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La bonne lettre de vœux !

Parce qu'un bonheur qui n'éclate pas comme une bombe à la gueule des autres est inutile, voici le style de lettres qu'on peut recevoir dans le courant du mois de janvier et jusqu'au 10 février.

Chers cousins, chers amis,
Pardonnez-moi d'avoir laissé filer les premiers jours de janvier  ! Mieux vaut tard que jamais et je m'en voudrais de ne pas vous envoyer mes vœux pour une excellente année 2022.

Certes, la pandémie n'est pas finie, mais nous voyons le bout ! Chez nous aussi nous voyons le bout... mais d'une autre genre de pandémie, tout aussi bouleversante mais beaucoup plus sympathique : une pandémie de bébés ! Trêve de plaisanterie, les jumeaux nous ont apporté la joie supplémentaire qui nous manquait, la petite touche de désordre et d'inconfort qui nous fait sentir encore plus vivants !

Baudouin et Cyriaque sont d'adorables petits garçons et ils commencent à faire leurs nuits, ce qui soulage beaucoup les parents ! Baudouin montre déjà une personnalité forte et impérieuse tandis que son frère nous marque par son calme et sa douceur. Ces deux la se complètent déjà !

Nous sommes très fiers de Graziella qui sait se transformer en ange de douceur auprès de ses petits frères. Nous avions eu peur de sa jalousie mais nous avons découvert que cette petite fille était aux antipodes de ce sentiment. Au sortir de la crèche déjà elle demande d'aller retrouver "ses" bébés. L'arrivée des garçons l'a fait beaucoup grandir. Toujours aussi dégourdie et facétieuse, elle a acquis un petit plus de responsabilité qui nous marque et nous émeut beaucoup. Elle aime chanter (petit papa Noël !), jouer avec ses cousins rue Jean Bart chez ma mère ou s'immerger dans leur monde campagnard le temps d'un weekend vexinois, jours bénis durant lesquels elle ne quitte pas le chien Biotop. C'est tout de même une citadine et elle est toujours contente de retrouver ses amis près des poneys du Luxembourg ou s'ébattre dans l'eau chlorée de la piscine, même si, dès que le besoin d'air marin se fait sentir, nous l'emmenons vers l'eau salée de l'Atlantique, dans laquelle elle patauge sans peur et sans reproche !

Pour ma part, j'ai bien profité de mon congé maternité (Mémoires de Saint-Simon et Saga d'Harry Potter : enfin terminés !) et je frémis déjà d'excitation a l'idée de retrouver ce travail lié à l'Europe et à l'Afrique qui me passionne toujours autant. Ce sera certes un défi de gérer ma double vie de cadre dans un milieu exigeant et de mère de trois enfants, mais c'est un défi que je suis décidée à relever ! Il faut dire que je suis très aidée par mon cher Antoine, qui, non content de poursuivre sa carrière de développeur informatique dans le domaine des systèmes embarqués (le voilà encore entrain de se faire débaucher, j'en ai peur, par une boite californienne), ne ménage pas son temps pour les enfants. Serais-je tombée sur l'homme parfait ? J'avoue que je ne pensais pas rencontrer un jour un homme aussi à l'aise pour concocter des madeleines maison que pour bricoler avec sa perceuse, le tout avec cet humour qui m'a fait craquer dès le premier jour.

Cela me permet de prendre la poudre d'escampette pour des déjeuners-copines et des soirées-chorale qui me font le plus grand bien ! 

Avant de vous quitter en attendant je l'espère de vous recevoir dans notre terrier sympathique de la rue Mouffetard - ah, comme j'aurais été heureuse, adolescente, de savoir que je vivrais un jour dans cette rue mi-chic mi-bohème qui me paraissait le nec plus ultra !- ou, pour les plus marins d'entre vous, sur la plage de notre cher Pouliguen, je vous donne quelques rassurantes nouvelles de maman, qui peint comme une zouavesse dans son petit bijou de la rue Jean Bart où ses enfants se croisent si souvent à l'improviste, pour des discussions a bâtons rompus - mais toujours détendues - sur le vaccin, la présidentielle ou les derniers films produits par la maison de production de Bénédicte. Bénédicte et Hélène sont en pleine forme (eh oui, nous sommes une famille trop moderne pour que tous les couples soient hétéros et c'est tant mieux !) et se relaient pour cueillir Graziella à la crèche tous les mardis et mercredis. 

