jeudi, 25 août 2011
La faculté de médecine au XIXème siècle
Léon Daudet, fils d'Alphonse, jeune étudiant républicain qui deviendra ardent Maurrassien, a écrit ses « souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux de 1880 à 1905 ».
La vie médicale de la fin du XIXème siècle apparaît dans sa double identité, splendide et horrible.
Photos Carvos Loup
« On se représente difficilement aujourd'hui le prestige dont jouissaient la médecine et les médecins dans la société matérialiste d'il y a trente ans. Le « bon docteur » remplaçait le prêtre, disait-on, et la haute influence morale et sociale appartenait aux maîtres des corps, aux dispensateurs des traitements et régimes. Il semblait entendu que les savants étaient des hommes à part, échappant aux passions et aux tares habituelles, toujours désintéressés, souvent héroïques, quelquefois sublimes. Piliers de la République, bénéficiant de toutes les décorations et hautes faveurs du régime, disposant des secrets de famille, de la vertu des femmes et suspendant la menace héréditaire sur la tête des enfants, ceux que j'ai appelés les morticoles régnaient à la fois par la ruse et par la terreur. Bientôt la vogue des chirurgiens et de leurs mirifiques opérations, fréquemment inutiles, vint compléter cette tyrannie des bourreaux de la chair malade. Trop gâtés, trop adulés, les uns et les autres, ceux de la drogue et ceux du bistouri, abusaient de la situation : financièrement, en exploitant leurs clients ou leurs dupes ; intellectuellement, en étendant jusqu'à la philosophie leur fatuité professionnelle, en prétendant réglementer les esprits. Or j'ai connu ce milieu à fond, car j'ai poursuivi pendant sept années, jusqu'à la thèse exclusivement, mes études à la Faculté de Médecine. J'ai été externe, puis interne provisoire des hôpitaux. J'ai vécu dans l'intimité des pontifes. Mon jugement, que l'on pourra trouver sévère, sera en tout cas fortement motivé. À la lumière des renseignements qui me sont parvenus depuis lors, je constate que les Morticoles, qui furent considérés comme un pamphlet, pèchent par leur indulgence. J'ai soulevé en 1894 un pas du voile. Je vais l'arracher cette fois.
Tout d’abord l'organisation de la Faculté, qui n'a pas changé depuis 1886, est centralisée, c'est-à-dire jacobine, et despotique, c'est-à-dire impériale. En bas, un véritable prolétariat médical, envahi maintenant par les étrangers et métèques, où sévit cruellement la concurrence. En haut, une série de mandarins, créés par les concours à échelons et jet continu, mandarins qui se haïssent au fond, mais s'entendent sur le dos des candidats perpétuels. Entre les deux, un peuple d'élèves, soumis et craintifs, sans volonté comme sans initiative, que le succès ou l'insuccès fera tantôt monter au mandarinat, tantôt rejettera dans la foule anonyme et misérable des court-la-visite et coupe-le-ventre. Ajoutez à cela les influences politiques et électorales, qui peuplent les chaires et les laboratoires de nullités alliées aux ministres et femmes de ministres et demandez-vous comment un jeune homme de valeur, mais sans appui, ni argent, ni bassesse, pourrait traverser ces rangs pressés de fonctionnaires et d'intrigants ?... Ainsi s'explique la déchéance extraordinairement rapide d'une science où nous avons jadis tenu la corde avec les Bichat, les Laënnec, les Duchenne de Boulogne, les Morel de Rouen, les Claude Bernard, les Charcot et les Potain ; sans compter le grand Pasteur, qui est à part, mais dont l'Institut est lui aussi, à l'heure qu'il est, en complète décomposition. Ce préambule était nécessaire pour vérifier une fois de plus la parole royale :
Les institutions corrompent les hommes ».
