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mercredi, 10 décembre 2014

Les saccages

Vous qui souhaitez peut-être, par un soir de dépit, rejoindre la cohorte des saccageurs et des saccagés, voici quelques  conseils de base.

Pour détruire votre santé, commencez par vous laver le moins possible. Buvez énormément d'alcool, mangez des aliments gras, sucrés et chimiques. Dormez de façon aléatoire et déstructurée. Que vous dormiez peu ou beaucoup, l'important est de casser tout rythme de sommeil qui aurait tendance à s'installer. N'oubliez pas de vous exposer le plus rarement possible à la lumière, ainsi que d'écouter de la musique extrêmement fort, pourquoi pas avec un casque afin que vos oreilles reçoivent directement toute la force du son. Droguez vous ici et là, sans faire attention à la qualité des substances. Prenez des coups de froid en ne vous couvrant pas lorsque la température baisse. Passez de longues heures face à la télévision ou à l'ordinateur, assis d'une façon qui vous créée des problèmes musculaires et osseux. Avachissez-vous autant que vous le pouvez. Ne faites jamais de sport, menez des jours mous et soyez flasque.

Pour rater sa vie financière, il suffit souvent de dépenser sans compter pour des choses inutiles, le plus souvent possible. N'encaissez pas d'éventuels chèques que les gens signeraient en votre faveur. Détestez l'argent, et surtout, ignorez votre banquier ou, même, agressez le régulièrement. Méprisez toute idée de gestion intelligente de l'argent.

On peut se rendre la vie affreusement désagréable en étant de fort mauvaise humeur dès le matin. Le long du jour, maintenir un haut état d'irritabilité, se concentrer sur les problèmes plutôt que sur les événements qui se passent bien, et prendre soin de gâcher systématiquement les petits plaisirs quotidiens et les beautés qui surgissent au fil du temps. Mépriser les gens que l'on rencontre, détester toutes les choses que l'on doit faire, être désolé de se trouver là où l'on est, n'avoir aucun espoir que les choses s'améliorent. Mépriser les gens simples et bons, et toujours opter pour des comportements régis par l’intempérance et la brutalité.

Afin de vous assurer une vie sociale désastreuse, quelques techniques simples fonctionnent à merveille. Parlez très fort, de vous surtout, sans jamais écouter les autres. Ou bien, si cela est plus facile pour vous, taisez-vous en toute circonstance : prenez l'air fermé et détournez-vous de ceux qui vous adressent la parole. Mentez autant que possible ; dès que l'occasion se présente, faites preuve de radinerie. Affirmez votre cynisme, votre mépris, faites peur. Soyez arrogant, discourtois. Polémiquez sans réfléchir et montrez votre exaspération. Faites honte à d'éventuelles personnes assez motivées pour vous accompagner quelque part ou vous présenter à leurs proches, en vous tenant particulièrement mal. Enfin, refusez toute joie collective, opposez-vous à toute forme de consensus.

Au cours d'une histoire d'amour, n'accordez aucune attention à la personne qui vous accompagne ; montrez lui qu'elle vous fait honte et que vous trouvez ridicules ses idéaux et ses projets. Soyez méchant quotidiennement envers elle. Refusez tout romantisme, refusez toute sexualité ou alors seulement lorsque cette personne n'en a strictement pas envie. Faites des reproches, critiquez ses amis, sa famille. Soyez susceptible : prenez très mal la majorité de ses réflexions. Grâce à une hygiène désastreuse et à une vulgarité déployée, soyez le moins séduisant possible. Mentez-lui, trompez-la, draguez ses amis et harcelez-la de vos reproches.

Pour compléter ces quelques idées saccageuses, disons que pour aller dans le mur sans hésitation, il ne faut surtout pas savoir ce que l'on veut accomplir, ni dans quelle direction l'on souhaite orienter notre vie. On peut s'entourer de gens mous, inactifs, versatiles et sales, et faire fuir toute personne responsable et généreuse, en déployant sans cesse un énorme ego, mais aussi en aidant ses proches à sombrer dans des ornières dont ils ne se relèveront pas. Se dénigrer et dénigrer autrui, ne pas supporter la présence d'une personne plus douée que soi, ne jamais accepter la remise en question personnelle permettent d'accélérer la chute. On peut aussi se plaindre constamment, consacrer le plus clair de son temps aux choses futiles, vaines, mesquines, se complaire dans la souffrance croissante et se sentir tellement coupable de tout cela que, condamné d'avance par le dieu intérieur de son âme, il ne reste plus qu'une solution : tomber encore plus bas.

Détestez ceux qui vous aiment, et si vous devez accorder votre affection à des êtres, assurez-vous à l'avance qu'ils vous veulent du mal.

