jeudi, 25 juillet 2019
Le bœuf à la mode de chez madame E. Saint-Ange (1927)
J'ouvre au hasard ce beau livre de cuisine pour me laisser transporter dans l'univers langagier et domestique d'une autre époque, pas si éloignée que cela de la nôtre (1927).
« Si le bœuf à la mode varie dans quelques unes de ses formes, le fond reste toujours le même : une pièce de bœuf, préférablement prise dans la culotte, lardée de part en part de gros lardons, cuite avec oignons et carottes, auxquels s'ajoute l'indispensable pied de veau dont la fonction est d'apporter l'élément gélatineux caractéristique du jus de bœuf à la mode. Jamais de liaison au roux. Mouillement de bouillon léger – ou même d'eau – auquel s'ajoute du vin blanc ou rouge. Cuisson lente et prolongée feu dessus et dessous : c'est-à-dire, actuellement, au four.
En très simple cuisine ménagère, les oignons et carottes du fonds de cuisson sont cuits avec de la viande. Mais il se conçoit qu'ayant abandonné tous leurs sucs dans cette cuisson, leur saveur en soit diminuée. D'autre part, l'oignon désagrégé durant une aussi longue cuisson, n'est plus présentable et ne se distingue même guère.
C'est pourquoi, en cuisine plus soignée, le bœuf à la mode s'accompagne d'une garniture d'oignons et de carottes préparée à part, absolument indépendante des légumes de la cuisson ; ceux-ci sont considérés seulement comme éléments aromatiques du jus et utilisés ensuite d'autre manière. La garniture est réunie au bœuf, juste le temps de fusionner, si l'on peut dire, avec le jus. Ce procédé est à mettre en pratique courante, au moins pour l'oignon. Les carottes, à la rigueur, pourront être celles qui auront servi à la cuisson, si l'on a pris le soin de les tailler en conséquence.
Une marinade préalable du bœuf dans le vin et les aromates destinés à la cuisson communique une agréable saveur à la viande. Cette marinade n'est pas à considérer comme un supplément de dépense, puisque ses éléments sont ceux mêmes de la cuisson : la façon de les employer créée la seule différence. Ce n'est donc qu'une question de temps. Comptez au moins 6 heures pour que la viande soit suffisamment imprégnée ; on peut, selon les circonstances et température, la laisser mariner 24 heures, en ayant soin de bien retourner la pièce de temps à autre.
Le procédé de mise en cuisson du bœuf, généralement pratiqué en cuisine moderne, est celui qui consiste à faire légèrement rissoler la viande avant de mouiller avec aucun liquide.
Lorsque, pour le mouillement, on ne dispose pas de bouillon, comme c'est le cas fréquent dans les cuisines de ménage, il faut, avec les os, déchets et parures accompagnant la pièce de bœuf, préparer à l'avance un bouillon. Ce procédé est de tout point préférable à celui qui consiste à ajouter les os crus à la viande, nécessitant ainsi l'emploi d'un trop grand ustensile et une proportion trop élevée de liquide ».
L'article se poursuit encore longuement, j'arrête ici mon recopiage.
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lundi, 19 août 2013
MODUS OPERANDI
Edith by Marin D
Storm, d'Alexander Perls
Marin, mon cœur...
Entre quatre heures trente du matin et jusqu'à ce que la ville se lève, tu vis.
Musique : tu réécoutes celle sur laquelle tu avais fait la bêtise de ta vie à quinze ans, puis tu composes, debout immobile devant ta console, sans casque.
Écriture : tu splashes des trucs sur la page openoffice de ton ordinateur.
Cinéma : ta caméra filme l'aube naissante par la fenêtre et ce soir tu regarderas ce vide, ce bleu et peut-être, un instant, un oiseau ou une silhouette humaine qui traverse le champ.
Amour : tu envoies à tes web-correspondant(e)s des déclarations et des mots de rupture, des photographies ratées qui prennent sens à tes yeux, qui devront leur parler d'un homme qu'ils et elles n'ont jamais vu.
