mercredi, 29 octobre 2014
Cargo-ville
Un soir, la Venexiane longe (à tort, elle le sait) la Seine sur une allée réservée aux vélos, elle contemple la nuit qui tombe sur Bercy, sur la Bibliothèque Nationale de France, sur les grues du ciel et les vélos des quais, sur les bateaux, sur les entrepôts, sur les silhouettes, sur les oiseaux. La ville s'est parée de mille feux et elle danse dignement, sans presque remuer, autour de l'eau du fleuve. à la musique incessante des voitures se mêlent les cris des pigeons, les derniers grincements des rues et le chant monotone du vent d'automne. Elle voudrait ne jamais arriver à la station de métro Quai de la gare, pour que se poursuive la beauté en impulsion.
Mais déjà le lendemain matin Venexiane a traversé la place de la République et le faubourg Saint-Martin, elle est allongée, rue Saint-Sauveur, sur un lit, nue sous un châle. Des mains massent lentement, profondément, son corps recouvert d'huile. Les yeux grand fermés, elle s'interroge sur le sens d'une vie pressée, d'une vie stressée, quand on peut passer deux heures allongée sous des pressions douces.
Et c'est la ritournelle des travaux dans les rues du quartier, des enfants qui vont à l'école, des cigarettes qui se fument, l'une après l'autre, le long du jour, au bord d'une baie vitrée.
Et c'est la suite symphonique du cargo-ville dans lequel toutes nos âmes sont noyées.
Venexiane, tu sais encore ton nom. Tu pourrais entrer dans l'église, rue Saint-Antoine, celle où l'on voit encore, sur un pilier, un graffiti écrit en 1870 : "République française ou la mort". Le taggeur est mort depuis des lustres, la République a acquis ses lettres de noblesse et seuls les bénéficiaires de ses privilèges innombrables et iniques la défendent encore. Tu pourrais entrer, Venexiane, dans l'église et dire ces prières d'un autre âge, les écouter résonner dans la basilique de ton for intérieur.
Tu pourrais...
Tu pourrais te cacher dans la cabane du chausseur de l'hôtel de Mongelas. Tu t'y dissimulerais si bien que les gardiens n'y verraient que du feu, du feu et de la poussière, et tu vivrais la nuit intime de l'homme perdu parmi les bêtes mortes.
Il est dix heures, peut-être, en ce matin d'automne. Loin, les champs, les arbres, les collines. Ici tout n'est que ville, sans soleil et sans neige, sans même la pluie du ciel, tout n'est que ville et jamais ne surgit assez de silence pour entendre si mon coeur bat.
| Lien permanent | Commentaires (2) | | Facebook | Imprimer |
samedi, 21 septembre 2013
La vie de bureau - le guêpier
Une vidéo de Mavra VN
Publié dans Chronos, La place | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | Imprimer |