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mardi, 28 janvier 2014

La chambre d'ami

Je me suis noyée dans chacun des 22 arcanes majeurs du tarot et j'en suis revenue chaque fois remorte et ressauvée. J'en ai conclu qu'il n'y a pas de conclusion finale. J'ai prié Saint Guinefort le chien, j'ai descendu dans mon jardin pour y cueillir l'aubépine ressuscitée.

Mon maître hermétique, celui que j'ai choisi, dit qu'il ne sait rien, qu'il n'a rien d'autre à enseigner que la recette de salade de sa tante Berthe et la crème brûlée de sa grand-maman chérie disparue trop tôt. Mais je guette chacun de ses gestes, chacun de ses mots pour ne pas rater l'essence du savoir.

J'ai tout lu, puis j'ai tout oublié. Plus rien ne m'inquiète, je n'ai pas besoin de tentures ni de baies vitrées, un bout de table en bois, l'odeur vieille du thé d'hier, nulle part l'étoile de la sagesse ne brille mieux que dans la nuit de l'esprit.

Tu marches dans la ville et tu cherches une victime – tu veux tuer. Tu pourras tuer la terre entière, tu voudras toujours tuer, ta rage ne sera pas assouvie tant que tu n'auras pas changé le pain en vin. C'est dans ton cœur que tu dois manier le couteau et la pelle.

Tu changeras de maison tant qu'il faudra, que tu bouges ou que tu ne bouges pas sur cette terre. Car les déménagements intérieurs sont les saisons de l'âme, et nul ne sait son propre nom tant qu'il n'a pas tout déplacé. Les meubles de l'esprit sont les barreaux de l'âme.

Si je crois en moi alors que j'écris, le venin du serpent inonde mon cœur et l'assèche de toute fécondité. Si j'aspire à autre chose qu'à l'amour, je deviens torchon, serpillère, guenille. Et si je déforme l'amour, si j'enturlupine le pur, si je dévoie l'évidence, je dois recommencer à zéro, pire qu'un tout petit enfant.

Le monde est grand comme le pouce de ma main.

 

mardi, 08 juin 2010

La richesse du coeur

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photo de Sara

 

Elisabeth, le soir de son départ, avait exigé un dernier tirage. Nous nous assîmes dehors, sur la terrasse qui était en fait un bout de toit, et nous bûmes du thé à la menthe et du rhum accompagnés de gâteaux au miel et aux amandes, et nous tirâmes les cartes. Je me souviens qu'elle me lut ma carte : sa voix transrayonnait le coucher du soleil et la ville, encore mouillée de la pluie après-midienne, étincelait de lumières chaudes.

Comme j'ai vieilli ! Comme vous avez changé. Comme sa voix aujourd'hui disparue résonne encore aux oreilles du souvenir !

Elle récitait le tarot de Marie Elia : "Peux-tu lâcher toute volonté d'acquérir ce qui fait ta valeur aux regards des egos pour rayonner ce qui fait ta valeur au Regard de Dieu ?"

et encore : "Rien n'est stable et durable pour le Regard qui ne voit plus la lumière éternelle".

et encore : "Plonger dans le rayonnement émeraude de Reish nous permet de lâcher le mental et les fonctionnements de l'intellect, pour laisser s'épanouir notre intuition et entendre les messages de notre Être de lumière".

Elle parlait et sa voix sur la ville emplissait les piliers. En bas, les bistrots allumaient les bougies pour l'heure du dîner. Le peuple déambulait. J'avais un âge qui appartenait encore à la jeunesse et je n'imaginais que très vaguement qu'il passerait. Je ne savais rien, mais je savais déjà rêver, rêver pour oublier, rêver pour être saoule.

 

É CL