vendredi, 05 septembre 2014
Les voix et ululements du monde
Je disais un soir à Anne que Sofia Tolstoï décrivait, dans son journal, le ululement du hibou comme un son désagréable. En l'écoutant sur internet, nous l'avons trouvé suprêmement beau. Nous nous sommes dit que dans notre monde où la nature est colonisée par l'homme, où la vie sauvage est réduite et lointaine, où tout est bétonné et chimique, un son d'animal est un trésor précieux. Anne en outre a noté que le cri de l'animal vient de son corps, tandis que le nôtre vient de notre mental, c'est là toute la différence. C'est vrai que notre voix, pourtant naturelle et corporelle, est trafiquée par notre vie mental.
À quoi sert une civilisation humaine qui coupe l'homme de la nature ? Comment faire pour que ma voix naisse du corps, comme celle d'un animal, et que cette voix animale porte le message le plus raffiné que la civilisation puisse exprimer ?
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jeudi, 05 janvier 2012
Persona grata
"Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche,
ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir".
Aimé Césaire
Visage
Tous ces individus ne se ressemblent qu'en apparence. Chacun de ces milliards de milliards d'êtres est une personne pourvue d'un visage. Les traits de ce visage le différencient des autres pour l'éternité : magie individuelle qui distingue chacun d'entre eux des autres membres de leur espèce.
Liberté
Face au drame de la vie, chacun d'eux fait des choix, avec une grande part d'instinct, et la petite part de libre-arbitre qui fait la signature d'une existence unique. Face au drame qu'est la vie, chacun d'eux réagit d'une manière différente, et la somme de ses choix s'appelle sa biographie. Mais aucun d'eux n'écrit les biographies autrement que par l'accomplissement de l'acte dans l'instant, dans l'instant qu'ils épousent de leurs forces vitales.
Désir
Beaucoup d'entre eux font preuve d'un grand amour de la vie, d'un grand amour des autres. Au creux du cœur, au creux du corps de chacun d'eux s'agrippe une volonté de vivre dans un espace déployé, aux côtés de leurs enfants et de leurs proches, dans le déroulé quotidien des luttes, des joies, des cruautés et des peines de l'existence et de leur peuple.
Angoisse
Ils connaissent l'enthousiasme des courses dans le vent, la sensualité des paresses au soleil et le découragement après trop de jours sans lueur. Ils savent attendre les bonnes nouvelles. Ils savent qu'elles ne viennent pas toujours.
Ils connaissent la douleur de l'amour, la douleur de la solitude. Ils jaugent la violence et les ennemis, la possibilité d'une amitié.
Ils savent la liberté du geste qu'on pose, l'inquiétude face à l'ennemi, l'émotion de sa propre faiblesse.
Ils vibrent au miracle de la rencontre, s'aigrissent dans la déception de l'incompréhension. Hier, le mal-être au sein du groupe ; aujourd'hui, l'arrogance de dominer.
Douleur
En vérité, chaque visage est marqué par la vie fulgurante et fragile, par la mort qui s'approche et menace. Il y a la lutte pour sa dignité au risque de la mort, ou bien, le renoncement à son honneur pour moins de coups sur l'échine, plus de bouffe dans l'écuelle.
Que de partage ! Et puis des éloignements, des retrouvailles en cris de joies... Et parfois, comme un acte ultime – de désespoir ou de raison ?- le suicide.
Qui sont ces gens ?
Les autres : les animaux des autres espèces que la nôtre.
Avec des photographies de Sara
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