jeudi, 27 juin 2013
Métrodore : les fantômes
– Dis-moi pourquoi tu es là.
– D’accord.
Nous nous étions rencontrés dans le couloir des toilettes. Linérès s’assit près de moi.
– À cause des fantômes, dit-elle dans un soupir.
– Mais qui sont les fantômes ? demandai-je, les yeux écarquillés.
Je m’interrogeai : vivait-elle dans un château rempli de fantômes ? Sa réponse me lamina.
– Les fantômes ? Elle ricana. Ce sont les professeurs, les employés, les infirmiers et les médecins, les psychologues, les ministres et les ouvriers… Tous ceux qui plient l’échine. Ceux qui ne pensent pas par eux-mêmes. Ceux qui n’agissent pas par eux-mêmes. Les dresseurs de cirque, les toreros, les gens qui passent à la télévision. La plupart des jeunes.
– Les jeunes aussi ?
– Tu n’avais pas remarqué ?
Je repensais à mes copains qui n’avaient pas eu le courage de sortir de leur lit pour passer la nuit au square.
– Et les parents ?
– Pas tous.
– Mais qui n’est pas un fantôme ?
Elle releva la tête fièrement et ses cheveux se déployèrent sur le mur blafard du couloir.
– Quelques animaux et quelques humains.
Je demeurai quelque temps silencieux. Son expression resplendissait. Comment faisait-elle pour être aussi vivante dans un lieu aussi morne ?
– Raconte-moi ton histoire, lui demandai-je.
Elle baissa les yeux, des larmes perlèrent au bord de ses paupières.
– D’accord, prononça-t-elle dans un souffle.
C’est ainsi que ma vie fut transformée.
Extrait de Métrodore
On peut lire un autre extrait de Métrodore par là
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