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lundi, 02 septembre 2013

La rentrée d'Anatole

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Ce texte que tant d'entre nous récitâmes sur une estrade vieillotte et poussiéreuse, sous les yeux d'une institutrice acariâtre qui méprisait les bandes dessinées... Dehors, la rue, les cafés, le square et les chiens qui passent avec les vieilles dames. Loin, trop loin de la mer.

Ce texte que tant d'entre nous ne récitâmes pas sous le tableau de métal et de plastic, face au jeune prof en jean, mal rasé, qui faisait des fautes de syntaxe. Dehors, les barres, le périphérique, les kebabs, l'espace vert et les pitbulls attachés ensanglantés avec les jeunes garçons. Loin, si loin de la mer.

En France, à quelques années de distance, à quelques kilomètres de distance, quand nous étions enfants.

Je vais vous dire ce que me rappellent tous les ans, le ciel agité de l’automne, les premiers dîners à la lampe et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent ; je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais ; car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues.
Ce que je vois alors dans ce jardin, c’est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et sa gibecière au dos, s’en va au collège en sautillant comme un moineau.
Ma pensée seule le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre ; c’est l’ombre du moi que j’étais il y a vingt-cinq ans ; Vraiment, il m’intéresse, ce petit : quand il existait, je ne me souciais guère de lui ; mais, maintenant qu’il n’est plus, je l’aime bien.

Il y a vingt-cinq ans, à pareille époque, il traversait, avant huit heures, ce beau jardin pour aller en classe. Il avait le cœur un peu serré : c’était la rentrée.
Pourtant, il trottait, ses livres sur son dos, et sa toupie dans sa poche. L’idée de revoir ses camarades lui remettait de la joie au cœur. Il avait tant de choses à dire et à entendre !

C’est ainsi qu’il traversait le Luxembourg dans l’air frais du matin. Tout ce qu’il voyait alors, je le vois aujourd’hui.
C’est le même ciel et la même terre ; les choses ont leur âme d’autrefois, leur âme qui m’égaye et m’attriste, et me trouble ; lui seul n’est plus.

C’est pourquoi, à mesure que je vieillis, je m’intéresse de plus en plus à la rentrée des classes.

Anatole France

 

lundi, 21 mai 2012

Nostalgies des chansons : la comtesse au cœur brûlé

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(Un billet d'Esther Mar)

 

« Ma vie ne fut que cet échec du rêve »
Jacques Bertin

 

Elle était comtesse comme je suis reine du Zimbabwe et elle avait un cœur brûlé aux substances illicites et aux amours suicidées. Elle les écoutait, ces chansons, en marchant dans l'hôtel à l'aube, attendant avidement que le jour se lève pour dissoudre ses angoisses. Elle était belle, je crois – je trouve -, mais j'étais jeune et son visage en mon esprit est une reconstitution impalpable.

J'ai retrouvé toutes les chansons que j'ai connues grâce à elle et c'est un hommage que j'offre aujourd'hui à sa mémoire, à la mémoire de la comtesse au cœur brûlé.

Bienvenue dans mon bain de nostalgie musicale, en voix, en étrangeté et en délicatesse.

 

Monsieur William, texte par Jean-Roger Caussimon, musique et voix de Léo Ferré.

L'écharpe, écrite et interprétée par Maurice Fanon.

 

Emmanuelle, écrite et interprétée par Pierre Bachelet.

 

India Song, texte de Marguerite Duras, musique de Carlos d'Alessio, voix de Jeanne Moreau.

 

Esther Mar

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Merci aux internautes qui ont mis les vidéos à disposition.
Merci à Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva pour les photos.

dimanche, 25 décembre 2011

Insomnie bretonne à Paris

C'était lors d'une insomnie, à Paris. J'ouvris la fenêtre et les mains qui vivaient alors à côté de moi mirent le disque sur le vieux tourne-disque. Il n'y a plus de disques ni de tourne-disques aujourd'hui, il y a des blogueuses à Insomniapolis, qui tuent le temps en sauvant quelque chose de l'espace mental. Le vent de la ville tournait dans ma tête et c'était un vent chargé d'un peu de mer de l'Ouest, je vous le jure. Il y avait le souvenir des émeutes et des vengeances personnelles qui se maquillaient en politique. Il y avait la mémoire des mots de grand-mère, de la silhouette d'un très vieil oncle. Et loin de l'Erdre où j'avais tant cru, à quelques pas de la Seine où j'avais tant bu, c'était la voix de Gilles Servat qui tanguait un air de nostalgie. Et je me demandais : est-on encore bretonne quand on a tout perdu ? Mais on n'a rien perdu quand on dort dans une antre, que la ville n'est pas froide, car clochards et chiens n'ont ni toits, ni murs. La seule question tangible était : est-on encore bretonne quand on a perdu quelque chose ? La réponse se chante en chansons. On dort en Bretagne dans toutes les villes du monde quand on pleure en souriant dans la bise nocturne. 

 

Édith 

(Merci à l'internaute à qui j'emprunte la vidéo)