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mardi, 02 juillet 2013

Qui a peur des hamacs ?

Édith on the hamac.jpg
Photo Tieri Briet (Fontvieille, près d'Arles)

 

Voici l'avant-propos du Droit à la paresse (1880), de Paul Lafargue,

suivi d'une extrait de l'Adresse aux vivants (1990), de Raoul Vaneigem.

 

 

«M. Thiers, dans le sein de la Commission sur l'instruction primaire de 1849, disait: "Je veux rendre toute-puissante l'influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l'homme qu'il est ici-bas pour souffrir et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l'homme: "Jouis"." M. Thiers formulait la morale de la classe bourgeoise dont il incarna l'égoïsme féroce et l'intelligence étroite.

La bourgeoisie, alors qu'elle luttait contre la noblesse, soutenue par le clergé, arbora le libre examen et l'athéisme; mais, triomphante, elle changea de ton et d'allure; et, aujourd'hui, elle entend étayer de la religion sa suprématie économique et politique. Aux XVe et XVIe siècles, elle avait allègrement repris la tradition païenne et glorifiait la chair et ses passions, réprouvées par le christianisme ; de nos jours, gorgée de biens et de jouissances, elle renie les enseignements de ses penseurs, les Rabelais, les Diderot, et prêche l'abstinence aux salariés. La morale capitaliste, piteuse parodie de la morale chrétienne, frappe d'anathème la chair du travailleur; elle prend pour idéal de réduire le producteur au plus petit minimum de besoins, de supprimer ses joies et ses passions et de le condamner au rôle de machine délivrant du travail sans trêve ni merci.

Les socialistes révolutionnaires ont à recommencer le combat qu'ont combattu les philosophes et les pamphlétaires de la bourgeoisie; ils ont à monter à l'assaut de la morale et des théories sociales du capitalisme; ils ont à démolir, dans les têtes de la classe appelée à l'action, les préjugés semés par la classe régnante; ils ont à proclamer, à la face des cafards de toutes les morales, que la terre cessera d'être la vallée de larmes du travailleur; que, dans la société communiste de l'avenir que nous fonderons "pacifiquement si possible, sinon violemment", les passions des hommes auront la bride sur le cou: car "toutes sont bonnes de leur nature, nous n'avons rien à éviter que leur mauvais usage et leurs excès", et ils ne seront évités que par leur mutuel contre-balancement, que par le développement harmonique de l'organisme humain, car, dit le Dr Beddoe, "ce n'est que lorsqu'une race atteint son maximum de développement physique qu'elle atteint son plus haut point d'énergie et de vigueur morale". Telle était aussi l'opinion du grand naturaliste, Charles Darwin.

La réfutation du Droit au travail, que je réédite avec quelques notes additionnelles, parut dans "L'Égalité hebdomadaire" de 1880, deuxième série».

 

P. L.
Prison de Sainte-Pélagie, 1883.
In Le droit à la paresse

 

 

«En fait, je ne suis pas étranger au monde, mais tout m'est étranger d'un monde qui se vend au lieu de se donner - y compris le réflexe économique auquel mes gestes parfois se plient. C'est pourquoi j'ai parlé des hommes de l'économie avec le même sentiment de distance que Marx et Engels découvrent, dans la crasse et la misère londoniennes, une société d'extraterrestres avec «leur» Parlement, «leur» Westminster, «leur» Buckingam Palace, «leur» Newgate.

«Ils» me gênent aux entournures de mes plus humbles libertés avec leur argent, leur travail, leur autorité, leur devoir, leur culpabilité, leur intellectualité, leurs rôles, leurs fonctions, leur sens du pouvoir, leur loi des échanges, leur communauté grégaire où je suis et où je ne veux pas aller.

Par la grâce de leur propre devenir, «ils» s'en vont. Economisés à l'extrême par l'économie dont ils sont les esclaves, ils se condamnent à disparaître en entraînant dans leur mort programmée la fertilité de la terre, les espèces naturelles et la joie des passions. Je n'ai pas l'intention de les suivre sur le chemin d'une résignation où les font converger les dernières énergies de l'humain reconverti en rentabilité.

