mardi, 24 octobre 2017
Non
(Extrait du journal de T.S.)
A la sortie de la jeunesse, non, les révoltes ne s’apaisent pas : elles sont écrasées comme l’armée écrase la fronde, parce que l’individu sent qu’il est incapable de se vivre. A la sortie de l’ivresse de la jeunesse, ce n’est pas le goût du vin qui fait défaut ; c’est la peur de ses effets, sur le regard que les autres nous portent. Combien de désirs d’amour et d’aventure se sont mués en volontés de mariage et de sécurité, aux portes de l’âge adulte, lorsque les solutions s’amenuisent, et que les espoirs et les rêves vous narguent, avec méchanceté, et s’éloignent vers d’autres cieux, d’autres élus, d’autres jeunesses.
Toute ma vie j’ai voulu, j’ai tenté d’appliquer ces instructions entendues dans mon enfance : Veillez… Veillez et priez… Veillez et priez, car vous ne savez l’heure et le jour… Et je veille toujours, et quand je veux m’effondrer ou renoncer je me prends, d’une main, par l’autre main et je relève le regard et ravive la flamme. L’heure et le jour… L’heure et le jour. J’attends. Je veille et j’attends. J’espère qu’une heure, qu’un jour viendra vraiment.
Nous savons comment nous sommes ici, mais nous ne savons pas pourquoi. Pour quelle raison, pour quelle cause, pour quel but sommes-nous jetés au monde, bouts d’êtres déjà déchirés, qui devront avancer au milieu des vents contraires, en souriant, en mentant, jusqu’au bout de l’incompréhensible voyage. Quand la mort nous vient, quand la mort nous tient, quand la mort nous prend, savons-nous enfin la seule chose que nous ignorons et qu’il faudrait savoir pour vraiment vivre ?
Veiller, au milieu de la foule grouillante et des atermoiements des sociétés, veiller sans faillir, parce qu’on ignore le jour, l’instant de la réponse. Mais les années passent et la veille se fatigue. On ne veille plus, on se distrait, on vit autre chose que la vie puisqu'on ne regarde plus la mort.
Oh mort… Oh mon amie. Quand hier reviendra, quand tous les beaux souvenirs se mélangeront pour faire un présent parfait, quand je n’aurai plus peur, quand tu n’auras plus peur de moi, quand nous pourrons nous parler franchement, faire le point tendrement, converser en silence, alors je laisserai toutes mes vieilles rancunes, toutes mes rancœurs et tous mes regrets, pour partir avec toi.
T.S. JOURNAL.1998
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