Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 27 décembre 2009

Les quartiers populaires

 

chaises et tables.jpg
Jardin du Luxembourg, par Sara

 

 

Bourgeois, vous n'aimez pas les riches : vous préférez les pauvres, car vous êtes infiniment de gauche. Alors vous dites, "pouah, les quartiers riches sont morts ! je préfère les quartiers populaires". Et vous vendez vos appartements des longues avenues du septième arrondissement, et vous achetez des "surfaces originales" là où les poubelles débordent, où les gens crachent sur le trottoir, où les enseignes multicolores sont écrites dans toutes les langues. 
Mais votre gloire d'être peuple, qui en paye le prix ? Eux.

Ceux qui partent, refoulés toujours plus loin, vers le périphérique, puis de l'autre côté du périphérique, puis plus loin encore dans les banlieues ; ceux que vos euros patentés chassent des immeubles que vous restaurez pour votre plus grand confort.  Depuis cinquante ans, combien de familles, combien de vieux, combien d'ouvriers, d'employés avez-vous bouté hors de Paris, sans vous en rendre compte, en colonisant leurs parcelles de "terres" urbaines durement louées, en y confectionnant de luxueuses salles de bains et cuisines, en disant : "pouah ! les quartiers riches me dégoûtent. Ils sont trop propres. Je veux la zone, je veux le peuple, je veux la racaille !"

Et Paris devient de plus en plus cher et ceux qui s'y maintenaient encore doivent fuir les loyers que votre simple présence élève, pour s'exiler hors les enceintes de LEUR ville.


Vous aimez les quartiers populaires - mais vous embourgeoisez tout ce que vous touchez. Vous qui n'aimez pas les riches, vous qui passez vos vacances d'hiver au ski, vos vacances d'été à la mer.


$€£ Édith de CL $€£

samedi, 05 décembre 2009

Notre-Dame de Paris

 

P2.17 xx.jpg

 

Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu'elle a vu naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un boeuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d'une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !


Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront, pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
- Alors ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu'elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l'ombre d'un mort !

Gérard de Nerval

 

mardi, 01 décembre 2009

Music Airbags

 

 

Tour eiffel.jpg
"métal" par Sara


 

Music Air bags, vous me sauverez la vie en atténuant l’impact du réel.
Music Air Bags, vous me projeterez loin des routes balisées, vous éclabousserez mon aura de poussière, vous ferez planer nos vies, en mélangeant les arias de la haute musique classique européenne aux électro-batteries des scènes musicales underground des villes américaines des années 90 et 2000. 
 


Mais les portes de la ville tiède sont closes à qui n’a point la carte magnétique demandée par les Kapos. 
 

Les bars n’ont plus de bière à vendre ; on n’y peut plus fumer. Qui peut dire par où sort la grande dictature du monde ? 
 


Les méxicains sont éreintés. Leur yeux sont pleins de larmes. Où est Aztlan ? Où est Aztlan ?
Qui reviendra les emmener ? 
 


Loin de nos côtes sur l’île de Pâques de grands visages gardent les secrets des sacrifices passés, qui faisaient trop mal pour durer. Les grands visages attendent le dieu qui les a inspirés.
 


Et moi ? J’erre dans Paris la belle, j’erre dans Paris la vieille et dans Paris la jeune. Mes yeux sont trop salés ; j’attends le guide, j’attends le signe.
 

Je veux rentrer à Occismor.


édith de Cornulier Lucinière 

 

mercredi, 25 novembre 2009

La cuve

 

Gare.Rouen.jpg

 

Il est, il est sur terre une infernale cuve,
On la nomme Paris ; c'est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours
C'est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à longs flots de la matière humaine ;
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.



Là, dans ce trou boueux, le timide soleil
Vient poser rarement un pied blanc et vermeil ;
Là, les bourdonnements nuit et jour dans la brume
Montent sur la cité comme une vaste écume ;
Là, personne ne dort, là, toujours le cerveau
Travaille, et, comme l'arc, tend son rude cordeau.
On y vit un sur trois, on y meurt de débauche ;
Jamais, le front huilé, la mort ne vous y fauche,
Car les saints monuments ne restent dans ce lieu
Que pour dire : Autrefois il existait un Dieu.




Là, tant d'autels debout ont roulé de leurs bases,
Tant d'astres ont pâli sans achever leurs phases,
Tant de cultes naissants sont tombés sans mûrir,
Tant de grandes vertus, là, s'en vinrent pourrir,
Tant de chars meurtriers creusèrent leur ornière,
Tant de pouvoirs honteux rougirent la poussière,
De révolutions au vol sombre et puissant
Crevèrent coup sur coup leurs nuages de sang,
Que l'homme, ne sachant où rattacher sa vie,
Au seul amour de l'or se livre avec furie.



