jeudi, 29 décembre 2016
Jour de chasse
J’étais parti chasser pour tromper l’ennui…
Pour tromper le malheur, j’étais parti chercher la proie, donner la mort.
Le fusil en bandoulière, le chien sur mes talons.
Nous t’avons pisté.
Nous t’avons poursuivi à travers bois et clairières,
Tu courais devant nous, inquiet, tourmenté.
Un oiseau te guidait vers un lieu de refuge,
Un oiseau te guidait à travers les sentiers.
Nous nous sommes embourbés dans la boue et les ronces qui encerclaient le château en ruines.
Ruines du temps perdu, ruines de mon cœur d’homme.
Cœur d’homme ému par une hase en automne.
Je t’ai laissé en vie, avec ta femme et tes petits,
Lièvre, tu m’as fait honte avec ton bonheur pur.
| Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
jeudi, 22 décembre 2016
Frappée en novembre
Suite à deux rencontres avec François Bernheim, au Café de l'Etoile manquante et dans le salon Colette de l'Hôtel de Massa, j'ai accepté d'écrire pour le site Mardi, ça fait désordre, un texte sur ce qui m'avait frappée au mois de novembre.
Le voici ici aussi :
Le mois de ceux qui ne sont plus parmi nous
Novembre, tu es revenu enterrer l’été. Tu es arrivé comme on t’attendait, tu t’es comporté à ton habitude, avec ta froideur implacable et ta pluie pénétrante. Je t’ai laissé me traverser sans réfléchir aux conséquences de mon inaction. Je t’ai laissé agir sur ma vie, sur tout ce qui m’environne. Puisqu’on me demande aujourd’hui ce qui me frappa en ce mois, je dirai que c’est avant tout la grande absence des morts.
Ils ont cessé de vivre et aussitôt nous avons cessé de les considérer. Nos corps ont faim et soif de nourritures et de boissons, cette vitalité nous sépare d’eux et aucun amour hélas ne résiste quand l’appel du ventre de l’un répond à la dés-existence de l’autre.
Mais les morts ne sont pas les seuls laissés-pour-compte de nos vies. Les absents leur ressemblent beaucoup à cet égard. Même celle que j’aimais, à laquelle j’étais liée me semblait-il d’une manière inextricable, depuis qu’elle a claqué la porte de la maison familiale, elle disparaît. Son ombre obscurcit nos dîners, nos palabres, mais son ombre n’est pas sa personne. Sa personne n’a plus sa place à notre table.
J’aimerais dîner à une table éternelle, à la table des anges et des fantômes, où tous, vivants et morts, présents et absents, trinquent ensemble, en chantant des airs égrillards ou grégoriens. J’aimerais prendre place au grand banquet macabre des amours mortes et des liens défaits.
| Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
dimanche, 18 décembre 2016
Franchir la ligne
Le soir se pose sur la grande ville ; tu bois un verre où flotte un zeste de fleur d’oranger, et tu dors, ou plutôt tu sors du réel. Conscience créative, tu deviens. Aucune musique ne dessine ton image sur le miroir aux alouettes. Tu marches. Le béton sous tes pieds : aréole de sensualité. Tu te diriges vers où toutes les rues du Vice se rejoignent. C’est décidé ; ce soir, tu mords. À l’hameçon du désir et du plaisir, de la douleur et de la peur, tu mords ce soir. Il faut une première fois au moins une fois tous les dix ans, il faut une première fois quand depuis si longtemps la ouate hideuse et monocorde du quotidien a recouvert la suie des rêves.
Les voix éthérées des femmes vendues abrègent ton questionnement moral. Le sensorium de l’instant t’emporte au-delà de la limite floue des décences admises. Tu te sens en apesanteur au milieu de cette soirée où tout te tourneboule, où tout se déroule comme dans un hymen subi, un film bien-aimé, un rite accompli.
Extrêmement longue est ta nuit initiatique. Les lampadaires réverbèrent les échos imagés de tes gestes désinhibés. À sept heures du matin, un fouet claque dans la ville. Une porte s’ouvre. Deux silhouettes s’éloignent de toi. Tes yeux cillent, ton esprit décille, tu t’éveilles au Toi que tu avais congédié quelques heures plus tôt.
Un nouvel amour t’attend. Un nouveau voyage. Désormais, quelque chose dans ta vie sera grand.
| Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
samedi, 10 décembre 2016
Somnambule, me disait-elle.
« Somnambule, me disait-elle. Oui, j'ai parfois l'impression d'avoir dormi ma vie, et seulement changé de sommeils ; peut-être ma lucidité, dont j'étais trop sûr, ne fut-elle que la conscience de mes rêves. Suis-je donc enfin réveillé ? Ce grand vertige de lumière, ou de mort... »
Cette phrase que vous venez de lire est l'avant-dernière du roman Le somnambule, de Pierre-Henri Simon (1960).
Ce livre, dans une collection intitulée « Le club de la femme », je l'ai trouvé posé sur le comptoir du vestibule d'un immeuble d'une rue du vingtième arrondissement de Paris, dans le quartier situé entre les stations de métro Maraîchers et Alexandre Dumas. Je l'ai ramassé, et je l'ai parcouru, parfois en ricanant, parfois avec émotion.
| Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |