samedi, 29 janvier 2022
La chambre où tu déposais tes doutes
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jeudi, 27 janvier 2022
Bruine mathématique d'hiver
Viens,
nous marcherons ensemble dans les champs de Liouville ;
-
Ami,
nous descendrons
-
l'escalier
de Cantor.
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mercredi, 26 janvier 2022
Comme un escalier de l'oubli
J'ai peur de ceux qui rient. J'ai peur de ceux qui chantent. J'envie ces gens qui passent, à qui je ne ressemblerai jamais. J'envie ces gens qui dansent. J'envie ces gens qui boivent, qui savent oublier leur esprit dans la convivialité. Moi, je prie, je prie, je prie, je ne sais que prier.
Sur AlmaSoror, en 2017, alors que Paul de Cornulier livrait son dernier combat, nous écrivions ceci : Et cum spiritu tuo
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mardi, 25 janvier 2022
zestes après épure
Il la rejoignit sur son banc.
- Tu chantes des chansons aux oiseaux ?
- Je leur récitais Venise, un chant de Venexiana Stount.
- Pourquoi ne leur disais-tu pas un poème en quechua ?
- Hélas ! Runasimitam qunqaq kani.
Katharina se lança dans de grandes explications sur la lâcheté et l’ignorance des universitaires, qui lui avaient fermé la porte au nez au moment où elle croyait enfin avoir obtenu un poste de chercheuse en linguistique. Cela ne faisait pas deux minutes qu’ils s’étaient retrouvés : ils étaient déjà plongés dans une conversation trépidante.
Ce qui m’ennuie, c’est que j’ai découvert quelque chose que je ne peux pas prouver.
Elle demeura un temps silencieuse, ses yeux perdus dans le vert des pelouses sagement tondues de Breteuil, ses boucles brunes parsemées de fils blancs voletant autour de son visage, puis sa voix murmura d’un ton inspiré :
- Peuple, homme, terre.
- Peuple, homme, terre ?
- Dans presque toutes les langues, ces trois mots ont la même origine commune.
- Veux-tu dire que toutes les langues sont issues d’une langue mère ?
- Certainement pas. Je veux dire qu’au sein de toutes les langues, si différentes soient-elles, les mots peuple, homme et terre sont des dérivés d’un mot-ancêtre commun.
Elle l’entretint des rouages pernicieux de l’université, du muselage de la liberté de penser, comme si elle n’avait eu personne pour l’écouter depuis longtemps. Joseph perdit vite le fil de ce discours alambiqué, et tandis que le regard flamboyant, que la voix animée de Katharina pétaradaient leur flamme et leur chagrin, il se laissait aller à observer les traits de son visage, les cheveux dont de nombreuses mèches étaient devenues blanches, les boucles toujours aussi nombreuses à dégouliner en cascade sur ses épaules, sa poitrine et son dos.
Au moment où elle reprit sa respiration, il lui demanda :
- Katharina, que penses-tu de l’interdiction de fumer dans les bars ?
- Ça me défrise. La fumée, c’était beau et romantique, répondit-elle.
Joseph ragaillardi par cette réponse l’étreignit.
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samedi, 22 janvier 2022
Des bœufs musicaux sur les soulanes
En ce mercredi 29 septembre 2005, vers cinq heures de l’après-midi, Joseph fermait presque les yeux en arpentant l’avenue de la Bourdonnais, tant il était plongé dans de vivants souvenirs. Il évoquait les derniers moments heureux qu’il avait passés en France avec ses amis, avant de ne plus revenir que pour y cueillir l’argent issu de leur rupture. C’était en Ariège, dans la patrie maternelle d’Hugues, lors d’une semaine de sessions musicales, entrecoupées de balades sauvages à travers les montagnes et les cours d’eaux qui tortillent le long des escarpements.
La vision matinale du massif de Tabe avait donné lieu à la découverte du silence pour cette jeunesse urbaine. Les visages s’étaient fait graves, absents aux soucis du monde, perdus dans un lointain qui prenait des saveurs différentes pour chacun. Au loin, les mouflons dévalaient une vallée fumante de brume.
Il y avait eu des bœufs musicaux sur les soulanes au coucher du soleil ; un déjeuner dans un restaurant de la ville de Foix, un déjeuner qu’on aurait voulu éternel tant fut douce la perfection de l’amitié, de la cuisine, du vin de Corbières. L’aïgo bullido ouvrit le palais ; l’azinat excellemment cuisinée prouva qu’une main experte métamorphose une recette courante en mets raffiné ; le bamalou jeta un pont entre le plat et le dessert et de tendres flocons d’Ariège closirent le repas.
L’on monta ensuite en Languedoc, là où l’Aude prend sa source. L’on en redescendit en kayak pour arriver, par le canal de la Robinne, à la scintillante Narbonne.
