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mardi, 27 janvier 2009

Napoléon

Napoléon

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Lire :

mmoiresdoutretombe-small.jpg1) Mémoires d'outre-tombe, par François-René de Chateaubriand (texte de l'édiition originale 1849), présenté par Pierre Clarac, le Livre de Poche, 1973.

 

 

guerreetpaixlelivre-small.jpg2) La Guerre et la Paix, par Léon Tolstoï (publié en 1878), traduction par Elisabeth Guertic, éditions Fernand Hazan, 1950, 2vol. + étui.

 

 

voinaimir-small.jpgRegarder :

3) Guerre et Paix, film de Serge Bondartchouk réalisé en quatre parties entre 1965 et 1967, projeté pour la première fois en France enaoût 2004, dans son intégralité lors du festival annuel "Cinéma et Littérature russes", au cinéma L'Arlequin, rue de Rennes à Paris.

4) Le site www.napoleonicsociety.com

 

François de Chateaubriand consacre plus de 200 pages de ses Mémoires d'outre-tombe à Napoléon. Il décrit celui-ci comme un homme qui a su rétablir l'ordre après le bain de sang de la "Terreur". Mais il le déclare un homme de l'ancien régime, démocrate par opportunisme et seulement pour un temps.  Il est à la fois admirateur de son "génie" et refroidi par ses crimes. "Je n'ai jamais salué la parole ou le boulet" dit-il et en effet, comme Victor Hugo, il s'est vite éloigné de Napoléon.

Léon Tolstoï écrit en six ans le roman La Guerre et la Paix qui met en scène deux familles d'aristocrates russes au moment où Napoléon envahit l'Europe et se heurte à l'Empereur Alexandre. Le héros, le prince André Bolkonsky, est lui aussi un admirateur de Napoléon jusqu'à la bataille d'Austerlitz où il est blessé : "Comment n'ai-je pas vu ce haut ciel plus tôt ? Et comme je suis heureux de le connaître enfin. Oui ! tout est vanité, tout est mensonge, hormis ce ciel infini." Son point de vue change alors sur Napoléon.

Le film Guerre et Paix tiré du roman et réalisé avec les moyens exceptionnels que l'ancienne URSS avait mis à la disposition du réalisateur Serge Bondartchouk dans les années soixante est l'occasion de magnifier le peuple russe. Le réalisateur fait un montage percutant de certaines scènes, comme celle-ci : la comtesse Rostov devient folle de douleur quand elle apprend la mort de son fils. Après un "cut" brutal sur cette scène bouleversante, l'image d'après montre Napoléon marchant de profil de gauche à droite, inéluctable, indifférent, apportant la guerre et la mort.

À ces deux auteurs du XIX° siècle, Chateaubriand et Tolstoï, qui expriment tour à tour admiration et horreur pour Napoléon, montrant l'ambivalence des sentiments, l'hésitation du cœur et de l'esprit, s'oppose la certitude  des passionnés de l'aventure de Napoléon.

Le site des fervents de Napoléon justifie l'assassinat du Duc d'Enghien – kidnappé à l’étranger et fusillé dans les fossés de Vincennes après un procès expédié dans la nuit -  et soutient que le procès fait à Napoléon serait une machination indigne.  Car Napoléon serait « un homme de paix »…Sur ce site, peu convaincant, le président, dénonce une histoire officielle hostile à Napoléon. D'autres sites existent qui exaltent l'empereur. La plupart, plus raisonnables, et que le lecteur trouvera facilement sur Internet, se contentent de faire des recherches et des reconstitutions historiques comme l' « Institut Napoléon ».

Pourquoi des hommes du début du XXI° siècle ont-ils besoin de s'enthousiasmer pour un mégalomane, même de génie, qui a entraîné dans la guerre des millions de jeunes gens les arrachant à leur famille et les promettant à des morts horribles ?  Nous les humains, sommes-nous réellement amateurs de guerres ?

Peut-être serait-il utile de se poser cette question sérieusement à l'heure où les guerres éclatent partout - dans l'oubli des guerres du XX° siècle -, et où des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes gens sont horriblement blessés, souffrent, meurent. Tandis que les chefs de guerre se lèvent toujours plus nombreux, toujours plus excités, et - il ne faut pas l'oublier - de plus en plus éloignés, physiquement, du champ de bataille.

Faut-il relire la "Servitude volontaire" de La Boétie ?

Sara

http://universdesara.org/

 

samedi, 24 janvier 2009

Une Marche humaine

 

Texte écrit avant la marche du 24 mars 2007

 

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sara
(photo)

Les conditions d’existence des animaux sont très dégradées depuis que l’homme a pris les commandes de toute la surface terrestre. La manière de les traiter fait débat, et les tenants de tous les camps se battent à coup d’arguments biologiques, philosophiques, religieux. Pour chacun, il s’agit de prouver la véritable place de l’homme et les droits que cette place lui confère.

Faut-il alors se persuader, comme dans la Ferme des animaux de George Orwell, que « tous les animaux sont égaux, mais il y a des animaux plus égaux que d’autres » ? Ou penser, avec Marguerite Yourcenar, que « La protection de l'animal, c'est au fond le même combat que la protection de l'homme » ?