Léon Daudet
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lundi, 12 janvier 2009
Courir le monde
Lire :
Itinéraire de Paris à Jérusalem
François-René de Chateaubriand
Garnier Flammarion
Première parution : 1811
Sites sur lesquels on peut lire des études de chercheurs sur ce livre :
Jules Verne
Le Livre de Poche
Première parution : 1873
Site de la cité des sciences qui propose un "tour du monde en 10 minutes" sur les traces de Philéas Fogg :
Il fallait acheter l'"Itinéraire de Paris à Jérusalem" dans la collection préfacée par l'universitaire autorisé si l'on en croit les articles de chercheurs mis à la disposition des candidats à l'agrégation sur les sites spécialisés. En effet, ce livre est au programme de l'agrégation cette année. J'avais l'autre édition dans ma bibliothèque et m'en suis contentée.
Mais j'ai lu les articles pour ma culture personnelle.
Ce qui étonne dans ce livre, c'est la manière de voyager de François-René de Chateaubriand. Il voyage comme s'il voulait en finir au plus vite. Il part le 13 juillet 1806 de Paris, Il arrive le 23 à Venise après 10 jours de voyage . Il y reste cinq jours, pars en "Chariot" à Trieste pour en repartir le 1er août en bateau. Il visite Athènes, Constantinople (Istanbul), Jérusalem, Alexandrie et retrouve Madame de Noailles le 10 avril à Cordoue. Neuf mois de voyage Il saute d'un bateau à un autre, fait des équipées à cheval pendant des journées de onze heures. Il traverse les ruines, les lieux saints dans une course que rien n'arrête. Certes la récompense du trajet c'est la rencontre tant attendue avec la femme dont il est amoureux !
Pour lui, le voyage, c'est la fuite. Fuite de sa femme qui l'ennuyait un peu. Fuite de son mal, le "mal du siècle", le mal être des romantiques : "toujours se promettant de rester au port, et toujours déployant ses voiles ; cherchant des îles enchantées où il n'arrive presque jamais, et dans lesquelles il s'ennuie s'il y touche ; ne parlant que de repos, et n'aimant que les tempêtes;"
Pendant qu'il se hâtait lentement, l'anglais, Richard Trevithick (1771-1833), fabriquait la première locomotive du monde capable de tracter 10 tonnes (en 1804). Tandis que les premiers bateaux à vapeur ne voient le jour qu'à partir de 1840.
Soixante dix ans plus tard, paraît "Le tour du monde en quatre-vingts jours" dans lequel Philéas Fogg mise toute sa fortune dans un pari contre le temps. Les moyens de transport se sont considérablement améliorés et se multiplient sur la planète. Il estime donc qu'il est possible de faire le tour du monde en 80 journées. Est-ce possible ? La scène se passe en 1872 à Hong-Kong :
"Vous chargez-vous de me conduire à Yokohama ?"
Le marin, à ces mots, demeura les bras ballants, les yeux écarquillés.
"Votre honneur veut rire ? dit-il.
- Non ! J'ai manqué le départ du Carnatic, et il faut que je sois le 14, au plus tard, à Yokohama, pour prendre le paquebot de San Francisco.
- -Je le regrette, répondit le pilote, mais c'est impossible.
- -Je vous offre cent livres (2500 F) par jour, et une prime de deux cents livres, s'y j'arrive à temps.
- - C'est sérieux ? demanda le pilote.
- -Très sérieux", répondit Mr Fogg"
Aider de son fidèle domestique Passepartout, il triomphe de tous les obstacles à coups de volonté et à coup d'argent. On dirai une charmante caricature de l'Itinéraire, une de plus - car il y en a eu, paraît-il, beaucoup au XIX° siècle -. Et au bout du voyage, il y a aussi l'amour de la belle Indoue, Mrs Aouda.
Nous avons changé de civilisation à tout jamais. Tant mieux pour les chevaux. C'est le début de la fin de l'esclavage pour eux : en 1850, la Loi Grammont interdit aux cochers de les maltraiter. Les machines sont là, sans âmes, qui ont pris le relais. Mais le mal-être humain reste le même. L'état d'esprit des voyageurs n'a pas évolué :ces deux livres annoncent le tourisme de masse de notre époque : de nombreuses personnes traversent le monde au pas de charge, rapportant des quantités de "photos" et de propos sur les lieux qu'ils ont "faits" selon la formule maintenant consacrée.
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