond que la mère indigne est un jour venue lui arracher l'enfant.
Un long et beau passage sur la souffrance animale et l'horreur du comportement humain envers les animaux.
(Rappelons que Rolland est disciple de Tolstoï et ami de Gandhi, deux grands défenseurs de la personne animale. Ce passage animaliste célèbre est lisible par ici )
Jean-Christophe découvre la Suisse italienne, puis l'Italie, et qui rencontre-t-il par hasard dans la forêt ? Grazia !!!
Elle est veuve désormais, seule avec ses deux jeunes enfants. Ils évitent l'intimité, ne sachant (ou sachant trop bien) ce qui pourrait arriver si l'isolement les laissait épancher un cœur soudain bien tendre.
Un passage sur la musique :
« Le corps et l’âme s’écoulent comme un flot. Les ans s’inscrivent sur la chair de l’arbre qui vieillit. Le monde entier des formes s’use et se renouvelle. Toi seule ne passes pas, immortelle musique. Tu es la mer intérieure. Tu es l’âme profonde. Dans tes prunelles claires, le visage morose de la vie ne se mire. Au loin de toi s’enfuient, comme le troupeau de nuées, le cortège des jours brûlants, glacés, fiévreux, que l’inquiétude chasse et qui jamais ne durent.
Toi seule tu ne passes pas. Tu es en dehors du monde. Tu es un monde, à toi seule. Tu as ton soleil, tes lois, ton flux et ton reflux. Tu as la paix des étoiles, qui tracent dans le champ des espaces nocturnes leur sillon lumineux, - charrues d’argent que mène la main sûre de l'invisible bouvier.
Musique, amie sereine, que ta lumière lunaire est douce aux yeux fatigués par le brutal éclat du soleil d’ici-bas !...L’âme qui se détourne de l’abreuvoir commun, où les hommes pour boire remuent la vase avec leurs pieds, se presse sur ton sein et suce à tes mamelles le ruisseau de lait du rêve. Musique, vierge mère, qui portes en ton corps immaculé toutes les passions, qui contiens dans le lac de tes yeux couleur de joncs, couleur de l’eau vert-pâle qui coule des glaciers, tout le bien, tout le mal, - tu es par delà le mal, tu es par delà le bien ; qui chez toi fait son nid vit en dehors des siècles ; la suite de ses jours ne sera qu’un seul jour ; et la mort qui tout mord s’y brisera les dents.
Musique qui berças mon âme endolorie, musique qui me l’as rendue calme, ferme et joyeuse, - mon amour et mon bien, - je baise ta bouche pure, je cache mon visage dans tes cheveux de miel, j’appuie mes paupières qui brûlent sur la paume douce de tes mains. Nous nous taisons, nos yeux sont clos, et je vois la lumière ineffable de tes yeux, et je bois le sourire de ta bouche muette ; et blotti sur ton coeur, j’écoute le battement de la vie éternelle ».
Un passage sur la lumière :
"Sur la mer lumineuse, dans la nuit lumineuse, il se laissait bercer, longeant les promontoires bordés de cyprès enfantins. Il s'installa dans le village, il y passa cinq jours dans une joie perpétuelle. Il était comme un homme qui sort d'un long jeûne, et qui dévore. De tous ses sens affamés, il mangeait la splendide lumière... Lumière, sang du monde, fleuve de vie, qui, par nos yeux, nos narines, nos lèvres, tous les pores de la peau, t'infiltres dans la chair, lumière plus nécessaire à la vie que le pain, - qui te voit dévêtue de tes voiles du Nord, pure, brûlante, et nue, se demande comment il a jamais pu te vivre sans te posséder, et sait qu'il ne pourra plus jamais vivre sans te désirer".
Mardi 14 août
Officiants
Anne, Francis, Agnès, Laure, Jean-Pierre, Edith
Sublimes passages sur l'Italie qui s'éveille à l'aube du XX°siècle : l'Italie visuelle et antique, mais aussi l'Italie intellectuelle, politique, sociale...
Jean-Christophe et Grazia ne succombent pas à la tentation ; leur amitié demeure platonique au grand dam de Christophe qui voudrait épouser sa grande amie.
Puis Christophe retourne à Paris, pour la première fois depuis sa fuite. Il est accueilli comme un grand artiste et la douleur de la perte d'Olivier et des anciens amis se rappelle à lui, cruelle.
Nous sommes restés au milieu d'une longue lettre que Christophe écrit à Grazia, pour lui raconter ses retrouvailles avec Paris.
Mardi 21 août
Officiants
Théo, Anne, Jérémie, Mavra, Vincent S, Edith
La vie parisienne de Christophe se poursuit. Son succès lui est agréable, mais en même temps il lui fait honte tant il trouve son propre public médiocre.
