samedi, 31 janvier 2015
Clair-obscur à Alma-Ata
Ceux qui jugent sans avoir vécu ne connaissent pas le poids de leurs paroles.
Ce petit propos est dédié à la mémoire des deux hommes qui, le 26 avril 1961 à Alma-Ata, au soleil, firent un choix opposé ; l'un sauva son âme et perdit sa vie ; l'autre vendit son âme et prolongea son corps.
À leur neveu, fraternellement.
E de CL
Les Sables d'Olonne, 27 janvier 2014
L'affaire Jugurtha a lieu, encore et toujours. La méthode Jugurtha se poursuit sans cesse. Jugurtha payait en secret les élites romaines afin que celles ci trahissent leur pays à son profit, en votant au Sénat des lois profitant à la puissance étrangère. Tant qu'il y aura une vie politique entre les hommes, il y aura des trahisons. Tels le traître de l'Irlande, Denis Donaldson, ou ceux que Victor Serge mentionne dans son opus Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression, ou encore la pauvre Flaca, Marcia Alejandra Merino.
N'ouvrons pas les yeux si nous voulons rester tranquilles. Qui sait quels hommes politiques ont été pris la main dans le sac d'un vice, et retournés au service d'une cause bien différente que celle qui était la leur ?
Vice naturel ou piège tendu, la chair est triste, hélas, et la peur abominable. Résister à l'une est difficile ; résister à l'autre, quasiment impossible. Quant à l'argent, peu nombreux ceux qui ne se damneraient pas, si on leur proposait, pour les avantages inestimables qu'il procure. La plupart des moralistes peuvent parler : ils ne se vendent pas car personne ne souhaite les acheter.
Quels hommes et femmes donc, pour des raisons financières ou sexuelles, œuvrent dans l'entre-deux et servent deux maîtres, ou plutôt, trahissent le maître officiel ou profit du maître officieux ?
Quelquefois, les agents sont si faibles qu'ils sont achetés sans même s'en rendre compte ! Pas besoin, dans ce cas, de vice et de chantage : leur faiblesse de caractère même suffit. Tels ces hauts fonctionnaires en charge des services cruciaux, arrosés de vins fins, de résidences de vacances, de pistons pour les jeunots de la famille, et qui croient qu'il s'agit du cours normal des choses ! Ils ne se savent même pas achetés, les bienheureux.
Pour ceux qui possèdent une échine plus ferme, une pensée plus structurée, la trahison n'en sera que plus grande, puisque leurs esprits clairs ne pourront ignorer leur propre duplicité. Dès lors, sans que personne s'en doute, la souffrance accompagne chacun de leur pas. La douleur du souvenir de l'époque où ils ne savaient pas qu'un jour ils seraient infidèles à leur propre cœur.
Parmi les hommes politiques, comme parmi les journalistes, et ce, quelles que soient leurs idées et leurs partis, un certain nombre sont achetés, qui par la police, qui par une puissance étrangère, qui par une mafia ou un groupe d'influence. Rares parmi les observateurs, sont ceux qui devinent l'agent retourné, discernent la puissance bénéficiaire de la traîtrise, comprennent le tribut versé au maître officieux, savent le prix payé par celui-ci. Car ces choses n'ont pas lieu dans les zones de lumière.
Il faut en tout cas cesser de croire que Jugurtha et les patriciens romains appartiennent à l'histoire enfermée dans les livres. Jugurtha a lieu sous nos yeux, et nous sentons l'infection de la blessure sans savoir d'où elle provient.
C'est la triste manière d'agir de la trahison politique, et qu'on ne décèle que bien plus tard, ou, dans certains cas, qu'on ne décèlera jamais.
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samedi, 06 février 2010
Entrevue avec Lola Rasmussen-Luche, présidente de la CEAMD
La montagne de l'Ange bleu, où les amoureux de Marlène Dietrich se réunissent chaque année, au solstice d'été. Phot. Sara
AlmaSoror a obtenu une entrevue avec Lola Rasmussen-Luche, présidente de la Confraternité Européenne des Amoureux de Marlene Dietrich.
Edith de CL : Lola, merci d’avoir accepté cette entrevue . Depuis un an, vous présidez la Confraternité européenne des Amoureux de Marlène Dietrich. Vous êtes la première femme à assumer cette responsabilité. Pouvez-vous nous parler de cela ?
