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lundi, 13 septembre 2010

Triptyque de Salluste III

 vanité mavra.JPG

Photo : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva


Voici le troisième volet d'un triptyque sallustien proposé par Sara, Volonté, Valeur, Vanité (les titres sont d'elle), trois extraits courts et clairs du grand auteur romain.

 

 

III

La vanité

"Parmi ces moyens, il en est toutefois qui ne semblent guère devoir être recherchés de nos jours. Ainsi, notamment, les magistratures et les commandements, bref, tout ce qui a rapport aux charges publiques. Les honneurs, en effet, ne servent plus à récompenser le mérite, et ceux qui arrivent au pouvoir par l’intrigue n’en retirent ni plus de sécurité ni plus de considération. Quant à vouloir s’imposer à ses concitoyens par la violence, c’est toujours chose odieuse, même si l’on se donne pour but de réformer des abus. D’autant plus que tout changement de régime présage des calamités, des proscriptions, des cruautés de toutes sortes. Quant à s’épuiser en vains efforts et, pour prix de ses peines, ne recueillir que des haines, - c’est là le comble de la folie. A moins que par une folie encore plus grande on ne soit possédé de la honteuse et exécrable tentation de faire le sacrifice de son honneur et de son indépendance à la puissance d’un quelconque ambitieux". 

 

Guerre de Jugurtha

Salluste

Gallimard La Pléïade, 1968

samedi, 11 septembre 2010

Triptyque de Salluste II

Valeur Mavra.JPG
Photo : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva

 

Voici le second volet d'un triptyque sallustien proposé par Sara, Volonté, Valeur, Vanité (les titres sont d'elle), trois extraits courts et clairs du grand auteur romain.

 

II

La valeur

 Puisque l’être humain est fait de chair et d’esprit, toutes nos réactions dérivent nécessairement de l’un ou de l’autre. Aussi la beauté, la richesse, la force physique et tous les avantages similaires sont-ils passagers tandis que l’éclat des oeuvres de l’esprit demeure impérissable. Pour tout dire, les biens matériels, ayant un commencement ont inévitablement une fin, puisque tout ce qui naît doit mourir et tout ce qui croît finit par vieillir. Seul l’esprit, indestructible, immortel, maître suprême du genre humain, régit tout, domine tout et n’est lui-même dominé par rien. D’autant plus étrange est l’égarement de ceux qui, esclaves des plaisirs corporels, passent leur vie dans la volupté et dans l’inaction, laissant languir dans l’abandon et dans le désoeuvrement leur intelligence, autrement dit la meilleure et la plus noble partie de leur nature humaine, et cela quand tant de moyens s’offrent à elle pour acquérir la gloire la plus haute.

 

Guerre de Jugurtha

Salluste

Gallimard La Pléïade, 1968

 

mercredi, 23 décembre 2009

Commentaire de Mirimonde sur une Vanité

 

Commentaire d'Albert-Pomme de Mirimonde,
in Le langage secret de certains tableaux du Musée du Louvre
Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1984

 

Vieillard méditant. Bol.jpg

 

 

Vieillard en méditation

Peintre : Ferdinand Bol

Hollande XVIIème siècle (1616-1680)

 

Ce tableau fournit un bon exemple de "vanité à personnage". Pour animer l'allégorie de la vie, les artistes ont choisi, tour à tour, un bébé insouciant de l'avenir, un jeune garçon ou une jolie femme méditant sur la condition humaine ou un vieillard désabusé jugeant les activités illusoires de son existence. Les rembranesques étaient restés fidèles à ce thème : ce tableau en fournit une interprétation caractéristique.

 

La composition est soigneusement ordonnée et met en valeur les divers éléments du sujet. Les objets, symboliquement les trois vies possibles, sont posés sur une table recouverte d'un riche tapis. La vita pratica est consacrée à la recherche de la fortune, des honneurs et du pouvoir. Ici, un casque militaire, au plumet impressionnant, et une écharpe soyeuse, insigne de commandement, rappelle le rôle joué par celui qui les porta jadis. La vita voluptuaria se passe à assouvir les désirs des sens et l'amour charnel. Les "enfants" de Vénus qui s'y livrent éprouvent une passion pour la musique en raison de son influence aphrodisiaque. Comme l'a montré M. Bergström, dans les tableaux moralisateurs, les instruments ne sont pas une allusion à l'art sonore, mais à la luxure. Ici, le choix est significatif. La flûte traversière, placée devant le livre, suggère, comme la flûte à bec, une métaphore phallique - qui subsiste encore dans le langage populaire. Ce sens grivois transparaît dans les nombreuses Leçons de flûte peintes par de petits Maîtres au XVIIème siècle. Quant au beau luth, couché sur sa face, au second plan, il était le complice des séducteurs pour charmer les belles ou apitoyer les cruelles qui affectaient l'indifférence ou simulaient le dédain. Bien en vue, ouvert sur un pupitre, un grand livre, que nul ne consulte plus, laisse apercevoir des feuillets froissés. La vita contemplativa consacrée à l'étude est, elle aussi transitoire, donc décevante.

 

Une chandelle éteinte indique que la vie touche à son terme. Au premier plan, un crâne édenté semble ricaner en guettant le vieillard assis devant lui. Frileusement vêtu d'une robe de chambre, les mains appuyées sur une canne devenue indispensable pour faciliter sa marche, le vieil homme tient sans le regarder un papier - peut-être quelque memento mori. Il se détourne pour ne plus voir les épaves de son passé : honneurs abolis, amours défuntes, savoir périmé. Tout ceci va retourner au néant et il en a conscience. Immobile, solitaire, entouré d'une pénombre qui s'épaissit, il regarde fixement le vide. Sans rien de théâtral, l'oeuvre retrace le drame qui marque la fin d'une vie mal vécue, lorsque l'homme, laissé à lui-même, n'a plus le secours des gestes quotidiens et qu'il aperçoit la futilité de ce qu'il a tenté. Impuissant, il survit à ses illusions : amère leçon. Au fond, l'artiste a placé une sphère, symbole du monde, pour attester l'universalité de cet enseignement destiné à mettre en garde les spectateurs.