A Narbonne, soûlé de vin de Banyuls, Michel avait écrit un poème intitulé Loup de Foix, sur les campagnes militaires médiévales du fils bâtard de Raimond-Roger de Foix et d’Ermengarde de Narbonne. Destiné à devenir un opéra, Loup de Foix n’avait jamais vu le jour, mais dans la perfection de ces journées en pays catalan, qui aurait cru que l’ensemble musical Élouèse vivait ses dernières heures ? De Narbonne ils étaient rentrés à Paris par un vieux train qui cahotait sur les rails.
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vendredi, 21 janvier 2022
Article 225-2 (article en vigueur en théorie)
La discrimination définie aux articles 225-1 à 225-1-2, commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elle consiste :
1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;
2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;
3° A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
4° A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ou prévue aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 ;
5° A subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ou prévue aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 ;
6° A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.
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jeudi, 20 janvier 2022
Co-patronne de l'Europe
Depuis les premiers chrétiens, qui étaient juifs, il n'y avait plus eu de saints issu du peuple natal du Christ. Mais en 1998, sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix, née Edith Stein en 1891 en Haute-Silésie (Prusse), a été canonisée par le pape Jean-Paul II à Rome.
Sainte Thérèse Bénédicte de La Croix deviendra-t-elle la cinquième doctoresse de l'église catholique romaine - et la troisième carmélite (après sainte Thérèse d'Avila et sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face) ? Difficile de ne pas le croire.
Profonde philosophe, disciple de Husserl, féministe convaincue, enseignante, excellente pédagogue, bonne écrivain, puis carmélite, il paraît qu'elle était très drôle et chaleureuse, mais aussi secrète et empreinte d'une certaine austérité. "Secretum meum mihi", disait-elle, inspirée par Isaïe et Jean de la Croix. Mon secret est à moi.
Mon Seigneur et mon Dieu, Tu m’as conduite sur un long chemin, obscur, pierreux et dur. Maintes fois mes forces faillirent m’abandonner, à peine j’espérais voir un jour la Lumière. Pourtant, au plus profond de la douleur où mon cœur se figeait, une étoile claire et douce se leva pour moi. Elle me conduisit fidèlement ; je la suivis d’abord hésitante, puis de plus en plus confiante, je me tenais enfin à la porte de l’Église. Elle s’ouvrit ; je demandai d’entrer.
(IN Le secret de la croix)
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mardi, 18 janvier 2022
La chambre de l'attente
« C'est du désert du Nord que devait leur venir leur chance, l'aventure, l'heure miraculeuse qui sonne une fois au moins pour chacun. À cause de cette vague éventualité, qui, avec le temps, semblait se faire toujours plus incertaine, des hommes faits consumaient ici la meilleure part de leur vie. »
(Le désert des Tartares, D. Buzzati)
Nous en parlions déjà en 2015 :
« Il faut faire des concessions », dit-on, comme s'il s'agissait d'une activité vertueuse. Je rêve d'un jour avoir le courage de ne plus concéder un iota de mes désirs et de mes rêves. Au fond de quel fort Bastiani ?
Je suis assise dans un studio du douzième arrondissement et j'attends. Quoi ? L'éternité ? Mais non. J'attends ce moment où, enfin, je serai saisie par l'instant présent.
Le mardi 18 janvier à 15h52, par texto, alors que nous venons de nous quitter après un café chez Charlette, place d'Aligre :
Moi - Tu as lu Le désert des Tartares ? Je m'éveille souvent le matin avec la sensation d'attendre mon destin au fond du Fort Bastiani depuis plus de vingt ans...
Léonor - Je te comprends je vois bien la torpeur
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Extrait du journal de H.Le-L.
Mercredi 30 mai 2018
16h, après une sieste ratée (sans sommeil, en ayant trop chaud car le soleil inonde la rue de l'Agent Bailly de torride torpeur), je lis un passionnant article de Cécile Rastoin, alias sœur Cécile de Jésus Alliance, sur Judith Butler. Ça tombe bien, car en ce moment je pense nuit et jour à ma psychanalyste, Lemon L., une femme juive, très intelligente (également très chaleureuse), adepte de la théorie du genre initiée par Butler. Je m'oppose en fait à quelque chose, mais je ne sais pas à quoi. Cécile Rastoin énonce que pour les juifs, la parole est performative et d'ailleurs Lemon L. m'a dit une fois : que votre parole soit performative (à propos du fait de trouver et acheter une maison). Ma question soudaine : crois-je à la parole performative ? Je ne suis pas certaine d'y croire vraiment. Je n'ai pas cette foi en la parole, que pourtant j'adore. Si le Verbe se fait chair, il prend aussi les lourdeurs de la chair et subit les lenteurs et les incapacités profondes de la matière.