Ces quelques conseils, appliqués consciencieusement, donnent des résultats miraculeux.

mardi, 09 décembre 2014

La maison du fleuve

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Est-il possible que je vive désormais dans cette petite maison d'une ville au bord du fleuve ? ce fleuve dont, il y a trois années encore, j'ignorais le nom. L'existence d'un fleuve est la preuve de la possibilité du mouvement, c'est la philosophie qui m'échoit aujourd'hui que roucoulent à mes volets les tourterelles qui ne connaissent pas la peur de l'hiver.

J'ai voulu rater, il y a longtemps, ma vie et celle de ceux qui m'entouraient. J'ai noyé mes enfants sous le flot d'une souffrance, d'une violence dont je ne connais ni la cause, ni l'origine, que j'ai eu en partage avant même le jour de ma naissance. J'ai dit non aux présents que la vie m'offrait, j'ai renvoyé dans leurs ornières les gens qui m'apportaient des coups de main et des sourires. J'ai mangé dans une écuelle quand l'assiette m'attendait dans l'armoire, j'ai nourri mes petits de vers et de miasmes quand ils rêvaient de chips et de carottes tendrement préparées. J'ai gâché toute chance, j'ai salué d'un ricanement méchant chaque jour qui se levait.

Jusqu'au jour où la fatigue m'a pris.

Comme était belle, ce soir là, la vague bleutée qui déferlait sur le parking du centre commercial. C'était la robe du soir qui s'étalait sur les capots des voitures, les tôles des magasins, les sols de macadams. Un homme et un chien passaient, au loin, sous la barrière. Comment me suis-je laissée aller à la contemplation de la beauté ? Je ne sais.

Le lendemain, commençait la vie qui m'a menée ici. Une vie presque facile, où l'on glisse au fil des jours sans s'en faire des soucis et des écueils. Vrai, j'avais trop ramé.

Maintenant, je ne commets plus d'imprudence, ni d'impudence. Je ne cherche plus qu'à voir passer les enfants, les oiseaux et les chats, le long du chemin de la rive aménagée. Le fleuve nourrit mon songe et j'ai honte d'avoir détruit ceux que j'avais mis au monde. Où sont-ils aujourd'hui ? Le soir, j'allume cinq petites bougies, une pour chacun, et je les regarde se consumer en rêvant aux endroits où ils pourraient être... Peut-être.

Voyage dans les villes du bord du fleuve

(...) Le blogueur rentrait sous la pluie, les mains dans ses poches et son téléphone androïde qui ne sonnait plus encastré dans une des mains. Il passa les trois porches de la ville morte, le porche des Arcs, la rotonde des Frères Farouzot et le portique de VillaBar. Les escaliers du vieux quartier de Lune-Molle glissaient et il pataugea dans une flaque presque transparente. Il visualisait la poussière de sa chambre, le vide de ses années estudiantines, les rêves amoureux tant caressés aux premières lueurs de l'âge adulte. Il se remémorait plusieurs aurores qui l'avaient fasciné, aurores connues au cours des nuits blanches de désobéissance. "Fraternité" était le mot qu'il aurait voulu mieux connaître ou reconnaître. Lui, et les autres passants de la ville-pluie, ressemblaient à des cavaliers courageux et misérables, orphelins de cheval, dénués de projet, emplis d'un fou désir de vivre une aventure où le ciel déploierait ses instances et ses invites. Il rentrerait quand même chez lui tout à l'heure, fin d'une promenade en solitaire à travers les routes de béton jonchées de poubelles et les voies de terre bordées de peupliers.

Il bloguait tous les jours vers sept heures du soir et l'angoisse du blogueur le tenait dès le début d'après-midi, quand il se demandait ce qu'il posterait de nouveau sur le blog du Maître de Ravenswood. Écrire, filmer, photographier, parler, chanter, recopier, mélanger tout cela en un coquetel apéritif que des lecteurs anonymes et inconnus attendaient peut-être.

La pluie cessa : une éclaircie traversa le ciel qui se para d'une brillance propice à l'exultation intérieur. L'air devint frais. La rue des Loups et son antre de blogueur isolé n'était plus loin. Quelques enjambées l'amenèrent à sa porte. Avec amour il constata qu'il restait du bon café de Harar dans sa cuisine bienveillante. Il en poussa la porte grinçante, heureux déjà de, bientôt, poser ses lèvres sur la tasse bien chaude qu'il allait préparer. (...)

2011

        - M Dupondt

lundi, 01 décembre 2014

Nos vanités

 

« La gloire d’un homme, non moins que son crédit, non moins que sa fortune, est susceptible de grandir ou de diminuer sans changer de nature. Elle est donc une sorte de quantité sociale. Il serait intéressant de mesurer avec une certaine approximation, moyennant des statistiques ingénieuses, pour chaque espèce de célébrité, cette quantité singulière. »

Gabriel Tarde, IN Psychologie économique 1902

 

Quelques ouvrages de Jean-Gabriel Tarde sont disponible sur le site de l'Université du Québec à Chicoutimi.

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