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mercredi, 19 septembre 2012

L'abbé Suger, maître de l'an 3000

 

Maître de Saint-Giles, Saint-Denis, Charles Martel, abbé Suger, Simon chèvre d'or, abbaye de Saint-Victor
Saint Denys dit la messe devant Charles Martel.
Peinture du Maître de Saint-Gilles

 

Un hommage à Suger par Esther Mar

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Phot Sara

 

Lisez l'épitaphe de l'abbé Suger de Saint-Denis, immense homme d'Etat français, lumière du douzième siècle, par le chanoine Simon Chèvre d'Or de Saint-Victor, qui le connaissait et l'aimait :

 

 

« Il est tombé l'abbé Suger, la fleur, le diamant, la couronne, la colonne, le drapeau, le bouclier, le casque, le flambeau, le plus haut honneur de l'église ; modèle de justice et de vertu, grave avec piété, pieux avec gravité, magnanime, sage, éloquent, libéral, honnête, toujours présent de corps au jugement des affaires d'autrui, et l'esprit toujours présent pour lui-même. Le roi gouverna par lui les affaires du royaume ; et lui, gouvernant le roi, était comme le roi du roi. Pendant que le roi passa plusieurs années outre mer, Suger tenant la place du roi, présida au soin du royaume. Il réunit deux choses qu'à peine quelque autre à pu réunir ; il fut bon pour les hommes et bon pour Dieu. Il répara les pertes de sa noble église, en embellit le siège et le choeur, et la fit croître en éclat, puissance et serviteurs. Il était petit de corps, petit de race, et atteint ainsi d'une double petitesse, dans sa petitesse il ne voulut pas demeurer petit. Le septième jour, jour de sainte Théophanie, lui a ravi le jour ; mais Théophanie l'a fait monter au jour pur et vrai, auprès de Dieu ».

 

L'abbé Suger, né en 1080, mort en 1151, fils de Hélinand, homme du peuple, fut remarqué par l'église, cette église à l'époque si active à travers toutes les franges de la société pour sélectionner des enfants qui montraient des aptitudes brillantes et leur donner les clefs de son Institution... En leur donnant les clefs de l’Épouse du Christ elle leur donnait celles des Cours d'Europe.

Artisan de la France moderne, il eut la primeur du sens de l’État et fut un ardent édificateur de l’État français. Sans l'abbé Suger, la France d'aujourd'hui n'existerait pas. Aussi la France n'est-elle pas qu'un accident de l'histoire, comme l'a dit un homme de notre temps au cours des préparatifs de l'élection présidentielle du mois de mai 2012 ; la France, telle qu'elle nous apparaît dans tous ses aspects géographiques, politiques, intellectuels, artistiques, reflète une construction ingénieuse et obstinée de quelques hommes visionnaires et acharnés. Ils eurent parfois fort à faire, ces hérauts, pour diriger peuples et rois dont ils avaient la charge !

L'abbé Suger donna à la lumière un sens et un pouvoir immenses. Il insista pour que les églises soient inondées de lumière.

"Je suis la lumière du monde", dirent un jour le Chemin, la Vérité et la Vie. Suger l'entendit de cette oreille et il offrit aux pierres d'être le réceptacle de cette lumière et de la refléter sur les esprits aveugles, afin qu'ils s'élèvent.

Le tombeau de Suger dormit au fond de son œuvre, la basilique de Saint-Denis, durant de nombreux siècles. La fureur révolutionnaire profana la Basilique, les tombes des rois et celle de celui qui avait tant fait pour le peuple dont il était issu. On pourrait interpréter cette profanation comme le symbole de la mort de l'ancienne France, de ses vertus, de ses grandeurs et de ses inspirateurs. Que nenni, mes amis. Nous nous rendrons compte dans mille ans quel homme a été Suger, quand il brillera de toute sa gloire sur les hommes de l'an 3000 tournés vers lui avec plus d'admiration qu'ils n'en eurent jamais. Car alors ils accompliront, dans sa perfection, le rêve de lumière de l'abbé de Saint-Denis.

 

Esther Mar, 18 août 2012, pour AlmaSoror s'ils en veulent.

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Phot prise sur WP

 

lundi, 21 mars 2011

L’invasion de l’Europe (années 700)

Charles Martel

 

Jacques Benoist-Méchin conte l'invasion islamique des années 700, épopée spectaculaire qui s'arrêta par une débâcle en plein Poitou,
en 732.

 

 

« Le successeur de Hassan, Mousa-Ibn-Noseïr, fut une des plus grandes figures de l’épopée islamique. Rompant avec la politique de son prédécesseur, il se rallia les Maures vaincus, et sut leur inspirer confiance par ses mesures de clémence. Il les attira auprès de lui, les incorpora à ses troupes et les invita « à le suivre où il les conduirait » (709).

En agissant ainsi, Mousa travaillait à la réalisation d’un plan qui mûrissait depuis longtemps dans son esprit. Face à la côte africaine, il voyait se déployer à l’horizon un autre littoral qui exerçait sur lui une fascination étrange. C’était l’Espagne. Comme les voyageurs ne cessaient de lui vanter l’opulence de ses villes, l’enchantement de ses jardins et la fertilité de ses plaines, il résolut de s’en emparer.

 

Ayant obtenu l’autorisation de Walid, Mousa accéléra ses préparatifs. Mais le fils de Noseïr était un homme prudent. Ne voulant pas engager ses meilleures troupes dans une entreprise qui comportait beaucoup d’aléas, il décida d’envoyer en avant-garde ses régiments maures, sous le commandement de leur chef, Tarik. Celui-ci franchit le détroit de Calpé, débarqua sur la côte espagnole et dressa son camp au pied d’une falaise abrupte qu’il baptisa Djebel-al-Tarik (Gibraltar). Puis, ayant passé une dernière fois ses hommes en revue, il brûla ses embarcations pour leur montrer que l’aventure dans laquelle il s’engageait était sans retour, et s’enfonça vers l’intérieur du pays (710).

 

Les Wisigoths, qui occupaient à cette époque la péninsule ibérique avaient beaucoup perdu de leur vigueur primitive. Leur roi Roderic était un prince raffiné, d’une grande élévation d’esprit, mais émasculé par la mollesse et le luxe de sa cour. « Ses vêtements couverts d’or, son char d’ivoire, sa selle tout incrustée de pierreries cachaient sous leur éclat le fer, qui seul, en ce moment, avait de la valeur. Les nobles qui l’entouraient, équipés magnifiquement, se fiaient bien moins à leur courage qu’au nombre de leurs soldats, esclaves embrigadés de force qui ne combattaient qu’à contre-cœur. En face d’eux, les Berbères, commandés par un chef intelligent et prêts à accepter la mort comme un bienfait, puisqu’elle devait leur assurer le ciel, semblaient avoir oublié leur infériorité numérique. » (Sédillot)

 

Le choc décisif eut lieu dans la plaine de Guadalete, non loin de Xérès. Pendant sept jours, les deux armées s’épuisèrent en escarmouches et en combats singuliers. Enfin Tarik, voulant forcer le destin, chargea impétueusement les Wisigoths à la tête de sa cavalerie et réussit à couper les forces ennemies en plusieurs tronçons. Aussitôt, les Wisigoths commencèrent à perdre pied. Les voyant se débander, l’évêque de Séville et les troupes qu’il commandait, se rangèrent du côté de l’envahisseur. Roderic, trahi, chercha en vain à rallier ses escadrons qui fuyaient de tous côtés. Il fut entraîné dans la déroute générale et périt dans les eaux du Guadalquivir (711).

 

Tarik sut exploiter à fond cette éclatante victoire. Il fonça sur Tolède, la capitale du royaume, après s’être emparé d’Ecija, de Malaga, d’Elvira, de Grenade et de Cordoue. Tolède, privée de défenseurs, capitula. Tarik poursuivit sa marche vers le nord et parvint, par Saragosse et Pampelune, jusqu’à Giron, sur le golfe de Biscaye.

Mousa, ne voulant pas laisser à son lieutenant tout le bénéfice de cette campagne, se hâta de traverser à son tour le détroit de Gibraltar et pénétra en Andalousie, qui n’était pas encore entièrement subjuguée. Ayant pris Mérida, Carmona et Séville, il alla rejoindre Tarik à Tolède, tandis que son jeune fils Abdelaziz, qui avait amené d’Afrique un renfort de 7000 hommes, se rendait maître de la Lusitanie et de l’Estrémature.

 

Toute l’Espagne était aux mains de l’Islam. Cette proie splendide fut partagée entre les légions victorieuses. La légion de Damas s’établit à Cordoue ; celle d’Emèse, à Séville ; celle de Kinnesrin (Chalcis), à Jaen ; celle de Palestine, à Médina-Sidonia et à Algéziras ; celle de Perse, à Xérès de la Frontera ; celle de l’Yémèn, à Tolède ; celle de l’Irak, à Grenade ; celle d’Egypte, à Murcie et à Lisbonne. Enfin, 10 000 cavaliers du Nedjed et du Hedjaz se virent attribuer les plaines les plus fertiles de l’intérieur. On eût dit qu’une « Arabie nouvelle », avec toutes ses provinces, s’était constituée derrière les colonnes d’Hercule, à cette pointe extrême du Ponant.

Mais pour Mousa, la conquête de l’Espagne n’était qu’un commencement. Remettant à son fils Abdelaziz le soin d’administrer le pays et laissant en arrière des garnisons suffisantes pour y assurer l’ordre, il partit pour le nord avec le reste de ses troupes. Lorsqu’il fut parvenu au sommet des Pyrénées et qu’il vit se déployer à ses pieds les riches plaines de la Narbonnaise, Mousa « suspendu sur l’Europe » conçut un plan grandiose : il décida de rejoindre le Bosphore par la voie de terre et de prendre Constantinople de revers, en subjuguant tous les peuples qu’il rencontrerait sur sa route. Ce projet lui était inspiré « par un orgueil démesuré et par son vieil instinct nomade, pour qui les distances ne comptent pas ».

 

Il détacha une avant-garde, sous le commandement de l’Emir Alsamah, et lui enjoignit de conquérir la Septimanie. Narbonne fut occupée en 719. Alsamah ayant été tué au cours d’un combat, son successeur Ambizah s’empara de Carcassonne, d’Adge, de Béziers et de Nîmes, mais se heurta à une résistance vigoureuse d’Eudes, duc d’Aquitaine, qui lui interdit l’accès de Toulouse (721). Ambizah et ses cavaliers s’infléchirent alors vers la vallée du Rhône, qu’ils remontèrent pas étapes. L’Albigeois, le Rouergue, le Gévaudan, le Velay subirent leurs déprédations. Poursuivant leur avance le long de la Saône, les forces musulmanes parvinrent en Bourgogne. Beaune fut prise et ravagée. Sens se racheta par un tribut. Autun fut enlevé d’assaut et pillé (725). Auxerre faillit connaître le même sort. Les Arabes campèrent dans les vallées de l’Aube et de l’Absinthe à peu près là où devait s’élever plus tard l’abbaye de Clairvaux. Troyes barricada ses portes, en prévision d’un siège.

 

Ces opérations coïncidèrent avec un débarquement effectué par la flotte sarrazine dans la région de Fréjus (Fraxinet). Les escadrons musulmans s’installèrent en force dans le massif dit des Maures. De là, ils rayonnèrent jusqu’en Provence, où ils occupèrent Arles et Avignon (730).

