jeudi, 06 septembre 2012
Hildegarde, abbesse d'antan
Peut-être qu'elle est la femme que j'admire le plus au monde. Elle demeure mystérieuse à mes yeux, à mon esprit. Je n'ai pas assez de connaissance sur sa vie, sur l'époque qui l'a vue vivre, sur son œuvre et je ne peux que tenter d'imaginer son allure, son regard, sa voix.
Elle soignait, elle composait, elle écrivait, elle dominait les choses du Ciel et celles de la Terre, celles de l'Air et celles du Feu.
J'aimerais qu'un ange de l'étrange entre dans ma chambre, par une belle nuit d'été, et me prenne par la main. Sur le boulevard du Montparnasse un cortège de licornes attendrait. Nous monterions sur l'une d'entre elles, un mâle de sept ans. Nous partirions au galop devant de jeunes passants et des clochards médusés, qui mettraient peut-être sur le compte de l'alcool cette vision d'une nuit de pleine lune, et qui écarquilleraient les yeux, dans une détente suprême de la raison, en voyant notre cortège s'envoler puissamment et poursuivre sa cavalcade à travers ciel.
L'Ange et ses licornes m'emporteraient vers elle. Je n'aurais rien à lui offrir, mais elle sourirait, dirait que cela n'est pas grave, que c'est elle qui va m'offrir à boire un élixir, qu'elle voulait de longue date converser avec moi.
Et nous parlerions ainsi, une nuit entière, dans une abbaye du ciel. Les chants des sœurs en prière dans la chapelle nous parviendraient amoindris par le vent.
C'est mon rêve.
Elle m'invite la nuit pour parler de Dieu et des plantes, de musique et d'animaux, des mystères de l'âme et du cœur, des tentatives de vivre et des résurrections. Elle est fascinante comme l'aurore au lendemain du monde.
Elle s'appelle Hildegarde. Elle est de Bingen, et de l'an 1000.
E CL
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mercredi, 14 octobre 2009
Guibert de Nogent et la dépravation des femmes
Nous sommes vers l'an 1100 (excusez mon inexactitude : à l'époque, je mangeais à la table des anges).
Guibert de Nogent, désabusé, profondément inquiet, écrit sur les nouvelles manières des femmes. C'était environ 800 ans avant Hollywood.
"Hélas, la modestie et l'honneur virginaux ont été misérablement délaissés, et l'autorité maternelle affaiblie à la fois en apparence et en fait, si bien que toute leur conduite ne révèle qu'une gaieté indécente, qui ne fait entendre que des moqueries, accompagnées de clins d'yeux et des langues qui caquettent, une démarche sans retenue, et des façons tout à fait ridicules. La qualité de leurs vêtements les éloigne tant de la réserve d'autrefois que dans l'élargissement de leurs manches, le resserrement de leurs corsages, leurs souliers en maroquin de Cordoue à pointe retroussée - bref, toute leur personne ignore la honte. Chacune croit avoir atteint le plus bas échelon de l'infortune si elle est privée d'hommages amoureux et mesure la splendeur de sa noblesse ou de son élégance au nombre croissant de tels prétendants... C'est de cette façon que nos temps modernes se corrompent."
Cité ( et traduit de l'ancien français) par Joan Evans, in La civilisation en France au Moyen Âge, Payot, Paris, 1930. 80 gravures.
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