lundi, 11 janvier 2010
Fragment de Moréas et commentaire d'Esther Mar
Fragment de Moréas (commenté par Esther Mar)
Quand je viendrai m’asseoir dans le vent, dans la nuit,
Au bout du rocher solitaire,
Que je n’entendrai plus, en t’écoutant, le bruit
Que fait mon cœur sur cette terre,
Ne te contente pas, Océan, de jeter
Sur mon visage un peu d’écume :
D’un coup de lame alors il te faut m’emporter
Pour dormir dans ton amertume.
(Moréas, el Greco de la poésie française)
Commentaire d’Esther Mar
Ton visage accusait trop d’ans. L’océan s’étendait sous la nappe nocturne. Tu voulais dormir dans son amertume : tu savais que ce grand flot mouvant nous emporte dans son lit indéfinissable et que le sommeil éternel a le goûts des lendemains de fêtes ratées. Tu t’en es allé comme tu avais dit et je lis tes vers au bord de la Marne. Je songe aussi à partir. D’un coup de lame alors il faudra m’emporter, au-delà de la solitude.
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mardi, 10 mars 2009
Les litanies de la bonne mort
Les litanies de la bonne mort, prière traditionnelle
Seigneur Jésus, Dieu de bonté, Père de miséricorde, je me présente devant vous avec un cœur humilié, contrit et repentant. Je vous recommande ma dernière heure et ce qui doit la suivre.
Quand mes pieds immobiles m'avertiront que ma course en ce monde est près de finir,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi,
quand mes mains engourdies et tremblantes ne pourront plus presser le crucifix contre mon cœur et que, malgré moi, elles le laisseront tomber sur mon lit de souffrances,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand mes yeux, voilés et troublés par l'effroi d'une mort imminente, porteront vers vous leurs regards vagues et expirants,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand mes lèvres tremblantes et froides prononceront pour la dernière fois votre adorable nom,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand mes joues pâles et livides inspireront aux assistants la compassion et la terreur ; que mes cheveux, baignés des sueurs de l'agonie, se dresseront sur ma tête, annonçant ma fin prochaine,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand mes oreilles, près de se fermer à jamais aux discours des hommes, s'ouvriront pour entendre de votre bouche la sentence irrévocable qui fixera mon sort pour l'éternité,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand mon imagination, agitée par des fantômes effrayants et terribles, sera plongée dans les tristesses mortelles et que mon esprit, troublé par le souvenir de mes iniquités et par la crainte de votre justice, luttera contre l'Ange des ténèbres qui voudra me dérober la vue consolante de vos miséricordes et me jeter dans le désespoir,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand je verserai mes dernières larmes, symptômes de ma dissolution prochaine, recevez-les, ô mon Jésus, en sacrifice d'expiation, afin que je meure comme une victime de pénitence ; et, dans ce terrible moment,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand j'aurai perdu l'usage de tous les sens, que le monde entier aura disparu pour moi, et que je gémirai dans les angoisses de la dernière agonie et les affres de la mort,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand les derniers soupirs de mon cœur presseront mon âme de sortir de mon corps, acceptez-les comme venant d'une sainte impatience d'aller à vous; et alors,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
quand au dernier instant mon âme se détachant de mon corps, sortira pour toujours de ce monde, et laissera mon corps pâle, glacé et sans vie, acceptez la destruction de tout mon être comme un hommage que je veux offrir dès aujourd'hui à votre Majesté divine ; et, à cette heure suprême,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi
enfin, quand mon âme paraîtra devant vous, et qu'elle verra, pour la première fois, la splendeur immortelle de votre divine Majesté, ne la rejetez pas de votre présence, mais daignez me recevoir dans le sein de vos miséricordes, afin que je chante éternellement vos louanges ; et, en ce moment solennel,
Miséricordieux Jésus, ayez pitié de moi.
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