Misère ! Après mille ans de bouleversements,
De secousses sans nombre et de vains errements,
De cultes abolis et de trônes superbes
Dans les sables perdus et couchés dans les herbes,
Le Temps, ce vieux coureur, ce vieillard sans pitié,
Qui va par toute terre écrasant sous le pié
Les immenses cités regorgeantes de vices,
Le Temps, qui balaya Rome et ses immondices,
Retrouve encore, après deux mille ans de chemin,
Un abîme aussi noir que le cuvier romain.


Toujours même fracas, toujours même délire,
Même foule de mains à partager l'empire ;
Toujours même troupeau de pâles sénateurs,
Mêmes flots d'intrigants et de vils corrupteurs,
Même dérision du prêtre et des oracles,
Même appétit des jeux, même soif des spectacles ;
Toujours même impudeur, même luxe effronté,
Dans le haut et le bas même immoralité,
Mêmes débordements, mêmes crimes énormes,
Moins l'air de l'Italie et la beauté des formes.


La race de Paris, c'est le pâle voyou
Au corps chétif, au teint jaune comme un vieux sou ;
C'est cet enfant criard que l'on voit à toute heure
Paresseux et flânant, et loin de sa demeure
Battant les maigres chiens, ou le long des grands murs
Charbonnant en sifflant mille croquis impurs ;
Cet enfant ne croit pas, il crache sur sa mère,
Le nom du ciel pour lui n'est qu'une farce amère ;
C'est le libertinage enfin en raccourci ;
Sur un front de quinze ans c'est le vice endurci.


Et pourtant il est brave, il affronte la foudre,
Comme un vieux grenadier il mange de la poudre,
Il se jette au canon en criant : Liberté !
Sous la balle et le fer il tombe avec beauté.
Mais que l'Emeute aussi passe devant sa porte,
Soudain l'instinct du mal le saisit et l'emporte,
Le voilà grossissant les bandes de vauriens,
Molestant le repos des tremblants citoyens,
Et hurlant, et le front barbouillé de poussière,
Prêt à jeter à Dieu le blasphème et la pierre.


Ô race de Paris, race au coeur dépravé,
Race ardente à mouvoir du fer ou du pavé !
Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes,
Ainsi que des fiévreux, tous les porte-couronnes !
Flot hardi qui trois jours s'en va battre les cieux,
Et qui retombe après, plat et silencieux !
Race unique en ce monde ! effrayant assemblage
Des élans du jeune homme et des crimes de l'âge ;
Race qui joue avec le mal et le trépas,
Le monde entier t'admire et ne te comprend pas !


Il est, il est sur terre une infernale cuve,
On la nomme Paris ; c'est une large étuve,
Une fosse de pierre aux immenses contours
Qu'une eau jaune et terreuse enferme à triples tours
C'est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à longs flots de la matière humaine ;
Un précipice ouvert à la corruption,
Où la fange descend de toute nation,
Et qui de temps en temps, plein d'une vase immonde,
Soulevant ses bouillons, déborde sur le monde.
 


Auguste Barbier
 

(il vécut entre l'an 1805 et l'an 1882)

 

vendredi, 20 novembre 2009

François-Joseph Westermann

 

La rubrique Exterminator rappelle que certains hommes sont fous et qu'ils obtiennent souvent un grand succès. 
 

L'extermination d'autrui a toujours été une activité prisée.

AlmaSoror crée aujourd'hui la rubrique EXTERMINATOR en hommage aux exterminés ; nous espérons aussi, par cette série de courtes citations des bourreaux, contribuer à mettre au jour les méandres intérieurs de ce personnage très présent dans l'histoire des hommes : Exterminator. 

 

Qui est Exterminatator ? Après avoir présenté Exterminator Sennacherib, qui massacra la population de Bablylone, voici Exterminator Westermann, l'homme qui écrasa la Vendée, en éventrant, incendiant, passant les chairs à la baïonnette.

 

couloir du Kot.jpg

Phot de Sara

 

 

« Il n’y a plus de Vendée. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé ».

 

(lettre au comité de salut public)

 

F-J Westermann, Révolutionnaire français, surnommé le boucher de la Vendée, a une rue dans le vingtième arrondissement de Paris.

mercredi, 12 août 2009

Un amas confus de maisons ...

Paris au XVIIème siècle...