 La procession des voix pour les sans voix

«Je continuerais à me nourrir de manière végétarienne même si le monde entier commençait à manger de la viande. Cela est mon opposition à l’ère atomique, la famine, la cruauté - nous devons lutter contre. Mon premier pas est le végétarisme et je pense que c’est un grand pas». Isaac Bashevis Singer

 

Une procession aura lieu le 24 du mois de mars de l’année 2007. Elle partira à deux heures de l’après-midi de la place du Panthéon.

Des êtres humains se rassembleront pour demander à ce que leur dignité humaine soit respectée, et qu’on ne massacre plus en leur nom.

La cause animale est une très vieille cause, mais elle n’a jamais fait l’objet de grands débats publics dans nos sociétés, ou bien ces débats ont sombré dans l’oubli. Elle est parfois couverte de ridicule, comme si la cause animale était une passion enfantine. Pourtant, comme le disait Emile Zola, «la cause des animaux passe avant le souci de me ridiculiser».

 

La nature animale ou les individus animaux

Il y a plusieurs façons de vouloir protéger les animaux. Deux grandes tendances se dégagent du paysage varié de la réflexion sur la condition animale en terre humaine.

La première est globale : les associations de défense de la nature représentent ce courant : on y défend les loups parce qu’ils font partie de la nature. Il s’agit de préserver la diversité des espaces et la capacité de la terre d’accueillir la vie sauvage.

La seconde est fondée sur le respect de l’être animal, qui représente un « humanisme élargi ». Ainsi, les fondations qui prônent cette vision ne défendront pas une politique visant à réintégrer des ours dans une région, parce que cette politique privilégie le groupe des ours au détriment des individus qui seront sacrifiés (transports, adaptation…) à la cause du groupe. Cette fraternité-là envers les animaux leur reconnaît une identité de « personne ».

Mais ces deux tendances, globale et individuelle, sont souvent appelées à soutenir les mêmes causes.

 

Une fraternité élargie

«Très jeune j’ai renoncé à manger de la viande et le temps viendra où les hommes regarderont les meurtriers d’animaux avec les mêmes yeux que les meurtriers d’êtres humains ».Léonard de Vinci

Une des premières réactions qui nuit à la défense des animaux consiste à penser que leur protection se ferait sur le dos d’êtres humains. Ce n’est pas  le cas ; la plupart des associations se situent dans une ligne résolument humaniste. De grands philanthropes ont soutenu la cause des bêtes, tel le médecin Albert Schweitzer, l’astrophysicien Hubert Reeves, ou encore le Mahatma Gandhi, qui disait : "Je hais la vivisection de toute mon âme. Toutes les découvertes scientifiques entachées du sang des innocents sont pour moi sans valeur."

De façon moins soucieuse et plus cruelle, on reproche aux défenseurs des animaux de faire montre d’une sensiblerie niaise, faible. Mais l’aventurier Mark Twain, qui prit des risques de toutes sortes au cours de sa vie, prit aussi celui du « ridicule » : "Peu m'importe que la vivisection ait ou non permis d'obtenir des résultats utiles pour l'homme. La souffrance qu'elle inflige à des animaux non consentants est le fondement même et la justification pour moi suffisante de mon aversion, un point c'est tout."

 

Assimilation et opposition de l’animal et de l’homme

Quelle propagande nous a construit ces croyances auxquelles nous nous accrochons comme à une bouée de sauvetage ? Celle qui oppose à l’Art, la nécessité ; celle qui oppose à l’affection, l’instinct ; celle qui oppose à la pensée verbale, le néant ; et celle qui oppose à la souffrance humaine, l’insensibilité animale ?

Nous avons déjà bien montré que nous sommes capables des pires atrocités, sur nous-mêmes, les hommes, sur les bêtes et sur la nature. Il nous reste à témoigner de nos aspirations à la liberté, à la beauté de la nature, au pacifisme de l’Art et au respect de la vie.

S’il faut absolument s’extraire du monde animal, plutôt que par l’assassinat et l’exploitation massifs, optons pour l’attitude fraternelle de celui qui a les moyens de maîtriser ses propres besoins et peut tendre une main amie.

 

La fête sanglante

Mais pour cela, il faut d’abord contempler le monde tel qu’il est au risque de le voir plus horrible que ce que l’on voulait imaginer. Comme l’écrit Florence Burgat, « lever le silence qui entoure ce massacre trouble impardonnablement une fête qui en passe par le sacrifice animal. Mais notre luxe le plus profond tient surtout dans la douleur tonitruante d’animaux dont nous avons manqué la rencontre, et qui, au fond de leur cachot, attendent quelque chose que nous ne leur donnons pas ».

«Déserte est la nuit de l'homme abstrait».
Raoul Vaneigem

Le 24 mars 2007, à Paris, des humains rassemblés défileront silencieusement par solidarité envers ceux qui n’ont point la parole.

