mardi, 23 août 2016
Cantique de ce soir
Ce soir, je n'ai ni l'humeur à rire, ni l'humeur à pleurer. Hier, pas d'église. Juste un cimetière, l'ombre tutélaire de Joachim du Bellay sur les cèdres angevins. Une amie dont les larmes coulent, des messieurs possédant des maisons en Bretagne qui posent des questions fatigantes. Des questions qui rappellent que l'on n'a pas suivi la voie droite. Et le train, ses pannes, sa lenteur. Et le retour au bercail maritime.
Ce soir, une balade au bout du lac crépusculaire. Un cantique murmuré face aux deux étendues d'eaux, dans les lumières de la nuit. « Savoir reconnaître Ton pas ».
Savoir que l'athéisme est un horizon inaccessible à mon cœur. Je marche vers lui, mais sur cette route, n'est-ce pas Toi qui me guide ?
Quand par la purification, j'aurai nettoyé toutes les scories de mon cœur, alors, peut-être que je resterai assise, le soir, sur le pas d'une porte, à sourire aux gens qui passent, comme un soleil parmi d'autres. « Devenir Veilleur ».
À chacun son quart de veille. Un jour, ce sera mon tour. Je serai prête.
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dimanche, 21 août 2016
La croix de Belledonne
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lundi, 15 août 2016
Suspension
Un petite table demi-lune en bois brun, un sac à main bleu turquoise, un ordinateur portable ouvert à mes pensées profondes, dans un studio du douzième arrondissement de Paris ; mais c'est à la montagne que je pense, au chalet que je voudrais retrouver. À la musique de Terje Rypdal en boucle, au souvenir de ma chienne bien-aimée, partie depuis longtemps de l'autre côté du monde, par un weekend triste de novembre. Aux repas du crépuscule à contempler les nuages d'en haut, au désir de ne plus jamais redescendre, à ces bières grand cru qui accompagnaient les fromages du cru.
Mais c'est d'un studio du douzième arrondissement que j'écris. Comme si nos rêves trop frêles ressentaient trop de crainte de se réaliser. Ne veulent-il jamais devenir réalité ? Je me demande ce que pensent les rêves alors que la même musique de Terje Rypdal masque les bruits de la rue – le camion-poubelle de couleur verte, les livreurs énervés par la circulation, une nounou qui hurle au téléphone dans une langue d'ailleurs en poussant un enfant blond au regard perdu...
Entre ciel bleu et terre parisienne, ou plutôt, entre ozone pollué et béton armé, j'ose croire que mon état n'est que passager. Qu'un jour du futur, à nouveau de grands chiens qui marchent auprès de moi, à nouveau les sommets enneigés au grand soleil d'hiver, à nouveau une bière à l'apéritif dans mon chandail chaud, en sachant que le ciel de la nuit sera chargé d'étoiles constellées.
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jeudi, 11 août 2016
Luctisonus
Lugubre est ton concert a capella, chouette effraie. C'est celui que je veux entendre les mille derniers jours de ma vie, avant de rendre l'âme au vent, le corps au limon, ma voix au silence.
C'est ton hululement à l'orée des ifs obscurs que je veux pour dernières agapes sonores, et qu'à la fin de l'été, les grenouilles de l'étang le perturbent de leurs coassements, et qu'au seuil de septembre, le crapaud te réponde au bord du puits.
Il y aura des vignes descendant vers le ruisseau, une cabane à outil que la fouine investit, des enfants qui s'aventurent jusqu'aux portes de la chambre, attentifs et inquiets.
Je n'écrirai plus de poèmes, à l'étage l'ordinateur couvert de poussière aura cessé de bruire depuis longtemps. Je ne prendrai plus le train pour les dîners, les musées, les appels de la ville, retirée dans mon désert de boue, de flaques et de mousse, enveloppée dans un manteau de dépouillement.
Il y aura mon rire dans les regards des chiens, leurs gambades qui font fuir les chevreuils majestueux. Par les claires soirées de lune, un vol de canards au-dessus de la vallée.
Il y aura sa main à côté de la mienne, vieillies nos mains tremblantes et la bouteille de vieux vin sur la cheminée, qui attend patiemment le douzième jour d'avril pour s'ouvrir et livrer sa saveur trop longtemps enfermée.