Enhardi par ces succès, Mousa ordonna à un autre de ses généraux, l’Emir Abderrahman, de conquérir le reste de la Gaule. A la tête d’une armée nombreuse, Abderrahman franchit le col de Puygcerda. Cette fois-ci, le duc d’Aquitaine ne put résister à l’envahisseur. Battu sur les bords de la Garonne, Eudes dut se replier en toute hâte vers le nord-est, ouvrant aux Arabes la route de Bordeaux, qui fut emportée d’assaut. Abderrahman, vainqueur de nouveau au passage de la Dordogne, se dirigea vers Tours, dans l’intention de s’emparer de l’Abbaye de Saint-Martin, qui était, à cette époque, le sanctuaire national des Francs. 

 

La nouvelle de l’arrivée des Arabes sur les bords de la Loire, souleva, dans toute la Gaule, une émotion indescriptible. L’Europe allait-elle devenir musulmane ? Charles, fils de Pépin d’Héristal, que soutenait la fortune ascendante de sa famille, résolut de sauver la Chrétienté menacée. Il appela les Leudes aux armes, convoqua le ban et l’arrière-ban des guerriers francs et meusiens. Tous les hommes en état de se battre répondirent à son appel. Abderrahman décrocha de la Loire et attendit son ennemi à Vouillé, entre Tours et Poitiers. C’est là qu’allait se décider le sort de l’Occident (732).

 

« Les Arabes comptaient sur une seconde bataille de Xérès, et furent déçus dans leurs espérances. Les Francs austrasiens ne ressemblaient pas aux Wisigoths dégénérés. Ils ne portaient point d’or sur leurs vêtements et se présentaient au combat tout bardés de fer. Là, point d’esclaves combattant pour un maître détesté, mais des compagnons entourant un chef qui se disait leur égal. Pendant les six premiers jours, il n’y eut que des engagements partiels, où les musulmans eurent l’avantage. Le septième, l’action devint générale ; elle fut sanglante et solennelle. Les Arabes, accablés par la force et la stature des Francs, furent mis en déroute par l’impétuosité de Charles, qui gagne dans cette batille le nom de Martel » (Sédillot).

 

Abderrahman fut tué au cours de la mêlée. Dans la nuit qui suivit, les Arabes, privés de leur chef, perdus dans un pays qu’ils ne connaissaient pas, furent pris de panique et se querellèrent entre eux. On vit alors, dans les clairières du Poitou, les tribus du Hedjaz, de l’Yémen et du Nedjd tourner leurs armes les uns contre les autres et s’entredéchirer avec fureur. L’armée se volatilisa sous l’effet du désastre. Ses débris se replièrent péniblement vers la Septimanie, harcelés par Charles Martel et son frère Childebrand. Ils ne se retrouvèrent en sûreté que derrière les remparts de Narbonne et de Carcassonne.

 

Stoppée en Occident par la victoire de Charles Martel, bloquée devant Byzance par la résistance de Léon III et de Justinien II, l’expansion arabe avait atteint en 743, des limites qu’elle ne dépasserait plus. Grâce à la force des Francs et à la ténacité des Grecs, l’Europe devait rester en dehors de son emprise. Mais la domination musulmane ne s’en étendait pas moins de Narbonne à Kashgar ; et le Calife, « cette image de la divinité sur terre » se trouvait à la tête d’un empire plus vaste que ceux de Darius ou d’Alexandre le Grand.

 

Jamais entreprise aussi considérable n’avait été réalisée en un aussi petit laps de temps, et les chroniqueurs de l’époque n’eurent pas tort de la comparer à une tempête. Plus de douze mille kilomètres séparaient les positions extrêmes occupées par les Arabes en Orient et en Occident. Pourtant il ne s’était écoulé que cent vingt-deux ans depuis le serment d’Akaba, c’est-à-dire depuis le jour où, rassemblant autour de lui une quarantaine de guerriers, Mahomet avait constitué le noyau initial des armées islamiques ».

 

Jacques Benoist-Méchin, Ibn Séoud ou la naissance d’un royaume.

Beaune

Beaune floue depuis un téléphone androïde, par une fin d'après-midi en 2010