Car de nos jours où tout est bétonné, enserré, mécanisé, qu’il soit homme ou bête, désert est le jour de l’animal concret.

 

Edith de cornulier lucinière

mercredi, 21 janvier 2009

Le sexe des anges

 

 

Le sexe des anges

H.L. accompagnée d'Edith de CL s'interroge sur deux des plus belles femmes du monde :

Nolimé et Véronique

 

Voir

doublevievronique-medium.jpg La double vie de Véronique

un film de Krzysztof Kieslowski

1991

sorti en DVD par MK2 en 2006

 

Lire et voir

NolimeTangere1_18012005-medium.jpgNolimé Tangéré,

dessins de Béja

Textes de Nataël

Editions Casterman, 1995

Deux œuvres

 

Comme dans le film La Double Vie de Véronique, la bande dessinée Nolimé Tangéré, grande œuvre littéraire et esthétique, propose une intéressante version d’un certain incertain donjuanisme romantique.

Le film, comme le livre, questionnent le rapport entre l’auteur et ses créatures. L’auteur fictif de la bande dessinée et le marionnettiste du film voudraient entrer dans la vie de leurs personnages mais ils n’osent pas : ils ont peur de briser leur rêve.

Le rêve sera inexorablement brisé.

Dans Nolimé Tangéré, l’auteur voit horrifié sa plus belle idole, son personnage Nolimé, renoncer à sa pureté, sortir de son œuvre pour entrer dans la vie et rejoindre un homme.

Dans la Double Vie de Véronique, la jeune femme sort de son propre rêve pour partager la vie de l’artiste qu’elle inspire.

Les deux oeuvres s'arrêtent avant que l’amant ne se lasse, avant que tout s’écroule. On finit entre deux mondes, dans une tension de réalisation, mais l’héroïne est morte en tant que telle. Elle n’est plus qu’une femme. Ce qui faisait toute la séduction de la femme inaccessible meurt avec son engagement tangible.

 

 

Qu’est-ce qu’une femme ?

C’est la question que posent ces œuvres, qui nous peignent des femmes chargées de magnificence.

Dans la vraie vie, c’est si difficile de ressembler à une image d’Epinal qui semble délivrée des charges animales quand on partage plus de 95% de son patrimoine génétique avec les orangs-outangs…

Ces hommes et ces femmes auxquels nous essayons de ressembler, nous, enfants déguisés en adultes, animaux déguisés en humains, nous ne pouvons les rencontrer que dans des œuvres d’art.

Tant qu’on la rêve, une femme est un ange. Quand on la rencontre, avec nos mains, avec notre cœur et notre corps, la femme s’estompe et fait place à l’être humain, l’être humain qui est un animal comme les autres. Alors le rêve est déchu.

 

“Thanks to the girls who fed me”, Merci aux filles qui m’ont nourri, a écrit Jim Morrison. Mais sans doute ces filles-là n’ont jamais existé. C’est son regard à lui qui les inventait pour ne plus être seul.

Car chacun sait que l’homme et la femme nus ne sont qu’un brillant artifact du passé, chante Leonard Cohen. Everybody knows the naked man and woman, are just a shining artifact of the past...

 

Mais les hommes aussi sont doubles : des archanges ou des salauds.

Tel cet homme dont parlait Virginia Woolf : le frère affectueux et protecteur envers sa sœur - mais quand elle veut le retrouver dans d’autres hommes, elle découvre son autre face : un brutal méprisant pour les femmes.

 

Nous sommes métamorphosés par nos maquillages, et ne savons plus retourner à notre vérité naturelle, qui est brisée comme l’enfance est brisée dans l’adulte. Alors, on met des masques, et quand le masque ne tient pas bien certaines se parent volontairement de déchéance : adolescentes libérées, vieilles putes.

A quoi ressemble Véronique quand le film est fini ? Qu'est devenue Nolimé quand la dernière page s'est tournée ?

 

Impossible rencontre de soi et de la pureté...

 

Don Juan est épouvanté par lui-même.

A cause de l’horreur du regard tueur ; nous désirons quelque chose, à peine nous l’obtenons, nous n’en voulons plus. Car ce qui est à nous ne peut être bien. L’amour de l’extérieur nous vient souvent de la haine de l’intérieur. Dès lors tout ce que nous touchons, ne peut-être que souillé. La haine de soi à l’extrême se traduit par le mépris de l’autre. L’homme par rapport à l’animal, l’homme par rapport à la femme, la femme par rapport à l’homme, etc.

Don Juan se hait.

 

Il est assoiffé de lui même, mais se cherche dans l’autre. S’il laisse ses victimes exsangues, sa vie à lui est un long dévidement.

C’est Don Juan vidé de lui-même, qui ne peut jamais croître, en chasse, en survie permanente – Don Juan est un vampire.


Don Juan est éternel

 

Plus que séducteur, au fond, la particularité de Don Juan est d’être séduit… jamais centré sur lui-même, il est séduit chaque fois qu’il sent palpiter un peu de vie.