Lorsque j'étais adolescente, je subissais les railleries et les incompréhensions parce que je ne mangeais pas de viande par protestation envers le mépris total des animaux. Aujourd'hui, je suis lassée par les mêmes personnes qui sont devenues, sans s'en rendre compte, en croyant que cela leur est naturel, très sensibles au sort des animaux et qui le clament ou culpabilisent les autres. Alors c'est normal si ces pensées qui paraissaient subversives (théorie du genre, liberté sexuelle), me fatiguent maintenant qu'elles se répandent dans les institutions et deviennent officielles, obligatoires, mises en avant par les élites. Dans vingt ans, quand le tout-Paris critiquera ces années d'immigration massive et de glorification du "multiculturalisme", je serai peut-être parmi ceux qui rappelleront que les immigrés nous ont aussi beaucoup apporté.
Oui, toute pensée qui devient dominante a commencé par être ridicule et subversive et se glorifie du "martyre" qu'elle a subi sans se rendre compte qu'elle le fait subir à son tour. Alors, pas d'énervement. Reste calme. Tout change, sauf la mode agaçante, qui obscurcira toujours la vérité par son manque de subtilité.
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mardi, 11 janvier 2022
Hiver, hiver, clément hiver, frimas doucereux, amour monocorde
Nous avons besoin de la terre, nous avons besoin de tombes, nous sommes de chair et de tradition, nous sommes de sperme et de ventre, nous sommes de racines et de cendres, cessez vos jeux, docteurs Faust ! Nous avons besoin de l'eau glacée sur nos langues blessées, nous avons besoin de musique pure au fond des forêts, nous avons besoin de prises de sang au centre de la ville pour vérifier que nous sommes toujours bien vivants malgré la couverture infinie du béton.
Et lire, et maudire, et lire, et relire... D'où est ce sang qui coule dans mes veines, d'où vient ce sentiment de l'exil au cœur de mon existence ?
Nous avons besoin de la boue, nous avons besoin de la vase, nous avons besoin des barques et des étangs, nous avons besoin des vieilles pierres oubliées dans les clairières, nous avons besoin des tours de guet et des chants de chasse.
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dimanche, 09 janvier 2022
Laissez sortir ce captif !
Il est toujours intéressant de plonger dans une autre époque, le temps d'une lecture. L'un des bénéfices qu'on en tire, non des moindres, c'est de quitter, momentanément, les pénibles affres du temps présent. Et en ce début d'année lourd d'actualités, quoi de moins actuel qu'un texte de Bossuet, ce prédicateur du temps de Louis XIV ? Et pourtant...
Bossuet livre le portrait de ces moines de Notre-Dame de La Merci, voués à racheter les chrétiens captifs en terre d'Islam, y compris, s'il le fallait, en se livrant à leur place... Un sacrifice incompréhensible ? Une folie ? Ou tout simplement un moyen radical d'aimer son prochain et d'affirmer l'inaliénable dignité de tout être ?
Drapé dans la langue somptueuse et claire de Bossuet, le 22 ème livre de la Maison Malo Quirvane nous emmène loin dans la psyché humaine et dans la sociologie religieuse. Présenté avec intelligence et dextérité par Jean-Baptiste Amadieu, il nous offre une échappée belle, à des années-lumière de l'actualité, pour mieux la remettre à sa juste place, peut-être.
Oui, lorsque, accablés par les coups durs de la vie privée ou politique, nous baissons les bras, il faut se tourner vers un phare allumé. Ce texte de Bossuet, précédé d'une présentation lumineuse et ferme de Jean-Baptiste Amadieu, c'est le phare que la Maison Quirvane propose aux lecteurs fatigués par les conditions de l'individu dans la société française en ce début de l'an 2022. Ce phare, sa lumière est étrange et vivifiante - pourquoi ? Parce qu'elle nous nourrit d'un pain très humain, très proche de nous, dont nous nous étions détournés, aveuglés par les lumières tournoyantes qui n'indiquent aucun chenal où glisser pour se reposer.
Laissez sortir ce captif ! Panégyrique de Saint Pierre Nolasque, par Bossuet
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dimanche, 02 janvier 2022
Réveil électronique
Une certaine obsession, un obsessionnalisme, donne à ton projet, à tes projets, un ton envoûtant, une tonalité fascinante, parce que la répétition monocorde et l'absence de cœur des machines reposent nos vies lacérées par les émotions.
Ce n'est pas ce zen exotique et mal compris que je recherche, ni une pilule parfaite qui tairait toute douleur et me fermerait à moi-même, mais l'entrée dans la ouate.
Je cherche à entrer dans la ouate pour vivre en apesanteur dans un doux son de glouglou bleu clair et rose.
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samedi, 01 janvier 2022
Vers la lueur vivide
L'ultime contrainte sera la liberté ultime, comme le premier choc fut la première joie.
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