jeudi, 28 janvier 2010
Actéon : un opéra de chasse
Actéon (1684)
Opéra de chasse par Marc-Antoine Charpentier (1643-1704)
Cet opéra de Marc-Antoine Charpentier, opéra de chasse, baroque en diable, est "mal vu", il faut trouver qu'il n'est pas de bon goût... Pourtant, quelles belles scènes amusantes ! Quelle musique entraînante ! Inspiré des métamorphoses d'Ovide, je l'ai découvert sur le site de Sara, une de nos auteurs et photographes. Sara a illustré les métamorphoses d'Ovide et elle présente sur son site l'oeuvre d'Ovide, l'opéra de Charpentier et son album en papier déchiré à elle. C'est ICI
Les images qui suivent et accompagnent le livret de l'opéra sont extraites du livre de Sara.
Scène Première
Dans la vallée de Gargaphie
Bruit de chasse
CHŒUR DES CHASSEURS
Allons, marchons, courons, hastons nos pas.
Quelle ardeur du soleil qui brusle nos campagnes;
Que le pénible accès des plus hautes montagnes
Dans un dessein si beau ne nous retarde pas.
ACTÉON
Déesse par qui je respire,
Aimable Reyne des forêts,
L'ours que nous poursuivons désole ton empire
Et c'est pour immoler à tes divins attraits
Que la chasse icy nous attire.
Conduis nos pas, guide nos traits,
Déesse par qui je respire,
Aimable Reyne des forêts.
DEUX CHASSEURS
Vos vœux sont exaucés et par le doux murmure
Qui vient de sortir de ce bois le ciel vous en assure,
Suivons ce bon augure.
Allons, marchons, courons . . .
Scène Deuxième
DIANE
Nymphes, retirons nous dans ce charmant boccage.
Le cristal de ses pures eaux,
Le doux chants des petits oyseaux,
Le frais et l'ombrage sous ce verd feuillage
Nous ferons oublier nos pénibles travaux.
Ce ruisseau loin du bruit du monde
Nous offre son onde,
Délassons nous dans ce flots argentés,
Nul mortel n'oserait entreprendre
De nous y surprendre,
Ne craignons point d'y mirer nos beautés.
CHŒUR DES NIMPHES
Charmante fontaine,
Que votre sort est doux,
Notre aymable reyne
Se confie à vous.
D'un tel avantage
L'Idaspe et le Tage
Doivent estre jaloux.
DAPHNÉ ET HYALE
Loin de ces lieux tout cœur profane;
Amants, fuyex ce beau séjour,
Vos soupirs et le nom de l'amour
Troubleraient le bain de Diane.
Nos cœurs en paix dans ces retraites
Goustent de vrais contentements.
Gardez vous, importuns amants,
D'en troubler les douceurs parfaites.
ARTHÉBUZE
Ah! Qu'on évite de langueurs
Lorsqu'on ne ressent point les flammes
Que l'amour, ce tyran des cœurs,
Allume dans les faibles ames.
Ah! Qu'on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.
CHŒUR DES NIMPHES
Ah! Qu'on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.
ARTHÉBUZE
Les biens qu'il nous promet
N'en ont que l'apparence,
Ne laissons point flatter
Par ses appas trompeurs
Notre trop crédule espérance.
Ah! Qu'on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.
CHŒUR DES NIMPHES
Ah! Qu'on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.
ARTHÉBUZE
Pour nous attirer dans ses chaines
Il couvre ses pièges de fleurs,
Nimphes, armez vous de rigueurs
Et vous rendrez ces ruzes vaines.
Ah! Qu'on évite de langueurs
Lorsqu'on ne ressent point les flammes
Que l'amour, ce tyran de nos cœurs,
Allume dans les faibles ames.
Ah! Qu'on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.
CHŒUR DES NIMPHES
Ah! Qu'on évite de langueurs
Quand on mesprise ses ardeurs.
