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dimanche, 16 juillet 2023

Journal d'une Oblomova

Journal d'une Oblomova, dimanche 16 juillet 2023

C’est incroyable, ce long ennui à Champ-Goyon, seule, dans le grand bureau assez laid, au fond de couloirs vides, j’entends parfois, de loin, quelqu’un passer, sûrement, à chaque fois, un gendarme. Je sors dans le jardin, passant le plus discrètement possible par la salle de la Créance, ou, quand il semble y avoir quelqu’un sur la terrasse ou dans les salons, je passe par le sous-sol de l’office.

Et c’est incroyable à quel point, malgré une légère souffrance d’ennui, j’aime cet ennui, qui me rappelle l’enfance, mais alors je ne le supportais pas tandis qu’aujourd’hui, lorsque je le retrouve, il est nappé de nostalgie. Ces heures absurdes qui s’écoulent, ces synthèses vides qui tombent sans aucun intérêt, ce flux d’idioties qu’il m’appartient de discerner, mais dont rien n’émerge de beau ni de grand. Un long ennui du corps et de l’esprit.

Et ces tours dans le jardin, en m’y sentant à moitié autorisée, n’osant m’arrêter trop longtemps près d’un bel arbre. J’y téléphone, pour partager à ma famille, hier Anne, tout à l’heure Laurence, ces pas dans ce grand jardin secret, presque toujours désert. Aujourd’hui, j’ai fait le tour du petit pavillon, mon cœur battait qu’un gendarme surgisse pour me dire quelque chose, mais non, tout est vide, tout est calme et tout est silencieux. Des pies s’ébattent librement, la semaine dernière des corneilles piétinaient l’herbe, à la recherche, peut-être d’asticots.

Et quelquefois je ne suis plus seule, d’autres êtres se meuvent : des robots qui tondent l’herbe, de petits robots noirs qui circulent tout seuls au milieu de l’herbe verte. Alors je me prends à imaginer un monde futur, un grand jardin luxuriant et très bien aménagé, peuplé d’animaux et de robots qui se promèneraient en jardinant, dans le plus grand des mutismes.

J’aime cet ennui car il est celui de tous les possibles. Je ne suis pas cadrée par trop de travail ou par des relations oppressantes, j’existe à peine aux yeux des autres ici, je suis incognito, mais j’ai ma carte délivrée par le commandement circulaire, qui me permet de passer d’espace en espace au sein de Champ-Goyon. J’aime cet ennui car il me rapporte de l’argent. J’ai fait des choses intelligentes, avec ferveur, au cours de mon existence, mais ce fut très gratuit. Aujourd’hui, j’attends que le temps passe et suis payée pour cela.

Et puis de cet ennui, forcément, naissent les désirs de lecture, d’écriture. Je sens que cet ennui féconde ma terre.

 

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