Théotime jongle entre Paris où sa start up s’épanouit et sa jolie maison de Théméricourt si bien aménagée par Philippine. Il est loin le temps où nous nous arrachions les cheveux devant les frasques de jeunesse du petit frère ! Il est très père poule et nos neveux Roxane et Léon sont toujours aussi souriants et vifs.

Nous vous embrassons de tout notre cœur et vous souhaitons le meilleur pour 2022. Que cette année nous apporte à tous autant de joie que la précédente ! Nous pensons aussi à tous ceux qui souffrent et les assurons de notre solidarité.

Cécile et Antoine, Graziella, Baudouin et Cyriaque

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lundi, 14 février 2022 | Lien permanent

Zig-zag

Je zigzague dans la ville sous le crachin d'hiver. Je pense à toi. Le jour où tu vis pour la dernière fois ton père descendre vers le garage où il réparait les motos de ses clients, tu ne le regardas même pas. Tu pensais qu'il reviendrait le soir poser les pieds sous la table de la maison impayée. Le jour où j'ai quitté la petite ville d'île-de-France pour ne plus jamais y revenir, je suis passé te dire adieu mais tu n'as pas ouvert la porte. Il me semble que tu étais sous la douche. Il n'était pas encore neuf heures du matin. Je n'avais pas de temps à perdre, un train m'attendait.

J'ai pris le train du Nord.

J'ai eu du mal à m'adapter à ma nouvelle vie : la mer dont j'avais tant rêvé ne ressemblait pas à mes rêves. Elle était lisse et froide. Elle m'enivrait, mais elle me faisait peur. Il n'y avait pas de sable, seulement des galets. La maison dans laquelle je louais une chambre était vieille et craquelante. Les meubles bringuebalaient ; j'osais à peine les toucher. J'avais grandi dans un carré blanc au douzième étage d'un long rectangle gris, au milieu de meubles carrés et rectangulaires en métal. Comment apprivoiser ce vieux bois aux rainures pleines de pourriture et d'odeurs d'un passé méconnu ? Les gens qui passaient dans les ruelles ne portaient pas les habits de notre jeunesse mégalopolitaine. Ils m'étaient étrangers - et j'étais l'étranger, bien que jamais je n'ai senti un regard de travers. Ils pensaient que j'étais né ici, comme eux.

Je me suis habitué à ma nouvelle vie.

Quinze ans ont passé et je revois en songe la cité malade où nous avons grandi sans beauté et sans amour. Je n'ai pas tout de suite reconnu ton visage ; j'ai cliqué sur le lien que les internautes se renvoyaient. C'est au bas de l'article qu'un regard doux et triste a retenu mon attention. Et sur le cou, la boucle de ton tatouage qui descendait jusqu'à l'épaule.

Oh mon ami d'enfance. Si j'avais su rater un train, peut-être aurais tu connu l'évidence que tu comptais pour quelqu'un. Tes mots, ta voix, je me les remémore en trottant sous le crachin nocturne. Les derniers marins boivent au Zinc du Cobra. Ils ont des rires avinés, des yeux désespérés. Ils ressemblent peut-être un peu à l'homme que tu es devenu. Je vais marcher encore longtemps avant de rentrer dans ma tanière, où je boirai trois ou quatre cafés, exprès pour ne pas dormir. Je ne veux pas dormir. Je sais que tu ne m'as pas oublié. Je connais ton cœur.

Tu étais mon seul ami.

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mercredi, 22 janvier 2014 | Lien permanent

Vous, les loups

Lorsque les enfants des écoles vont rencontrer leurs grands frères et grandes sœurs des maisons de retraites, et que l'un d'eux commence à raconter une histoire du temps où il avait leur âge, le dernier loup breton remonte à la surface des mémoires et nous rappelle la cruauté et la beauté, des loups comme des hommes.

Ainsi, voici le début d'une histoire trouvée sur Arbannour. Mais celui qui trouvera la suite pourra prévenir AlmaSoror, et recevoir ainsi le plus beau baiser virtuel du monde.

le dernier loup breton

« L'hiver 1865 avait été terrible et toute la région avait souffert d'un froid précoce et épouvantable, au point que nous ramassions les poissons morts le long des berges gelées de l'Odet. Nous n'allions pas à l'école tant le vent d'est sifflait et étouffait le pays sous un un épais manteau de gelée et de brumes.

Le matin, toute la famille restait bien au chaud dans la pièce commune de la grande maison où Jakez et ses cinq frères et quatre sœurs vivaient.