 

Il est le séducteur, il est la séductrice, il est l’ethnologue ou le passionné des enfants : il voudrait ne faire qu’observer, ne peut s’empêcher de posséder et il hait et méprise tout ce qu’il touche.

Don Juan est aux femmes ce que les ethnologues sont aux peuples « primitifs », ce que les scientifiques sont à la terre vierge.

Même la science est Don Juan : la science qui brûle ou casse tout ce qu’elle touche, un peu comme Lenny dans des souris et des hommes, de John Steinbeck, parce qu’il cherche le pur, et le vierge, mais que son regard de vivisectionniste, souille et déflore. Alors, immédiatement déçu, il doit chercher ailleurs la pureté et la virginité, et le charme fugitif de la découverte.

 

Fuite éternelle de soi : Don Juan est l’être en fuite, tellement apeuré par la mort qu’il s’y précipite deux fois plus vite que les autres.

Nolimé Tangéré et Véronique sont des anges. Leurs amoureux transis croient qu’ils aiment des femmes ; mais les anges n’ont pas de sexe.

 

H.L. et E de CL

dimanche, 18 janvier 2009

Les Dames

 

Les Dames

 

V8-COUV.jpgPhoto VillaBar

 

 

Lire :

 

Le Livre de la Cité des Dames

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Christine de Pizan

Traduction de l'ancien français en français actuel : Thérèse Moreau et Eric Hicks

Stock

Ecrit en 1404/1405

 

Une Chambre à soi

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Virginia Woolf

Traduit de l'anglais par Clara Malraux

Denoël/Gonthier

Publié pour la première fois en 1929

 

Au début du XV° siècle paraissait "Le Livre de la Cité des Dames" écrit par Christine de Pizan. Blessée et humiliée par le mépris dans lequel les hommes tiennent les femmes à son époque, Christine de Pizan propose de construire une forteresse imaginaire dans laquelle se regrouperaient toutes les femmes de grande qualité afin de prouver au monde qu'elles ne valent pas moins que les hommes.

Au début du XX° siècle, Virginia Woolf, blessée et humiliée par le sort inférieur fait aux femmes, imagine que ce qui leur manque pour valoir autant que les hommes, c'est "Une chambre à soi", du loisir et de l'argent qui permettent aux femmes de penser, de réfléchir, d'écrire.

Le féminisme est né de cette douleur. L'éphémère journal "Le torchon brûle" des années 68 était tout rempli de ces plaintes.

Aujourd'hui encore, un certain nombre de femmes n'en reviennent pas du sort qui leur est fait. Ou plutôt elles se creusent la tête pour comprendre ce qui fait d'elles des parias, des esclaves, des moins que rien.

La tentation de beaucoup d'entre elles est de considérer que les hommes sont des brutes et que les femmes sont opprimées en vertu de leur supériorité.

Aujourd'hui de nombreuses femmes ont accédé à des postes de pouvoir, certaines sont devenues astronautes, chercheuses, ont traversé l'Atlantique en solitaire, etc…. Il n'est pas de domaines dans lesquels certaines femmes n'ont pas brillé. Les êtres humains de sexe féminin n'ont plus grande chose à prouver à ceux de sexe masculin.

Cependant, nous qui sommes des gens ordinaires, hommes ou femmes, ou mêmes animaux, nous qui avons vu des femmes réussir aux plus hauts postes dans les entreprises ou à l'université, nous avons pu prendre bonne note que, oui, les femmes réussissent admirablement quand elles en ont les moyens ; nous avons pu vérifier également qu'elles ne valent pas mieux que les hommes quand elles sont dans la même situation de pouvoir.  Nous avons pu vérifier cent fois qu'il n'y a pas de nature féminine de meilleure qualité que celle des hommes.

La lecture de ces deux livres est essentielle pour comprendre la nécessité, le bien-fondé de la lutte féministe. Il faudrait pourtant changer de point de vue. Il ne s'agirait plus de lutter contre l'oppression de tel ou tel groupe particulier - serait-ce celui des femmes -  mais de se battre pour le libre développement de chacun quel que soit son sexe, sa couleur de peau, son origine sociale. Contre la sottise, l'arrogance, la méchanceté, quel que soit le sexe, la couleur de la peau, l'origine sociale de son détenteur.

 

 

Sara Univers de sara

 

jeudi, 15 janvier 2009

Un voyage féodal

 

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Joinville25ko-small.jpg1) Vie de saint Louis par Jean de Joinville (XIII° siècle), Classique Garnier, 1995.

 

 

 

 

Ki-Zerbo25ko-small.jpg2) Histoire de l'Afrique noire par Joseph Ki-Zerbo (XX° siècle), éditions Hatier, 1978.

 

 

 

 

Mezeray25ko-full.jpg3) Abbrégé chronologique ou extrait de l'histoire de France par le Sr De Mezeray (XVII° siècle), historiographe de France, Tome I (et suivants pour ceux qui les trouvent), 1698.

 

 

 

 

Un seigneur champenois du début du XIII siècle, Jean de Joinville, accompagne le roi saint Louis dans ses croisades pour délivrer le tombeau du Christ. Il en fait la chronique dans son livre, "Vie de saint Louis".

