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jeudi, 12 juillet 2018

Une intense sensation de liberté...

... t'aide à mieux respirer depuis quelques jours.

Elle coéxiste avec une intense sensation d'oppression, celle d'être cernée par des forces de destruction qui se donnent le doux nom de progrès.

(Il n'y avait pas de vieille armoire dans cette habitation ; pas d'étagères débordant de vieux livres, pas de poussière sur des tables d'antan).

L'ennemi siège aux portes de la ville, il a déjà infiltré les institutions à tous les étages.

(Les couleurs ne se modulaient pas au rythme de la journée. Les couleurs étaient toujours les mêmes, sans influence extérieure).

Une intense sensation de liberté est survenue lorsque tu as dissocié ta peur de ta culpabilité. Tu as peur de l'ennemi, tu as nommé son nom dans ton for intérieur et tu sais désormais que tu es libre, quoi qu'il arrive. La liberté de tracer les frontières de ton être.

Tu ne confonds plus ton désir de survie avec une mauvaise éducation. Tu ne confonds plus ton refus de l'ennemi avec une résistance psychique au changement.

(La langue qui s'y parlait ressemblait à la nôtre, en apparence. Mais les flots de sens charriés par les mêmes mots, différaient ; et les conversations ne pouvaient plus éclaircir nos destins).

La politesse, qui voulait annihiler le combat politique du pauvre, a été remplacée par la tolérance, qui annihile le combat politique de l'autochtone. Pour l'instant, aucune parole de délivrance n'est possible : elle serait assimilée à la haine du progrès, au refus de la tolérance. On lui ferait honte. Pour l'instant...

Mais, quand le siège sera levé, il te faudra rester calme face aux petits soldats du progrès et de la tolérance qui changeront de chemise et de camp en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire.

(Il te faudra marcher loin des habitations sages et neutres. Jusqu'au vol concentrique des corneilles de la violence. Alors, comme un soleil qui descend sur les fleurs du soir, tu seras restauré dans le crépuscule de tes idoles).

Il te faudra partir marcher dans le calme de la campagne, il faudra respirer sans joie ni rancoeur. Il te faudra savoir que pendant que tout le monde criera ce que tu penses en cachette aujourd'hui, un autre silence s'imposera peu à peu sur la ville et sur la foule. Un autre silence, un même interdit : celui de dire vrai.

(Dans ton ventre qui gargouille, germe le fruit d'une nouvelle génération, qui reprendra les chants anciens de guerre et de procréation).

 

En miroir, sur AlmaSoror :

Extrait de La philosophie de la révolution, de Nasser

Maryvonne

Mon pays

samedi, 16 août 2014

Tcha tcha tcha !

 « - Sur les talus, ces tâches sombres ?

- Les gens ».

M Duras

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Pendant que vous faites la nouba, nous dansons la rumba. Les averses dansent leurs gouttes de pluie dans l'air et le soleil. Une sorte de bleu se pose tout doucement sur la ville, les jardins, les artères et la plage, là-bas. « Il n'y aura bientôt plus d'arbres », chantaient les enfants de l'école des jours sombres. Il en reste encore, pourtant, sur les places et le long de la promenade de la côte. Qui connaît encore des personnes qui craignent les abbés du monastère de l'étoile filante ? On danse, cela danse, tout le monde danse ! La théorie des péchés n'a plus cours au cœur même des familles. Un moine traverse la ville, il porte un chapelet, un grand chien à côté de lui, une clochette autour du cou, sonne l'appel du denier. Oh, lueur, tu t'échappes de la villa de Moonsmile. À l'intérieur, les riches dansent, comme nous – pas comme nous. Ils ont des blancheurs sur leurs soies, des reflets sur leurs ongles, que nous ne pouvons pas nous offrir. Les pauvres, eux, dansent aussi. Ils dansent en bas, du côté des docks, là où la gnôle se troque contre des bouteilles vides. Ils ont des déchirures à leurs vêtements, des trous à leurs chaussures, et crient trop fort – pas comme nous. Salsa ? Oui. Tango, non. Pas ce soir. Aujourd'hui, 15 août, la bonne vierge monte au ciel, en souvenir des premières communions nous dansons comme des fous sur des musiques qu'on aime. Le moine et son chien, la clochette, personne ne descend – on rit ! Ai-je déjà pensé dans ma vie ? C'était la question du mendiant philosophe, hier, au marché, quel idiot ! Je suis remontée sur mon scooter et je suis partie en filant comme un poisson volant. Le buffet se vide, les couleurs des aliments se réduisent, il ne restera bientôt que des cacahuètes et des loukoums. Ah ! C'est ce que je préfère, quand on a tout mangé, qu'on ne mange plus, qu'on oublie la vie, qu'on se remue dans la musique, qu'Abel m'appelle, que j'observe les autres, que je descends par l'escalier, que je le retrouve, qu'il me dit qu'il va bientôt quitter Lena pour moi, qu'il veut m'embrasser, que je m'enfuis, qu'il me rattrape derrière la statue, que je dis non, qu'il dit si, que je bouscule la table blanche, que l'on revient, qu'il me dit « marche devant », que je traverse la terrasse, que je vois Lena qui attend, que je vois des garçons qui m'attendent, qui me sourient, je suis la reine, qui pourrait vouloir penser ? Des mendiants, des pauvres moines, des philosophes, tous ces ratés qui ne connaissent pas la joie de se trémousser dans la splendeur d'une fête.

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