 

Seul Youenn le père se levait de bon matin pour nourrir les bêtes et il allait avec sa brouette jusqu'au village livrer le lait frais.
Ce matin-là, le silence était différent et même le coq restait muet. Seul un petit bruit d'étincel- les qui crépitaient dans la cheminée et une bonne odeur de soupe nous avertissaient que notre mère préparait le petit déjeuner.
Mes sœurs remuaient doucement dans leur grand lit au fond de la pièce et je les voyais à peine.
A gauche, le grand lit clos des parents semblait bailler d'une nuit trop courte.

 

Par les carreaux givrés, je distinguais le gros brouillard qui montait de la rivière avec la marée, et la fumée, qui descendait de la cheminée, paraissait s'ajouter à cette lumière opaque.
Soudain au loin, on entendit le bruit caractéristique des gros sabots ferrés de mon père et la roue cerclée de la brouette sur le petit pont à une centaine de mètres de la ferme. Les bruits nous arrivaient déformés par le brouillard et nous semblaient à la fois proches et loins, forts et doux.

 

A l'ordinaire, l'arrivée de mon père accélérait le lever de toute la famille qui attendait ce moment avec beaucoup d'impatience : le pain frais du matin était notre seule joie de la journée et quoique notre famille n'était pas la plus pauvre, nous mangions presque toujours les mêmes repas : soupe, pain, des oeufs et un peu de viande le dimanche.
Les enfants appréciaient la miche chaude du matin et nous dégustions notre unique tranche comme un gâteau de choix.

 

Mais aujourd'hui, mes frères et mes sœurs ne se réveillaient pas. Étant l'aîné, je me levais souvent un peu avant eux pour aider ma mère à préparer la tablée et à nourrir les poules et les lapins.

 

Aujourd'hui, j'avais dix ans et je me sentais plus responsable et presque un homme ».

 

Le texte est publié (non intégralement, sacrebleu), sur le site d'Arbannour, à cette place exactement...

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samedi, 12 juillet 2014 | Lien permanent

Lupinerie

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Arsène Lupin s'appelle Lupin en référence à l'étymologie : lupus signifie loup en latin. Or, le loup est l'ennemi des hommes...
Mais, le lupin est aussi une fleur très ornementale, qui reflète la sophistication des "coups" d'Arsène Lupin, la beauté de son art hors-la-loi.

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LUPIN CONTRE LEBLANC : une relation tumultueuse

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Arsène Lupin (par Léon Fontan)

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Maurice Leblanc

HONTE & GLOIRE
Maurice Leblanc vivait sa gloire comme une honte : il aurait voulu être un académicien ; il n'était qu'un auteur populaire ! A ses contemporains, il répétait : "Lupin, ce n'est pas moi !" de la même façon que Gustave Flaubert avait dit : "Madame Bovary, c'est moi !"
Tout au long de sa carrière, Leblanc a tenté de tuer Arsène Lupin pour en être débarrassé, mais chaque fois, l'insistance des éditeurs et la facilité avec laquelle Arsène faisait rentrer l'argent dans la caisse, il a craqué et ressuscité son héros.

Univers d'Arsène Lupin

Dans l'univers de la série d'Arsène Lupin, on retrouve les mêmes thèmes, aventure après aventure : Les pseudonymes d'Arsène (une trentaine !)
La vieille aristocratie décadente
La neuve bourgeoisie montante
Le monde de l'art
Le mythe du cambrioleur gentil
Le séducteur invétéré
Le pays de Caux, en Normandie

caux

Là, aux abords des falaises d'Etretat, se déroulent bon nombre des aventures d'Arsène Lupin.

UN PERSONNAGE REEL
Arsène Lupin n'est pas un criminel. Il est un artiste du cambriolage. Il cambriole, soit par dandysme, soit par philanthropie (pour faire du bien à des personnes en difficulté). Or, à cet égard la figure fictionnelle de Lupin doit beaucoup à un homme réel. Il s'agit de l'anarchiste Alexandre Marius Jacob (1879 - 1954). Jacob et ses camarades s'appellaient "les travailleurs de la nuit". Leurs cambriolages furent des exploits rocambolesques qui tinrent les policiers - et la France entière - en haleine ; le butin était utilisé pour publier des journaux anarchistes ou bien envoyer de l'argent aux familles des prisonniers anarchistes.

Marius Jacob a organisé 150 cambriolages, qui ont tous réussi, sans jamais faire couler le sang !

Il a passé 25 ans au bagne avant de rentrer vivre dans sa maison du Berry, où il s'est donné la mort.