Au milieu du XX° siècle, un historien africain, Joseph Ki-Zerbo (né en Haute-Volta et agrégé d'histoire en France en 1956) sillonne l'Afrique de part en part à la recherche de récits anciens qui dorment dans les bibliothèques, et de traditions orales qu'il recueille auprès de conteurs, de sages… Il écrit une monumentale "Histoire de l'Afrique noire".

La lecture quasi simultanée de ces deux livres entraîne le lecteur dans un incroyable voyage dans le temps du moyen âge, en compagnie des contemporains de cette époque très agitée. Joinville raconte "sa guerre" aux côtés de saint Louis. Joseph Ki-Zerbo cite des voyageurs arabes ou musulmans. Le lecteur compare les dates. Que se passait-il dans telle région d'Afrique noire au moment des Croisades ? Quels regards les uns portaient-ils sur les autres ? Qui étaient ces "seigneurs" européens, ces sultans musulmans, ces rois prêtres noirs qui se ressemblent étonnement, sinon dans les mœurs, du moins dans leur comportement de fauves, de prédateurs, de guerriers : c'est l'époque des grands féodaux. Ils se reconnaissent entre eux, se combattent avec violence, mais ils se respectent. Les fils des rois noirs tués sont élevés à la cour de celui qui les a vaincus. Le cri "cousin du roi" suffit pour que les sarrasins gardent Joinville en vie.

 

Le troisième livre est plus difficile d'accès : seuls des libraires spécialisés ou bien des sites Internet de livres anciens permettent de le trouver : c'est l'"Abrégé Chronologique ou extrait de l'Histoire de France", de Mezeray. Je n'ai trouvé que le tome I. C'est le livre d'histoire du XVII° siècle. Il retrace la chronologie des rois de France depuis Faramond (418).

Voilà un livre qui se lit avec stupeur et crainte car il décrit l'extrême violence de ces époques. Il fut écrit pour tenter de donner un sens à l'histoire de la royauté française, d'en montrer la cohérence. Il a un autre intérêt, partagé avec le livre de Joinville : c'est celui d'introduire le lecteur dans le système compliqué de la féodalité européenne.

Enfin, ces lectures éclairent du poids de l'histoire les guerres contemporaines du Proche-Orient : cette partie de l'Afrique est devenue chrétienne (II°, IV° siècles) quand l'Empire romain déclinant, s'est converti. Les vieilles religions de l'Antiquité ont alors disparu. Et, très vite après sa naissance au VII° siècle en Arabie, l'Islam envahit toute cette région qui devient musulmane, sauf l’Éthiopie et quelques foyers de résistance, copte en particulier.

 

Sara

 

lundi, 12 janvier 2009

Courir le monde

 

 

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Lire :

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Itinéraire de Paris à Jérusalem

François-René de Chateaubriand

Garnier Flammarion

Première parution : 1811

 

 

 

Sites sur lesquels on peut lire des études de chercheurs sur ce livre :

 

études romantiques

colloques de fabula

 

tour du monde en 80 jours JV-full.jpgLe tour du monde en 80 jours

Jules Verne

Le Livre de Poche

Première parution : 1873

 

 

 

Site de la cité des sciences qui propose un "tour du monde en 10 minutes" sur les traces de Philéas Fogg :

Cité des sciences, Verne

 

Il fallait acheter l'"Itinéraire de Paris à Jérusalem" dans la collection préfacée par l'universitaire autorisé si l'on en croit les articles de chercheurs mis à la disposition des candidats à l'agrégation sur les sites spécialisés. En effet, ce livre est au programme de l'agrégation cette année. J'avais l'autre édition dans ma bibliothèque et m'en suis contentée.

Mais j'ai lu les articles pour ma culture personnelle.

Ce qui étonne dans ce livre, c'est la manière de voyager de François-René de Chateaubriand. Il voyage comme s'il voulait en finir au plus vite. Il part le 13 juillet 1806 de Paris, Il arrive le 23 à Venise après 10 jours de voyage . Il y reste cinq jours, pars en "Chariot" à Trieste pour en repartir le 1er août en bateau. Il visite Athènes, Constantinople (Istanbul), Jérusalem, Alexandrie et retrouve Madame de Noailles le 10 avril à Cordoue. Neuf mois de voyage Il saute d'un bateau à un autre, fait des équipées à cheval pendant des journées de onze heures. Il traverse les ruines, les lieux saints dans une course que rien n'arrête. Certes la récompense du trajet c'est la rencontre tant attendue avec la femme dont il est amoureux !

Pour lui, le voyage, c'est la fuite. Fuite de sa femme qui l'ennuyait un peu. Fuite de son mal, le "mal du siècle", le mal être des romantiques : "toujours se promettant de rester au port, et toujours déployant ses voiles ; cherchant des îles enchantées où il n'arrive presque jamais, et dans lesquelles il s'ennuie s'il y touche ; ne parlant que de repos, et n'aimant que les tempêtes;"

Pendant qu'il se hâtait lentement, l'anglais, Richard Trevithick (1771-1833), fabriquait la première locomotive du monde capable de tracter 10 tonnes (en 1804). Tandis que les premiers bateaux à vapeur ne voient le jour qu'à partir de 1840.