Christophe feuillette un livre dans une librairie. D'étranges sentiments montent en lui... Il connait ces mots... Il connait ces idées... Et soudain il lit une histoire que son ami Olivier lui avait racontée quelques jours avant sa mort !
Ebahi, il part à la recherche du poète... Et le retrouve en la personne d'Emmanuel, le tout jeune ouvrier bossu, "fils d'une prostituée et d'un alcoolique" et auquel Olivier s'était attaché.
Les deux hommes s'étreignent sous l'émotion du souvenir commun d'Olivier. Mais très vite, Emmanuel est vexé par la pitié de Christophe, qu'il prend pour de la commisération, pour son milieu, son corps difforme, sa vie misérable en dépit du succès littéraire.
Un jour, une tout jeune homme, de quatorze ans, sonne à la porte de Christophe. C'est Georges Jeannin, le fils d'Olivier ! Christophe bouleversé veut s'occuper de ce jeune homme malicieux, plein de charme, fuyant comme une anguille.
Grazia, sans doute après une histoire d'amour malheureuse en Italie (elle ne le dit jamais), vient à Paris accompagnée de ses enfants Aurora et Lionello. Sa tendresse platonique avec Christophe se poursuit... Lionello, que Christophe n'arrive pas à aimer, tombe gravement malade de phtisie. Grazia laisse sa fille Aurora chez sa cousine parisienne Colette (ancienne élève de Christophe comme elle) et emmène son fils dans un sanatorium. L'ambiance des sanatoriums et l'état de son fils la désespèrent. Un jour, Christophe, malgré sa défense, vient la voir. Elle ressent un immense soulagement et ils veillent ensemble cet enfant qu'elle adore et que Christophe ne parvient pas à trouver agréable. Lionello guérit.
Mardi 28 août
Officiants
Dominique LB, Mavra, Jean-Pierre, Vincent P, Emilie, Vincent S, Edith
Grazia se décide à épouser Christophe. Mais son fils Lionello le ressent et feint de rechuter dans sa maladie pour éloigner sa mère de Christophe. À force de feindre la maladie, l'enfant la contracte et en meurt.
À Paris, Christophe fait désormais partie de la vieille garde, bousculée par la jeunesse française qui veut un nouvel art, de nouvelles idées, un nouveau monde. Après le socialisme et la liberté de moeurs de la génération précédente, les nouveaux jeunes souhaitent l'ordre de l'Action française et le catholisicme, que même les plus incroyants prônent, comme une structure nécessaire à la société.
Georges Jeannin, le fils d'Olivier, vit une adolescence sulfureuse : femmes, sports. Il se bat un jour en duel contre un journaliste qui a maltraité Christophe dans un article.
Et puis Grazia meurt, là-bas en Italie, la main dans la main de sa fille Aurora.
Mardi 4 septembre
Officiants
Théo, Emilie, Jean-Baptiste, Vincent S, Laure, Vincent P, Sonia, Jean-Pierre, Ingrid, Fabien-Côme, Dalila, Francis, Marie-Thérèse, Dominique LB, Edith
Merveilleux finale ! Georges Jannin, fils d'Olivier, épouse Aurora, la fille de Grazia. Jean-Christophe meurt dans un combat joyeux et mystique, où la musique et la prière déiste, d'inspiration tolstoïenne, se mêlent. La légende de Saint Christophe est merveilleusement évoquée car Jean-Christophe meurt dans un rêve où il porte un enfant sur son dos, un enfant lourd, lourd, lourd... Et il lui demande : "Enfant, qui es-tu ?" L'enfant répond : "Je suis le jour qui va naître".
Le roman finit donc somptueusement, sur la mort mystique du musicien, comme il avait commencé autour de son berceau.
La lecture des dernières pages furent accompagnées au piano par Vincent S : un moment que nous n'oublierons jamais.
Nous lûmes dans l'édition Albin Michel de 2007
Romain Rolland, prophète d'Europe
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dimanche, 06 décembre 2009
Le blog d’AlmaSoror est-il un roman en chantier ?
J’ai oublié mon rêve : il ne restait que le mot “romanblog” au réveil.
La nuit était noire et la chambre, grande et vide. Mon lit n’était habité que par moi. Le mot romanblog trônait dans le silence de l’immeuble et les images qui l’avaient sans doute fait naître avaient disparu. Que fallait-il que je fasse ?
Alors c’est un roman écrit à plusieurs mains, à plusieurs coeurs. Loin de nos corps qui oublient de vivre, recroquevillés devant l’écran d’ordinateur, les doigts crochus sur le clavier en plastic.
Le blog d’AlmaSoror est un roman écrit par ceux qui contribuent, qui envoient des textes selon notre charte, cette charte qui n’a pas bougé depuis l’entrouverture de la porte en septembre 2006 : intemporel. L’air du temps change avec les époques, mais toujours il est irrespirable.
Signé : quelques uns.
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