Cuisine : tu bois et tu manges, tant que tu peux, car quand le jour sera là tu n'auras plus assez de temps ni de dynamisme.
Argent : tu vérifies ce qu'il y a sur ton compte et tu suis tes ventes sur le site où tu diffuses tes vieilles affaires et tes vieux objets.
Entre quatre heures trente du matin et jusqu'à ce que la ville se lève, tu vis. Après, tu dors.
On peut lire l'étrange entrevue du site belge la Médiathèque avec Noël Akchoté, qui a inspiré à Marin Dupontd ce mode de vie. C'est après l'avoir lue que Marin a modifié l'heure de son lever. Il savait qu'il ne pouvait vivre que deux heures par jour, aux heures où les autres dorment.
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dimanche, 14 avril 2013
Ethel dans la ville
Éthel à neuf heures s'installe à sa table de travail, devant la fenêtre derrière laquelle les toits de Paris se déploient jusqu'à la lointaine banlieue où de hautes cheminées fument loin au-dessus des arbres. Le ciel est traversé de pigeons et d'avions à réaction. Elle ouvre son évangile grec, son dictionnaire du grec biblique, sa grammaire.
Lundi, elle travaille ainsi à mieux comprendre l'évangile dans le texte.
Mardi, à la même heure, elle s'attelle aux chroniques éthiopiennes écrites en langue amharique.
Mercredi, elle étudie de vieux poèmes arabes et des manuscrits de Tombouctou.
Jeudi, elle déchiffre la genèse en hébreu.
Vendredi est consacré à l'ancien français.
Samedi, assise à la même table, elle déchiffre des partitions musicales mentalement.
A onze heures, elle ferme ses livres et se met au piano ou à la guitare, à l'oud arménien ou à la flûte et elle laisse ses doigts rêver sur l'instrument, une heure durant. Lorsque les dernières notes meurent sur les rives de la Faim, Éthel s'en va dans habiter sa joyeuse petite cuisine. Elle y prépare un déjeuner, pour elle seule ou pour l'invité du jour.
A 14h, elle prend un café seule, sur son hamac, en écoutant de la musique, ce qu'elle préfère. Certains jours elle choisit de se balancer dans le silence.
Une promenade suit souvent ce moment de détente. Puis Éthel rentre et se met à son ordinateur, où elle écrit deux heures. En ce moment, elle travaille sur une série de dessin animé consacrée à l'histoire des rois de la Bretagne. Lorsque ces deux heures de travail sont terminées, elle s'offre une nouvelle promenade, fait des courses ou prépare un plat long et compliqué.
Le soir, seule ou avec quelques proches, elle dîne aux chandelles. Dans la pénombre où flottent quelques lueurs de feu, la cire fond lentement, les conversations se succèdent, calmes ou agitées, on met un disque ou on fait quelques pas sur la terrasse pour apercevoir la lune à travers les nuages de pollution et les lumières artificielles.
Autrui part tôt car la solitude est chère à Éthel. Quand elle n'est pas subie, mais choisie, elle lui ouvre les portes de la prière et de la pensée. Éthel prie dans la pénombre, de longs moments, que son cœur soit sec ou spirituel elle prie.
Si elle entre dans son lit avant onze heures, elle lit quelques temps avant d'éteindre et de chercher le sommeil. S'il est onze heures ou plus tard, pas de lecture.
Au bout de la nuit, elle s'éveille vers sept heures et peu à peu émerge d'un lointain monde nocturne. Après la douche, le petit-déjeuner, elle prie.
Puis elle attend dans son lit ou fait une promenade avant de se mettre, à neuf heures, à sa table de travail, sous la fenêtre par laquelle Paris se dévoile, toujours plus beau, saison après saison.
Elle ouvre son dictionnaire d'amharique, ses grammaires et ses chroniques, car on est mardi.
De temps en temps, dans la semaine, elle se rend à une réunion dans une institution, un déjeuner d'affaire ou un dîner en ville. Mais cela ne trouble pas longtemps le rythme de sa vie, né de l'habitude, de l'expérience et de l'inspiration.