Lola Rasmussen-Luche : Pendant longtemps, on n’a pas reconnu à une femme la possibilité d’être folle amoureuse de Marlene Dietrich. C’était une erreur affligeante et je souhaite rappeler les nombreuses femmes qui ont été éperdument amoureuse de Marlène, sans que jamais cet état de fait dans leur cœur soit officiellement reconnu. Mais depuis un an, la Confraternité a prononcé des excuses pour cette erreur et de plus en plus de femmes rejoignent nos rangs. Je vous rappelle que notre emblème est le blason représentant le baiser que Marlène échangea avec Edith Piaf.
Edith de CL : Comment vous êtes-vous rendue compte que vous étiez amoureuse de Marlène Dietrich ?
Lola Rasmussen-Luche : Contrairement à beaucoup d’autres amoureux de Marlène, je n’ai pas eu à proprement parler un coup de foudre. Je l’ai vu dans plusieurs films lors de mon adolescence, sans éprouver de grand amour. Simplement, je l’aimais bien. La révélation est venue peu à peu. On peut dire que mon sentiment s’est exhalé au fil des années, si bien que j’ai bien été, à un moment, obligée de reconnaître ma situation amoureuse.
Edith de CL : Votre Confédération, européenne dans ses statuts et son intitulé, est ouverte aux non européens.
Lola Rasmussen-Luche : L’amour n’a pas de frontière dans le temps. La preuve en est que Marlène est morte depuis longtemps et continue à avoir des histoires d’amour avec nous. L’amour n’a pas non plus de frontière dans l’espace. Nous ne pouvons priver un Chinois ou un Inca de vivre publiquement son histoire d’amour avec Marlène, qui elle-même était philanthrope et n’aurait jamais fait de ségrégations nationalistes ou civilisationnelles. Je vous rappelle une phrase d’Arletty, actrice du XXème siècle : « mon cœur est français, mon cul est international ». Je crois que Marlène aurait pu dire – je sais qu’elle ne l’a pas dit, je ne veux pas lui faire dire ce qu’elle n’a pas dit, je dis juste que je crois qu’elle aurait pu le dire – « mes jambes sont allemandes, mon cœur est international ». Ces deux phrases sont belles et reflètent des personnalités distinctes, mais ressemblantes. Je ferme cette parenthèse délicate.
Edith de CL : Fermons-la, en effet. Comment se passe une histoire d’amour avec Marlène Dietrich ?
Lola Rasmussen-Luche : C’est une question à laquelle personne ne pourra jamais répondre. Parce que toute histoire d’amour est unique. La rencontre, les premières caresses, les mots qui s’échangent… Comment pourrait-on généraliser tout cela ?
Je ne vous raconterais pas mon histoire particulière, parce qu’elle ne concerne que moi. Ma vie intime n’intéresse personne, n’est-ce pas ?
Edith de CL : À propos de la relation physique qui vous unit à Marlène Dietrich, comment vivez vous cette inexistence physique ?
Lola Rasmussen-Luche : Je suis gênée par le mot inexistence. Marlène a existé. Elle a eu un corps. Le fait que ce corps soit mort est différent du fait qu’il n’aurait pas existé. Nous avons des images de son corps, des intuitions personnelles sur ce qu’auraient pu être ses gestes envers nous. Mais cet aspect délicat et compliqué des choses n’est pas simple. En effet, il faut inventer, composer avec cette situation d’amour entre un être vivant et un être mort. Rien n’est simple, mais la foi en l’amour arrange tout. Ne jamais perdre espoir, c’est notre leitmotiv.
Edith de CL : Que pensez-vous des avancées que votre confédération a obtenues récemment ?
Lola Rasmussen-Luche : Je me réjouis de la reconnaissance de notre vie commune avec Marlène ait pu aboutir à un mariage de type CK-22. J’encourage tous ceux qui veulent épouser Marlène à suivre cette solution. Mais je ne peux que déplorer la frilosité des pouvoirs, et notamment ce refus qu’on nous oppose constamment de reconnaître à Marlène la maternité de nos enfants. Quand donc la société sortira de cette ornière poussive, intolérante ?
Edith de CL : Vous arrive-t-il de tromper Marlène Dietrich ?
Lola Rasmussen-Luche : Tromper Marlène ?! Je ne le pourrai jamais. Mais j’ai connu des infidélités. L’absence est triste, hélas, et j’ai vu tous les films.
Propos recueillis par Edith de Cornulier Lucinière, le 37 ventôse 2031, à Sucy en Brie.
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