Pourtant, mon propos n'est pas de prétendre à l'épanouissement dans une société qui ne s'y prête guère, mais bien d'atteindre à la plénitude en la transformant selon les transformations radicales qui s'y dessinent. Je ne désavoue pas ce qu'il y a de puérile obstination à vouloir changer le monde parce qu'il ne me plaît pas et ne me plaira que si j'y puis vivre au gré de mes désirs. Cependant n'est-elle pas, cette obstination, la substance même de la volonté de vivre »

 

Raoul Vaneigem, In L'adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l'opportunité de s'en défaire

 

 

vendredi, 20 avril 2012

Bob Dylan, Georges Marchais et la « lumpen-immigration »

Charles Martel, le passage obligé 2.jpg

La position de Bob Dylan, en 1967, et de Georges Marchais, en 1980, sur l’immigration "délinquante" était loin de la générosité de celle qui prévaut aujourd'hui chez les journalistes, artistes et politiques.

Ils ont tous deux fait une description radicalement désapprobatrice des immigrés qui ne vivent pas dans le pays qu’ils aiment et crachent sur le pays dans lequel ils vivent. Leur condamnation est sans appel, contre ceux qui parviennent à desservir deux pays à la fois, leur pays d’origine et leur pays d’accueil, et ne cherchent qu'à se servir sans jamais servir.

Ainsi ces deux grands militants de la Gauche, la gauche structurée de Marchais et la gauche anarchisante de Dylan, ont montré une sévérité intellectuelle étonnante à propos de ce que l’on pourrait appeler la « lumpen-immigration », pour paraphraser Marx condamnant le « Lumpen-Prolétariat ».

(Lump signifie vagabond en allemand, mais a vite pris le sens de racaille, et chez Marx signifie voyou, délinquant).

Georges Marchais réfute les accusations de racisme et de pétainisme, et affirme sa lutte contre la drogue, dont les principaux distributeurs sont les immigrés.

Quant à Bob Dylan, il a consacré une chanson à l'immigré qui vit dans un pays alors qu'il aurait préféré son pays natal, qui hait sa vie autant qu'il craint la mort, qui dépense ses forces dans des actions idiotes et néfastes, qui n'est jamais satisfait de ce qu'il a et se venge de ses propres turpitudes sur ses concitoyens.

Voyons cela.

Le discours de Georges Marchais :

 

La chanson de Bob Dylan :

I pity the poor immigrant
Who wishes he would've stayed home
Who uses all his power to do evil
But in the end is always left so alone.
That man who with his fingers cheats,
And who lies with every breath
Who passionately hates his life,
And likewise fears his death.

J'ai pitié du pauvre migrant qui regrette de n'être pas resté chez lui
Qui use de tous ses pouvoirs pour faire le mal et finit toujours tout seul.
Cet homme qui trompe à chaque geste, qui ment comme il respire,
qui hait passionnément sa vie et qui craint tout autant sa mort.

I pity the poor immigré,
Who's strength is spend in vain,
Who's heaven is like ironsides,
Who's tears are like rain.
Who eats but is not satisfied,
Who hears but does not see.
Who falls in love with wealth itself,
And turns his back on me.

J'ai pitié du pauvre immigré dont les forces sont dépensées en vain,
dont le paradis est blindé Dont les larmes sont comme la pluie.
Il mange sans être rassasié, il écoute et ne voit rien.
Il est avide de richesses et tourne le dos aux êtres humains.

I pity the poor immigrant,
Who tramples through the mud
Who fills his mouth with laughing
And who builds his town with blood.
Who's visions in the final end
Must shatter like the glass,
I pity the poor immigrant
When his gladness comes to pass.

J'ai pitié du pauvre immigré qui patauge dans la boue
Qui remplit sa bouche de rires et construit sa ville avec du sang.
Ses visions sont faites pour éclater comme du verre.
J'ai pitié du pauvre immigré au moment où sa joie tourne court.