Sébastien Ithiopia, 10 avril 2013, près d'une fenêtre sombre l'après-midi
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dimanche, 06 mars 2011
L'art de boire les vins
Extrait d'une brochure intitulée Nos grands vins de Bordeaux, publiée Féret & Fils, Editeurs à la fin des années (19)40.
"Savoir boire le vin n'est donné qu'à un gourmet exercé ; savoir le faire boire à ses convives n'appartient qu'à un maître de maison doué d'un tact exquis et d'un goût éclairé.
Un tableau de maître a besoin d'une lumière et d'un entourage favorables pour faire apprécier le talent du peintre ; aucune femme, malgré sa beauté souveraine, n'ignore et ne dédaigne l'art de rehausser ses charmes par un accord harmonieux ou par un contraste savant. Il est, de même, une science et un art de boire les grands vins. Il faut d'abord connaître les caractères qui distinguent chacun des vins que l'on veut servir à ses convives. Il est nécessaire de savoir les offrir avec les mets qui seront de nature à les faire apprécier et d'observer la famme, savamment graduée, qui permettra de faire ressotir tous leurs mérites. Ils gagnent à être servis dans de grands verres en cristal fin.
Après avoir étudié le menu, on décidera quels sont les vins qu'on doit offrir et dans quel ordre ils seront dégustés. Les bouteilles choisies seront prises dans le caveau, apportées avec précaution dans l'office, dans la position verticale, après les avoir relevées délicatement et fait une marque pour savoir où se trouve le dépôt de lie. De cette façon, on évite un va-et-vient qui ne saurait manquer de se produire et troublerait le vin. En le versant soigneusement et dans la même position qu'elle avait dans le caveau, la très vieille bouteille ne sera décantée qu'au moment où elle devra être bue, pour conserver l'arôme et le bouquet du vin. Un vin dans la plénitude de ses qualités doit être décanté quelques heures avant d'être bu.
Le vin rouge doit être chambré, c'est-à-dire porté à graduellement à la température de la salle à manger.
Le flacon qui doit recevoir le vin doit être, en hiver, attiédi légèrement, mais il ne faut pas chauffer le vin. Quand on n'aura pas eu le temps de laisser prendre au vin rouge la température de l'appartement, on pourra y remédier en plongeant dans l'eau chaude les carafes qui serviront à décanter le vin.
Aucun des instruments inventés pour décanter le vin ne vaut la précaution de ne pas déplacr le dépôt et la sûreté de la main.
Dans quel ordre les vins seront-ils servis ?
La règle à observer pour la concordance des vins avec les mets est celle-ci : avec les poissons, les vins blancs ; avec les viandes, les vins rouges généreux ; à la fin du repas, les vins rouges les plus vieux ; au dessert, les vins blancs liquoreux et mousseux.
Les vins blancs seront d'autant plus fortement frappés qu'ils seront plus liquoreux.
Pour la dégustation des vins blancs liquoreux, tels que ceux de Sauternes, il y a parmi les gourmets deux écoles : l'une qui les préfère au dessert, l'autre, au commencement du repas, avec le poisson.
La règle pour la graduation des vins rouges est de commencer par les plus jeunes et les moins célèbres.
Voyons comment ces règles sont observées par les gourmets.
Quelques cuillerées de potage ont, par leur douce chaleur, préparé le palais et l'estomac à remplir leurs utiles et agréables fonctions. Avec les huitres, que suivent le saumon ou le turbot, apparaissent les grands vins blancs de Bordeaux, secs, demi-secs ou liquoreux ; mais, à notre avis, les vins blancs trop liquoreux au début d'un repas empêchent de bien goûter les bons vins rouges qui suivent. Dès que le poisson est enlevé, le sommelier cesse de verser les vins blancs.
Quand le chef sert les viandes, on offre les grands ordinaires et les bourgeois du Médoc, pleins de moelleux et de corps, à la robe purpurine, au bouquet parfumé. C'est avec les grosses viandes, le boeuf roti, le sanglier, le chevreuil, qu'on servira les excellents vins corsés et capiteux, premiers crus de Saint-Emilion ou de Pomerol.