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Alexandre Marius Jacob, Pourquoi j'ai cambriolé... par guyprestige


On pense, bien sûr, à Stances pour un cambrioleur, la chanson de Brassens : "mets-toi dans les affaires et tu auras les flics même comme chalands".

LUPINOPHILIE
Les Lupinophiles aujourd'hui viennet de tous les pays du monde pour visiter la maison de Maurice Leblanc et marcher sur les lieux où se situent les intrigues d'Arsène Lupin.


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mardi, 05 février 2013 | Lien permanent

Honni soit qui mal y gère

 

La honte financière ressemble à la honte sociale, à la honte sexuelle : elle est très répandue, et pourtant, on serait prêt à tout pour en cacher la réalité nue. Cela ne concerne pas seulement ceux qui manquent d'argent, en témoigne la honte financière de C......, enseignante, qui faisait croire qu'elle habitait dans la maison de fonction de son mari (dont elle augmentait le statut professionnel), alors que cette belle maison parisienne pourvue d'un jardin, elle en avait elle-même hérité de ses parents. Mais dans ces deux cas, le honteux sans le sou ou le honteux trop plein de sous, il s'agit de la honte de ne pas gagner son argent. Que cet argent existe ou fasse défaut sur nos comptes bancaires, la « valeur travail » exige que l'individu responsable, autonome, indépendant, capable, reçoive son argent en échange de sa force de travail parfois, de son diplôme et de ses heures de présence souvent. Ni héritiers, ni assistés ! Ou alors, prouver quand même que l'on fournit des efforts dans le sens du travail, ou plutôt, de ce qui est considéré comme une activité professionnelle.

La honte financière d'être sur le fil du rasoir reste latente quand la difficulté n'est pas trop grande ; elle devient piquante, mordante, glaçante, brûlante lorsque la dette devient assez grande pour devenir visible et répréhensible aux yeux de la société (banque, administration, débiteurs, proches et moins proches). On peut dire que la menace planante, ou honte intérieure, devient danger imminent, honte à tous vents.

Il s'agit d'une sorte d'indignité, d'infamie éprouvée à l'idée que l'autre sache la vérité. Vérité sociale (d'où l'on vient), sexuelle (ce que l'on fait dans l'intimité) ou financière (ce que l'on vaut), l'indignité découle du regard de la société (réel ou perçu) sur un élément constitutif (temporaire ou inéchangeable) de soi. Même si, à nos propres yeux, notre milieu social, notre vie amoureuse ou notre état financier n'a rien de répréhensible, d'amoral ou de mauvais, la honte demeure dès lors qu'on remarque ou qu'on suppose qu'autrui trouverait cela honteux.

Que cet ensemble de hontes soit très largement partagé, n'amoindrit pas la pression. C'est ce qui est amusant dans la vie en société : si l'on regarde chaque individu, peu d'entre eux paraissent pouvoir former un bon soldat de la norme. Mais, tous ensemble, les hordes d'individus détraqués, honteux et incertains forment une société forte et raide, qui fait flipper la plupart d'entre eux au point de vivre en fonction d'elle et non pas de leur propre cœur.

 

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jeudi, 08 octobre 2015 | Lien permanent | Commentaires (4)

Les gens bien

Ces deux dames du bus, leurs conversations, leurs métiers d'infirmières et d'enseignantes-infirmières, leurs jugements pleins de bienveillance et de moralisme sur leurs étudiants.

Leurs conjoints bricoleurs, leurs enfants, leurs maisons, leurs jardins, leurs terrasses, les hérissons qui picorent les restes qu'elles y ont laissés, les chats qu'elles traitent bien, leurs voitures, leurs vélos, leurs familles élargies, leurs collègues de boulot, leurs amis de longue date, les amis de leurs enfants.

Leurs loisirs intelligents (jardinage, cuisine, pleine nature), leurs compétences pour soigner les autres à l'hôpital jour après jour, pour mener une vie calme et tranquille à la maison année après année.

Les villes qu'elles habitent, leurs expériences professionnelles, et ce vide qui mangeait mon cœur en les écoutant parler.

Il y a, dans cette humilité des gens bien, sans étalage ni orgueil blessé, une parcimonie de prise de risque qui teinte leur engagement (enseignement, travail social et médical), d'une vénalité impalpable mais prégnante.

L'engagement leur évite le Sacrifice.

L’humilité leur évite la Chute.

La tolérance leur évite le Combat pour des principes.

Leur alliage de structure et de souplesse leur évite de subir la Révolte de leurs enfants ; ils savent les éduquer à fuir la Dérive.