Scène Troisième
ACTÉON
Amis, les ombres raccourcies
Marquant sur nos plaines fleuries
Que le soleil a fait la moitié de son tour,
Le travail m'a rendu le repos nécessaire;
Laissez moi seul resver dans ce lieu solitaire
Et ne me renvoyez que sur la fin du jour.
Agréable vallon, paisible solitude,
Qu'avec plaisir sur vos cyprès
Un amant respirant le frais
Vous feroit le récit de son inquiétude;
Mais ne craignez de moy ny plaintes ny regrets.
Je ne connois l'amour que par la renommée
Et tout ce qu'elle en dit me le rend odieux.
Ah! S'il vient m'attaquer, ce Dieu pernicieux,
Il verra ses projets se tourner en fumée.
Liberté, mon cœur, liberté.
Du plaisir de la chasse,
Quoy que l'amour fasse,
Sois toujours seulement tenté.
Liberté, mon cœur, liberté.
Mais quel objet frappe ma vue?
C'est Diane et ses sœurs, il n'en faut point douter.
Approchons nous sans bruit, cette route inconnue
M'offrira quelqu'endroit propre à les écouter.
DIANE
Nimphes, dans ce buisson quel bruit viensje d'entendre?
ACTÉON
Ciel! Je suis découvert.
CHŒUR DES NIMPHES
Oh! Perfide mortel,
Oze tu bien former le dessein criminel
De venir icy nous surprendre.
ACTÉON
Que feray-je, grands Dieux?
Quel conseil dois-je prendre?
Fuyons, fuyons!
DIANE
Tu prends à fuyr un inutile soin,
Téméraire chasseur, et pour punir ton crime
Mon bras divin poussé du courroux qui m'anime
Aussi bien que de préz te frappera de loin.
ACTÉON
Déesse des chasseurs, escoutez ma deffence.
DIANE
Parle, voyons quelle couleur,
Quelle ombre d'innocence
Tu puis donner à ta fureur.
ACTÉON
Le seul hazard et mon malheur
Font toute mon offense.
DIANE
Trop indiscret chasseur,
Quelle est ton insolence!
Crois tu de ton forfait déguiser la noirceur
Aux yeux de ma divine essence?
Que cette eau que ma main fait rejaillir sur toy
Apprenne à tes pareils à s'attaquer à moy!
CHŒUR DES NIMPHES
Vainte toy maintenant, profane,
D'avoir surpris Diane
Et sœurs dans le bain,
Va pour te satisfaire,
Si tu le peux faire,
Le conter au peuple Thébain.
Scène Quatrième
ACTÉON
Mon cœur autre fois intrépide,
Quelle peur te saisit?
Que vois-je en ce miroir liquide?
Mon visage se ride,
Un poil affreux me sert d'habit,
Je n'ay presque plus rien de me forme première,
Ma parole n'est plus qu'une confuse voix.
Ah! Dans l'estat ou je me voys,
Dieux qui m'avez formé du noble sang des Royx,
Pour espargner ma honte
Ostez moy la lumière.
Scène Cinquième
Actéon en cerf
CHŒUR DES CHASSEURS
Jamais trouppe de chasseurs
Dans le cours d'une journée
Fut-elle plus fortunée,
Jamais trouppe de chasseurs
Reçut elle un jour du ciel plus de faveurs.
Actéon, quittez la resverie,
Venez admirer la furie
De vos chiens acharner sur ce cerf aux abois.
Quoy! N'entendez vous pas nos voix?
Que vous perdez, grand prince, à resver dans un bois,
Croyez qu'à nos plaisirs vous porterez envie,
Et dans tous le cours de la vie
Un spectacle si doux ne s'offre pas deux foix.
Scène Sixième
JUNON
Chasseurs, n'appelez plus qui ne peut vous entendre.
Actéon, ce héros a Thèbes adoré,
Sous la peau de ce cerf a vos yeux déchiré et par ses chiens dévorés
Chez les morts vient de descendre.
Ainsi puissent périr les mortels odieux
Dont l'insolence extrême
Blessera désormais les Dieux,
La puissance suprême.
CHŒUR DES CHASSEURS
Hélas, déesse, hélas!