Soixante dix ans plus tard, paraît "Le tour du monde en quatre-vingts jours" dans lequel Philéas Fogg mise toute sa fortune dans un pari contre le temps. Les moyens de transport se sont considérablement améliorés et se multiplient sur la planète. Il estime donc qu'il est possible de faire le tour du monde en 80 journées. Est-ce possible ? La scène se passe en 1872 à Hong-Kong :

"Vous chargez-vous de me conduire à Yokohama ?"

Le marin, à ces mots, demeura les bras ballants, les yeux écarquillés.

"Votre honneur veut rire ? dit-il.

- Non ! J'ai manqué le départ du Carnatic, et il faut que je sois le 14, au plus tard, à Yokohama, pour prendre le paquebot de San Francisco.

- -Je le regrette, répondit le pilote, mais c'est impossible.

- -Je vous offre cent livres (2500 F) par jour, et une prime de deux cents livres, s'y j'arrive à temps.

- - C'est sérieux ? demanda le pilote.

- -Très sérieux", répondit Mr Fogg"

Aider de son fidèle domestique Passepartout, il triomphe de tous les obstacles à coups de volonté et à coup d'argent. On dirai une charmante caricature de l'Itinéraire, une de plus - car il y en a eu, paraît-il, beaucoup au XIX° siècle -. Et au bout du voyage, il y a aussi l'amour de la belle Indoue, Mrs Aouda.

Nous avons changé de civilisation à tout jamais. Tant mieux pour les chevaux. C'est le début de la fin de l'esclavage pour eux : en 1850, la Loi Grammont interdit aux cochers de les maltraiter. Les machines sont là, sans âmes, qui ont pris le relais. Mais le mal-être humain reste le même. L'état d'esprit des voyageurs n'a pas évolué :ces deux livres annoncent le tourisme de masse de notre époque  : de nombreuses personnes traversent le monde au pas de charge, rapportant des quantités de "photos" et de propos sur les lieux qu'ils ont "faits" selon la formule maintenant consacrée.

 

 

Sara http://universdesara.org/

vendredi, 09 janvier 2009

L'ange et l'archange

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Deux adolescents dans la tourmente de la Révolution française...

 

 

 

 

 

 

Lire :

SaintJust-full.jpgSaint-Just

D. Centore-Bineau

(Première publication : 1936)

Payot 1980

 

 

LaRocheJaq-full.jpgMémoires de la marquise

de La Rochejaquelein

1772-1857

Mercure de France,1984

 

J'ai lu Saint-Just, flamboyante biographie de l'ange de la Terreur, écrite en 1936 par Centore-Bineau. Ensuite, j'ai lu les mémoires de la marquise de La Rochejaquelein, cousine du héros vendéen. Et je reste avec deux souvenirs fracassants, deux jeunesses violemment fauchées en pleine Révolution, deux courages voués et dévoués à une cause. Saint Just, l'archange de la terreur, et La Rochejaquelein, ange de la contre-Révolution. Que de points communs entre ces deux jeunesses ennemies. Tous deux sont morts très jeunes, courageusement, pour une cause à laquelle ils croyaient.

 

Une époque, deux trajectoires

Racontée avec passion par une historienne et admiratrice, la vie de Saint-Just (les gens de l'époque prononçaient Saint-Je) commence par une enfance et une adolescence douloureuse.

Celle de La Rochejaquelein, racontée par sa cousine, est au contraire une histoire de famille heureuse et compréhensive.

La surprise

Louis Antoine de Saint-Just : il a la surprise de découvrir que dans son innocence d'enfant, on le prend pour un criminel ; pour des broutilles, des désobéissances sans conséquences, la femme qui l'a enfantée et qu'il aime l'enferme en prison. Enfermé par lettre de cachet sur l'ordre de sa mère avant vingt ans...

Henri de La Rochejacquelein : il a la surprise de découvrir que la douceur du nid familial, régional, imaginaire est assassinée par une violence que rien de ce qu'il a vu ne justifie. Les circonstances éclatent son bonheur en mille morceaux avant ses vingt ans.


La révolte

Louis-Antoine : il se révolte contre les enfermeurs, les exploiteurs, les moralistes, les riches...

Henri : il se révolte contre les blasphémateurs, les tueurs, les immoraux, les arrivistes...


L'élection

Les paysans et ouvriers de la région de Louis-Armand venaient à lui pour qu'il mène la révolte. Il leur offre son intelligence intrépide.

Les paysans de Vendée s'en vinrent chercher Henri afin qu'il les mène à la bataille. Il redresse la tête, accepte et s'engage.

Etrange destin de ces jeunes hommes de vingt ans qui par leur charisme inconscient recueillent une responsabilité dont ils mesurent avec peur la portée, et qu'ils acceptent.

 

Le Choix

Louis-Antoine et Henri : il font le choix de défendre les opprimés et de leur offrir leur vie.