Ce sont des gens qui mettent le bon sens au pinacle, toujours capable de s'adapter au neuf sans jamais rien inventer, toujours capables de conserver l'ancien pour eux, sans jamais le défendre publiquement.

En n'étant ni trop hauts, ni trop bas, ils évitent la guillotine qui menace les rois comme le crachat qui recouvre les parias.

Ils ne sont jamais exclus, eux mêmes d'ailleurs ne sont jamais en train d'exclure quiconque : simplement, les gens qui ne leur ressemblent pas sont exclus, par l'opération, non du Saint-Esprit, mais du corps social.

Ils recèlent des qualités de cœur, sans quoi leur existence serait mise en péril par la folie en eux ou autour d'eux.

Ils me fascinent sans m'intéresser. Je voudrais avoir tout ce qu'ils ont mais ne supporterais pas de vivre comme ils vivent et d'être ce qu'ils sont. Peut-être que ce qu'ils représentent à mes yeux, moi, je le représente pour d'autres. Ce qu'ils me font sans le savoir, je le fais à d'autres sans le vouloir.

Ce sont des personnes auxquelles je ne peux reprocher aucun tort réel, mais je n'arriverais pas à dire que ce sont de "belles personnes". Si tout le monde était comme eux, il n'y aurait pas de problème. Y aurait-il de la beauté ?

Il ne leur manque pas de force morale, ni d'un sens de la solidarité, ni d'intelligence, ni de diligence, mais peut-être qu'il leur manque le charme, ou la grandeur. On atteint la grandeur en étant immense, ou minuscule, pas en étant moyen, surtout si cette moyenne est calculée comme un outil de survie, une technique habile pour durer dans de bonnes conditions durant plusieurs générations. Leur intelligence, qui leur fait comprendre leur intérêt, devient par la même leur limite, une limite acceptée, encouragée, chérie.

Protégés de la haine et de la vindicte extérieures, comme de l'angoisse et de la destruction intérieures, les gens bien sont du même coup comme protégés de la grâce qui appelle vers l'Inconnu.

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lundi, 06 juin 2016 | Lien permanent

Sagesse des vélos de nuit

Il est dix heures et le bleu nuit vire au noir ; l'air est frais ce soir des premiers jours de mai. La sortie du métro Robespierre (ce doux agneau) m'offre un vent si doux que je voudrais le caresser. Mais c'est lui qui me caresse et me pousse à prolonger mes pas au-delà de l'immeuble qui m'appelle ; là où, depuis une loggia de béton, des adolescents fument et rient et partagent des rêves qui leur paraîtront brume demain. Mais demain n'est pas là ; c'est ce soir qui s'étire et qui chante un air presque tendre. Mon cœur sourit. Tout à l'heure, le sourire du frère appuyé contre la fenêtre a effacé la zizanie des compères hirsutes. Je marche alors que la ville de Montreuil-sous-bois (quel bois ?) s'enfonce dans la nuit. Les réverbères diffusent cette lumière orange que nos enfants peut-être ne connaîtront plus : la nuit des années 1980, la nuit des années 2000, cette nuit orange qui accompagne nos peurs urbaines et nos joies festives. Je tourne et opère un détour pour entrer par l'autre chemin, celui que je n'ai jamais pris. Je croise des grilles étranges qui nous séparent des parias, apartheid des villes françaises modernes, et je me glisse sous des colonnades de porches carrés comme des maisons dessinées par des enfants. Et c'est amusant comme il ressemble à l'enfant sage, ce vélo posé là qui attend je ne sais quoi dans une solitude à moitié réelle. Je m'immisce soudain au fond de son âme et j'expérimente la sagesse des vélos de nuit.

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lundi, 05 mai 2014 | Lien permanent

Hier et ce matin

Orgueil et estime de soi

Dans le métro qui me ramenait de la rue de Rome vers Duroc à une heure avancée de la nuit, je me demandais si la présence de l'orgueil n'était pas lié à un défaut d'estime de soi. N'est-ce pas quand la dignité me semble atteinte, entravée, blessée, que l'orgueil s'engouffre dans la brèche pour ne pas laisser prise à la glu de l'humiliation ? Une personnalité sans humiliation est une personnalité sans orgueil, dans laquelle l'estime de soi peut s'écouler sans nuire à autrui (cette personnalité existe-t-elle ?).