 

PistonP JP et YN1.jpg

Phot Sara

 

Un amas confus de maisons
Des crottes dans toutes les rues
Ponts, églises, palais, prisons
Boutiques bien ou mal pourvues

Force gens noirs, blancs, roux, grisons
Des prudes, des filles perdues,
Des meurtres et des trahisons
Des gens de plume aux mains crochues

Maint poudré qui n'a pas d'argent
Maint filou qui craint le sergent
Maint fanfaron qui toujours tremble,

Pages, laquais, voleurs de nuit,
Carrosses, chevaux et grand bruit
Voilà Paris que vous en semble ?

 

Paul SCARRON
 

(1610-1660)

 

lundi, 27 juillet 2009

Ma rencontre avec Anne-Pierre Lallande, chrétien, anarchiste, antispéciste

 katharina flunch-barrows,anne-pierre lallande,kyra portage,edith de cornulier,antispécisme,féminisme,anarchisme,catholicisme,buenos aires,paris

Phot Sara

 

Par Katharina Flunch-Barrows

Anne-Pierre avait de longs jeans qui pendaient autour de ses longues jambes et il flottait dans des chemises blanches, bleues, vertes, toutes délavées. Il avait une voix légère comme celle d’un oiseau et rassurante comme certaines voix des hommes. Il avait des cheveux blonds un peu ondulés qui voletaient autour de son visage, dans le vent du matin. Il parlait peu ; il parlait bien. Il mangeait peu ; il mangeait bien. Il aimait peu ; il aimait dans l'abnégation de lui-même.
C’était Edith qui me l’avait présenté. Elle me présentait les hommes qu’elle aimait parce qu’elle ne savait que faire avec eux. Elle sentait cette proximité, et en même temps une immense barrière qui lui interdisait de se rapprocher d’eux. C’eut été trop dangereux. Je parlais déjà bien français et j’étais heureuse de pouvoir échanger des idées avec cet homme beau, ou plutôt aimable et frais, charmant et secret. 

J’ai tout découvert peu à peu, au fur et à mesure que nos relations s’approfondissaient : la croix autour du cou ; son chien Jumbo-Roi ; le vieux manoir de son amie Esther, où il allait se ressourcer et faire courir son chien. Et les vieux livres des anarchistes d’alors et d’antan. Raoul Vaneigem et La Boétie ; Bakounine et Tolstoï ; Victor Serge et Pic de la Mirandole. Il y avait aussi, dans sa bibliothèque, Giordano Bruno et les Cahiers antispécistes, James Douglas Morrison et Sainte Thérèse d’Avila.
Il avait aimé Catherine de Sienne et avait cessé de manger lors de longues séances d’adoration de la sainte. Il avait allumé des cierges dans des églises et brûlé des affiches dans les rues de la révolte. Il avait couru dans les manifs et mangé dans les camps de gauche et dans les camps de droite. Il avait vécu et senti beaucoup de choses et il en était revenu profondément triste. Quelque chose n’allait pas, mais son sourire tendre, teinté d’humour, plus rassurant que rassuré, nous berçait et empêchait, par une paresse toute confortable, toute égoïste, de s’intéresser au fond du cœur d’Anne-Pierre. On croyait l’aimer : c’était qu’on était content qu’il nous aime.
Bien sûr, beaucoup de regrets surgissent, en cascade, navrants, navrés. Je ne suis pas la seule : perdre quelqu’un, c’est se rendre compte, bien souvent, de tout ce que l’on n’a pas su dire ; de tout ce que l’on s’est retenu de donner. Un voile de pudeur métallique empêche ceux qui s’aiment de se le dire, surtout si leur amour n’est pas d’une forme reconnue. Hors la vie amoureuse et la vie de famille, quel est le statut de l’amour ? Et pourtant n’est –ce pas l’amour, ces tendresses et ces souffrances que l’on ressent pour ceux qu’on croise, et qu’on recroise, auxquels on pense et qui, un jour, partent et ne reviennent plus. Ils n’existent plus. Ils ont disparu. Le monde continue sans eux et ils ne reviennent qu’en images lointaines peupler les cerveaux de ceux qu’ils ont aimé. 

Anne-Pierre, anarchiste, catholique, antispéciste, féministe, et si modéré au fond. Modéré, pas par lâcheté, mais par une connaissance trop parfaite de trop d’univers trop différents. Ma vie, au moins, aura été changée par ta présence, par ce que tu étais. Je ne suis sûrement pas la seule. Je ne regrette pas que Jumbo-Roi soit parti avec toi (qui t’aurait remplacé auprès de lui ?) Et il me reste le ciel et les oiseaux, les nuages et la lumière du boulevard dans le matin, pour rêver de toi et te parler tout bas. 

 

Katharina F-B, lundi 27 juillet 2009, après un dîner de crêpes et bière à Buenos Aires, in mémoriam.

 

Traduit de l’espagnol argentin par Edith CL et Kyra Portage