Le courage

Louis-Antoine et Henri : ils trouvent le courage d'assumer leur choix. De demeurer honnêtes malgré les roublards qui s'empressent de récupérer leur cause.

 

Jusqu'au bout...

Louis-Antoine :  « Je ne suis d'aucune faction. Je les combattrai toutes »...

Henri : « Si je recule, tuez-moi ; si j'avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ».


La Mort

Louis-Antoine : à 28 ans, il marche courageusement à la guillotine, lui qui avait voté la mort du roi : « On ne juge pas un roi. On le tue ».

Il avait peu à peu perdu tous ses amis, parce qu'il était resté fidèle à sa cause et inflexible. « Celui qui dit qu'il ne croit pas à l'amitié ou qui n'a point d'amis, est banni » ( avait-il pourtant écrit dans ses Fragments sur les Institutions républicaines).

Henri : il est tué à la bataille... Fauché à 22 ans.

Il avait, raconte la mémorialiste, changé de visage et d'attitude à l'instant où il avait répondu « oui » à ceux qui lui demandaient d'entrer dans l'armée. Il portait des petits mouchoirs à son habit pour que les paysans de l'armée vendéenne – amateurs se battant à la fourche - reconnaissent leur chef.



L'expérience, l'attitude et l'idéologie

Les personnalités sont indépendantes des idéologies. Ceux qui confondent leur personnalité avec leurs idées se trompent.

Il y a plus de ressemblance entre Saint-Just et La Rochejaquelein – leur courage, leur détermination – qu'entre Saint-Just et les plupart de ses corévolutionnaires, qu'entre La Rochejaquelein et les contre-révolutionnaires.

Si ce n'est la personnalité qui détermine l'idéologie, peut-être alors est-ce l'expérience de vie de la personne ?

 

Deux expériences, deux choix

Saint-Just, enfermé par lettre de cachet sur la demande de sa mère, hait les pratiques de l'Ancien Régime. Très jeune il est rongé de l'intérieur par la révolte et l'injustice.

La Rochejaquelein, choyé par sa famille, éprouve une grande confiance dans les valeurs qu'on lui inculque. Il est en accord avec le monde qui l'entoure.

Les familles de ces jeunes gens n'ont-elles pas eu les attitudes déterminantes de leur choix ?

L'expérience que nous vivons au fond de nous-mêmes – la confiance, ou bien une douleur insurmontable... - pèse sans doute plus lourd dans nos choix idéologiques que notre appréciation intellectuelle. L'appréciation intellectuelle n'est qu'une justification a posteriori.

 

Vieux roublards et jeunes héros

Les vieux fauteurs de guerre roublards et hypocrites manoeuvrent et embrigadent de jeunes courageux qui meurent de croire en leur idées.

Aujourd'hui, les ex-militants d'Action Directe croupissent depuis vingt ans en prison, y souffrent et meurent. Mais leurs inspirateurs vivent tranquilles, hurlant des idées qu'ils transforment au fil des modes, sachant se reconvertir ou se faire oublier quand il le faut.

Certaine jeunesse est trop intègre : elle agit et se perd par honnêteté. Elle se rend compte trop tard – s'il lui en reste le triste loisir  - qu'il ne faut jamais faire ce qu'on dit, qu'il ne faut jamais dire ce qu'on fait : c'est seulement ainsi qu'on survit et qu'on s'enrichit.

Et c'est pourquoi Brassens, qui croyait plus en la réalité fraîche et simple des gens tels qu'ils sont dans leur vie quotidienne qu'aux grands idéaux qu'ils proclament, rappelant que ceux qui crient le plus la vertu laissent des innocents payer son prix, chantait « Mourir pour des idées, d'accord mais de mort lente, d'accord, mais de mort lente ».

 

Edith de Cornulier-Lucinière

 

jeudi, 08 janvier 2009

Voeux pour l'an deux-mille-neuf

AlmaSoror vous souhaite une année héroïque

 

lundi, 05 janvier 2009

La liberté d'échouer

 

 



 

 

BtedansJungle-medium.jpgLa bête dans la jungle

Henry James

Traduit par Fabrice Hugot

(Première publication : 1903)

Criterion

 

 

 

MonteCristo-full.jpgLe Comte de Monte-Cristo

Par Alexandre Dumas

(Première publication :1846)

Gallimard (La Pléiade)

 

Ces deux livres décrivent l'amer regret d'avoir échoué la rencontre avec l'être aimé. La lâcheté, l'égoïsme, le manque de foi dans la vie, la complaisance à soi-même ont été les raisons d'un tel désastre. Le personnage du roman, qui est en cause, recule, effrayé, atterré, au moment où - après des années d'aveuglement - il a soudain la vision lucide de son échec. Il résiste furieusement devant l'évidence : il aurait pu se déterminer autrement. Il aurait pu être libre.

