jeudi, 15 janvier 2015
"Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne"
"Il s'accouda à la balustrade et fuma se première cigarette en regardant les oiseaux tomber sur le sable", écrit Romain Gary en incipit de sa nouvelle, Les oiseaux vont mourir au Pérou.
Mais toute la littérature ne commence ou ne finit pas au bord de la mer. Dans les hôpitaux, meurent des personnes qui ont rêvé de la Nouvelle-Orléans. En réalité elles n'y sont pas allées. En vérité, elles ont fait vivre cette ville plus intensément que beaucoup de gens qui y sont véritablement nées. C'est du moins ce que pense l'homme à qui j'ai parlé dans le bar qui jouxte la rue des Crabes. Il a lu Tennessee Williams, il a lu Truman Capote. Il a eu deux labradors, Tennessee et Truman. "Ils sont au paradis des chiens", m'a-t-il dit.
"Un jour, écrit Truman Capote en préface à sa Musique pour Caméléons, je me suis donc mis à écrire, ignorant que je m'enchaînais pour la vie à un maître très noble mais sans merci. Quand Dieu vous donne un don, il vous gratifie aussi d'un fouet ; et ce fouet est strictement réservé à l'autoflagellation." Ce passage est cité dans un film d'Almodovar, par un jeune homme de dix sept ans qui vit ses dernières heures, et l'ignore.
Toute vie est lumière, tout instant est intense. Ici et là, dans le couloir sombre d'un bâtiment gris, ou devant ces mers éternelles - des gens trouvent, des gens sont la lumière. Le temps d'une pensée, d'un éclair dans l’œil, le temps d'une prise de liberté.
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mercredi, 01 janvier 2014
Tous mes amis riaient
Après les préparatifs :
L'eau du bain coule, un étonnement s'élève dans la pièce, très celtique, après le moelleux repos que je m'étais accordé, et je ne sais plus qui je suis, ni où je vais, si je suis là pour quelque chose et si j'arriverai à mourir debout (quelle que soit ma position physique...), heureuse du Grand Départ, heureuse de ce qui fut accompli, en paix. Pour cela il faut d'abord, peut-être, vivre en paix... Guillerettes filles d'Erin, vous dansez ? Je croyais qu'il fallait pleurer – ou rêver ! Pourriez-vous m'entraîner dans votre danse ? Entraînez-moi ! Entraînez-moi ! Je veux vous suivre et rire et m'oublier dans le tournis des fest noz ressuscités !
Après la fête :
Il ne reste que la contemplation du monde après la fête, la nostalgie du soir en suspension, de la nuit en impulsion. Je t'aime, nuit parisienne qui est là, tout près, dehors, et que la lumière de ma lampe dissimule. Mais j'éteins cette lampe. La nuit s'avance, la nuit s'annonce, la nuit d'automne à laquelle le Sanctuaire de ma mémoire va comme un gant. Il est neuf heures et des poussières. La nuit est un sanctuaire. L'automne est une prière. La mort est une lumière. Pour qui sait voir... L'espace d'un instant... Toute la poussière du réel... Toute la lumière du néant. Toute la rêverie du monde. Toute la musique des sphères. Tout la peinture des yeux. Toute la douceur des mains. Toute la solitude des corps. Toute l'atmosphère du soir. Toute la promesse de l'aube.
Oui, toute la promesse de l'aube. Et quelques phrases d'un roman de mon adolescence me reviennent. Il se terminait sur une plage de Big Sur, par ces mots : « J'ai vécu ». Mais chacun a vécu et tout le monde disparaît, très cher Romain Gary.
Publié dans Chronos, La place, Sleipnir | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |
mercredi, 23 juin 2010
Villa Montsouris
Ours love
Vous deviez danser, danser comme des fous, jusqu’à la dernière transe. Vous deviez porter les visions de ceux qui prennent des drogues. Vous deviez raviver les divinités mayas qui pleurent dans les oublis. Vous deviez chanter les invocations aztèques, en nahuatl, et mourir à l’hier comme on naît à demain.
Vous deviez ressusciter le vaudou du brésil et celui de Guyane. Vous deviez réciter le testament de Fidel Castro. Vous deviez faire tout cela et d’autres choses encore, les serpents attendaient dans des grands paniers de sables. Il y avait des plantes exotiques sur votre passage et des fontaines luxuriantes dans le jardin de la fête.
Lorsque je suis arrivée, il n’y avait plus personne. Des traces de la cérémonie gisaient au sol piétiné. Une grenouille croassait, un lézard mort au pied d’un mur me rappelait Jim Morrison. Ce n’était pas mai 68, c’était mai 2008 et ça avait tourné au désastre. Alors j’ai fini les champignons hallucinogènes et dans ma mémoire, remontèrent des scènes des Racines du Ciel, de Romain Gary et John Huston. Et je me suis dit : il y a un temps pour les révolutions de rue et un temps pour les révolutions intérieures. Et j’ai fait ma révolution intérieure.
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