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vendredi, 23 novembre 2018

"Les lignes que forment la bouteille et la pipe"

sara, photographie, edith de cornulier, joseph sudek

Sara s'amuse à photographier d'après Joseph Sudek :

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Joseph Sudek, sans titre,  années 20, prise au foyer des Anciens Combattants

 

Extrait de l'auto-interview de Sara (éditions du Sonneur) :

"On m'a récemment montré une photographie de Joseph Sudek. Un homme avec un chapeau, sous une voûte, observe une bouteille en fumant sa pipe. Les lignes que forment la bouteille et la pipe, et que l'on peut prolonger en pensée, les courbes de la voûte et du chapeau, la lumière oblique qui descend vers cet homme, comme si un ange l'observait, offrent tant d'interprétations !"

 

jeudi, 22 novembre 2018

La bande d'une ville désertée

FTP, Nietzsche
(L'église ND de Bon-Port aux Sables d'Olonne)

 

Rage ! Cris ! Huée dans les frimas ! Qui êtes-vous, jeunes garçons qui courez dans la ville triste ? Celle où habitent ceux qui n'ont pas de quoi payer les loyers des bords de mer et des centre-villes guillerets.

Vous avez lu quelques passages choisis de Nietzsche et vous écoutez FTP. Vous roulez en moto le long des lotissements, jusque dans les bois où vous chantez des chants bannis par vos pères et par vos mères, par vos maîtres et par vos concitoyens. Vous n'attendez pas le Grand Soir, vous attendez le Grand Retour. Lorsque je suis arrivée dans cette province, je n'étais pas sûre que vous existiez. On entendait parler de vous avec haine, dans les journaux, dans les dîners. La première chose que je vis de vous, ce fut vos sourires sympathiques, presque candides , malheureux mais pleins de vie. Je sais ce que vous votez tous les mois de mai. Je connais certains de vos prénoms maintenant. Et j'aimerais savoir que vous serez de vieux hommes un jour, apaisés, entourés d'amis et de jeunes gens moins désespérés que vous à leur âge.

"Je mourus sans qu’une arme quitte son fourreau".

FTP

"L'Europe ne se fera qu'au bord du tombeau".

Nietzsche

 

Sur AlmaSoror :

Vaincus en apparence

samedi, 17 novembre 2018

Aucun intérêt

La femme est aussi ignoble et insensible que l'homme, mais par en bas. L'un est pervers par domination, l'autre par fourberie, les deux tout aussi responsables et coupables, et chacun peut se libérer de cet atavisme et devenir un être libre, qui ne domine ni ne se soumet. Se soumettre est aussi inacceptable que dominer. Il n'y a pas de domination sans soumission ni de soumission sans domination.

vendredi, 16 novembre 2018

Aux portes du parc de loisirs

C’est parce que dans notre société, le bon sens mène en prison, que les soumis involontaires (qui savent qu’ils ont, à chaque instant, tout à perdre et rien à gagner), ne peuvent que s’exprimer par défaut : par des marches blanches, par des recroquevillements, par des minutes de silence. 

Citoyens sans armes (ni même l’arme démocratique qui a été évidée comme un poisson), nous pouvons encore pleurer ou rire, mais pour le reste, nous sommes eunuques. Ceux qui gagnent bien leur vie supportent cela aisément, car le parc des loisirs est grand comme le monde, le soleil et la bonne nourriture s’achètent. Pour les autres, il n’y a plus rien d’autre que la niaiserie ou le désespoir, parfois les deux ensemble.

Comme le disait le frère sur la colline, il y a quelques semaines, dans la Bourgogne froide, nous pouvons transformer notre impuissance en humour lucide, mais nous avons perdu l'espoir que notre voix porte en ce monde.

jeudi, 15 novembre 2018

Besoins sans cause

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Le salariat créée le besoin de vacances ; la vie de bureau crée le besoin de sport ; la raréfaction des chants en famille crée la nécessité des cours de musique ; l'absence de vie commune crée le recours à la vie de couple ; l'impossibilité de regarder le ciel étoilé détraque la sexualité. 

mercredi, 14 novembre 2018

Mon œil gauche tombe pour indiquer la fatigue

Imagine une mathématique qu'on pourrait entièrement dire avec des mots et des poèmes et prières, transcris précisément en langage formel. Un étang, des grenouilles, des libellules, des carpes, le croassement des corneilles dans la nuit. C'est le mois de septembre. Un garçon assis sur l'herbe haute attend qu'une idée lui vienne. Les idées sont des baumes sur ses souffrances mal-cicatricées. L'amour est le grand rêve et la grande déception des hommes. L'idée détourne du travail et du sommeil. L'idée cherche l'idéal qui la tue. 