 

"Malheureux ! s'écria Mercédès, si je croyais que Dieu m'eût donné le libre arbitre, que me resterait-il donc pour me sauver du désespoir !" (chapitre CXII. Le Départ). Oui, toute la question est là. La fiancée d'Edmond Dantès aurait-elle du lui rester fidèle au lieu d'épouser son cousin ? Elle a beaucoup de circonstances atténuantes : elle était pauvre, seule. Elle n'avait aucun moyen de sauver son fiancé. Elle ne savait même pas où la police l'avait emmené, dans quel cachot la justice l'avait jeté. Elle n'était même pas sûre qu'il était encore en vie. Quand un demi-siècle plus tard, elle revoit Edmond Dantès devenu le richissime Comte de Monte-Cristo dans toute sa gloire, c'est au moment exact où elle-même chute dans l'opprobre et le malheur. Comment pourrait-elle alors entrevoir qu'elle a librement fait le mauvais choix? Il est plus facile de croire que c'était son destin d'être ainsi broyée. Sauf à sombrer dans le désespoir et la rage impuissante des regrets et des remords.

 

John Marcher, le héros de La bête dans la jungle, savait qu'un jour, inéluctablement, la "bête"-  qu'il sentait rôder autour de lui depuis tant d'années - allait bondir. Mais il ne l'avait pas prévue aussi effrayante, diabolique. "C'était là l'horrible secret, la réponse à tout ce qui s'était passé, la vision dont l'effroyable limpidité le glaça d'un froid aussi grand que celui de la tombe qui était à ses pieds". Cette fulgurante vision c'est qu'il est passé, par sa faute, à côté de la femme de sa vie. Il sait que c'est son arrogance et son égoïsme qui l'ont aveuglé toutes ces années. Il est plus impardonnable que Mercédès. Mais plus qu'elle, il a le courage de la lucidité. "Il avait rempli sa mesure, celle d'un homme à qui rien ne devait jamais arriver. Il aurait pu échapper à son destin en l'aimant, alors, oui, alors, il aurait vécu. C'est ce que la compagne de son attente avait à un moment compris et elle lui avait alors offert d'échapper à son destin." Il avait refusé de le comprendre. La vision "immense et effroyable" de la liberté qu'il avait eu de choisir son malheur le foudroie sur le tombeau même de l'être aimé.

Sara www.universdesara.org

 

 

jeudi, 01 janvier 2009

IN MEMORIAM GANGE

In Memoriam Gange

(lettre à une chienne)

in universo almae sorores.jpgblason réalisé par Sara



Gange
Mais je sais que nous sommes un poisson
Toi et moi quelque part nous nageons dans l'océan
Tu es je ne sais où, je suis toujours ici
Mais au fond nous sommes un poisson

Ton départ a tout effacé, sauf ta présence.
Tes cendres frémissent dans leur boite,
Sur le piano.
Et je ris lors des grands dîners,
Je ris derrière mon masque.
Car je sais que nous sommes un poisson.

Tu as quitté ton corps,
Dans la mort.
Et j'ai quitté le mien, (l'air de rien)
Pour te suivre.
Voilà comment nous sommes devenues poisson.

Comme toujours, silencieuses,
Et comme toujours, amoureuses
De cet océan seul et immense,
Salé et sans souci
Qui nous noie inlassablement.

Seules certaines musiques
Endiablées mais lentes
Seules quelques musiques
Lancinantes
Laissent le poisson
Coloré
Nager dans l'air chaud du salon

Certains yeux nous voient
Je le vois
Certains yeux nous voient
Faire phe phe phe
Dans les vagues de fumée

Et sans drogue
Soeur de coeur
Sans alcool ni opium
Rien que le souvenir
De ton regard sans fond
Coeur de soeur
Pour rejoindre les fonds
Bas fonds
Tréfonds
De l'océan universel
Dans lequel
Toi et moi,
Le poisson,
Nous nageons.

Oui je sais que nous sommes un poisson
Toi et moi quelque part nous nageons dans le néant
Tu es je ne sais où, je suis je ne sais qui
Et c'est fou, nous sommes un poisson...

Au fond de mes yeux astrologues
Mon amour soeur
De mon ventre océanographe
Mon amour chienne
De mon coeur astrophysicien
Mon amour Gange
Au creux de mes mains géographes

La planète, petite comme une bulle
Ronde comme une pastille dans un tube
Danse
Et l'univers immense et nébuleux
Mène la transe
C'est ainsi que je sais
Que je sens
Que toi que moi que nous
Sommes Une
Nageant
Dans l'océan
Qu'importe que je parle à d'autres gens ?
Que je sois quelque part, à quelque moment ?
Puisque le temps n'est qu'un mirage
Et l'espace invisible...
Si le réel n'est que la vérité,
Nous ne faisons qu'une
Et nous faisons phe phe phe

Ton départ a tout effacé
Sauf mon absence
Et les cendres de mes cigarettes
Près du piano.
Et je ris lors des grands dîners
Je ris derrière mon casque.
Car je crois que nous sommes un poisson.

Certains yeux nous voient
Je le vois
Certains yeux nous voient
Faire phe phe phe
Dans l'écume-fumée.


Edith de Cornulier-Lucinière