De quoy fut coupable
Ce héros aymable
Pour mériter l'horreur de si cruel trépas?
JUNON
Son infortune est mon ouvrage
Et Diane en vangeant l'outrage
Qu'il fit à ses appas
N'a que presté sa main à ma jalouse rage.
Ouy Jupiter, perfide espous,
Que ta charmante Europe au ciel prenne ma place
Sans craindre mes transports jaloux.
Mais si jusqu'à son cœur n'arrivent pas mes coups,
Actéon fut son sang et je jure à sa race
Une implacable haine, un éternel courroux.
Elle s'envole.
CHŒUR DES CHASSEURS
Hélas, est-il possible
Qu'au printemps de ses ans ce héros invincible
Ayt vu trancher le cours de ses beaux jours.
Quel cœur, à ce malheur, ne seroit pas sensible.
Faisons monter nos cris jusqu'au plus haut des airs,
Que les rochers en retentissent,
Que les flots écumans des mers,
Que les aquilons en mugissent,
Qu'ils pénètrent jusqu'aux enfers.
Actéon n'est donc plus,
Et sur les rives sombres
Le modelle des souverains,
Le soleil naissant des Thébains
Est confondu parmy les ombres.
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mercredi, 11 février 2009
sur Lucrèce...
Hommage
"La mort n'est donc rien et ne nous concerne nullement puisque la nature
de l'âme apparaît comme mortelle"
Sur Lucrèce
Mystérieux poète et philosophe latin, né dans les années 90, et mort dans les années 50
du premier siècle avant JC.
"Jeté dans la folie par un philtre d'amour, après avoir écrit quelques livres dans les intervalles de sa folie - livres que Cicéron corrigea -, il se tua de sa propre main à l'âge de 43 ans," écrivit Saint-Jérôme (fin IVème, début Vème siècle).
En réalité on ne connaît rien de la vie de Lucrèce.
Ses contemporains n'ont presque pas parlé de lui.
On soupçonne Saint Jérôme de l'avoir dénigré parce qu'il était athée.
Ciceron écrit :" Lucreti poemata ut scribis ita sunt : multis luminibus ingenii, multae tamen artis" : "Lucrèce a de brillantes qualités naturelles, et aussi beaucoup de métier".
Ovide lui rend hommage :"Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit"
(Amores, I, 15, 23).
Un long poème en vers : de la nature des choses
En un long poème, De Rerum Natura, Lucrèce expose la théorie d’Epicure, qu’il admire. Il voudrait la remettre au goût du jour.
C’est un travail scientifique et linguistique de taille, que d’écrire ainsi la première grande œuvre philosophique en latin.
Lucrèce dédie De Rerum Natura à Memmius.
Mais qui était exactement Memmius ? Peut-être le sulfureux gendre du terrible Scylla.
Clinamen et Liberté
Pour Lucrèce le monde, infini, est composé d'atomes qui devraient suivre une trajectoire de haut en bas. Mais les atomes dévient spontanément de leur trajectoire initiale.Cette déviation, Lucrèce la nomme le clinamen.
Grâce à cette infime "déclinaison", se créent des agrégats, des tourbillons, des mondes. Lucrèce en déduit la liberté des êtres vivants. Son idée était de montrer que tout étant matière - rien ne se crée de rien - les êtres vivant étaient libres et pour cela il dotait la matière elle-même - les atomes - d'une liberté : le clinamen.
Le clinamen, déviation des atomes de leur course naturelle, fonde notre liberté. Ainsi nous ne devons pas notre destin aux dieux de l’Olympe, mais notre libre-arbitre à l’impertinence des atomes.
Le poème De Rerum Natura s’ouvre sur une sublime invocation à Vénus, déesse de l’amour, et se ferme peu après la terrible description de la peste d’Athènes. Lucrèce est un homme déchiré entre l’amour bon vivant de la vie et de la science, et l’angoisse de l’inconnu, de la mort.
« Ainsi le temps peu à peu dévoile chaque découverte l’une après l’autre et la raison se dresse aux rives
de la lumière ».
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