Quand, vers le milieu du repas, les convives sont arrivés peu à peu à cet état de satisfaction où l'estomac, docile encore, ne manifeste plus d'impétueuses exigences ; où le goût, préparé par une savante graduation de sensations, est susceptible des impressions les plus délicates, les grands vins rouges du Médoc font leur entrée triomphale et le sommelier annonce avec orgueil des noms et des dates illustres.
Après ces vins, on peut encore savourer les Sauternes liquoreux et vider quelques coupes écumantes de Champagne".
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lundi, 12 juillet 2010
Les marches de Bretagne
(Un billet de Jean Bouchenoire)
J’ai créé aujourd’hui la recette Les marches de Bretagne. Elle a plu à la personne qui l’a goûtée.
C’est en quelque sorte un escalier de lamelles de légumes agrémentées de mascarpone et de féta.
Les ingrédients, pour deux ou trois personnes, sont les suivants :
Une ou deux courgettes
Une aubergine
Une tomate cœur de bœuf jaune (si vous n’en trouvez pas, utilisez une rouge !)
Des champignons très bons, choisissez vos champignons préférés.
Un peu de mascarpone.
De la féta.
Commencez par découper les courgette(s) et aubergine en longues et fines lamelles. Dans deux poêles différentes, faites revenir les lamelles dans l’huile. Il fait les faire frire doucement. Dans une troisième poêle ou une casserole, faites revenir les champignons coupés en tout petits morceaux, soit dans du beurre, soit dans de l’huile.
Dans un plat carré ou rectangulaire avec un peu de profondeur (3/4 centimètres), étalez les courgettes frites. Recouvrez les de mascarpone. Etalez ensuite les tranches d’aubergines frites.
Recouvrez ces tranches de féta très fine ou bien écrasée.
Ensuite, coupez la grosse tomate jaune cœur de bœuf en rondelles et déposez les au-dessus. Remettez un peu de féta par-dessus, puis enfin, les champignons revenus.
C’est fini. Ces marches de Bretagne se mangent entre chaud et tiède. Une bonne baguette tradition peut les accompagner.
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mardi, 22 juin 2010
La Rostolane
In memoriam Elle.
J'ai aimé l'astuce de Joël Robuchon : faire cuire chaque légume séparément, avant de les marier en une cuisson finale.
Je vous donne la recette de la Rostolane, inventée au soir du 21 juin de l'an 2010. Nous étions deux, nous la mangeâmes accompagnée d'un vin des Trois Colonnes et nous l'aimâmes.
Il faut d'abord mettre un bout de beurre dans une casserole et y découper un fenouil en lamelles. Un peu de miel aussi, ainsi le fenouil qui doucement dans le beurre et le miel.
Pendant ce temps, dans une poele, on fait revenir les lamelles de deux ou trois courgettes dans l'huile d'olive.
Pendant ce temps, dans une autre poêle, on fait frire, tout doucement et en surveillant, une aubergine coupée en tranche (dans la longueur ou la largeur, comme on préfère), dans de l'huile d'olive.
Pendant ce temps, au fond d'une grande cocotte ou casserole, on fait revenir de l'ail, des échalottes, des oignons (deux ou trois oignons d'espèces différentes, pour un bon bouquet oignonal...), dans beaucoup de beurre. On sale et poivre à volonté.
Et dans la dernière casserole, il faut dans un verre d'eau faire cuire deux ou trois tomates avec une cuillère de moutarde et du piment "langue d'oiseau" pili pili.
Dès que quelque chose est bien revenu, on l'ajoute dans la cocotte où mijotent les petits oignons, ails et échalottes. J'ai ajouté d'abord le fenouil, puis les courgettes, puis les aubergines, puis les tomates. Recouvrir ensuite d'un couvercle et laisser tout ça se mélanger, se fondre, s'embaumer durant de longues minutes.
Servir dans un beau plat et s'il en reste, garder pour le lendemain. Réchauffée après une nuit et un jour d'attente au frigo, la Rostolane sera encore meilleure !
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