Il y aura le souvenirs des mères, et des pères, imparfaits, qu'on craignait, qu'on aimait. Leur ombre tutélaires sur nos démarches, leurs sentences dans nos vieilles mémoires, leurs regards de lumière et d'ombre passés un peu au fond de nos yeux.
Il y aura, comme un goût de jeunesse enfuie, le souvenir des conflits, des réconciliations.
Entre le passage d'un chiffon sur une armoire et l'heure qui tourne à l'horloge paysanne, nos dons pour ceux qui nous survivent et se battent sur les routes du monde, nos prières, nos transmissions.
Je n'ai pas peur du noir qui te prendra, qui me prendra, un soir ou l'autre, à l'aube de l'hiver ou dans la saison chaude. Je n'ai pas peur du dernier regard, je n'ai pas peur du dernier souffle.
Il y aura ton cri luctisonus, chouette effraie, un sourire qui dit au revoir, une paix secrète qui descend l'escalier, le seuil de la mort.
Il y aura la naissance, qui clôt toute vie.
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lundi, 08 août 2016
Donzac (Gironde)
Zénith
Le silence et la vigne règnent sur les vallons dorés.
Une buse plane au-dessus de la parcelle de Brissette.
Un feu se distingue sur les hauteurs de Crâne.
Liane, en attendant ton raisin, tu t'enroules autour du fil,
Entortillement répété sur chaque pied -
Sarments chauds, serments-prisons.
Une camionnette traverse le champ labouré ;
Depuis deux siècles, le petit pâtre et son pipeau n'existent plus.
Nadir
Dans la nuit sur la vigne bourdonnent les grillons.
Les souriceaux pleurent leur mère dévorée par l'oiseau de proie.
La cendre au lieu-dit Crâne refroidit sous la Petite Ourse.
Liane, tu respires, tu bruisses dans le vent,
Enroulée aux fils du vigneron -
Feuilles fragiles, sarments éphémères.
Le tracteur dort dans la grange ;
Le descendant du petit pâtre envoie un mail à New York depuis son ordinateur.
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samedi, 06 août 2016
Les grillons
Le chant des grillons monte peu à peu. Un jour il finira par tout recouvrir : les voix des gens et les cris des tourterelles, la maison et les prés, le bois de Saint-Charlot. Je mourrai emportée par le chant des grillons, mon corps sans vie deviendra bourdonnement, il n'y aura plus que le ciel, la terre et des milliards de grillons ici-bas.
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Le craquèlement des sarments
C'était dans la souffrance d'une matinée de soleil. Les vignes immobiles recueillaient la lumière dans leurs feuilles ouvertes. Un sarment quelquefois craquelait dans la chaleur. Le ciel bleu et blanc s'étirait de vallon en vallon, caressant les parcelles inéquitablement. Le silence régnait sur ces terres. Même les oiseaux se taisaient.
Je fermai les yeux pour convoquer la mémoire de la ville, de ses bourdonnements, de ses cris, de son agitation perpétuelle. Je n'y parvins pas. Comme ses habitants, même ceux dont j'avais été le plus proche, la ville s'était presque effacée de mes souvenirs. Je n'avais plus de biographie. Mon corps seul vivait, au milieu de ce monde lent de la campagne profonde, en désaccord avec lui-même comme avec le paysage.
Combien d'années me restait-il encore à exister ? Cette question se mêlait aux senteurs des deux tilleuls qui bruissaient à midi devant la maison.
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mercredi, 03 août 2016
Fragment d'un rivage
« À cette heure là, Maremma est comme morte ; ce n'est pas une ville qui dort, c'est une ville dont le cœur a cessé de battre, une ville saccagée. Si on regarde par la baie, la lagune est comme une croûte de sel, et on croit voir une mer de la lune. On dirait que la planète s'est refroidie pendant qu'on dormait, qu'on s'est levé au cœur d'une nuit au-delà des âges. On croit voir ce qui sera un jour, continua-t-elle dans une exaltation illuminée, quand il n'y aura plus de Maremma, plus d'Orsenna, plus même leurs ruines, plus rien que la lagune et le sable, et le vent du désert sous les étoiles. On dirait qu'on a traversé les siècles tout seul, et qu'on respire plus largement, plus solennellement, de ce que se sont éteintes des millions d'haleines pourries. Il n'y a jamais eu de nuits, Aldo, où tu as rêvé que la terre tournait soudain pour toi seul ? »
Julien Gracq, IN Le rivage des Syrtes
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