mercredi, 07 juillet 2010
Des inconvénients qui naissent de leur inconsistance
J'ai en mains un joli livre vert des éditions Cartouche, qui publient un texte oublié depuis sa première édition de 1940.
Les chroniques de la fin d'un monde, de Pierre Mac Orlan, naviguent entre platitudes belles et passages marquants de poésie.
Voilà quelques mots du chapitre intitulé "Romantisme des mers imaginaires".
"D'autres navires fantômes tracassent la solitude des vieux retraités de la marine. Ceux qui aiment à vivre dans le commerce de ces braves gens connaissent également ce tourment. Il faut bien signaler ici ces merveilleux bateaux-fantômes en bouteilles que l'on trouve parfois et à des prix sérieux dans l'arrière-boutique des antiquaires.
Ces bateaux-fantômes en bouteilles proviennent sans doute des grands fonds océaniques, des abysses étranges où les noyés ont des loisirs. Ils sont gréés comme les plus célèbres fantômes des flottes mortes. Ils possèdent un nom, une histoire à dormir debout et des inconvénients qui naissent de leur inconsistance.
Il n'est pas facile d'en posséder un pour le placer sur une cheminée. Cependant, ils existent, quelque part, dans le fouillis séduisant d'une boutique spécialisée. Le chercheur de bateaux-fantômes en bouteille qui ne craint pas la poussière sépulcrale des siècles anciens peut également espérer découvrir, entre autres objets de même provenance, la bourse de Fortunatus, la clé des songes, la lampe d'Aladin, le coffret de Psyché et l'anneau de Gygès. En somme, on trouve tout ce que l'on veut dans les Grands Magasins de l'Aventure qui ne ferment jamais, même les dimanches et fêtes".
Pierre Mac Orlan
Chroniques de la fin d'un monde
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