Vivre, c'est abriter des peuples de bactéries ; il y a plus de molécules d'eau dans un verre à moitié vide que d'étoiles dans tout l'univers. La meilleure mère n'est pas celle qui a enfanté, c'est celle qui aide à vivre et multiplie la confiance. J'écris ce qu'une étrange sagesse me dicte, cette science n'est pas descendue sur la terre, elle est montée du corps des êtres. Même les pierres attendent, pensent. Qu'est-ce qu'une peau ? Peau de bête ou de pierre, l'être le plus léger peut nager dans la pierre comme le dauphin dans l'océan.

Le malade qui tousse se redresse ; ses rides récentes accentuent son angoisse. L'intuition de sa mort est un miroir réfléchissant. Plus personne n'est à ses côtés, les gens ont faim, les gens ont soif, les gens fuient le fils-amant de la misère. Et de vieilles chaussettes puantes, un mouchoir usé, un coussin abîmé, sont tout ce qui reste au paria abandonné. 

Ce qui reste est trésor. Or plus précieux que l'or, argent qu'on ne peut monnayer, viatique pour la route dernière.

mardi, 13 novembre 2018

Joies des intérieurs

Deux enfants nus dansent dans une cuisine, ce soir, en riant, au cœur d'un village du Vexin. 

Un autre soir, ces deux enfants bien habillés circulent éberlués au milieu des nombreux adultes, venus saluer leur grand-mère qui dessine des cerfs et des profils humanoïdes sur les livres qu'elle dédicace. 

C'est une semaine avec ses joies de bars (Le café latin, Le Corcoran) et de librairies (Les Originaux, rue Saint-André des Arts), de nourriture exquise (Le Pouzenc) et d'activités informatiques mi-amusantes, mi-crispantes. Cette semaine, ont coulé sous les poutres d'un studio les litanies de Sainte-Anne, récitées lentement, et le Sileant Zephyri de Vivaldi, par une voix de haute-contre. 

Le souffle de l'esprit s'immisce par les trous du destin. 

 

lundi, 12 novembre 2018

Tristesses de rue

C’est une semaine avec ses tristesses de rue : devant le jardin des Plantes, à l'orée de la rue Buffon, un homme accroupi, agrippé par deux petits garçons haletants qui l’enserrent de leurs bras, se collent à lui en émettant des sons de semi-sanglots retenus. À quelques mètres d’eux, une femme blonde, raide, debout, regarde. Les passants passent, cœur serré. La situation est limpide pour tous : un divorce, la haine, le déchirement. Puis les petits garçons dans un déchirement se lèvent et marchent vers la femme qui les attend, immobile, sans un mouvement vers eux. Le père se relève, regarde les enfants, fait un pas en avant, mais la femme ne le regarde pas. Elle part, suivie des garçonnets. Le père s’éloigne de son côté.
Ces gens se sont étreint… Ils se sont envoyés des textos amoureux. Ils ont joué le jeu amoureux et social devant les autres et même devant eux-mêmes. Ils ont eu deux enfants qui ont sans doute marché leurs premiers pas entre leurs quatre bras. Mais ils ne se parlent plus, au sens propre. Ils torturent leurs enfants d’une manière légale et banale.

Plus tard dans la journée, rue La Fayette, sous la porte du CIC (Crédit Industriel et Commercial), un corps humain enveloppé dans un sac de couchage. Le ciel est gris. La pluie tombe. L’homme dort, tandis que les passants marchent, tirent de l’argent, entrent dans des bistrots, s’engouffrent dans des immeubles ou dans la proche bouche de métro.

Et dimanche 11 novembre, pour finir en beauté, alors que j'arrive au croisement de l'avenue Daumesnil et de l'avenue Ledru-Rollin, un corps à terre au milieu de la chaussée. J'approche : trois personnes, sorties du bus 57, m'annoncent que l'homme vient de tomber du pont de la Coulée Verte. S'est-il jeté ? L'a-t-on poussé ? Il est face contre terre et du sang coule doucement autour de ses cheveux bruns. Au téléphone d'un passant, les Secours annoncent qu'ils arrivent bientôt. Je murmure un Notre-Père tout bas, une grande adolescente, les mains sur ses tresses africaines dit : Mon Dieu, mon Dieu. Personne ne cherche à le relever, à le toucher. Nous savons qu'il est mort.