Concurrence et jalousie

En longeant le boulevard du Montparnasse sous la lune, je croyais déceler que, contrairement à ce que j'avais cru, la comparaison n'est pas le résultat de la jalousie. Concurrence et comparaison prennent leur source dans le simple fait d'avoir des yeux pour voir l'autre et des doigts pour imiter et reproduire ce qu'il fait, ce qui mène à distinguer des différences. Ces différences, quel esprit ne peut s'empêcher de les mesurer et de les classer ? L'apprentissage amène la comparaison qui invite à la concurrence, et toutes deux créent la jalousie. 

Aussi je ne crois plus que "la folie est attachée au cœur de l'enfant". L'enfant pur découvre ses dons d'imitation et tombe dans la folie de la jalousie.

Claviers d'ordinateur et chaussures

Un jeune homme m'a dit hier que les claviers de nos ordinateurs étaient les endroits les plus sales et surtout les moins sains de nos maisons. Je me suis alors demandé s'il était moins hygiénique de poser ses chaussures sur son oreiller ou de poser son oreiller sur l'écran d'ordinateur. Les méandres de ces réflexions me sont revenues le soir au moment du second verre de Gewurztraminer, qui les a recouverts de leur fleuve alcolosucré.

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samedi, 11 janvier 2014 | Lien permanent

Chronoposologie des Orteaux

saumur, piano, rue des orteaux

Entre un coup de soleil et un orage, on voyait là-bas les tours de Bagnolet, on entendait dans la pièce la musique de Cantemir par Jordi Savall.

Après quelques verres, on découvrait l'angélique sourire d'une coloc voyageuse. 

Encore plus tard on approfondissait l'apprentissage tâtonnant des symphonies fantastiques dans une pénombre qui laissait distinguer le visage émouvant d'une amatrice de hiatus.

L'aurore se levait quand même au bout d'un long silence.

Debout devant la baie vitrée, en face des étagères de bandes dessinées, on lisait un texto écrit par un revenant.

Plus tard (toujours plus tard), devant un café bizarre, un banc portait nos rêves vagues. Je refoulais les inquiétudes, je bravais le gris du ciel. Ton joli sourire flottait au milieu de ton mystère. Attendais-tu quelque chose ?

Dans les rues, la pluie lavait les traces de flou. Sous l'auvent du métro peut-être, des mots interdits dormaient au fond d'un coeur.

Personne ne connait le numéro du bus qui t'emporta, même pas toi.

C'était Paris, un jour de juin. C'était Paris. Alors pourquoi me souvenais-je d'un piano ancien, d'une maison de Saumur ?

Il semblerait qu'à vingt ans de distance, les instants fragiles s'appellent et se répondent.

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jeudi, 20 juin 2013 | Lien permanent

eh coco ? de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

Mavra Novogrochneïeva est membre de la confrérie de Baude Fastoul. Elle est une des photographes attitrées d'AlmaSoror et tient par ailleurs un blog monomaniaque sur sa passion des grues.

En décembre 2013, elle répond à l'appel d'AlmaSoror, qui propose d'écrire un texte contenant :

oh mon âme
le plus vieil été du monde
c'était si pur
ta mère absente
coco

Le résultat est l'autobiographie déchirante du flingue Coco, que connaissent déjà les lecteurs des Mémoires d'une voyouse


eh coco?

« Coco, eh coco?

Coco c'est moi, c'est le flingue. Et la voyouze, de temps en temps, elle me parle. Moi j'aime bien. Elle me raconte sa vie et elle me montre quand elle aime bien les paysage, les gens. Elle me sort et elle vise. Moi j'aime bien.

Un jour, on est allé au bout du monde. C'est là qu'il y avait eu le plus vieil été du monde, avec des dinosaures. La preuve, les arbres, énormes. C'était si pur, pas de bruit dans la forêt sauf quelques bruissements, et puis la résonance de quand elle vise sur un arbre. Le ricochet sur les tronc. C'était si pur.

Oh mon âme, elle pleure en se souvenant. Après la forêt, les arbres, elle a été prise de nostalgie ma voyouze, et elle a voulu voir sa maison. Elle aurait pas dû. C'est ça qui l'a perdue. Elle a pleuré et elle m'a raconté: "tu sais pas ce que c'est, ta mère absente pendant des jours, la peur dans la nuit, toute seule, c'est pour ça que je t'aime mon coco, eh coco, mon poteau."
Puis elle a visé, une dernière fois, c'était elle qu'elle visait, la voyouze. Elle me manque ma voyouze. »

 

Mavra, 18 nov 2013 entre 21h et 22h

 

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samedi, 07 décembre 2013 | Lien permanent

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