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jeudi, 01 juillet 2010

Nuée

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un extrait de La nuée sur le sanctuaire, de Karl von Eckartshausen, mystique allemand du XVIIIème siècle.

 

"Aucun siècle n'est plus remarquable pour l'observateur paisible que le nôtre. Partout il y a fermentation dans l'esprit comme dans le coeur de l'homme ; partout il y a combat de la lumière avec les ténèbres, des idées mortes avec les idées vivantes, de la volonté morte et sans puissance avec la force vivante et active ; partout enfin il y a guerre entre l'homme animal et l'homme spirituel naissant.


Homme naturel !... renonce à tes dernières forces, ton combat même annonce la nature supérieure qui sommeille en toi... Tu pressens ta dignité, tu la sens même ; mais tout est encore obscur autour de toi,, et la lampe de ta faible raison n'est pas suffisante pour éclairer les objets auxquels tu devrais tendre.

On dit que nous vivons dans le siècle des lumières, il serait plus juste  de dire que nous vivons dans le siècle du crépuscule : çà et là, le rayon lumineux pénètre à travers la nuée des ténèbres, mais il n'éclaire pas encore, dans toute sa pureté, notre raison et notre cœur. Les hommes ne sont pas d'accord sur leurs conceptions ; les savants se disputent ; et, là où il y a dispute, il n'y a pas encore de vérité.
Les objets  les plus importants pour l'humanité sont encore indéterminés. On n'est  d'accord ni sur le principe de la raison ni sur le principe de la moralité ou du mobile de la volonté. Ceci est une preuve que, malgré  que nous soyons dans le grand temps des lumières, nous ne savons pas encore bien ce qu'il en est de notre tête et  de notre coeur.

Il serait possible que nous sussions tout ceci plus tôt, si nous ne nous imaginions pas que nous avons déjà le flambeau de la connaissance dans nos mains, ou si nous pouvions jeter un regard sur notre faiblesse et reconnaître qu'il nous manque encore une lumière plus élevée.
Nous vivons dans les temps de l'idolâtrie de la raison ; nous posons un flambeau de poix sur l'autel, et nous crions hautement que maintenant c'est l'aurore et que partout le jour apparaît réellement, en ce que le monde s'élève de plus en plus de l'obscurité à  la lumière et à la perfection par les arts, les sciences, un goût cultivé, et même par une pure compréhension de la religion.

Pauvres hommes ! jusqu'où l'avez-vous poussé, le bonheur  des hommes ? Y a-t-il jamais eu un siècle qui ait coûté tant de victimes à l'humanité que le siècle présent? Y a-t-il jamais eu un siècle où l'immoralité ait été plus grande et où l'égoïsme ait été plus dominant que dans celui-ci ? L'arbre se reconnaît à ses fruits.
Gens insensés !... Avec votre raison naturelle imaginaire... d'où avez-vous la lumière avec laquelle vous voulez si bien éclairer les autres? Est-ce que toutes vos idées ne sont pas empruntées des sens, qui ne vous donnent point la vérité, mais seulement des phénomènes ?"

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